Connaissance et sociologie Sylvie Craipeau, sociologue, INT Eddie Soulier, informatique, UTT 1 Deux interrogations • Qu’est ce que la sociologie nous dit de la connaissance ? • Qu’est ce que la sociologie nous dit de l’idée d’une « société de la connaissance » et de la connaissance dans les « sociétés techniciennes » ? 2 Un prétexte • Un ouvrage collectif sur les « enjeux et les dangers de l’industrialisation de la connaissance » 3 La connaissance, une notion suspecte • Trois grandes conceptions sociologiques de la connaissance (avec d’innombrables variantes): • • • rationalité ? (individualisme méthodologique, logicisme, naturalisation, mentalisme, vision a-sociale …) déterminisme ? (holisme méthodologique, dimension critique: représentations collectives, croyances, culture) interaction, réalisation en situation ? (immanence, posture non métaphysique, forme d’empirisme) – – • La connaissance, un objet sociologique ambigu: • • • • version « constructiviste », pragmatique (construction sociale de la réalité, conversation, négociation, herméneutique) version phénoménologique, « située » (empiricité matérielle, sens indexical ou contextualisme, savoirs de sens commun doxique) sortie de la sociologie de la philosophie (comme théorie de la connaissance) => pensée non métaphysique, critique du catérorial d’Aristote à Kant (cf hors choix rationnel) sortie de la sociologie de la psychologie (social non fondé sur le cognitif) Sortie croissante du modèle de la langue => modèle de la parole, de la communication, de l’interaction (le sens, c’est l’emploi, l’usage) Une notion un peu délaissée par la sociologie mais reprise par l’anthropologie, cf. culture) 4 L’idée d’une « sociologie de la connaissance » • La sociologie de la connaissance est une branche de la sociologie qui a pour objet la connaissance humaine considérée comme un phénomène social, c'est-à-dire dont l'élaboration est influencée ou déterminée par des circonstances socio-historiques particulières. • En s'intéressant aux modes de pensée des acteurs saisis en fonction de leur groupe d'appartenance et de la situation qu'ils occupent dans un état de société donné, la sociologie de la connaissance a pour but de mettre en lumière la manière dont les gens pensent et connaissent effectivement au quotidien. 5 Les précurseurs • Karl Marx: opposition de la praxis (yc la « réalité ») à l’idéologie (mots, idées …) • Emile Durkheim, « Représentations individuelles et représentations collectives ». In Revue de métaphysique et de morale, 1898. – la psychologie sociale comme étude des représentations collectives / sociales => les travaux de Serge Moscovici, en France • Max Scheler, Problèmes de sociologie de la connaissance, PUF, [1926] 1993 • Karl Mannheim, Idéologie et Utopie. Une introduction à la sociologie de la connaissance (première parution 1939 en Allemagne) • Peter Berger et Thomas Luckmann, La Construction sociale de la réalité (1966), Paris, Armand Collin, 1996. 6 L’idée d’une « sociologie des sciences » • Robert K. Merton, « The Normative Structure of Science » (1942) in Storer N.W. (ed.), The Sociology of Science, Chicago, 1973, University of Chicago Press, p. 267-278 => "père" fondateur de la sociologie des sciences autour de la question des "normes" de l'activité scientifique • T. Kuhn, La structure des révolutions scientifiques, 1962 => dimension sociale des contenus scientifiques • A partir des années 1970, courant SSK (Sociology of Scientific Knowledge): David Bloor et Barry Barnes; Harry Collins ; Bruno Latour et Michel Callon en France (sociologie de l’acteur-réseau) => tournant relativiste 7 Une critique sociologique de la société de la connaissance • Caractérisation sociologique de la société comme une société postindustrielle, de l’immatérielle, de l’information, du service ou de la connaissance: – rationalisation des activités (cognitives, relationnelles et émotionnelles) et son implication (instrumentation des gens, marchandisation du savoir et du cognitif) – rôles des techniques dans ce mouvement (société technicienne, technique comme unique facteur de progrès) • Montée des critiques : – « capitalisme cognitif « (Yann Moulier-Boutang) et industries de la connaissance comme « populisme industriel » (Bernard Stiegler) – sur fond d’un constat d’échec relatif du knowledge management en tant qu’innovation de gestion (Segrestin, 2004) 8 « Une épistémologie de l’ingénierie des connaissances : du savoir de l’expert au savoir des foules » 9 Approches postcognitivistes du savoir Perspectives orientées cognition Perspectives orientées humaine cognition d’un système Phénoménologie (ethnométhodologie, action située) Théorie de l’acteur-réseau Théorie de la pratique (cognition située, apprentissage situé) Théorie de l’activité Cognition distribuée • Tournant des années 80-90 en faveur de l’activité et de l’interaction plutôt que des représentations symboliques: – – – – – Thèses externalistes (l’esprit est social et non mental. Le moi ne se manifeste que dans le processus de l’interaction sociale), Rôle des médiations symboliques et matérielles (yc des agences) Distribution des opérations cognitives entre les personnes et des choses, puis des collectifs (yc action à distance dans la sociologie de l’acteur-réseau) Activité située dans un contexte, rôle de l’environnement (yc affordances) Historicité / générativité (yc immanence plutôt que transcendance) 10 Les paradigmes du contrôle des savoirs Collaboration de Masse (La collaboration, la sociabilité) Web Sémantique (Les documents, l’information) Knowledge Management Savoir / information (Les ressources) Modélisation des connaissances (Le modèle) Acquisition des connaissances (L’expert) Travail / société 11 Questionnement autour du social • Quelle place du social, de la société et de la sociologie, entre le marchand (et le technique) et le psychologique ? • Quelle image de la société dans l’idée de la « société de la connaissance » ? – Entre une vision « naturaliste » (efficacité, performance) – Et une vision « sociale » de la société de la connaissance (choix de politique) 12