Jean-Yves Patte : historien de la musique
Ce passionné de musique classique écrit des livres et met sur pied des expositions qui nous replongent
dans l'ambiance des salons romantiques du temps de Frédéric Chopin.
Le coffret CD-livre Les étés de Frédéric Chopin à Nohant, cosigné avec le pianiste Yves Henry, est sorti il y a
quelques mois. En 2010, il concevra des expositions Chopin au château d'Ars (près de La Châtre), au musée de
Châteauroux mais aussi en Pologne (pays d'origine du compositeur) et au Japon : la célébration du bicentenaire
de la naissance du célèbre compositeur ne laissera cidément pas Jean-Yves Patte inactif ! Et pour cause : ce
Castelroussin d'adoption, qui est à la fois historien d'art, écrivain et commissaire d'exposition, s'affirme de plus en
plus comme un véritable spécialiste de Chopin et de la musique romantique.  
Issu de l'École de Louvre 
Il avoue être un piètre pianiste mais la musique a tout de même été la vocation première de ce Parisien issu
d'une famille de purs scientifiques. Il se voyait chanteur lyrique et a d'ailleurs très sérieusement tenté de le
devenir, tout en poursuivant des études considérées comme plus sérieuses : d'abord de droit (pure concession à
la famille) puis à l'École du Louvre il étudie durant sept ans l'histoire de l'art et la muséologie. Après son
diplôme, il renonce à devenir conservateur de musée. Il préfère écrire et organiser des expositions ponctuelles, «
ayant toutes trait à la musique. »
C'est un livre intitulé Les promenades de Frédéric Chopin qui le conduit dans le Berry : « Avec Jacqueline
Queneau, nous voulions montrer comment s'était forgé le destin européen de Chopin, se souvient-il. Au XIXe
siècle, le public n'avait bien sûr pas accès à toutes les musiques du monde en deux clics sur Internet. Les artistes
étaient leurs propres médias. Pour se faire connaître, ils multipliaient les concerts, rencontraient beaucoup de
gens et se déplaçaient continuellement. Pour rendre cela perceptible, nous avons présenté tous les lieux qui
avaient compté pour Chopin, en Pologne, en Autriche, en Allemagne et en France... Nohant en faisait
évidemment partie. »
Après la parution, Jean-Yves Patte revient à Nohant présenter son livre et organiser une exposition. Il rencontre
Jean-Yves Clément et crée le festival des Lisztomanias, qui se déroule à Châteauroux en octobre : « Jean-Yves
Clément se charge du son, moi de l'image, précise-t-il, c'est-à-dire des expositions (et des conférences) qui
montrent dans quel contexte historique s'inscrivait la musique romantique. C'est aussi ce que j'ai voulu faire
dans le coffret CD-livre avec Yves Henry : évoquer le cadre privilégdont Chopin a bénéficié à Nohant et qui lui
a permis d'écrire ses plus belles pages.»
Pas si loin de Paris
S'étant fait dans l'Indre un solide réseau d'amitiés, l'historien d'art a emménagé depuis deux ans dans une
maison à Châteauroux avec son épouse, la comédienne Anne Trémolière, et ses deux enfants : « J'y dispose de
beaucoup de place, explique-t-il. Et puis Paris n'est qu'à deux heures de train. Il y a des banlieusards qui mettent
davantage de temps pour rentrer chez eux ! » À Châteauroux, notre homme donne des cours d'histoire de l'art
dans le cadre de l'association 55 ans et plus. À Paris, il se rend plusieurs fois par semaine, il anime une
chronique sur France-Musique, tous les samedis de 8 h 15 à 8 h 30. Elle est l'occasion pour lui de donner libre
cours à sa passion pour les vieux enregistrements : « Je les collectionne depuis l'âge de 8-9 ans, dévoile-t-il.
Nous avons aujourd'hui environ cent trente ans d'archives sonores. Mais, malgré son intérêt, ce patrimoine est
encore largement sous-exploité par les historiens. Dans notre domaine, ces vieux enregistrements, par exemple
du chef d'orchestre Édouard Colonne ou du pianiste Francis Planté (né en 1839 !), donnent la mesure de
l'énergie et du dynamisme des interprètes romantiques : la musique sonne comme un cri. Le cliché du
romantique gémissant et se regardant souffrir avec complaisance est un contresens ! »
Des musées
aux plateaux de cinéma
Spécialiste du romantisme et du XVIIe siècle de Mme de Sévigné une autre période bouillonnante et novatrice
»), Jean-Yves Patte fait œuvre d'historien. Sa particularité est qu'il ne donne pas seulement à lire. Il donne aussi
à entendre (grâce aux archives sonores) et à voir, grâce à ses expositions. Pour lui, la connaissance du passé ne
se transmet pas seulement par le mot mais aussi par ces objets que les musées ont pour mission de préserver et
de présenter au public de façon éclairante. À cet égard, le commissaire d'exposition est un adepte du
« period room, » une conception anglo-saxonne qui préconise de reconstituer le plus fidèlement possible les
intérieurs d'une époque donnée pour que le public comprenne la manière dont les gens se déplaçaient dans une
pièce, comment ils regardaient un tableau ou écoutaient de la musique. On n'est pas si loin du tier de
décorateur de cinéma ! Jean-Yves Patte a d'ailleurs été consultant pour les décors de table du film Vatel, de
Roland Joffé, et pour le documentaire sur Jeanne d'Arc Vraie Jeanne fausse Jeanne.
Parlant avec flamme des sujets qui l'animent, Jean-Yves Patte ne résiste cependant pas au plaisir simple d'un jeu
de mots. Aux antipodes de l'intellectuel désincarné, c'est un érudit polyvalent attiré par le monde concret :
lorsqu'un vieux traité de cuisine lui tombe entre les mains, ce bon vivant n'a de cesse d'en tester les recettes. De
la même manière, il n'hésite pas à plonger les mains dans le mécanisme de ces vieux pianos Pleyel dont la
sonoriséduisait tant Chopin. « Non pour les restaurer, prévient-il modestement. Plutôt pour les maintenir en
état de marche. » Jean-Yves Patte est tout simplement un de ces homes qui ont le don de rendre le savoir moins
austère.
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