25 Décembre 1969 Le séisme qui perturbe Noël Le jeudi 25 décembre 1969 à 17h32min27sec (heure locale), le jour de Noël, un nouveau séisme s’ajoute à la longue liste des tremblements de terre qui secouent annuellement la Martinique. Les données techniques Magnitude estimée 6,4 Intensité VI Coordonnées Lat = 15°47N ; Long = 59°38W - Observatoire de la Guadeloupe Situation Nord-Est de la Caravelle Type Séisme de subduction ou intra-plaque Profondeur 42 km (Source : M. Feuillard, Macrosismicité de la Guadeloupe et de la Martinique, IPGP,1985) Cartes de localisation de l’épicentre du séisme Plan et coupe (source : IPGP) L'observatoire de Porto-Rico enregistre une activité sismique pendant près de deux heures après la première secousse. Ce séisme est ressenti en Guadeloupe avec la même intensité puisque le foyer se situe à mi-chemin entre les deux îles. Un petit tsunami y est même observé. Tsunami : Mot d'origine japonaise. communément appelé raz de marée dont les hautes vagues déferlant sur les rivages ne sont pas d’origine climatique mais géologique (séisme en mer, éruption volcanique, météorite…) Ce séisme est aussi ressenti de Porto-Rico jusqu'à Caracas (Venezuela). Enregistrement du séisme Il s'agit d'un sismogramme dit "au noir de fumée". Le papier enregistreur est préalablement noirci et les stylets du galvanomètre actionnés par un amplificateur relié au sismomètre, gravent dans ce noir de fumée les mouvements du sol. L’enregistrement est ensuite fixé par immersion dans un vernis à la gomme-laque. Ce type d'enregistrement est utilisé à l'observatoire du Morne des Cadets entre 1935 et 1972. Lors de ce tremblement de terre, Sylvain Eschenbrenner est le Directeur de l'observatoire. Sismomètre au noir de fumée (En exposition à l'Observatoire Volcanologique et Sismique de Martinique) La crise sismique Ce tremblement de terre est suivi de nombreuses répliques ressenties ou non par la population. Elles sont enregistrées par les observatoires de la Guadeloupe et de la Martinique dans les semaines qui suivent. On parle alors de crise sismique. • Deux répliques, le jour même, à 18h26min42sec (Intensité II) et 18h31min54 sec (Intensité III) sont visibles sur le sismogramme. • Le lendemain, France-Antilles annonce un séisme par minute dans la nuit du 25 au 26 selon l'observatoire du Morne des Cadets. • La crise se prolonge les mois suivants avec un nombre conséquent de séismes journaliers. 1 1969 Nov. 2007 Sismogramme du 24 décembre 1969 12h00 au 26 décembre 1969 12h00 (Archives de l’Observatoire Volcanologique et Sismologique de la Martinique) Le contexte historique Le 20 juillet, l’homme fait ses premiers pas sur la lune alors que l’exploration des fonds marins de notre planète, permettant de vérifier la tectonique des plaques, n’en est qu’à ses débuts. En France, le référendum, organisé le 27 avril, rejette le projet de réforme des régions et du Sénat par 53,17% des suffrages exprimés. Le 28 avril le Général de Gaulle démissionne et Alain Poher, président du Sénat, assure l’intérim. N Histogramme illustrant le nombre de répliques journalières enregistrées entre décembre 1969 et février 1970 en Martinique L’échelle verticale est logarithmique - (source : Feuillard - 1985). 100. 10. 1. DEC JANVIER FEVRIER Le 15 juin, Georges Pompidou est élu avec 58,2% des suffrages exprimés contre 41,8% pour A. Poher. Une du France Antilles du 27 décembre 1969 A la Martinique, la Société Anonyme de Raffinage des Antilles voit le jour. Aimé Césaire publie « Une tempête » où il explore les catégories de l’identité raciale et les schémas de l’aliénation coloniale. Une du France Antilles du 27 décembre 1969 Aucun blessé et peu de dégâts matériels Une du France-Antilles du 15 janvier 1970 2 1969 Nov. 2007 Les communes de la côte atlantique sont les plus touchées : de nombreux édifices publics sont lézardés au François, au Marigot, au Robert, au Gros-Morne et au Saint-Esprit. Au Lorrain, l’église, le presbytère et l’hospice sont endommagés. Certaines maisons lézardées doivent être démolies. Anecdotes sur les connaissances géologiques de 1969 Après ce tremblement de terre, les quotidiens s'intéressent aux avancées des connaissances dans les domaines de la sismologie et de la géotectonique, sciences alors en plein essor. "La faille de la ceinture de feu de l'Atlantique" Depuis le début des années 60 et la validation de la théorie de la tectonique des plaques, les scientifiques pensent que les séismes et les volcans, grandes manifestations géologiques de l'écorce terrestre, sont causés par des mouvements au niveau des failles qui délimitent les différentes plaques tectoniques de la surface du globe. Dans le France Antilles du 27 Décembre 1969, on peut lire qu’une de ces grandes failles partait du Venezuela, traversait l'Atlantique puis la Méditerranée et serait à l’origine des tragédies meurtrières de Chlef (anciennement Orléansville) en Algérie en 1954, d'Agadir au sud du Maroc en 1960 (15 000 victimes soit 40% de la population), et de Skoplje en Yougoslavie en 1963. Ressenti à Caracas et localisé à 183 km de nos côtes, le séisme du 25 Décembre 1969 confortait cette thèse. Aujourd'hui, les grandes limites des plaques sont bien connues aux Antilles. On sait que cette grande faille entre le Venezuela et la Méditerranée n'existe pas mais que les activités sismique et volcanique de l’Arc antillais sont liées à la subduction des plaques Américaines (Nord et Sud) sous la plaque Caraïbe. Cette subduction est marquée par une grande faille sous-marine qui s'étend sur plusieurs centaines de kilomètres à l'Est de l'Arc. Carte géotectonique illustrant les limites de la plaque Caraïbe (source : Feuillet, 2000, Thèse de l'Université Paris7. Sismotectonique des Petites Antilles. Liaison entre activité sismique et volcanique) "Les séismes préventifs" Toujours dans l'édition du France Antilles du 27 Décembre 1969, on peut également lire que des "tremblements de terre préventifs permettraient de libérer la pression à certains endroits de l'écorce terrestre pour désamorcer les cataclysmes naturels". Mais l'hypothèse des séismes préventifs telle que décrite ci-dessus tient toujours du domaine de la fiction. En effet, même si des séismes artificiels peuvent être déclenchés par explosion pour la recherche scientifique (ex: pour cartographier les failles), ou encore pour l’industrie (ex : recherche du pétrole, …) dans le but de connaître la structure du sous-sol, le génie humain n’a pas encore les capacités à reproduire ce phénomène de libération d’énergie lors de secousses sismiques. C’est aussi l'année d’entrée en vigueur de nouvelles normes parasismiques. Après le tremblement de terre d’Agadir, le 29 février 1960, des règles dites « Normes d’Agadir 1960 – NA60 » sont rendues applicables pour la reconstruction d’Agadir ; en 1969, elles sont remplacées par le règlement parasismique PS69 applicable à la France métropolitaine et dans les DOM. 3 1969 Nov. 2007 Le séisme du 25 décembre 1969 n'est certes pas le plus intense que la Martinique ait connu au XXème siècle mais il est le premier séisme ressenti de façon significative depuis 1953. Il a su attirer l'intérêt des scientifiques, intrigués par sa longue crise sismique et son caractère tectonique particulier de part sa localisation très à l'Est au-delà de la limite de subduction. L’explication de cette crise fait encore débat au sein de la communauté scientifique. Il a également su capter l'intérêt des médias qui commencent alors à vulgariser l'information scientifique dans le domaine des sciences de la Terre, pour la rendre accessible à tous.