Grammaire L3 EAM / 9. Constructions particulières
- 1 -
CHAPITRE 9 :
QUELQUES CONSTRUCTIONS VERBALES PARTICULIÈRES
Dans ce chapitre, nous aborderons quelques verbes ou constructions particuliers, qui se distinguent de la
structure de type Sujet Verbe (Objet) que l'on impute classiquement à la phrase française, et qui peuvent
éventuellement modifier la structure argumentale du verbe décrit.
1. VERBES vs CONSTRUCTIONS
La première approche du phénomène consiste à distinguer le nombre de constructions que peut avoir un verbe
donné.
Considérons les exemples (1) :
1. a. Sophie a repeint la chambre
[Sophie][a repeint la chambre]SV
b. La chambre a été repeinte par Sophie
[La chambre][a été repeinte par Sophie]SV
L'exemple (1a) présente le verbe repeindre sous sa forme de base, dans laquelle il apparaît comme un verbe
transitif direct, associé à un sujet (Sophie) et à un objet direct (la chambre).
L'exemple (1b) au contraire présente une série d'alternances qui le distinguent de l'exemple (1) ; on remarque
notamment :
- que le syntagme [la chambre], qui est sujet dans (1b) est objet de (1a) ;
- que le SN [Sophie] est sujet en (1a) et Complément d'Agent dans (1b).
=> Ce type de construction est appelé construction passive. Par opposition, (1a) est appelé phrase active.
L'exemple (1) montre que le verbe repeindre dispose de deux constructions, l'une active, l'autre passive.
Si l'on considère l'exemple (2), on peut constater que le verbe penser n'est pas passivable. Il n'a donc qu'une
seule construction.
2. a. Sophie pense à Max
b. *Max est pensé (par Sophie)
c. *A Max est pensé par Sophie
=> Par constructions, on entend les différentes manières dont un verbe donné peut être associé à ses
arguments. Un verbe donné peut avoir une ou plusieurs constructions.
Observons à présent le contraste (3-4). Le verbe réveiller a deux constructions :
- il peut avoir pour objet direct un SN renvoyant à un autre référent que le sujet Paul, par exemple Marie (3a).
- il peut au contraire être employé de manière réfléchie, auquel cas le pronom se permet d'indiquer que le SN
Paul doit être interprété à la fois comme le sujet et l'objet du verbe.
3. a. Paul a réveillé Marie
b. Paul l'a reveillée
c. Paul s'est reveillé
L'exemple (4a) semble similaire à (3c) : on retrouve le même pronom se, renvoyant au SN sujet [le prisonnier].
Cependant, l'alternance entre un objet distinct du sujet et un objet coréférent au sujet observable en (3) ne l'est
plus en (4). Autrement dit, le verbe s'enfuir n'existe que sous sa forme pronominale (ou 'réfléchie').
La seule construction possible du verbe s'enfuir est pronominale. Il n'y a donc pas d'alternance possible entre
plusieurs constructions. Le caractère pronominal n'est donc pas du à la présence d'une construction particulière
comme en (3), mais au contraire comme une propriété intrinsèque au verbe lui-même. On parlera alors de
verbe pronominal.
4. a. Le prisonnier s'est enfui
b. *Le prisonnier a enfui
c. *On a enfui le prisonnier
Grammaire L3 EAM / 9. Constructions particulières
- 2 -
• On pourrait pense qu'un phénomène de changement de construction est à l'œuvre dans les exemples (5) :
5. a. Paul réfléchit à ce problème
b. La lune se réfléchit sur le lac
Cependant, réfléchir en (a) et en (b) n'ont pas le même sens. Si le sens d'un verbe varie entre plusieurs phrases,
on considèrera qu'il ne peut pas s'agir de constructions différentes, mais de verbes différents.
La même observation vaut pour (6) : la variation sémantique indique qu'on a à faire à deux verbes différents.
6. a. Paul a volé les bijoux
b. Les oiseaux volent.
Bilan :
• Tout verbe a au moins une construction.
• Certains verbes ont plus d'une construction.
=> On dira qu'un verbe a plus d'une construction quand il peut apparaître en conservant le même sens dans des
phrases qui présentent des caractéristiques différentes :
- phrases personnelles / phrases impersonnelles
- phrases réfléchies / non réfléchies
- phrases actives / phrases passives
- changement de fonction sujet / objet
2. STRUCTURES IMPERSONNELLES
Les verbes et les constructions impersonnels peuvent être caractérisés comme des structures dont le sujet est le
pronom impersonnel il.
1.1. Le sujet impersonnel
Observons les exemples (7) et (8) :
7. Il neige
8. Il dort
Le pronom il n'a pas la même valeur dans les deux exemples. En (7), il est en effet qualifié de pronom
impersonnel, et dispose de caractéristiques particulières : il ne renvoie pas à une entité de la réalité extra-
linguistique, ou à un antécédent présent dans le discours antérieur. Sur le plan référentiel, on peut donc dire
qu'un pronom impersonnel n'a ni référent ni antécédent. En conséquence, il ne peut pas alterner avec un autre
élément qu'il pronominaliserait, qu'il s'agisse d'un SN, d'un nom propre ou d'un autre pronom.
9. {Il / *elle / *Max / ??le ciel / *la neige} neige
Cet emploi contraste avec celui illustré en (8), où le pronom il peut alterner avec d'autres éléments :
10. {Il / elle / Max / le bébé} dort
1.2. Verbes impersonnels
Il existe en français un certain nombre de verbes qui se construisent exclusivement avec un sujet
impersonnel. Ces verbes sont appelés verbes impersonnels.
Parmi ces verbes, on relève notamment :
Les verbes exprimant des phénomènes météorologiques (neiger, grêler, pleuvoir, etc...)
11. a. Il {neige / grêle / pleut}
b. *Elle {neige / grêle / pleut}
A ces verbes s'ajoutent des structures exprimant le même type d'informations, et employant faire suivi d'un
adjectif ou d'un élément nominal :
12. a. Il fait chaud / froid
b. Il fait du vent
Grammaire L3 EAM / 9. Constructions particulières
- 3 -
Le verbe falloir :
13. a. Il faut partir
b. *Elle faut partir
• Les structures exprimant une information temporelle (au moyen de faire, être, ...):
14. a. Il est tard
b. Il est midi
c. Il est temps de rentrer
d. Il fait nuit
avoir dans il y a :
15. a. Il y a du soleil
b. Il y a quelqu'un qui te demande
1.3. Constructions impersonnelles
Outre leur construction habituelle, dans laquelle ils peuvent disposer d'un sujet référentiel (et donc susceptible
d'alterner avec un SN), de nombreux verbes peuvent se construire de manière impersonnelle.
• D'une manière générale, on peut constater un phénomène d'alternance entre :
- un sujet impersonnel et un syntagme apparaissant après le verbe (16a) ;
- ce même syntagme employé en fonction sujet (16b) :
16. a. Il-imp V [Syntagme X]
b. [Syntagme X] V
1.3.1. Alternances verbales
Ce phénomène est illustré dans les exemples ci-dessous [= 5.1. Verbes à renversement] :
17. a. Il est survenu un accident
b. Un accident est survenu
18. a. Il s'est produit des phénomènes étranges
b. Des phénomènes étranges se sont produits
19. a. Il émane de la cave une odeur bizarre
b. Une odeur bizarre émane de la cave
20. a. Il a été perdu de nombreux objets au cours de la bagarre
b. De nombreux objets ont été perdus au cours de la bagarre
[= 4.2.3. Passif impersonnel]
1.3.1. Alternances adjectivales
Le même type d'alternance est permis par certains adjectifs, qu'on pourrait donc qualifier d''adjectifs à
renversement'.
21. a. Il-imp être + Adj [Syntagme X]
b. [Syntagme X] être + Adj
22. a. Il est interdit [de [fumer]SV]SubInf
b. [[Fumer]SV]SubInf est interdit
23. a. Il est probable [que Max soit en retard]Sub
b. [Que Max soit en retard]Sub est probable
Grammaire L3 EAM / 9. Constructions particulières
- 4 -
• L'ensemble des exemples présentés amène un certain nombre de remarques complémentaires.
- Les constructions impersonnelles sont acceptables lorsque l'argument du verbe est un SN (17-20) ou une
subordonnée (21-23).
- La construction impersonnelle peut se rencontrer en parallèle avec d'autres : réflexivité (se produire), passif
(20).
3. LA REFLEXIVITE
3.1. Présentation
D'une manière générale, la réflexivité d'un verbe ou d'une construction en français peut être caractérisée par la
présence en position préverbale d'un pronom réfléchi.
- Lorsque le verbe est à la 3° personne, le pronom réfléchi a une forme distincte : se
24. a. Jean se couche
b. Jean {le / la / les} couche
25. a. Les enfants s'habillent
b. Les enfants {l' / la / les} habillent
- Lorsque le pronom réfléchi n'a pas une forme spécifique, on l'identifie par le fait qu'il possède les mêmes traits
de personne et de nombre que le sujet :
26. a. Je1°Sg me1°Sg change [réfléchi]
b. Je1°Sg te2°Sg change [non réfléchi]
27. a. Vous2°Pl vous2°Pl levez [réfléchi]
b. Nous1°Pl vous2°Pl levons [non réfléchi]
En outre, les verbes et les constructions réfléchies se caractérisent systématiquement par l'emploi de
l'auxiliaire être dans les formes verbales composées :
28. a. Jean s'est couché
b. Jean {le / la / les} a couché(e)(s)
c. Les enfants se sont habillés
d. Les enfants {l' / la / les} ont habillé(e)(s)
e. Je me suis changé(e)
f. Je t'ai changé(e)
g. Vous vous êtes levé(e)(s)
h. Nous vous avons levé(e)(s)
3.2. Les verbes réfléchis
Les verbes réfléchis (également appelés 'verbes strictement pronominaux') sont des verbes qui ne peuvent être
construits que de manière pronominale, c'est-à-dire à l'aide d'un pronom réfléchi. Autrement dit, ils n'ont pas
de contrepartie non pronominale :
29. se-V / *V
30. a. Elle se souvient de sa jeunesse
b. *Elle souvient de sa jeunesse
c. *Elle me souvient de sa jeunesse
31. a. L'oiseau s'est envolé
b. *L'oiseau a envolé
c. *On a envolé l'oiseau
32. a. Tu t'es évanoui
b. *Tu a évanoui
c. *Tu l'as évanoui
[ d. Tu es évanouiAdjectif]
Grammaire L3 EAM / 9. Constructions particulières
- 5 -
3.3. Les constructions réfléchies
Bien que toutes les constructions réfléchies partagent les mêmes propriétés morphosyntaxiques, elles se
subdivisent en plusieurs classes si on les envisage sous leur aspect sémantique.
3.3.1. Les constructions à cause interne
On définit traditionnellement les constructions réfléchies comme des structures dans lesquelles le sujet fait
l'action sur lui-même. Si l'on se place dans un cadre sémantique, cela signifie que le sujet est à la fois considéré
comme l'agent (c'est-à-dire l'instigateur volontaire de l'action décrite par le verbe) et comme le patient
(l'entité subissant cette action).
33. a. [Paul]Agent a couché [son fils]Patient
b. [Paul]Agent/Patient s'est couché
34. a. [Paul]Agent/Patient s'est donné un mois pour finir son travail
b. [Paul]Agent a donné un mois [à Zoé]Patient pour finir son travail
Dans ces structures, le sujet, en tant qu'agent, cause l'action décrite par le verbe. La cause est donc exprimée par
un élément de la phrase : elle est interne.
• Les constructions réciproques constituent un second cas de structures à cause interne :
35. a. [Paul et Marie]Agen+Patient se détestent
b. [Paul]Agent déteste [Marie]Patient et [Marie]Agent déteste [Paul]Patient
36. a. [Paul et Marie]Agent+Patient se sont embrassés
b. [Paul]Agent a embrassé [Marie]Patient et [Marie]Agent a embrassé [Paul]Patient
Un sujet non-humain peut être le seul instigateur de l'action, s'il en a la capacité ; en (37), les événements ne
sont pas provoqués 'de l'extérieur'.
37. a. Le vent se lève
b. Le soleil se couche
c. Le brouillard se répand
Il s'agit là encore de structures à cause interne.
3.3.2. Les constructions à cause externe
Certaines constructions pronominales se distinguent des précédentes par le fait qu'elles ne possèdent aucun
constituant qui pourrait être analysé comme l'entité à l'origine de l'événement. La cause est donc
nécessairement externe à la phrase.
(i) C'est le cas dans les structures appelées constructions pronominales passives (ou constructions moyennes) :
38. a. Les timbres s'achètent dans les bureaux de tabac
b. Le château se voit de loin
c. Ce plat se mange en hiver
d. La laine ne se lave pas à la machine
Le SN sujet ne peut être interprété ici que comme le patient. La meilleure paraphrase de ces structures consiste à
introduire un sujet indéfini comme on et à employer le SN initialement sujet comme objet du verbe :
39. a. On achète les timbres dans les bureaux de tabac
b. On voit ce château de loin
c. On mange ce plat en hiver
d. On ne lave pas la laine à la machine
On peut observer que, dans toutes ces structures, le SV est interprété comme décrivant une particularité ou une
propriété du sujet. De plus, ces structures se caractérisent fréquemment par la présence d'un syntagme après le
verbe ; la suppression de cet élément provoque un changement de sens :
1 / 10 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !