Traitement de la lombalgie par la méthode des réflexes posturaux

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Mise au point
Traitement de la lombalgie
par la méthode des réflexes
posturaux
Ann. Kinésithér., 1981,8,229·244
M. A. GILBERT
1
La méthode de rééducation ((par les réflexes posturaux )) est née en
1940 grâce aux observations cliniques de Mme Van Der Voort-Bugnet,
kinésithérapeute hollandaise; ses idées furent développées par Mme Van
Gunsteren, Mme de Richemont et Mme Van Wermeskerken, pour être
appliquée en orthopédie et en neurologie. Introduite en France, puis
adaptée à la rhumatologie par Mlle Gilbert et son équipe de rééducation à
l'hôpital de la Croix-Saint-Simon, elle est applicable aux lombalgies, mais
ne se limite pas à ce champ d'application. L'intérêt réside surtout dans la
participation nécessairement active du lombalgique au traitement en
cours: lepatient ne subit plus, n'imite pas passivement, n'exécute pas sans
comprendre: il devient partie prenante, et son implication est
déterminante. La technique d'application est subtile: elle requiert
attention, vigilance,patience, associées à une solide préparation de la part
du thérapeute. Les réactions de résistance ou de maintien en réponse aux
sollicitations du kinésithérapeute constituent pour le patient un capital de
relations neuro-musculaires nouvelles etfonctionnellement utilisables.
INTRODUCTION
Les années qui ont passé depuis les premiers essais de rééducation
des lombalgiques
par la Méthode des Réflexes Posturaux n'ont fait que
confirmer les bienfaits que l'on peut attendre de cette technique dont nous
allons rappeler quelques traits essentiels.
Méthode globale, statique, basée sur un certain nombre de réflexes
dont, en particulier, ceux qui permettent le maintien postural (1); c'est une
méthode proprioceptive neuro-musculaire, comme, par exemple, celles de
1. Kinésithérapeute-moniteur,
chef du service de Rééducation fonctionnelle
(Dr Hubault) à l'hôpital de
la Croix-Saint-Simon,
75960
Paris. Représentante
en France de la Méthode
des Réflexes Posturaux.
Chargée d'enseignement
post-universitaire.
Pour tous renseignements
concernant
l'enseignement
de cette
Méthode, s'adresser à Mlle M. A. Giibert, 69, boulevard de Beauséjour, 75016 Paris.
229
Kabat, Knott, Rood, Bobath ..., s'inspirant des mêmes données neuro-physiologiques mais gardant un système d'application tout à fait différent.
Nous utilisons donc l'arc réflexe: sensibilité de la peau, des articulations, nerf sensitif, corne postérieure de la moelle, bombardement de
la corne antérieure motrice pour obtenir une « réponse» de la part du malade : augmentation du tonus, réflexe de défense que nous aurons à réveiller chez nos Patients.
A propos de ce réflexe de défense, il faut s'attarder un peu pour dire
qu'il est totalement à réveiller chez les patients qui viennent chez le
kinésithérapeute. Le malade s'attend à devoir rester passif pour supporter
son traitement. Il ne se défend contre les Résistances que le kinésithérapeute lui donne que lorsqu'on le lui demande. On peut dire alors
qu'il ne s'agit pas d'un réflexe mais d'un acte volontaire. Cependant,
mettons ce même patient dans une foule qui le bouscule, il aura
instantanément des réflexes de défense pour ne pas tomber, pour garder
son attitude, sa posture. Le réflexe postural dépend de la sensibilité
tensionnelle des muscles et de la sensibilité profonde des articulations.
Une des caractéristiques de cette méthode est le fait de prendre une
position que le kinésithérapeute choisit en fonction de certains critères, en
particulier pour que le malade travaille sur un squelette corrigé à tous les
niveaux à la fois et pour que la diffusion de l'effort se fasse au mieux dans
tout le corps, et tout particulièrement des régions fortes vers les régions
faibles.
Une fois que cette position de départ est prise (il faut le plus souvent,
surtout en début de traitement, que le kinésithérapeute aide le patient à
se corriger); le kinésithérapeute donnera au malade des résistances qui
doivent être progressives et éventuellement maximales, faisant appel au
réflexe de défense, et le malade doit résister en prenant tous les points
d'appui nécessaires pour ne pas perdre sa position corrigée. Le malade
n'est donc pas « passif». Ce travail qui s'effectue par des contractions
isométriques, c'est-à-dire sans mouvement, est très intense.
Travaillant de façon statique, le malade sentira (et ceci de plus en plus
au fur et à mesure des séances de kinésithérapie accomplies) la lutte
intense qui se fait en lui-même: lutte des groupes musculaires agonistesantagonistes, interdépendants et dont les contractions
doivent se
contrebalancer en force. Cette lutte des groupes musculaires interdépendants améliore la fonction, car elle permet la stabilisation des articulations. Le mouvement est dépendant de la stabilité des articulations. Par
ailleurs, on sait que l'amélioration de la fonction se fait par celle de la
coordination musculaire péri-articulaire (2).
Dans ce travail statique, nous profitons de la loi de Sherrington
concernant la co-contraction des muscles antagonistes et ceci autour de
l'axe frontal, sagittal et longitudinal.
Pour augmenter le travail musculaire, le kinésithérapeute ajoute aux
230
résistances, des manipulations musculaires qui sont, soit de renforcement
(2 sortes), soit d'élongation.
Le cadre de cet article ne permet pas de s'étendre longuemènt sur ce
que sont ces manipulations. On peut seulement dire qu'elles stimulent la
partie sensorielle ou afférente des voies réflexes et permettent d'augmenter le travail demandé. Ces manipulations musculaires se font pendant le
travail des muscles. Elles consistent en une manipulation profonde qui
contrarie le travail des fibres musculaires. Elles sont essentiellement
actives et n'entrent pas dans le domaine du massage.
Il est intéressant de noter que le fait de s'opposer à des résistances
venues de l'extérieur, aux auto-résistances que le malade crée et ressent
en lui-même, et aux manipulations musculaires, développe considérablement et rapidement la sensation du schéma corporel du malade.
Au bout de 4 à 5 séances, le malade « sent» ce qui se passe en lui. Il
prend une conscience profonde de son attitude et de ce qu'il doit faire pour
la corriger, ce qui lui permet peu à peu de pouvoir faire quelques exercices
seul chez lui, d'éviter les positions douloureuses et de soulager lui-même
ses douleurs en corrigeant son attitude dans la vie courante. Les exercices
durent 8", sont suivis d'un relâcher lent et contrôlé et sont exécutés sur le
temps expiratoire. Ils sont répétés 3 fois.
CHOIX DE TECHNIQUE
EN FONCTION DU TABLEAU CLINIQUE
C'est ici que nous entrons tout naturellement dans le problème de la
position du lombalgique. On s'entend pour dire que la lombalgie provient
d'une « détérioration structurale du disque» et qu'elle « est manifestement
influencée par tous les facteurs mécaniques aboutissant au surmenage
discal» (3). Ce surmenage discal peut être da à des efforts inconsidérés ou
maladroits de la part du patient, mais la lombalgie peut aussi apparaître à
la suite d'un certain nombre de lumbagos de plus en plus rapprochés, et
enfin, elle peut apparaître sans que le patient n'ait fait d~effort particulier
expliquant la présence d'une lombalgie.
Par contre, les lombalgies sont souvent liées à des fautes de la statique, fautes de l'attitude. Les attitudes vicieuses, à quelque niveau
qu'elles se présentent, sont causes, puis parfois conséquences d'algies.
Nous sommes dans le cercle infernal où les attitudes vicieuses déclenchent
les algies puis sont augmentées par elles. De toutes façons, nous nous
trouvons devant une souffrance des disques L5-S 1 ou L4-L5 pouvant aller
de la simple discite accompagnée de contractures, au conflit discoradiculaire, à la sciatique caractérisée, à la sciatique paralysante.
,Comme le traitement de kinésithérapie n'interviendra' qu'après la
phase aiguë, il sera celui de la discite, quelques précautions supplémentaires devant être prises selon l'origine et la gravité de cette discite.
231
1
1
Dans le cas de sciatique paralysante,
la récupération
des muscles
parésiés du membre inférieur s'ajoutera et se combinera au traitement
du
à
tronc. Nous nous servons du fait que les muscles faibles profitent
distance
du travail des muscles plus forts, en vertu du principe
de
débordement
d'énergie des muscles forts vers les muscles faibles et de la
captation des unités motrices faibles par les unités motrices fortes, sujet
étudié et développé par Kabat et Levine.
Le rééducateur doit connaître ou trouver les positions où la diffusion
de l'effort des muscles forts vers les muscles parésiés se fait le mieux, ce
qui demande de l'attention
et de l'imagination
(il applique alors la loi de
Sherrington de co-contraction
musculaire).
EXAMEN D'UN LOMBALGIQUE
Nous voici conduits à devoir observer le lombalgique qui sera examiné de façon
globale, générale, en vue d'un traitement que nous avons dit être global: tous les niveaux
devant être corrigés à la fois, d'une part pour éviter les compensations et d'autre part pour
que ne passe pas inaperçu un élément agissant de façon directe ou indirecte sur la
statique du rachis et tout particulièrement de la région lombo-sacrée qui nous intéresse ici.
Ces fautes de statique s'accompagnent de disharmonies musculaires: contractures
d'un côté et faiblesses de l'autre. La fatigue, la station prolongée debout, ou assise, le fait
de porter ou de soulever des poids, le demi-pencher antérieur (au-dessus d'un évier trop
bas, de matériel de cuisine, de ménage, trop bas, ou d'un lavabo ... et aussi combien de
lombalgies se sont déclenchées lorsque le sujet se brossait les dents 1...) augmentent la
douleur et la rendent parfois insupportable.
Le rôle de l'arthrose laisse songeur bien souvent puisque certains malades, ayant des
radios montrant une arthrose très développée, ne souffrent pas, tandis que d'autres
souffrent beaucoup, bien que leurs radios ne présentent pas d'anomalies expliquant ce
surcroît de douleurs. Après avoir écouté et noté ({ l'histoire du malade», nous devons l'examiner de dos, de face, de profil.
a. - De dos: A l'aide d'un fil à plomb que nous ferons tomber à égale distance des
talons du malade, les pieds étant parallèles, nous pouvons voir comment ({se bâtit» le
malade à partir de son polygone de sustentation (fig. 1J.
L'habitude est de prendre comme point de départ pour le fil à plomb l'apophyse
épineuse de C7. Cette manière de faire nous indique où passe la pesanteur au niveau des
corps vertébraux et des disques, et les régions appelées à souffrir plus précocement
d'arthrose du fait de ces pressions. Cette façon d'observer est intéressante pour le
rhumatologue et pour le kinésithérapeute. Mais le kinésithérapeute doit, avant tout, voir et
comprendre comment ({se bâtit» le malade par rapport à une verticale partant du sol.
C'est ainsi que, après avoir marqué au crayon dermographique
les apophyses
épineuses, depuis l'occiput jusqu'au sacrum, les épines iliaques postéro-supérieures, la
position des omoplates, une éventuelle bascule du bassin, une saillie des côtes, etc. nous
pourrons observer, mesurer et noter, outre les courbures scoliotiques (attitude ou scoliose
vraie), une chute du tronc d'un côté s'accompagnant de contractures.
Les contractures les plus fréquentes des lombalgiques se situent au niveau d'une ou
des deux masses lombaires, des trapèzes supérieurs, parfois de tous les muscles
lombaires, dorsaux, et même cervicaux, d'un côté. Nous allons souvent pouvoir observer
une rotation du bassin autour de l'axe longitudinal. Cette rotation peut s'accompagner
232
d'une bascule du bassin autour de l'axe sagittal. Il faut rappeler au passage la terminologie
pour éviter les sources d'erreur:
- La bascule du bassin se fait autour d'un axe frontal: antéversion ou rétroversion.
- La surélévation du bassin se fait autour d'un axe sagittal,
- La rotation du bassin, se fait autour d'un axe longitudinal.
4em
2em
-cc
3em
1 1/2
FIG. 1. - De dos, le malade, les pieds parallèles, doit être
observé par rapport à un fil à plomb tombant à égale
distance entre ses talons. Nous voyons ici une chute du
tronc du côté gauche. C'est ce que l'on rencontre le plus
fréquemment, c'est pourquoi cet exemple est pris. Le
membre supérieur gauche est décollé du tronc.
En tramé: Les contractures.
b. - De face: le kinésithérapeute demande encore au malade de se tenir les pieds
parallèles. " marque alors au crayon dermographique la ligne blanche, à partir du milieu de
la fourchette sternale jusqu'au pubis. Nous notons la chute du tronc d'un côté, comme
nous l'avons fait de dos, mais cette chute est parfois plus visible de face que de dos (fig. 2).
c. - De profil: le fil à plomb est placé à la tangente de ce qui saillit le plus, la région
fessière ou la région dorsale. C'est alors que l'on peut observer le plus souvent une
hyperlordose lombaire avec hypotonie abdominale et fessière, une cyphose dorsale et une
hyperlordose cervicale en relation avec les deux autres courbures. On remarque souvent
une quatrième courbure qui est une courte lordose dorsale basse, en relation avec la
projection du thorax en avant, provoquée par la rétraction des intercostaux qui empêchent
la souplesse du mouvement costal (fig. 3). Si le fil à plomb ne passe pas à la tangente
de la cyphose dorsale, alors qu'il passe à la tangente de la région fessière, cela indique une chute en avant de l'ensemble du tronc, laquelle peut être plus ou moins importante. De toutes les façons, nous voyons là une disharmonie des courbures et des muscles agonistes-antagonistes.
Nous notons avec beaucoup de soins quels sont les muscles rétractés, car leur
allongement, par un traitement approprié, permet le renforcement des muscles faibles et
donc de retrouver une musculature plus harmonieuse. Le travail se fera toujours sur un
squelette corrigé.
233
r
3em
cm
12 5
4
2em
8
FIG. 2
FIG. 3
FIG. 2. - Le malade, vu de face, montre de façon encore plus évidente la chute de son tronc d'un
côté. On peut noter aussi l'hypotonie abdominale habituelle chez les lombalgiques, des contractures
des pectoraux, d'un côté ou des deux côtés, une asymétrie des sterno-cléido-mastoïdiens, la saillie
des côtes en avant du côté de la chute du tronc, parfois une rotation du thorax, du bassin ou de la
ceinture scapulaire.
FIG. 3. - De profil, le patient présente le plus souvent {mais pas toujours} une hyperlordose
lombaire, une cyphose dorsale et une hyperlordose cervicale. Les muscles lombaires et cervicaux
sont raccourcis et souvent contracturés de même que les pectoraux, les intercostaux et les
fléchisseurs des hanches {ils sont indiqués en trait épais}. Les antagonistes: extenseurs fessiers,
dorsaux, abdominaux sont faibles {ils sont représentés en pointillé}.
TRAITEMENT
DE KINÉSITHÉRAPIE
La rééducation ne commence qu'après la période aiguë pendant
laquelle le patient est mis par son médecin au repos (au lit, ou repos
ambulatoire avec un lombostat plâtré), avec anti-inflammatoires,
et
décontractants. Eventuellement peuvent intervenir les tractions sur table,
etc.
Le plus souvent, le lombalgique se présente avec une hyperlordose
lombaire s'accompagnant de :
234
Raccourcissements
-
Extenseurs lombaires
Fléchisseurs des hanches
Faiblesses
- Abdominaux
- Extenseurs des hanches
ce qui entraîne une bascule du bassin en avant et le pincement postérieur
des disques L5-S 1 et L4-L5 et provoque une souffrance de la charnière
lombo-sacrée.
avec une cyphose dorsale
Raccourcissements
Grands et petits pectoraux
et avec une hyperiordose
Faiblesses
- Extenseurs du dos à partir du bassin
- Adducteurs
et abaisseurs
des
omoplates
cervicale
Raccourcissements
- Extenseurs postérieurs du cou
- Sterno-cléïdo-mastoïdiens
Faiblesses
-
Extenseurs du cou
il
il s'ensuit que le traitement d'un lombalgique ne peut être segmentaire:
sera global. Le kinésithérapeute
fait travailler son malade en vue d'obtenir
un allongement des quatre courbures de la colonne vertébrale. 1\ cherche à
rééquilibrer les muscles agonistes-antagonistes
entre eux.
Le fait de traiter d'abord les raccourcissements
renforcement des muscles faibles antagonistes.
constitue
déjà
un
EXERCICES
Positions de départ: Le plus souvent (car il peut toujours intervenir des
éléments obligeant à s'adapter au malade et à sortir de ce schéma, ce qui
demande au kinésithérapeute
de l'imagination
et d'agir avec intelligence et
non d'appliquer des programmes tout faits), les positions de départ sont:
- Décubitus, genoux demi-fléchis,
pieds sur un appui à 45°, mains
tenant des poignées verticales adaptées à la table, ou, à défaut de ce
matériel, les mains tenant, en supination,
un bâton.
- Décubitus, un membre inférieur allongé et l'autre fléchi.
- Décubitus, les deux membres inférieurs allongés (un petit coussin
sous les creux poplités).
- Pro cubitus.
- Assis.
- Debout.
Plus le malade a des difficultés, plus on lui donne des points d'appui
ou des points fixes. Car, plus le malade est {(fixé », mieux se fait la diffusion
de l'effort et l'augmentation
générale du tonus.
235
La période d'apprentissege des exercices peut durer entre 3 à
5 séances. La bascule du bassin en arrière, en rectitude (et non pas en
cyphose) et sa fixation par le travail des muscles abdominaux, grands
fessiers, psoas-iliaque et pelvi-trochantériens soulagent très souvent le
malade dès les premières séances et parfois dès la première séance de
kinésithérapie.
Les exercices durent 8 secondes. Ils se font sur le temps expiratoire.
Entre deux exercices, le malade doit respirer calmement. Ils sont repris
3 fois chacun en moyenne.
Exercice
1
En décubitus: le patient commence par apprendre la position correcte
du tronc: cou, région scapulaire, région lombaire, région dorsale basse (le
kinésithérapeute doit aider à prendre cette position, surtout en début de
traitement).
Pour cela, dans l'attitude que l'on voit sur la figure 4, en décubitus,
2 genoux demi-fléchis, pieds sur des appuis-pieds à 45°, mains tenant des
poignées de chaque côté de la table, le patient apprend à :
• allonger la nuque en baissant le menton et en poussant l'apex du
crâne en direction distale;
• corriger sa ceinture scapulaire en mettant les épaules larges et
basses (travail des adducteurs et abaisseurs des omoplates, allongement
des pectoraux);
• basculer le bassin en arrière, en rectitude, sans soulever les fesses
du plan de la table. Les régions lombo-sacrée et lombaire doivent toucher
la table (travail des abdominaux inférieurs, des psoas et des pelvi-trochantériens, allongement des extenseurs lombaires);
• basculer le thorax en arrière en abaissant ses côtes inférieures
(travail des abdominaux supérieurs, allongement des intercostaux).
Ce n'est que lorsque cette position est prise avec précision et que l'on
aura obtenu une intégrité des corrections, qui seront alors fixées, que le
kinésithérapeute donne au patient des résistances. Il lui demande de
maintenir sa position contre les résistances qu'il lui offre.
En tout début de traitement, le kinésithérapeute simplifie les demandes faites au malade. Il insiste principalement sur le fait de maintenir la
position corrigée contre une résistance appliquée au bassin vers l'avant,
comme pour lordoser le malade qui s'en défend.
Ce n'est que lorsque cette bascule du bassin est bien apprise que l'on
donne les auto"esrésistances. Mais, dès le début, le patient doit, une fois
qu'il a pris la position corrigée, pousser l'apex du crâne en direction distale,
maintenir ses épaules en arrière et en bas et pousser sur les deux barres
latérales. Ces diverses corrections et, résistances sont opposées les unes
236
aux autres; le patient
(fig. 4).
«
sent» très vite qu'il se donne ses auto-résistances
FIG. 4. - Les flèches noires pleines indiquent
ce que fait le malade. Les flèches en pointillé
indiquent les résistances ou les manipulations
qui lui sont offertes.
FIG. 5. - Le malade s'oppose
rotation externe de ses fémurs,
effet, entre autres, d'augmenter
bassin en arrière et soulage L5-5
à l'abduction,
ce qui a pour
sa bascule du
1.
Exercice 2
La position de départ est toujours la même, mais en plus des
résistances que le malade se donne déjà au niveau du cou, de la ceinture
scapulaire, de la bascule du bassin et des côtes inférieures qu'il abaisse,
une résistance sera appliquée par le kinésithérapeute aux fémurs, près des
genoux, dans le sens d'une abduction et d'une rotation externe.
Il faut veiller à ce que les pieds et les chevilles restent en position
correcte. Cet exercice renforce les abdominaux inférieurs, les pelvi-trochantériens, le psoas, les grands fessiers, 'les muscles du périnée (fig. 5). Le
malade résiste en adduction et rotation interne des fémurs. Cet exercice
fait augmenter la bascule du bassin en arrière et soulage beaucup la région
de L5-S 1.
Exercice
3
Dans l'exercice n° 3, un élément de lutte est ajouté puisque le malade
doit maintenir sa bascule du bassin en arrière tandis qu'une résistance est
donnée aux extenseurs des hanches (fig. 6).
237
FIG. 6. - La résistance donnée par le kinésithérapeute vers le patient l'oblige à maintenir la position corrigée de tout son tronc
et la bascule du bassin en arrière, tandis qu'il
va pousser les genoux en direction dis tale, ce
qui a un effet lordosant. Un élément supplémentaire de Il lutte JJ est montré dans cet exercice.
FI G. 7. - Elongation
des fléchisseurs
de
hanches rétractés ou raccourcis. Les flèches
noires indiquent ce que fait le malade. Les
flèches en pointillé indiquent, sans que soient
dessinées les mains du kinésithérapeute, les
manipulations d'élongation qui facilitent un
réflexe proprioceptif d'ouverture encore plus
grande des hanches.
La main représentée, et allant de l'ombilic
vers le pubis, montre une manipulation de
renforcement,
contrariant
le travail des
abdominaux inférieurs et les renforçant. C'est
l'utilisation d'un réflexe proprioceptif.
FIG. 8. - Le lombalgique se présentant le
plus souvent avec une cyphose dorsale et des
pectoraux raccourcis, ceux-ci devront recevoir
un traitement d'élongation pour permettre la
correction du rachis dans son ensemble.
FIG. 9. - Les flèches en pointillé indiquent
les manipulations musculaires de renforcement
que peut recevoir le malade afin de déclencher
un réflexe proprioceptif provoquant une plus
grande contraction
des grands fessiers,
ramenant le bassin vers les fémurs.
Exercice 4
En décubitus, les 2 membres inférieurs allongés.
Le kinésithérapeute cherchera à obtenir les mêmes corrections et la
même bascule du bassin en arrière, vers la rectitude.
238
On se heurte donc aux problèmes de la position du bassin sur les
membres inférieurs, ce qui oblige à traiter les raccourcissements des
fléchisseurs de hanches. Une manipulation d'élongation sur la face
antérieure des cuisses vers les épines iliaques antéro-supérieures sera
donnée. Le malade, déjà mis en extension maximale de ses hanches sur un
appui, ouvrira un peu plus son flexum de hanches, sous l'action
proprioceptive de la manipulation musculaire d'élongation,
tout en
maintenant le bassin basculé en arrière (fig. 7). Un point d'appui doit être
placé sous les ischions pour obtenir un résultat plus complet, mais ce n'est
pas toujours possible avec les lombalgiques auxquels on se contentera
bien souvent de demander un effacement de la lordose lombaire, tandis
que les deux membres inférieurs sont allongés (fig. 7).
Exercice
5
Au cours du traitement du lombalgique, le kinésithérapeute sera
appelé à traiter les raccourcissements des pectoraux. Les épaules étant
mises en position la plus corrigée possible, une manipulation d'élongation
allant de l'apophyse coracoïde vers le sternum sera appliquée. Le malade
ouvre et abaisse ses épaules sous l'effet de cette manipulation
d'élongation (fig. 8).
Exercice
6
En procubitus, après les corrections habituelles, le kinésithérapeute
demande au malade une bascule du bassin en arrière. Celle-ci se fait les
2 membres inférieurs en extension et contre la pesanteur. Elle est donc
plus difficile. Parfois le kinésithérapeute met un coussin sous le ventre de
son patient pour qu'il ne lordose pas, dans les temps de repos entre
chaque exercice.
Après avoir aidé à prendre la position corrigée, le kinésithérapeute
donne des manipulations de renforcement au niveau des deux grands
fessiers, depuis le bas de la fesse vers le sacrum, contrariant le travail des
fibres musculaires. Il obtient ainsi un travail plus intense des grands
fessiers et de tous les muscles synergiques.
Dans cet exercice, le kinésithérapeute peut aussi donner une
résistance au bâton, vers la tête du malade, ce qui fait travailler les
extenseurs dorsaux et les abaisseurs et adducteurs des omoplates et
demande un effort encore plus intense pour maintenir la bascule du bassin
en arrière (fig. 9).
Exercice
7
En position assise: les mêmes corrections seront recherchées. Le
malade tenant des poignées devant lui, ou tout simplement le bord d'une
239
table (dans ce cas-là, on lui fera tenir le bord de la table, mains en
supination, c'est-à-dire pouces au-dessus, car la supination des avant-bras
et des mains favorise le travail des adducteurs postérieurs et abaisseurs
des omoplates).
Une résistance lui sera donnée au niveau de la colonne lombaire
basse, d'arrière en avant et de bas en haut, pour déclencher un travail en
sens opposé, faisant délordoser le patient. Il est alors assis un peu en
arrière des ischions et non en avant, ce qui lui est habituel et provoque une
lordose qui, en se prolongeant, amène la douleur (fig. 10).
Exercice
8
Debout: nous recherchons
toujours les mêmes corrections:
apex du
crâne vers le haut, épaules larges et basses, resserrement
des côtes
inférieures,
bascule du bassin en arrière. Dans cette
position,
les
problèmes d'équilibre sur les membres inférieurs interviennent.
Le flexum
de hanche peut rendre difficile la prise de position verticalisée du bassin.
Le malade « sent» moins bien ce qu'il fait. Cependant cet exercice est
essentiel et l'apprentissage
de tous les exercices précédents doit aboutir à
cette position corrigée de tout le tronc, des hanches, des genoux et des
pieds en position debout.
Si des rétractions
ou des déformations
au niveau des hanches,
genoux, pieds, gênent la prise d'une position correcte, elles devront être
traitées de façon spécifique avant d'aborder l'exercice debout, à moins que
les corrections puissent se combiner. Tout particulièrement,
les genoux et
les pieds profiteront
des corrections
obtenues
par la contraction
des
muscles du bassin (fig. 11).
Exercices à faire seul à la maison
Dès que le malade sait faire un exercice correctement,
il faut lui
demander de l'exécuter tous les jours chez lui. Le programme à faire seul
s'augmente au fur et à mesure de l'apprentissage
des exercices et de leur
exécution correcte.
Peu à peu, le malade est en mesure d'exécuter tout son programme
chez lui; il est aussi en mesure de soulager lui-même ses douleurs au cas
où un effort ou une fatigue aurait redéclenché
un début de processus
douloureux.
Les traitements
chez le kinésithérapeute
pourront être espacés. On
passe alors de 2 (ou 3) séances par semaine à une seule séance; puis à
1 séance tous les quinze jours. Parfois un traitement de contrôle tous les
mois entretient chez le malade le courage de continuer sa rééducation tout
seul puisqu'il sait qu'il va revoir le kinésithérapeute.
En même temps, ces
séances de contrôle, très espacées, permettent
de rectifier les exercices
qui doivent être exécutés avec une rigoureuse exactitude de position.
240
Dès le début du traitement, on peut conseiller au lombalgique de se
reposer plusieurs fois par jour: couché sur le dos, la région lombaire et
lombo-sacrée à plat sur le salau sur un plan dur. Pour cela, il faut que les
fémurs soient à la verticale et les jambes entièrement posées sur un appui,
à l'horizontale (fig. 12).
FIG. 10. - Contre la résistance offerte par le
kinésithérapeute, le patient délordose sa région
lombo-sacrée. Il pousse les pieds dans le sol,
les barres avec les mains, l'apex du crâne vers
le haut, en baissant le menton, tient ses
épaules larges et basses, resserre ses côtes
inférieures.
FIG. 11. - Debout,
des points d'appui
donnés aux mains, le lombalgique
doit
apprendre
une correction
des voû tes
plantaires, des genoux, de la bascule du bassin.
tandis que le reste du tronc reste corrigé et
l'apex du crâne poussé vers le haut.
FIG. 12. - Position de repos à prendre plusieurs
fois par jour. Les fémurs doivent être à la verticale
et les jambes entièrement posées sur un appui, à
l'horizontale.
241
Le massage
Il faut aussi faire une place importante au massage dans le traitement
des lombalgiques. Suivant les cas, il terminera ou précèdera un traitement.
Les deux positions qui permettent de soulager le mieux un lombalgique
sont :
a. La position assise sur un tabouret (hanches, genoux, chevilles à
90°), le malade appuyant sa tête sur ses bras posés sur un gros coussin, ou
bien, s'il ne peut se pencher en avant, assis droit. Il faut veiller à ce que le
malade assis ait bien les fémurs horizontaux, ce qui permet une bonne
position du bassin et soulage les disques douloureux. Des fémurs obliques
en avant et en bas entraînent le bassin vers l'avant, le malade se lordose et
la douleur peut apparaître.
b. La position en coucher latéral, sur le côté non douloureux. Un
coussin est mis entre les deux genoux pour éviter la tension des muscles
qui se produit si les deux fémurs se rejoignent.
c. La position debout, avec un appui aux mains, devant un espalier,
permet parfois de soulager des points douloureux que l'on ne trouve pas
dans d'autres positions.
Ce sont les massages doux et surtout les vibrations au niveau de L5S 1, de L4-L5, des sacro-iliaques et des contractures qui soulagent lorsque
les douleurs sont très vives. L'effleurage, sédatif et anesthésiant,
s'étendant sur l'ensemble du dos et de la région fessière, détend le
malade, mais les régions les plus douloureuses, surtout en début de traitement, ne sont habituellement
soulagées que par les vibrations
manuelles. Nous ne nous servons pas d'un vibrateur mécanique électrique
qui ne peut nullement apprécier l'état des tissus (gonflement, chaleur,
légère tuméfaction parfois) et n'a aucune possibilité
d'adaptation
progressive en relation avec les changements de consistance de ces tissus
au cours du massage et les variations de la douleur du malade que le
kinésithérapeute doit interroger de temps en temps sur ce qu'il ressent
pour adapter l'intensité de ses vibrations digitales.
Conseils pour la vie courante du lombalgique
Nous ne nous attarderons pas longtemps sur cette prophylaxie qui a
été décrite et publiée dans nos revues. Bien sûr, il faudra apprendre au
lombalgique à se relever de la position allongée, non pas par une flexion du
tronc en avant, mais en roulant sur le côté et en relevant le tronc d'un bloc,
aidé par ses bras. Il faudra aussi lui apprendre à se baisser en pliant les
genoux plutôt qu'en fléchissant la région lombaire. Il faudra surtout lui
apprendre à basculer le bassin en arrière {c'est-à-dire en rectitude} et à
fixer cette bascule par une bonne contraction musculaire avant d'exécuter
tout effort: pousser un meuble, soulever des valises, porter un enfant. Ces
242
efforts sont évidemment à éviter, mais si cela n'est pas possible, cette
fixation de la bascule du bassin en arrière « protège» les disquès
intervertébraux qui restent toujours fragiles. Dans ces conditions, lors des
penchers antérieurs, l'effort se produira au-dessus de la région « fixée» et
sera bien supporté.
- Eviter les mouvements brusques.
- Avoir un matelas plat et dur.
- Ne pas dormir à plat ventre; le coucher dorsal ou « en chien de
fusil» sont conseillés.
- Ecrire près de son bureau pour éviter que le tronc ne se penche en
avant, provoquant une traction douloureuse des muscles du bas du dos.
- S'asseoir en face de ses interlocuteurs (sur un siège dur) et non sur
le même divan, ce qui oblige à une torsion du tronc qui fatigue le bas du
dos, etc.
CONCLUSION
Avec la méthode des réflexes posturaux,l'absence
de mouvement
pouvant déclencher la douleur permet de commencer la rééducation des
lombalgiques plus précocement. Les exercices peuvent être combinés
puisqu'un maximum de corrections doit être obtenu en même temps. Les
corrections obtenues avant de commencer les exercices sont maintenues
pendant toute leur durée puisque le travail est statique.
Les résistances et les manipulations musculaires développent le
schéma corporel du malade qui trouve alors son autonomie pour se
corriger à tous moments et pour exécuter ses exercices quotidiennement
chez lui. L'aspect de « lutte», qui est une des particularités de cette
rééducation, donne au malade plus de force tant sur le plan physique que
sur le plan psychologique. La confiance du patient et sa réelle participation
au travail de kinésithérapie sont nécessaires pour obtenir les meilleurs
résuItats.
Au début du traitement, le kinésithérapeute doit pouvoir être capable
d'éprouver les symptômes de son malade pour être plus sensible aux
exercices et aux techniques de massage qui peuvent le soulager. Il doit
interroger le malade sur les gestes qu'il fait dans sa vie courante, pour le
conseiller, en étudiant avec lui quelles améliorations il faut apporter à son
mobilier, à ses gestes professionnels, à son comportement, à ses attitudes
et à son mode de vie. Le kinésithérapeute doit s'intéresser aux êtres en
tant que tels, et non pas seulement à la maladie. Le malade est un être
physique et psychologique, un « tout», et ces deux aspects sont
absolument liés.
L'étroite collaboration kinésithérapeute-malade que provoque 'l'utilisation de la méthode des Réflexes Posturaux est d'un très grand apport
243
pour aborder les lombalgiques,
patients
chez lesquels
l'aspect
psychosomatique revêt souvent une importance toute particulière.
Références
1. VAN GUNSTEREN (W), DE RICHEMONT (O.), VAN WERMESKERKEN (L.). - Rééducation
Musculaire à base de Réflexes Posturaux. ln adaptation française: GILBERT (M.-A), MANOHA (E.),
THIEBLIN (A). Masson, édit., Paris, 1968.
2. FULTON (J.-F.L - Physiology of the nervous system. London, Oxford University Press
1947. 28 édition, Traduction française, Vigot Frères, Paris, 1947.
3. DE SÈZE (S.), CAROIT (M.L KAHN (M.-F.L LEQUESNE (M.) (Les Médecins du Centre
Viggo Petersen sous la direction de). - ln Bréviaire de Rhumatologie. Expansion Scientifique
française, 48 édition, Paris, 1975, pp. 328-329.
Pour en savoir plus:
- KENDALL (H.O.) et WADSWORTH
(P.G.E.). - Traduction française, Dr E. SEGUY. Les
muscles - Bilan et étude fonctionnelle. Maloine S.A, édit., Paris, 1974.
- KENDALL (H.O.) et F.P. BAYNTON (DA). - Posture and Pain. The Williams and Wilkins
Company, Baltimore, 1952.
- VIEL (E.). - La Méthode
Masson, édit., Paris, 1970.
244
de Kabat -
Facilitation
neuromusculaire
par la proprioception.
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