Traitement de la lombalgie par la méthode des réflexes posturaux

Mise au point
Traitement de la lombalgie
par la méthode des réflexes
posturaux
Ann. Kinésithér., 1981,8,229·244
M. A. GILBERT 1
La méthode de rééducation ((par les réflexes posturaux ))est née en
1940 grâce aux observations cliniques de Mme Van Der Voort-Bugnet,
kinésithérapeute hollandaise; ses idéesfurent développées par Mme Van
Gunsteren, Mme de Richemont et Mme Van Wermeskerken, pour être
appliquée en orthopédie et en neurologie. Introduite en France, puis
adaptée àla rhumatologie par Mlle Gilbert et son équipe de rééducation à
l'hôpital de la Croix-Saint-Simon, elle est applicable aux lombalgies, mais
ne se limitepas àce champ d'application. L'intérêt réside surtout dans la
participation nécessairement active du lombalgique au traitement en
cours: lepatient ne subit plus, n'imite pas passivement, n'exécute pas sans
comprendre: il devient partie prenante, et son implication est
déterminante. La technique d'application est subtile: elle requiert
attention, vigilance,patience, associées àune solide préparation de lapart
du thérapeute. Les réactions de résistance ou de maintien en réponse aux
sollicitations du kinésithérapeute constituent pour lepatient un capital de
relations neuro-musculaires nouvelles etfonctionnellement utilisables.
INTRODUCTION
Les années qui ont passé depuis les premiers essais de rééducation
des lombalgiques par la Méthode des Réflexes Posturaux n'ont fait que
confirmer les bienfaits que l'on peut attendre de cette technique dont nous
allons rappeler quelques traits essentiels.
Méthode globale, statique, basée sur un certain nombre de réflexes
dont, en particulier, ceux qui permettent le maintien postural (1); c'est une
méthode proprioceptive neuro-musculaire, comme, par exemple, celles de
1. Kinésithérapeute-moniteur, chef du service de Rééducation fonctionnelle (Dr Hubault) àl'hôpital de
la Croix-Saint-Simon, 75960 Paris. Représentante en France de la Méthode des Réflexes Posturaux.
Chargée d'enseignement post-universitaire. Pour tous renseignements concernant l'enseignement de cette
Méthode, s'adresser àMlle M. A. Giibert, 69, boulevard de Beauséjour, 75016 Paris.
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Kabat, Knott, Rood, Bobath ..., s'inspirant des mêmes données neuro-phy-
siologiques mais gardant un système d'application tout àfait différent.
Nous utilisons donc l'arc réflexe: sensibilité de la peau, des arti-
culations, nerf sensitif, corne postérieure de la moelle, bombardement de
la corne antérieure motrice pour obtenir une «réponse» de la part du ma-
lade : augmentation du tonus, réflexe de défense que nous aurons àré-
veiller chez nos Patients.
A propos de ce réflexe de défense, il faut s'attarder un peu pour dire
qu'il est totalement àréveiller chez les patients qui viennent chez le
kinésithérapeute. Le malade s'attend àdevoir rester passif pour supporter
son traitement. Il ne se défend contre les Résistances que le kiné-
sithérapeute lui donne que lorsqu'on le lui demande. On peut dire alors
qu'il ne s'agit pas d'un réflexe mais d'un acte volontaire. Cependant,
mettons ce même patient dans une foule qui le bouscule, il aura
instantanément des réflexes de défense pour ne pas tomber, pour garder
son attitude, sa posture. Le réflexe postural dépend de la sensibilité
tensionnelle des muscles et de la sensibilité profonde des articulations.
Une des caractéristiques de cette méthode est le fait de prendre une
position que le kinésithérapeute choisit en fonction de certains critères, en
particulier pour que le malade travaille sur un squelette corrigé àtous les
niveaux àla fois et pour que la diffusion de l'effort se fasse au mieux dans
tout le corps, et tout particulièrement des régions fortes vers les régions
faibles.
Une fois que cette position de départ est prise (il faut le plus souvent,
surtout en début de traitement, que le kinésithérapeute aide le patient à
se corriger); le kinésithérapeute donnera au malade des résistances qui
doivent être progressives et éventuellement maximales, faisant appel au
réflexe de défense, et le malade doit résister en prenant tous les points
d'appui nécessaires pour ne pas perdre sa position corrigée. Le malade
n'est donc pas «passif». Ce travail qui s'effectue par des contractions
isométriques, c'est-à-dire sans mouvement, est très intense.
Travaillant de façon statique, le malade sentira (et ceci de plus en plus
au fur et à mesure des séances de kinésithérapie accomplies) la lutte
intense qui se fait en lui-même: lutte des groupes musculaires agonistes-
antagonistes, interdépendants et dont les contractions doivent se
contrebalancer en force. Cette lutte des groupes musculaires inter-
dépendants améliore la fonction, car elle permet la stabilisation des articu-
lations. Le mouvement est dépendant de la stabilité des articulations. Par
ailleurs, on sait que l'amélioration de la fonction se fait par celle de la
coordination musculaire péri-articulaire (2).
Dans ce travail statique, nous profitons de la loi de Sherrington
concernant la co-contraction des muscles antagonistes et ceci autour de
l'axe frontal, sagittal et longitudinal.
Pour augmenter le travail musculaire, le kinésithérapeute ajoute aux
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résistances, des manipulations musculaires qui sont, soit de renforcement
(2 sortes), soit d'élongation.
Le cadre de cet article ne permet pas de s'étendre longuemènt sur ce
que sont ces manipulations. On peut seulement dire qu'elles stimulent la
partie sensorielle ou afférente des voies réflexes et permettent d'augmen-
ter le travail demandé. Ces manipulations musculaires se font pendant le
travail des muscles. Elles consistent en une manipulation profonde qui
contrarie le travail des fibres musculaires. Elles sont essentiellement
actives et n'entrent pas dans le domaine du massage.
Il est intéressant de noter que le fait de s'opposer àdes résistances
venues de l'extérieur, aux auto-résistances que le malade crée et ressent
en lui-même, et aux manipulations musculaires, développe considé-
rablement et rapidement la sensation du schéma corporel du malade.
Au bout de 4 à5 séances, le malade «sent» ce qui se passe en lui. Il
prend une conscience profonde de son attitude et de ce qu'il doit faire pour
la corriger, ce qui lui permet peu àpeu de pouvoir faire quelques exercices
seul chez lui, d'éviter les positions douloureuses et de soulager lui-même
ses douleurs en corrigeant son attitude dans la vie courante. Les exercices
durent 8", sont suivis d'un relâcher lent et contrôlé et sont exécutés sur le
temps expiratoire. Ils sont répétés 3 fois.
CHOIX DE TECHNIQUE
EN FONCTION DU TABLEAU CLINIQUE
C'est ici que nous entrons tout naturellement dans le problème de la
position du lombalgique. On s'entend pour dire que la lombalgie provient
d'une «détérioration structurale du disque» et qu'elle «est manifestement
influencée par tous les facteurs mécaniques aboutissant au surmenage
discal» (3). Ce surmenage discal peut être da àdes efforts inconsidérés ou
maladroits de la part du patient, mais la lombalgie peut aussi apparaître à
la suite d'un certain nombre de lumbagos de plus en plus rapprochés, et
enfin, elle peut apparaître sans que le patient n'ait fait d~effort particulier
expliquant la présence d'une lombalgie.
Par contre, les lombalgies sont souvent liées àdes fautes de la sta-
tique, fautes de l'attitude. Les attitudes vicieuses, àquelque niveau
qu'elles se présentent, sont causes, puis parfois conséquences d'algies.
Nous sommes dans le cercle infernal les attitudes vicieuses déclenchent
les algies puis sont augmentées par elles. De toutes façons, nous nous
trouvons devant une souffrance des disques L5-S 1 ou L4-L5 pouvant aller
de la simple discite accompagnée de contractures, au conflit disco-
radiculaire, àla sciatique caractérisée, àla sciatique paralysante.
,Comme le traitement de kinésithérapie n'interviendra' qu'après la
phase aiguë, il sera celui de la discite, quelques précautions sup-
plémentaires devant être prises selon l'origine et la gravité de cette discite.
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1
1Dans le cas de sciatique paralysante, la récupération des muscles
parésiés du membre inférieur s'ajoutera et se combinera au traitement du
tronc. Nous nous servons du fait que les muscles faibles profitent à
distance du travail des muscles plus forts, en vertu du principe de
débordement d'énergie des muscles forts vers les muscles faibles et de la
captation des unités motrices faibles par les unités motrices fortes, sujet
étudié et développé par Kabat et Levine.
Le rééducateur doit connaître ou trouver les positions la diffusion
de l'effort des muscles forts vers les muscles parésiés se fait le mieux, ce
qui demande de l'attention et de l'imagination (il applique alors la loi de
Sherrington de co-contraction musculaire).
EXAMEN D'UN LOMBALGIQUE
Nous voici conduits àdevoir observer le lombalgique qui sera examiné de façon
globale, générale, en vue d'un traitement que nous avons dit être global: tous les niveaux
devant être corrigés àla fois, d'une part pour éviter les compensations et d'autre part pour
que ne passe pas inaperçu un élément agissant de façon directe ou indirecte sur la
statique du rachis et tout particulièrement de la région lombo-sacrée qui nous intéresse ici.
Ces fautes de statique s'accompagnent de disharmonies musculaires: contractures
d'un côté et faiblesses de l'autre. La fatigue, la station prolongée debout, ou assise, le fait
de porter ou de soulever des poids, le demi-pencher antérieur (au-dessus d'un évier trop
bas, de matériel de cuisine, de ménage, trop bas, ou d'un lavabo ... et aussi combien de
lombalgies se sont déclenchées lorsque le sujet se brossait les dents 1...) augmentent la
douleur et la rendent parfois insupportable.
Le rôle de l'arthrose laisse songeur bien souvent puisque certains malades, ayant des
radios montrant une arthrose très développée, ne souffrent pas, tandis que d'autres
souffrent beaucoup, bien que leurs radios ne présentent pas d'anomalies expliquant ce
surcroît de douleurs. Après avoir écouté et noté ({l'histoire du malade», nous devons l'exa-
miner de dos, de face, de profil.
a. - De dos: A l'aide d'un fil àplomb que nous ferons tomber àégale distance des
talons du malade, les pieds étant parallèles, nous pouvons voir comment ({se bâtit» le
malade àpartir de son polygone de sustentation (fig. 1J.
L'habitude est de prendre comme point de départ pour le fil àplomb l'apophyse
épineuse de C7. Cette manière de faire nous indique où passe la pesanteur au niveau des
corps vertébraux et des disques, et les régions appelées àsouffrir plus précocement
d'arthrose du fait de ces pressions. Cette façon d'observer est intéressante pour le
rhumatologue et pour le kinésithérapeute. Mais le kinésithérapeute doit, avant tout, voir et
comprendre comment ({se bâtit» le malade par rapport àune verticale partant du sol.
C'est ainsi que, après avoir marqué au crayon dermographique les apophyses
épineuses, depuis l'occiput jusqu'au sacrum, les épines iliaques postéro-supérieures, la
position des omoplates, une éventuelle bascule du bassin, une saillie des côtes, etc. nous
pourrons observer, mesurer et noter, outre les courbures scoliotiques (attitude ou scoliose
vraie), une chute du tronc d'un côté s'accompagnant de contractures.
Les contractures les plus fréquentes des lombalgiques se situent au niveau d'une ou
des deux masses lombaires, des trapèzes supérieurs, parfois de tous les muscles
lombaires, dorsaux, et même cervicaux, d'un côté. Nous allons souvent pouvoir observer
une rotation du bassin autour de l'axe longitudinal. Cette rotation peut s'accompagner
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d'une bascule du bassin autour de l'axe sagittal. Il faut rappeler au passage la terminologie
pour éviter les sources d'erreur:
- La bascule du bassin se fait autour d'un axe frontal: antéversion ou rétroversion.
- La surélévation du bassin se fait autour d'un axe sagittal,
- La rotation du bassin, se fait autour d'un axe longitudinal.
4em
2em
-cc
3em
11/2
FIG. 1. - De dos, le malade, les pieds parallèles, doit être
observé par rapport àun fil àplomb tombant àégale
distance entre ses talons. Nous voyons ici une chute du
tronc du côté gauche. C'est ce que l'on rencontre le plus
fréquemment, c'est pourquoi cet exemple est pris. Le
membre supérieur gauche est décollé du tronc.
En tramé: Les contractures.
b. - De face: le kinésithérapeute demande encore au malade de se tenir les pieds
parallèles. " marque alors au crayon dermographique la ligne blanche, àpartir du milieu de
la fourchette sternale jusqu'au pubis. Nous notons la chute du tronc d'un côté, comme
nous l'avons fait de dos, mais cette chute est parfois plus visible de face que de dos (fig. 2).
c. - De profil: le fil àplomb est placé àla tangente de ce qui saillit le plus, la région
fessière ou la région dorsale. C'est alors que l'on peut observer le plus souvent une
hyperlordose lombaire avec hypotonie abdominale et fessière, une cyphose dorsale et une
hyperlordose cervicale en relation avec les deux autres courbures. On remarque souvent
une quatrième courbure qui est une courte lordose dorsale basse, en relation avec la
projection du thorax en avant, provoquée par la rétraction des intercostaux qui empêchent
la souplesse du mouvement costal (fig. 3). Si le fil àplomb ne passe pas àla tangente
de la cyphose dorsale, alors qu'il passe à la tangente de la région fessière, cela indi-
que une chute en avant de l'ensemble du tronc, laquelle peut être plus ou moins impor-
tante. De toutes les façons, nous voyons là une disharmonie des courbures et des mus-
cles agonistes-antagonistes.
Nous notons avec beaucoup de soins quels sont les muscles rétractés, car leur
allongement, par un traitement approprié, permet le renforcement des muscles faibles et
donc de retrouver une musculature plus harmonieuse. Le travail se fera toujours sur un
squelette corrigé.
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