Tests génétiques – Questions scientifiques, médicales et sociétales
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scientifique : ils ont aussi eu une histoire parfois tragique en ce qui concerne
leurs implications éthiques (Gould, 1981 et 2002 ; Rothstein, 2005).
Dérives éthiques de la notion de déterminisme génétique :
du darwinisme social à l’eugénisme…
Les conceptions extrêmes du déterminisme génétique ont des racines
anciennes. Elles remontent aux théories élaborées par les généticiens Fischer
et Haldane, durant la première moitié du XXe siècle, et, avant même la
(re)découverte des gènes, en 1900, à une vision de l’hérédité développée à la
fin du XIXe siècle par les concepteurs du « darwinisme social » (Gould,
1981). En 1883, vingt-quatre ans après la publication de « De L’Origine des
espèces », et un an après la mort de Darwin, Francis Galton crée le terme
d’« eugénisme » pour expliquer la manière dont il propose à la société
d’utiliser les concepts « scientifiques » nouveaux de la théorie de l’évolution
et de la sélection naturelle. Il faut, écrit-il, « limiter la fécondité excessive
de ceux qui ont socialement échoué », désignant ainsi l’« échec social »
comme un caractère héréditaire, une des premières formulations modernes
de l’hérédité des comportements, qui conduira, après la (re)découverte des
gènes, à en rechercher les causes génétiques (Gould, 1981 et 2002). Et c’est
dans la recherche fascinée d’une forme de « loi naturelle » propre à fonder
ou à justifier le fonctionnement de nos sociétés que sont nées les dérives du
« darwinisme social ».
On ne peut oublier les conséquences qu’ont eues ces idées, dont la propaga-
tion a été extrêmement rapide et a exercé une profonde influence sur la
société, à la fin du XIXe siècle et durant la première moitié du XXesiècle.
Ainsi, par exemple, la prétendue « découverte » des bases génétiques d’un
défaut d’intelligence et de « comportements antisociaux » chez les immi-
grants d’Europe du Sud et de l’Est a conduit, aux États-Unis, au début du
XXesiècle, à l’élaboration de lois d’immigration extrêmement restrictives à
l’égard de ces populations, dans le but de protéger la « santé » mentale et
sociale du pays. La prétendue base génétique de la criminalité, de la santé
mentale et des « comportements anti-sociaux » a aussi conduit, au début du
XXesiècle, à la mise en place des lois préconisant la stérilisation obligatoire,
à visée eugénique, dans de nombreuses démocraties d’Europe de l’Ouest, et
de nombreux États aux États-Unis : des dizaines de milliers de personnes ont
été ainsi stérilisées (Gould, 1981 et 2002 ; Rothstein, 2005). Certaines de
ces notions ont servi de base, dans l’Allemagne nazie, à l’élaboration des lois
raciales, à l’euthanasie des handicapés mentaux, puis au génocide. Et c’est
lors du jugement de Nuremberg, en 1947, qu’ont émergé les principes qui
fondent la bioéthique moderne.
La tentation récurrente de découvrir une grille de lecture unidimensionnelle –
l’analyse de la forme du crâne, par exemple, pour l’anthropologie du début du