RAPPORT FINAL DACTIVITE : préparé par: le Groupe de

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CiïJSl* * *
*
*
*
*
COUNCIL
CONSEIL
* DE L'EUROPE
OF EUROPE *
* * *
Committee of Ministers
Comité des Ministres
Strasbourg, le 17 décembre 1991
CMD007006
Restricted
CM(91)220
Addendum II révisé
<CAHBI(91)1.7
Addendum II révisé>
Pour examen à la 469e réunion des
Délégués des Ministres (janvier 1992)
COMITE AD HOC D'EXPERTS SUR LA BIOETHIQUB (CAHBI)
RAPPORT FINAL D / ACTIVITE
préparé par:
le Groupe de travail sur les tests génétiques
pour les besoins de la police et de la "justice
pénale (CAHBI/CDPC-GT) lors de sa réunion
tenue à Strasbourg les 6 et 7 mai 1991
adopté par:
le Comité ad hoc d'experts sur la bioéthioue
CAHBI) à sa 14ème réunion (Strasbourg,
5 - 8 novembre 1991)
à l'attention du:
Comité des Ministres
R E S U M E
Projet de Recommandation sur l'utilisation
des analyses de l'acide désoxyribonucléique
(ADN) dans le cadre du système
de justice pénale
et projet d'Exposé des Motifs
- 2 Projet de Recommandation sur
L'UTILISATION DES ANALYSES DE L'ACIDE DESOXYRIBONUCLEIQOE
(ADN) DANS LE CADRE DO SYSTEME DE JUSTICE PENALE
(Adopté par le Comité des Ministres le....
à la.... réunion des Délégués des Ministres.)
Le Comité des Ministres, en vertu de l'article 15 b. du
Statut du Conseil de l'Europe,
Considérant que le Conseil de l'Europe a pour but de
réaliser une union plus étroite entre ses membres, .
Tenant compte de la Convention de sauvegarde des droits
de l'Homme et des libertés fondamentales et de la Convention pour
la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé
des données à caractère personnel du 28 janvier 1981 ("la
Convention pour la protection des données"),
Considérant que' la lutte contre le crime exige le recours
aux méthodes les plus modernes et les plus efficaces;
Convaincu de lai nécessité de mener contre la criminalité
une politique pénale commune visant à protéger les individus et
la société dans laquelle ils vivent,
Prenant en considération le fait que les techniques
d'analyse de l'ADN peuvent présenter de l'intérêt pour le système
de justice pénale, notamment lorsqu'il s'agit d'établir
l'innocence ou la culpabilité;
Prenant en considération cependant que de telles
techniques, qui sont en, constante évolution, doivent être mises
en oeuvre de manière fiable;
Conscient, toutefois, qu'en l'adoptant et en appliquant
ces techniques il faut tenir pleinement compte de principes aussi
fondamentaux que la dignité intrinsèque de l'individu et le
respect du corps humain,, les droits de la défense et le principe
de la proportionnalités dans l'administration de la justice
pénale, et éviter de por.ter atteinte à ces principes,
RECOMMANDE aux gouvernements des Etats membres de
s'inspirer dans leur législation et leur politique des principes
et des recommandations formulés ci-après.
CHARGE le Secrétaire Général de porter le contenu de
la présente Recommandation à l'attention des Etats non membres
et les organisations internationales qui ont participé à son
élaboration.
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- 3 -
PRINCIPES ET RECOMMANDATIONS
1.
Définitions
Aux fins de la présente Recommandation:
L'expression "analyse[s] de l'ADN" s'entend de tout
procédé susceptible d'être utilisé pour analyser l'acide
désoxyribonucléigue (ADN) , qui constitue le matériel génétique
de base de l'homme et des autres êtres vivants.
Le terme "échantillons" s'entend de tout matériel
d'origine biologique, susceptible d'être utilisé pour les besoins
d'analyses de l'ADN.
L'expression "fichier de l'ADN" s'entend de tout recueil
structuré des .résultats de tests d'analyse de l'ADN, qu'ils
soient conservés sous une forme matérielle, comme les fichiers
établis à la main, ou dans une base informatisée de données.
2.
Champ d'application et limitations
La présente Recommandation s'applique au prélèvement
d'échantillons et à l'utilisation des analyses de l'ADN aux fins
d'identification d'un suspect ou toute autre personne dans le
cadre d'enquêtes et de poursuites pénales.
3.
Utilisation des échantillons et des informations qui ,
en découlent
Les échantillons prélevés pour effectuer des analyses de
l'ADN et les informations dégagées de ces analyses aux fins
d'enquêtes et de poursuites pénales ne doivent pas non plus être
utilisés à d'autres fins. Cependant, lorsque la personne sur
laquelle les échantillons ont été prélevés le souhaite,
l'information doit lui être donnée.
Les échantillons prélevés sur des personnes vivantes pour
effectuer des analyses de l'ADN à des fins médicales, et les
informations obtenues à partir de ces échantillons, ne peuvent
être utilisés pour les besoins d'enquêtes et de poursuites
pénales, si ce n'est dans des cas expressément prévus par le
droit interne.
L'utilisation d'échantillons prélevés pour effectuer des
analyses de l'ADN, et des informations ainsi recueillies, peut
s'imposer à des fins de recherche et de statistiques. Une telle
utilisation est admissible à condition que l'identité de
l'individu en cause ne puisse être établie. Aussi faut-il au
préalable retirer de ces échantillons et de ces informations les
noms des intéressés et les autres mentions permettant de les
identifier.
- 4 -
4.
Prélèvement d'échantillons aux fins d'analyse de l'ADN
Le prélèvement d'échantillons aux fins d'analyse de l'ADN
ne devrait être effectué que dans des circonstances déterminées
par le droit interne, étant entendu que dans certains Etats, un
tel prélèvement soit subordonné à l'autorisation expresse d'une
autorité judiciaire.
Lorsque le droit interne admet que des échantillons
soient prélevés sans le consentement du suspect, un tel
prélèvement ne devrait être effectué que si les circonstances de
l'affaire exigent une telle mesure.
5.
Recours aux analyses de l'ADN
Le recours aux analyses de l'ADN doit être autorisé dans
tous les cas appropriés, quel que soit le degré de gravité de
l'infraction.
6.
Agréments de laboratoires et d'institutions et
contrôle des analyses de l'ADN
L'analyse de l'ADN est un procédé scientifique complexe
qui ne doit être employé que par des laboratoires possédant les
installations et l'expérience requises.
Les Etats membres devraient veiller à ce que soit établie
une liste de laboratoires ou d'instituts agréés, répondant aux
critères suivants:
niveau élevé des connaissances et des compétences
professionnelles, associé à des procédures appropriées
de contrôle de la qualité;
intégrité scientifique;
sécurité adéquate des installations et des matériels
faisant l'objet d'examens;
mesures pertinentes pour garantir une confidentialité
absolue eu égard à l'identification de la personne à
laquelle se rapportent les résultats de l'analyse de
l'ADN; et
garanties que les conditions énoncées dans la présente
recommandation seront respectées.
Les Etats membres devraient prendre des dispositions pour
que leurs laboratoires agréés fassent périodiquement l'objet d'un
contrôle.
7.
Protection des données
Les échantillons doivent être prélevés et les analyses
de l'ADN utilisées conformément aux normes du Conseil de l'Europe
pour la protection des données, telles qu'elles sont prévues dans
la Convention No. 108 relative à la protection des données et
dans les Recommandations sur. la protection des données, notamment
- 5 dans la Recommandation R
(87) 15 visant à réglementer
l'utilisation des données à caractère personnel dans le secteur
de la police.
8.
Conservation des échantillons et des données
Les échantillons prélevés sur le corps d'individus aux
fins d'analyse de l'ADN ne doivent pas être conservés une fois
que la décision finale a été rendue dans l'affaire en vue de
laquelle ils ont été utilisés, à moins qu'une telle conservation
ne s'impose pour des besoins directement liés à ceux en vue
desquels ils ont été prélevés.
~
II faut veiller à effacer les données des analyses de
l'ADN et les informations obtenues au moyen de ces analyses dès
lors qu'il n'est plus nécessaire de les conserver aux fins en vue
desquelles elles ont été utilisées.- Les données des analyses de
l'ADN et les informations ainsi recueillies peuvent toutefois
être conservées lorsque l'intéressé a été reconnu coupable
d'infractions graves portant atteinte à la vie, à l'intégrité ou
à la sécurité des personnes.
En prévision de tels cas, la
législation nationale devrait fixer des délais précis de
conservation.
Les échantillons et autres tissus humains, pu . les
informations qui en découlent, peuvent être conservés pour de
plus longues périodes :
(i)
lorsque la personne concernée demande; ou
(ii) lorsque l'échantillon ne peut être attribué à une
personne, par exemple lorsqu'il est trouvé sur le lieu
du crime.
Dans les cas où la sûreté de l'état est en cause, le
droit interne peut permettre la conservation des échantillons,
des résultats de l'analyse de l'ADN et de l'information qui en
découle, même si la personne concernée n'a pas été inculpée ou
condamnée pour une infraction. En prévision de tels cas, la
législation nationale devrait fixer des délais précis de
conservation.
L'établissement et la gestion de tout fichier ADN pour
les besoins d'enquêtes et de poursuites pénales doivent être
réglementés par la loi.
9.
Egalité des armes
Les Etats devraient assurer que l'analyse de l'ADN en
tant que moyen spécifique de preuve soit accessible de la même
manière à la défense, soit par décision d'une autorité
judiciaire, soit par l'intermédiaire d'un expert indépendant.
Lorsque la quantité des substances disponibles pour des
analyses est limitée, il y a lieu de veiller à ce qu'aucune
atteinte ne soit portée aux droits de la défense.
- 6 -
10.
Normes techniques
Les Etats membres devraient encourager la normalisation
des méthodes d'analyse de l'ADN, tant à l'échelon national qu'à
l'échelon international. Cette normalisation pourrait obliger
les divers laboratoires à collaborer en matière d'homologation
des procédés d'analyse ou de contrôle.
11.
Propriété intellectuelle
Tout en reconnaissant que les droits de propriété
intellectuelle liés à telles ou telles méthodes d'analyse de
l'ADN pourraient demeurer acquis à certains laboratoires, les
Etats membres doivent veiller à ce que ce fait n'entrave pas
l'accès à l'utilisation de l'analyse de l'ADN.
12.
Echange transfrontière d'informations
II est possible de solliciter d'un laboratoire ou d'un
institut établi dans un autre pays des analyses de l'ADN pour les
besoins d'enquêtes et de poursuites pénales à condition que ce
laboratoire ou cet institut remplisse toutes les conditions
énoncées dans la présente Recommandation.
La
communication
transfrontière
des
conclusions
d'analyses de l'ADN ne devrait s'effectuer qu'entre des Etats qui
se conforment aux dispositions de la présente Recommandation, et
en particulier dans le respect des traités internationaux
pertinents sur l'échange d'informations en matière pénale, ainsi
que de l'article 12 de la Convention relative à la protection des
données.
^
- 7 PROJET D'EXPOSE DES MOTIFS
INTRODUCTION
1.
Le Conseil de l'Europe s'intéresse, depuis plusieurs années,
à l'incidence des nouvelles technologies sur les questions de
droits de l'Homme et de libertés fondamentales parce qu'il a le
sentiment que l'évolution et l'emploi de ces nouvelles techniques
sont justifiés et nécessaires au progrès de la société, mais
aussi que leur utilisation risque de porter atteinte aux droits
de l'Homme et aux libertés fondamentales, si l'on ne tient pas
compte des intérêts divergents et de ce qui est nécessaire dans
une société démocratique.
2.
Le Comité ad hoc d'experts sur la bioéthique (CAHBI) a donc
étudié plusieurs de ces techniques et leur incidence sur les
questions d'éthique et de valeurs humaines. Il a constaté qu'une
nouvelle méthode, l'analyse de l'acide désoxyribonucléique (ADN) ,
avait été mise au point depuis 1970 mais était utilisée surtout
depuis 1980.
En 1985, on a, lors d'un procès au Royaume-Uni, utilisé les
sondes pluri-locus (MLP) (voir glossaire à l'Annexe I); c'était
la première fois que l'on employait l'analyse de l'ADN en
médecine légale (A. J. Jeffreys et al, "Positive Identification
of an Immigration Test Case Using Human DNA Fingerprints", Nature
317:818-819, 1896). Cette technique pourrait être très utile
pour identifier un individu dans le cadre d'enquêtes et de
poursuites pénales parce qu'elle permet, soit de disculper le
suspect, soit de prouver sa culpabilité.
Cependant, il est évident qu'elle comporte des risques, non
seulement sur le plan de l'application technique mais surtout sur
celui des droits fondamentaux, comme les droits au respect de la
vie privée et familiale, à un procès équitable et au respect du
corps humain.
Le CAHBI a donc décidé de proposer au comité européen pour
les problèmes criminels (CDPC) de constituer un groupe de travail
pour étudier l'utilisation des analyses de l'ADN dans le cadre
des enquêtes et des poursuites pénales.
3.
C'est ainsi qu'a été créé, en 1990, le groupe de travail sur
les tests génétiques pour les besoins de la police et de la
justice pénale (CAHBI/CDPC-GT).
4.
Il a été chargé d'examiner la question des analyses de l'ADN
et de formuler une recommandation en la matière.
5.
Le CAHBI/CDPC-GT se compose d'experts de huit Etats membres
du Conseil de l'Europe (Autriche, Belgique, France, Allemagne,
Malte, Suède, Suisse et Royaume-Uni), quatre de ces experts étant
nommés par le CAHBI et quatre par le CDPC. Ce système a pour but
de garantir la représentation de nombreux domaines comme la
médecine légale, les sciences sociales, l'éthique, les sciences
biomédicales, mais aussi le droit pénal et la magistrature.
- 8 M. T. Rothwell (Royaume-Uni) a été élu président du groupe
de travail. Ce dernier a été aidé, à différents stades de ses
activités, par des experts de la protection des données. Le
secrétariat a été assuré par la Direction des affaires juridiques
du Conseil de l'Europe.
6.
Le CAHBI/CDPC-GT a tenu sa première réunion en septembre
1990. L'avant projet de recommandation, élaboré à cette occasion,
a été examiné par le CAHBI réuni en décembre 1990, ainsi que par
un groupe de travail que le comité d'experts sur la protection
des données a constitué en février 1991.
Le CAHBI/CDPC-GT a révisé le projet de recommandation à la
lumière des observations formulées lors de ces réunions et des
réponses au questionnaire transmis aux chefs de délégation du
CDPC sur la possibilité de procéder à des prélèvements de sang
sans le consentement du suspect.
Le projet a été examiné par le CDPC à sa quarantième session
plénière, en juin 1991. Le CAHBI en a approuvé le texte à sa
session plénière de novembre 1991 et l'a transmis au Comité des
Ministres, qui l'a adopté à la ... ème réunion de ses délégués,
le .. février 1992, et a autorisé la publication de l'exposé des
motifs.
GENERALITES ET COMMENTAIRES DU PREAMBULE
L'UTILISATION DES ANALYSES DE L'ADN DANS LE CADRE DE LA
JUSTICE PENALE
7.
La lutte contre la criminalité est une préoccupation
essentielle dans tous les Etats membres du Conseil de l'Europe
et exige le recours aux méthodes les plus modernes et les plus
efficaces dont puisse disposer l'enquêteur. La médecine légale
peut être d'une aide considérable dans les enquêtes pénales,
exploitant - comme elle le fait - les recherches scientifiques
menées dans de nombreux domaines. L'analyse de l'ADN (appelée
souvent profil génétique) constitue l'une des
nouvelles
techniques employées. Il s'agit d'une méthode permettant
d'identifier un individu par l'examen d'une quantité infime de
son sang ou d'autres tissus du corps.
8.
L'analyse de l'ADN lors d'une enquête pénale peut soit
apporter la preuve qu'un suspect a participé au crime soit, et
c'est tout aussi important, l'innocenter.
9.
Lorsqu'une technique aussi puissante est employée dans le
cadre du système pénal, il est bon d'en soumettre l'usage à
certaines garanties. Le Conseil de l'Europe, connaissant
l'ensemble des activités de ses nombreux Etats membres, est tout
à fait à même de proposer des directives sur son application.
10. La complexité des analyses d'ADN exige un haut niveau de
sophistication dans les méthodes de travail des laboratoires
- 9 procédant à ces examens. Les gouvernements des Etats membres ont
besoin d'être tout-à-fait sûrs non seulement que les résultats
communiqués par les laboratoires sur leur territoire sont
fiables, mais aussi que les travaux menés dans les Etats membres
voisins sont d'une qualité égale, le crime ne connaissant pas de
frontière.
11. Il est également essentiel de garantir le respect des
principes fondamentaux, à savoir le respect du corps humain et
de la dignité de la personne humaine.
Si tous les Etats membres reconnaissent les droits de
l'Homme fondamentaux, leur législation interne varie. Ainsi,
lors de ses délibérations, le groupe de travail a constaté des
différences notables quant à la manière pair laquelle on peut
obtenir, aux fins d'examen, du sang ou d'autres "substances
prélevées dans l'organisme.
Les présentes recommandations énoncent
les principes
pertinents dont la mise en oeuvre, par voie législative, incombe
à chaque Etat membre.
12. L'analyse de l'ADN, technique d'application coûteuse et
longue, ne devrait peut-être pas être utilisée pour les
infractions mineures. Toutefois, pour de tels délits, il importe
de se rappeler que cette méthode permet d'établir l'innocence
d'un individu. Il ne faut pas non plus négliger les droits de là
défense à quelque égard que ce soit : le recours aux analyses de
l'ADN et l'information en la matière doivent être accessibles,
au même titre, à l'accusation et à la défense.
13. Puisque l'on tient pour acquis que chaque individu possède
des empreintes digitales uniques, un suspect peut être déclaré
coupable sur cette seule preuve. Si l'analyse de l'ADN est
souvent appelée "empreintes d'ADN", l'analogie est incorrecte.
La différenciation obtenue par profil génétique dépend de
plusieurs facteurs, comme la technique employée et surtout la
qualité du matériel d'origine. Lorsque le profil génétique est
établi au mieux, il peut n'y avoir qu'une chance sur plusieurs
millions pour que l'ADN provienne de quelqu'un d'autre. Dans le
cas contraire, la différenciation peut laisser à désirer'. Il
n'est donc pas possible de généraliser l'application des analyses
d'ADN comme unique fondement de culpabilité: il appartient au
tribunal de décider dans chaque cas.
14. Il ne faut jamais perdre de vue que l'analyse de l'ADN est
une technique en évolution rapide. Les présentes recommandations
visent à en garantir une utilisation sensée et ne cherchent
nullement à freiner le progrès scientifique. L'analyse de l'ADN
devrait cependant pouvoir évoluer et se développer sans
compromettre aucun des principes fondamentaux énoncés ci-après.
Nécessité d'établir des distinctions entre les individus
15. Dans de nombreux domaines, il est nécessaire de posséder des
moyens fiables pour distinguer les individus les uns des autres.
- 10 Cette différenciation peut prendre des formes multiples. Au
niveau le plus élémentaire, il est évident que la couleur des
cheveux varie, élément qui peut être utilisé pour distinguer une
personne d'une autre. De même, on se sert des empreintes
digitales depuis des années en matière pénale, puisque chaque
individu possède, jusqu'à preuve du contraire, des empreintes
uniques.
Pour qu'un système d'identification soit fiable et crédible,
il doit s'appuyer sur les caractéristiques fondamentales de
l'individu. Une particularité comme la couleur des cheveux a peu
d'intérêt, bien qu'elle soit le reflet de la constitution
génétique de la personne, car elle est facile à changer.
Les groupes sanguins constituent un bon exemple de
caractéristiques permettant de distinguer un individu d'un autre.
Ils font partie du patrimoine génétique. En conséquence, le
groupe sanguin d'un individu reflète ce que l'enfant a hérité de
chacun de ses parents. Il est immuable du début à la fin de la
vie.
Emploi des groupes sanguins
16. Le système ABO a été le premier découvert, en 1901, par
Landsteiner. C'est encore le plus connu, mais on a trouvé par la
suite de nombreuses autres méthodes.
L'intérêt médical des
groupes sanguins est lié aux transfusions, qui nécessitent
l'emploi de groupes compatibles pour prévenir les réactions de
rejet chez le patient.
Ces techniques ont été adoptées en vue d'identifier les
individus pour les besoins de la justice pénale et à d'autres
fins judiciaires. Ainsi, lors d'une agression, le sang de la
victime peut
éclabousser
la veste de
l'agresseur.
La
détermination du groupe auquel appartient ce sang peut contribuer
à démontrer la relation entre le suspect et le crime.
Le sang n'est pas la seule substance qui permette
l'établissement du groupe sanguin, car des substances similaires
se trouvent dans la plupart des liquides du corps. Ainsi, après
une agression sexuelle, l'analyse de traces de sperme permet
parfois de déterminer le groupe sanguin de l'agresseur.
Comme le groupe sanguin de tout individu reflète l'apport
génétique de chacun de ses parents, l'établissement du groupe
sanguin peut être utile dans les enquêtes en cas de contestation
de paternité. L'examen des groupes de l'enfant, de sa mère et du
père putatif peut apporter la preuve d'un lien de parenté entre
l'homme et l'enfant.
Le groupage sanguin est donc, depuis de nombreuses années,
un outil important au service de l'expert légiste. La découverte,
par exemple, de sang du groupe A sur la veste d'un suspect peut
indiquer que celui-ci s'est attaqué à une victime de ce groupe.
- 11 Dans de nombreuses populations, le groupe A se rencontre chez
deux personnes sur cinq. Cette découverte constitue donc une
preuve, limitée, qu'il existe un lien entre le suspect et le
crime. En revanche, une analyse complète de l'ADN peut démontrer
qu'il y a seulement une chance sur un million pour que le sang
provienne d'une personne autre que la victime de l'agression.
C'est dans ce contexte qu'il faut situer l'apparition de
l'analyse ADN. Elle est la plus récente d'une série de techniques
élaborées pour permettre aux juristes, et responsables des
enquêtes pénales d'identifier les individus. C'est toutefois,
potentiellement, un outil infiniment plus puissant que tous ceux
dont on se servait auparavant et il convient d'en soumettre
l'usage à certaines garanties.
L'ADN, support de l'hérédité
17. S'il n'est pas nécessaire de connaître la structure et la
fonction de l'ADN pour comprendre l'intérêt de son analyse dans
lé cadre du système pénal, quelques informations de base, ainsi
qu'une introduction aux termes en usage, pourraient être utiles
à ceux qui ne maîtrisent pas le sujet.
18. Le corps humain est composé de millions de cellules
microscopiques, qui sont'les éléments de base de tout organisme
vivant. Ces cellules sont trop petites pour être vues à l'oeil
nu. Dans la plupart d'entre elles, il existe une structure
appelée noyau, qui contient les chromosomes, supports de
l'hérédité. Les chromosomes sont des structures minuscules,
visibles uniquement à l'aide de techniques microscopiques
spécialisées.
19. Le mécanisme de l'hérédité, le code génétique qui
caractérise la structure de l'individu, est contenu dans une
substance complexe appelée acide désoxyribonucléique - en abrégé
ADN - dont est constitué le chromosome. L'ADN se compose, luimême, de milliers d'éléments encore plus petits, disposés en
séquences particulières; c'est la forme et la disposition de ces
séquences qui constituent le code génétique et qui, à leur tour,
contrôlent
la production des différentes substances qui
conduisent au développement de l'individu.
•
20. Un chromosome est une structure en forme de bâtonnets: la
cellule humaine compte 46 chromosomes,
soit deux jeux
fondamentalement semblables de 23. Un jeu est hérité de la mère
et l'autre du père. Les caractères héréditaires sont déterminés
par les gènes dont chacun est une petite partie de la séquence
d'ADN.
La localisation des gènes sur le chromosome est bien
définie. Ainsi, la couleur des yeux dépendra d'un gène situé à
un certain locus, c'est-à-dire à un point précis d'un chromosome
précis. Ce locus se trouve sur un chromosome du jeu hérité de la
mère et sur le chromosome correspondant du jeu hérité du père.
Ces chromosomes, qui comportent des loci de gênes équivalents,
- 12 -
sont qualifiés "d'homologues". Toute caractéristique d'un
individu sera donc le résultat de l'activité de deux gènes, un
de chacun des parents.
21. Ainsi, au locus du groupe sanguin ABO (qui se trouve sur le
chromosome 9), le gène situé sur le chromosome hérité de la mère
peut être du groupe A tandis que l'autre, hérité du père, peut
être du groupe B. L'individu sera donc de groupe sanguin AB et
l'on dira donc qu'il est hétérozygote, eu égard au groupe sanguin
ABO. Si la mère et le père donnent un gène du groupe A, l'enfant
sera du groupe sanguin A et l'on dira qu'il est homozygote, eu
égard au groupe sanguin ABO.
Les gènes responsables des différents aspects d'un caractère
donné (comme les groupes A et B au sein du système du groupe
sanguin ABO) sont dits alléliques
22. Les cellules ne contiennent pas toutes deux jeux de
chromosomes. Lorsque les gamètes (ovule ou spermatozoïde) se
forment, la moitié seulement des chromosomes entre dans l'ovule
ou le spermatozoïde bien que chacun des 23 types de chromosomes
soit présent. Lors de la fécondation de l'ovule par un
spermatozoïde, les gamètes fusionnent et les chromosomes de l'un
et l'autre gamètes s'apparient pour donner à l'embryon la
totalité de son matériel génétique. C'est ce processus qui fait
que l'individu reçoit de chacun de ses parents une part égale de
son code génétique. Des jumeaux *identiques* sont le résultat
d'une division de l'embryon en cours de développement. Chacun de
ces jumeaux possédera ainsi le même code génétique.
23. Les variations dans les séquences d'éléments présents dans
l'ADN déterminent les différences physiques entre les individus;
d'autres facteurs, comme la prédisposition à certaines maladies,
peuvent également dépendre de la structure de l'ADN.
24. L'analyse de l'ADN, appelée souvent établissement du profil
génétique, permet de déceler les séquences qui y sont contenues,
et met donc à notre disposition l'une des méthodes les plus
efficaces jamais conçues pour identifier les personnes.
L'analyse de l'ADN: description succincte de la technique
25. L'ADN qui comprend le chromosome est une molécule constituée
de deux longues chaînes enroulées en spirales. La chaîne est
constituée d'un grand nombre de petits sous-éléments. Ces souséléments sont de quatre types et c'est leur enchaînement qui
constitue le code génétique. La chaîne, double, est formée de
deux brins et l'enchaînement sur un brin impose strictement
l'enchaînement sur l'autre brin. Les deux brins forment la
célèbre "double hélice", découverte par Watson et Crick il y a
une quarantaine d'années.
L'analyse de l'ADN dépend de la
séparation et de l'identification des diverses
séquences
présentes dans la chaîne.
26. L'une des méthodes d'analyse intéresse les sections de la
chaîne d'ADN sur lesquelles se répètent, parfois à plusieurs
_ i -D _
réprises, de brèves séquences. Le nombre des répétitions varie
selon l'individu et ces sections d'ADN sont souvent appelées
"nombre variable de répétitions disposées en tandem" (séquences
VNR) ou "régions mini-satellitaires hypervariables", autre nom
pour "mini-satellites".
Ces sections .d'ADN ne font généralement pas partie d'un
gène, mais semblent ponctuer les séquences codantes. Ces régions
très variables de la chaîne sont souvent appelées "ADN non
codant". L'utilisation de cet ADN non codant pour les besoins de
la justice pénale présente un certain intérêt éthique;
l'établissement de profils génétiques ne pourra aboutir qu'à
l'identification ou à l'exclusion d'un individu et l'on ne pourra
rien déduire de ses caractéristiques physiques, parce que
l'analyse ne fait pas appel aux gènes.
27. Cette technique d'analyse implique l'extraction et la
purification de l'ADN à partir d'une source appropriée, de
matériaux cellulaires comme le sang ou le sperme. L'ADN purifié
est ensuite mélangé à une enzyme de restriction, substance
chimique qui sectionne en petits fragments les molécules d'ADN
relativement
grandes.
Elle
sectionne
ces molécules
en
reconnaissant une certaine séquence dans l'ADN et en attaquant
la structure à ce point précis. Si on choisit des enzymes
appropriées, les séquences VNTR peuvent être sectionnées de la
chaîne d'ADN. Tout échantillon d'ADN se divise en un certain
nombre de fragments de taille différente mais tout à fait
précise. L'ADN génère des fragments de longueur différente selon
l'individu et c'est la répartition des dimensions des fragments
qui constitue le profil d'ADN. On sépare ensuite ces fragments
inframicroscopiques par électrophorèse, procédé qui classe les
fragments en groupes, en fonction de leur taille et à l'aide d'un
gradiant créé par un courant électrique.
Les fragments d'ADN sont ensuite traités à l'aide d'une
sonde afin de pouvoir en discerner et en enregistrer de façon
permanente les différents groupes. Une sonde est un type d'ADN
préparé tout spécialement pour reconnaître les séquences
spécifiques à l'ADN analysé et s'y fixer. La sonde est
généralement radioactive, ce qui permet d'enregistrer la présence
du matériel sur une image photographique. Après traitement,
l'image révélera des zones sombres correspondant à la position
des différents fragments d'ADN produits par l'analyse.
28. Les profils génétiques établis pendant les premiers stades
de la mise au point de cette technique se présentaient sous la
forme de codes-barres, comme ceux dont on se sert pour indiquer
le prix des denrées dans le commerce de détail. Chaque "barre"
correspondait à des fragments d'ADN d'une taille donnée. Pour
établir des profils de cette sorte, on se servait de sondes
plurilocus (MLP), matériaux spécialement préparés pour rendre
visible tout l'éventail des fragments d'ADN résultant de
l'analyse.
La comparaison des profils provenant, par exemple, du sperme
produit lors d'un viol et du sang de l'agresseur se fait en
- 14 -
plaçant les profils l'un à côté de l'autre et en comparant les
positions des bandes d'ADN. Si l'ADN des échantillons examinés
n'est pas dégradé, de nombreuses bandes - parfois plus de 15 peuvent être localisées, et leurs positions les unes par rapport
aux autres sont les mêmes sur les deux profils.
C'est ce
processus
d'identification
des
différents
points
de
correspondance des profils qui fait l'analogie avec les
empreintes digitales et a conduit à utiliser l'expression
"empreintes d'ADN". L'analyse de l'ADN n'a toutefois rien de
commun avec la dactyloscopie, aussi vaut-il mieux ne pas employer
l'expression "empreintes d'ADN".
29. Si l'analyse résultant de l'utilisation des sondes
plurilocus (MLP) peut permettre d'établir des distinctions très
fines entre les individus, renforçant ainsi
la valeur
*probatoire* de l'analyse, le profil obtenu est complexe et
souvent difficile à interpréter. L'ADN dégradé, qui, pour une
raison ou une autre, s'est détérioré après le prélèvement de sang
ou d'un autre tissus du corps, risque de donner un profil
inapproprié dans lequel ne sera visible qu'un petit nombre de
bandes. C'est pourquoi des analyses plus récentes ont été
effectuées avec des sondes unilocus (SLP) dont les inconvénients
sont moindres à cet égard.
30. On procède de la même façon dans les premiers stades de
l'analyse, mais la sonde unilocus ne réagit pas avec tous les
fragments d'ADN. En effet, elle répond à une structure
particulière de la chaîne d'ADN et à un locus génétique précis,
et l'image photographique qui est l'aboutissement de l'analyse
montre que le profil ne comprend qu'une ou deux bandes. Si
l'individu est homozygote, les deux allèles situés au même locus
génétique sont identiques et une seule bande transversale de
fragment d'ADN apparaît dans le profil. L'individu hétérozygote
possède, pour ce même locus, deux allèles différents qui
donneront, à leur tour, deux bandes de fragments d'ADN dans le
profil. En conséquence, un profil établi à l'aide d'une sonde
unilocus (SLP) est plus simple et plus facile à interpréter
qu'une analyse effectuée avec une sonde plurilocus (MLP).
31. Comme dans le procédé MLP, ce qui importe est la position
relative des bandes d'ADN apparaissant dans le profil. La
comparaison des profils se fait de la même manière, c'est à dire
en les plaçant côte à côte et en observant si les bandes occupent
les mêmes positions les unes par rapport aux autres. Si l'analyse
est tout aussi fiable avec la sonde unilocus et avec la sonde
plurilocus, les distinctions établies par la première sont, par
essence, bien moins fines et l'on devra généralement effectuer
des analyses à l'aide des sondes unilocus variées, pour mieux
différencier les intéressés..
32. Les sondes unilocus peuvent être supérieures aux sondes
plurilocus lorsque l'ADN est dégradé; la sensibilité globale du
procédé est améliorée, de sorte que de plus petits échantillons
de matériel sont nécessaires pour l'analyse. Les informations
obtenues à l'aide d'une sonde unilocus peuvent être codées sous
une forme se prêtant à la manipulation et à la conservation en
- 15 ordinateur. Il se peut, de ce fait, que les responsables
d'enquêtes pénales et autres personnes intéressées demandent la
création d'un registre d'ADN, d'une base de données de profils
d'ADN qui permettrait d'effectuer des comparaisons avec de
nouveaux profils, pour établir un lien entre des délits et des
individus déjà reconnus coupables d'infractions pénales graves.
33. L'une des prochaines étapes de l'analyse de l'ADN sera
probablement l'introduction de la technique dite de "réaction en
chaîne par la polymérase". Cette technique exploite les
potentialités d'autoréplication intrinsèques de l'ADN dans des
conditions favorables. Elle permet de constituer de relativement
grandes quantités d'ADN à partir d'un très petit échantillon du
matériel: l'ADN ainsi constitué est identique à l'ADN original.
Ce procédé rend l'analyse de l'ADN bien plus sensible et
permettra d'établir un profil génétique à partir d'échantillons
de matériel bien plus petit.
34. Toute évolution scientifique présente toutefois des aspects
positifs et négatifs. Dans le cas de la technique dite de
"réaction
en chaîne par
la polymérase",
le
processus
d'amplification multipliera dans l'échantillon outre la quantité
d'ADN intéressant, celle d'ADN non désiré, présent peut-être dans
des bactéries contaminant l'échantillon examiné. En conséquence,
il faudra peut-être.lier l'application de cette technique à de
nouveaux procédés " permettant de garantir l'intégrité et la
propreté des matériaux à 1'étude.
Application de l'analyse d'ADN
35. Comme l'ADN se trouve dans le noyau des cellules qui forment
le corps, on peut l'analyser à partir d'une grande variété de
matériaux. Ainsi, l'on obtiendra pour un individu le même profil
donné quel que soit-l'échantillon examiné, qu'il s'agisse de sang
ou d'autres /tissus.comme les racines des cheveux. Les fluides du
corps comme la salive, qui ne contiennent généralement que très
peu de cellules, ne donneront sans doute pas assez d'ADN pour
établir un profil satisfaisant; le sperme d'un homme ayant subi
une vasectomie entre dans cette catégorie. Le sang, fluide qui
renferme de nombreuses cellules, est un matériel adapté à
l'analyse, bien qu'il y ait lieu de souligner que seuls les
leucocytes sont responsables du profil. Les hématies, bien plus
nombreuses, ne contiennent pas de noyau et donc pas d'ADN
chromosomique. L'analyse de l'ADN trouve donc de vastes
applications dans les enquêtes sur les agressions et les délits
sexuels.
Cette
technique ne
se limite d'ailleurs
pas
obligatoirement aux matériaux d'origine humaine, car le code
génétique des animaux et des plantes est également constitué
d'ADN.
36. L'établissement de profils d'ADN est une technique
scientifique nouvelle. Elle évolue donc rapidement. L'on ne cesse
de mettre au point des tests plus sensibles, moins fragiles,
réalisables plus vite et qui apportent des résultats plus fins.
C'est pourquoi il importe, dans les lignes directrices pour
l'emploi de ces tests, de ne pas seulement tenir compte des
- 16 réalisations d'aujourd'hui, mais de se placer dans une
perspective d'avenir, pour permettre à cette technique de mûrir
dans un cadre juridique et éthique sûr.
OBSERVATIONS SUR LES RECOMMANDATIONS
1. Définitions
37. Le groupe de travail a exprimé l'opinion
que la
recommandation
ne devrait renfermer que les définitions
nécessaires à sa bonne compréhension. Après examen, on a estimé
qu'il n'était pas utile d'y préciser ce que l'on entend par
"infraction pénale". Il a semblé préférable de considérer que
cette question relève de la législation nationale qui peut
comporter ou non des sanctions pénales administratives comme les
"Ordnungswidrigkeiten" en Allemagne.
Le groupe a pris connaissance du glossaire établi, dans le
domaine des tests et du dépistage génétiques à des fins
médicales, par un autre groupe de travail relevant du CAHBI
(CAHBI-GT-GS). Au vu du haut niveau scientifique de ce glossaire,
le CAHBI/CDPC-GT a décidé de rédiger son propre glossaire à
l'intention d'un autre groupe-cible, à savoir les juges,
juristes, législateurs, ainsi que les non-juristes et nonscientifiques qui parcourraient, pour la première fois peut-être,
une publication du Conseil de l'Europe sur les analyses d'ADN et
ne connaîtraient pas la terminologie très spécialisée utilisée
par les experts. Le groupe a également considéré que, dans le
cas d'un procès devant un jury, il faudrait expliquer aux jurés,
dans un langage simple et précis, l'objectif de l'analyse de
l'ADN. C'est pourquoi il a été décidé de rédiger de manière
simple et fonctionnelle le glossaire joint à l'exposé des motifs
(voir annexe I).
Le groupe s'est demandé quelle expression employer pour
décrire correctement le prélèvement et l'analyse d'ADN aux fins
de justice pénale. La presse parle fréquemment d'"empreintes
génétiques", expression qui a été jugée inexacte.
La formule
"établissement de profils génétiques" présente l'inconvénient de
soulever des questions quant aux limites des méthodes, alors que
des libellés comme "tests d1"ADN" ou "typologie de l'ADN" sont
trop vagues. Il serait préférable d'employer l'expression
"identification par l'ADN" pecur indiquer que la méthode utilisée
à des fins de justice pénale m'intéresse que l'identification des
personnes et non, par exemple,, les maladies. Le groupe de travail
s'est
finalement prononcé pour l'expression plus neutre
d'"analyse de l'ADN".
L'"analyse de l'ADN" ne comprend pas forcément les seuls
procédés de laboratoire. La définition s'étend aussi à l'analyse
informatique.
Le terme "échantillon" désigne tout matériel
biologique pouvant être utilisé aux fins d'analyse
Certaines juridictions, notamment dans les pays
coutumier, font une distinction entre les échantillons
d'origine
de l'ADN.
de droit
"intimes"
- iv et "non intimes", s'agissant de la possibilité de prélever des
échantillons
sans le consentement du suspect. Le terme
"échantillon" s'applique aux deux catégories.
Le groupe de travail a préféré à l'expression "registre
d'ADN" celle de "fichier d'ADN" à la demande des spécialistes de
la protection des données pour qui l'expression "registre d'ADN"
donnerait l'impression qu'une conservation prolongée des données
en ordinateur est nécessaire. L'expression "fichier d'ADN" laisse
entendre que les données ne seront pas conservées pendant des
périodes longues et n'intéresseraient pas de grandes parties de
la population (cf. commentaire de la Recommandation n° 8).
2.
Champ d'application et limitations
38. Le Groupe de travail a estimé qu'il fallait circonscrire le
champ d'application du dispositif à l'analyse de l'ADN aux fins
d'identification d'un individu dans le cadre du système de
justice pénale. Il en découle que l'identification d'un individu
dans d'autres buts, par exemple à des fins médicales ou dans le
cadre d'une demande d'immigration, est exclue du champ
d'application
de
cet
instrument.
La
Recommandation 3,
paragraphes 2 et 3, prévoit cependant deux exceptions (cf.
commentaire de ces dispositions).
Le Groupe de travail s'est interrogé sur l'opportunité de
recommander que l'utilisation de l'analyse de l'ADN soit
restreinte à l'ADN non-codant, comme proposé dans certains pays.
Il a pensé que ceci limiterait inutilement l'action des pays qui
permettent l'utilisation de l'analyse de l'ADN codant.
Le champ d'application de la Recommandation n'est pas limité
au suspect mais s'applique aussi aux autres personnes qui peuvent
être concernées par une enquête pénale, par exemple les victimes.
La législation de la plupart des pays prévoit que des
échantillons peuvent être prélevés sur des tiers, avec leur
consentement. Il est arrivé que l'on procède à des prélèvements
sur des personnes qui n'étaient ni victimes, ni suspects, par
exemple tous les habitants d'un village. Si la législation
nationale autorise ces méthodes, la Recommandation sera également
applicable.
La Recommandation s'applique "dans le cadre" du système de
justice pénale (voir titre). En adoptant cette terminologie
extensive, les experts ont voulu indiquer que les résultats d'une
analyse d'ADN pourraient être utilisés, par exemple lorsqu'une
victime d'une infraction demande réparation à l'auteur de
l'infraction, bien que de telles procédures puissent, dans
certains pays, être considérées comme relevant du droit civil et
non pénal. Dans de telles affaires cependant, la demande de
réparation fait suite à une infraction pénale.
Dans des cas exceptionnels, il est possible que l'analyse
d'ADN soit utilisée afin d'identifier le "modi operandi" d'un
auteur. Dans la mesure où l'objectif serait aussi, dans un tel
cas, l'identification d'un auteur, le CAHBI a estimé que ce cas
- 18 était également couvert par la Recommandation.
Bien que la Recommandation porte sur le prélèvement
d'échantillons, ceux-ci ne constituent pas nécessairement des
données personnelles pour les besoins de la législation en
matière de protection des données (cf. recommandation 7).
3.
découlant
Utilisation des échantillons et informations en
39. On peut craindre, légitimement ou non, que les échantillons
recueillis aux fins d'analyse de l'ADN soient utilisés dans des
buts autres que ceux pour lesquels ils ont été prélevés. Il
importe donc de définir des règles claires et précises pour
éliminer la crainte d'une utilisation illégale des échantillons
et des informations dégagées de leur analyse. En revanche, on
peut admettre, lorsque des intérêts véritablement légitimes le
justifient, que les échantillons et l'information soient utilisés
à d'autres fins. Le groupe de travail a défini quelques
exceptions. Lorsque la personne sur laquelle les échantillons ont
été prélevés en fait la demande, l'information devrait lui être
communiquée. Elle serait alors en mesure d'utiliser l'information
à des fins de santé. Une autre exception serait à des fins de
recherche et de statistique. Lorsque la personne est décédée, sa
famille ou ses représentants légaux pourraient souhaiter avoir
accès à l'information, par exemple à des fins médicales. Lorsque
le droit national le permet, ceux-ci devraient se voir
reconnaître l'accès à l'information.
Le deuxième paragraphe porte sur un cas qui n'entre pas, a.
priori, dans le champ d'application de la Recommandation, à
savoir le prélèvement d'échantillons à des fins médicales. Ces
échantillons et les informations dégagés de leur analyse ne
doivent pas servir à des enquêtes et poursuites pénales, sauf
s'il existe des circonstances qui justifient une telle exception,
par exemple lorsque le patient donne son consentement ou que le
secret médical peut être levé, conformément à la législation
nationale, dans des cas extrêmement graves. Le CAHBI a estimé que
de telles circonstances doivent rester exceptionnelles.
Il va sans dire que ce principe ne peut pas être interprété
de manière à permettre à la police ou au ministère public d'avoir
,un libre accès aux dossiers médicaux. Un tel accès est, dans
chaque Etat membre, assorti de garanties juridiques adéquates
dans la législation nationale. Le droit de secret professionnel
pour les médecins est généralement reconnu dans la plupart des
Etats.
Par *"droit national"*, au deuxième paragraphe du principe,
on ne veut pas indiquer qu'il soit nécessaire d'élaborer une
législation
spécifique en la matière. Les
*"références
d'identification"* mentionnées au troisième paragraphe pourraient
être des numéros d'identification personnelle ("PINs").
La question des échantillons est abordée dans le commentaire
de la recommandation 7.
- 19 4.
Prélèvement d'échantillons aux fins d'analyse de l'ADN
40. Le groupe de travail a procédé à une étude pour déterminer
s'il était possible dans les Etats membres de prélever des
échantillons à des fins d'analyse de l'ADN dans le cadre
d'enquêtes pénales sans le consentement du suspect, de la victime
ou d'un tiers n'ayant pas participé à l'infraction. L'étude
révèle que les questions abordées sont tellement nouvelles pour
certains pays que ceux-ci ne disposent en la matière d'aucune loi
ni jurisprudence spécifique. De façon générale, on relève une
différence entre les pays de droit coutumier et les pays de droit
continental: les premiers exigent habituellement le consentement,
voire le consentement écrit tandis que les seconds admettent
fréquemment l'usage de la contrainte pour l'obtention d'un
échantillon de sang. Toutefois, le consentement est généralement
requis lorsqu'il s'agit de victimes ou de tiers. Les pays de
droit coutumier sont apparemment les seuls à établir une
distinction entre les échantillons intimes et non intimes.
Le recours à la contrainte pour le suspect serait autorisé
sur la base d'une législation spécifique ou en raison de
propositions ou d'une interprétation des textes, par exemple,
dans les cinq pays nordiques, en Allemagne, en Grèce, au
Luxembourg, aux Pays-Bas et en Suisse.
En général, la décision de prélever un échantillon est
assortie de plusieurs garanties d'ordre procédural ou bien le
prélèvement d'échantillons peut seulement être autorisé dans
certaines circonstances ou dans des cas particuliers, tels que
les exemples suivants: s'il y a de fortes présomptions qui pèsent
sur l'auteur de l'infraction; si le délit est passible d'une
privation de liberté (d'une certaine durée dans la plupart des
cas) ou constitue une infraction grave en vertu de la
législation; s'il y a des raisons de croire que l'analyse des
échantillons est capitale pour l'enquête; si le prélèvement luimême ou l'examen peut être effectué sans risque ni douleur
excessive; s'il existe une loi qui permet le prélèvement
d'échantillons; si celui-ci est dans l'intérêt public; s'il n'est
pas contraire au principe de proportionnalité; si l'analyse est
limitée à l'ADN non codant.
Le consentement est exigé en France et, pour certains types
de prélèvements, au Royaume-Uni, avec de légères différences
entre l'Angleterre, le Pays de Galles, l'Ecosse et l'Irlande du
Nord. Les règles juridiques sont également différentes selon
qu'il s'agit d'échantillons intimes (sang, sperme, etc) ou
d'échantillons non intimes (cheveux, ongles, etc.). De façon
générale, le prélèvement d'échantillons intimes ne semble
possible qu'avec le consentement écrit de l'intéressé, en cas
d'infraction grave et si l'on peut raisonnablement penser que
l'échantillon permettra de confirmer ou de démentir la
participation du suspect à l'infraction. Le refus d'un suspect
de donner son consentement écrit peut être considéré comme une
preuve supplémentaire de sa culpabilité et retenu par les
tribunaux en sa défaveur. Un degré raisonnable de contrainte peut
être exercé dans le prélèvement d'échantillons non intimes
- 20 lorsque le suspect se trouve en garde à vue, avec l'autorisation
d'un officier supérieur de police.
A Chypre, le prélèvement d'échantillons n'est pas autorisé,
tout au moins, pour ce qui est des échantillons qui supposent une
pénétration dans le corps humain. En Belgique, le prélèvement des
échantillons qui supposent une pénétration dans le corps humain
peut être autorisé, mais à la stricte condition d'obtenir le
'consentement de la personne; aucune .contrainte ne peut être
utilisée à cette fin. Les raisons invoquées sont liées à la
protection de la dignité humaine, à la constitution et à la
Convention européenne des Droits de l'Homme.
S'agissant du prélèvement d'échantillons chez la victime ou
des tiers, le consentement est généralement exigé. En Allemagne,
les échantillons peuvent être prélevés seulement en cas d'absolue
nécessité pour déterminer la vérité; tous les autres cas sont
exclus. En Ecosse, la police peut théoriquement obtenir un
mandat, mais cela n'est pas envisagé dans la pratique.
La plupart des pays exigent que la décision de prélever un
échantillon .soit prise par un juge (Norvège, Danemark
s'agissant d'échantillons autres que des échantillons de sang à
moins d'un consentement écrit, Suède, Islande, Luxembourg,
Suisse, Allemagne).
Des
situations
exceptionnelles
comme
l'urgence
ou
l'existence d'un consentement écrit peuvent justifier que
l'autorisation de prélèvement soit prise par le parquet ou un
officier supérieur de police, cette décision pouvant être
ultérieurement soumise à un juge. En règle générale, les
échantillons de sang ne peuvent être prélevés que par du
personnel médical qualifié, c'est-à-dire des médecins ou
infirmiers. Certaines lois prévoient des règles particulières
(tests réalisés à l'intérieur d'un bâtiment, dans une pièce
séparée, consignés par écrit) ou des règles générales (droit de
demander une contre-expertise, droit d'intenter un recours contre
une décision - dans certains pays seulement).
Les médecins qui ne travaillent pas dans le service public
peuvent, dans certains pays, refuser d'effectuer le test
(Danemark, Suisse), tandis que la situation inverse est légale
dans d'autres pays, c'est-à-dire que les médecins du service
public ne peuvent refuser d'effectuer le test sauf pour des
motifs exceptionnels (Norvège, Danemark - les médecins peuvent
refuser si le prélèvement est risqué, douloureux, d'un résultat
aléatoire, ou si le patient est en mauvaise condition physique Suède, Suisse, Allemagne - médecins travaillant pour la police).
Au Royaume-Uni et en Islande, le médecin peut refuser
d'effectuer le test pour des raisons d'éthique professionnelle
et médicale.
41. Le groupe de travail a étudié certaines décisions de la
Commission européenne des Droits de l'Homme (requêtes n° 8239/78
- 21 et 8278/78), concernant des requêtes présentées par des personnes
soumises à un examen sanguin ordonné lors d'une procédure en
désaveu de paternité ou parce qu'elles étaient soupçonnées
d'avoir conduit en état d'ébriété.
La Commission a estimé que le fait de contraindre une
personne à un examen du sang constituait une privation de liberté
au regard de l'article 5 de la Convention européenne des Droits
de l'Homme, même si cette privation est de très courte durée.
L'alinéa l.b dudit article autorise toutefois la détention d'une
personne "pour insoumission à une ordonnance rendue, conformément
à la loi, par un tribunal ou en vue de garantir l'exécution d'une
obligation prescrite par la loi".
La Commission a également souligné qu'une intervention
médicale forcée, même mineure, doit être considérée comme une
atteinte au droit au respect de la vie privée, garanti par
l'article 8 de la Convention. Il convient donc d'examiner, à la
lumière des dispositions de l'article 8, paragraphe 2, de
l'instrument, si cette atteinte est justifiée ou non. Ledit
paragraphe 2 stipule .qu'il ne peut y avoir ingérence dans
l'exercice du droit au respect de la vie privée que pour autant
qu'elle est prévue par la loi et constitue une mesure qui, dans
une société démocratique, est nécessaire dans certains domaines
bien définis comme la défense de l'ordre et la prévention des
infractions pénales ou la protection des droits et libertés
d'autrui. Un certain nombre de garanties doivent exclure tout
arbitraire ou abus. Dans le cas ou des intérêts vitaux sont en
jeu et où il n'existe aucune autre possibilité, il faut admettre
le non respect du droit garanti par l'article 8. Lorsqu'un
automobiliste conduit en état d'ébriété, la protection de la
société et plus particulièrement la sécurité routière et la santé
d'autrui justifient une exception à l'article 8, paragraphe 1,
de la Convention européenne.
42. Ayant constaté les grandes disparités des codes de procédure
pénale et ayant surtout tenu compte de la jurisprudence des
organes de la Convention européenne des Droits de l'homme, le
groupe de travail a adopté une démarche très prudente dans la
rédaction. Le prélèvement d'échantillons doit, conformément aux
décisions prises par la Commission européenne, être défini par
la loi et se justifier pour les raisons mentionnées dans la
Convention.
Le Groupe de travail a relevé que l'utilisation du dépistage
de masse sur de larges populations pourrait soulever une question
relative à la présomption de l'innocence. Si une personne refuse
de se soumettre à un dépistage, ceci ne devrait pas
automatiquement susciter la suspicion. Il pourrait y avoir des
raisons valables à un tel refus.
43. Le principe de proportionnalité dans le recours à la
contrainte est reconnu dans tous les Etats membres, parfois en
vertu de la Constitution. Ce principe est expressément évoqué au
deuxième paragraphe. Il appartient à chaque Etat de définir les
conséquences d'un refus à se soumettre à un examen sanguin.
- 22 5.
Recours à l'analyse de l'ADN
44. La Recommandation 5 a pour but de souligner qu'il doit être
possible dans la pratique de recourir à l'analyse de l'ADN pour
tous les types de délits, et pas uniquement pour les infractions
graves. Ce point est particulièrement important pour la défense
qui, grâce à l'utilisation de cette technique, sera en mesure
d'innocenter le suspect. C'est pourquoi le principe de
proportionnalité n'a pas été mentionné dans ce paragraphe, car
la défense pourrait souhaiter recourir à des analyses d'ADN dans
des affaires moins graves.
Toute autre est la question de savoir s'il convient, dans
la pratique, de réserver aux infractions graves l'analyse de
l'ADN, surtout lorsqu'elle est demandée ou effectuée pair le
ministère public. Cette technique ne devra évidemment pas, ne
serait-ce que pour des raisons de rentabilité, être appliquée
dans de simples cas de vol à l'étalage (si tant est qu'on puisse
le faire) ou à des infractions mineures au code de la route.
L'utilisation du mot "recours", au lieu d'"accès" met en lumière
cette distinction. La règle de la meilleure preuve possible devra
cependant être prise en compte.
6.
Agrément et contrôle des analyses d'ADN
45. Si elle est faite correctement, l'analyse de l'ADN aboutit
à des différenciations bien plus fines que les tests sanguins,
mais son application, en évolution constante, exige un matériel
très sophistiqué. Il importe donc, lorsque elle est utilisée à
des fins de justice pénale, de ne faire appel qu'aux laboratoires
répondant aux normes les plus élevées en matière d'intégrité
scientifique, de compétence technique et d'expérience. Un moyen
d'y parvenir serait d'instituer un système d'agrément et de
contrôle. Ainsi, le ministère français de l'Intérieur a fait
contrôler 18 laboratoires
et constaté que
5 seulement
remplissaient les conditions ministérielles requises. Il a été
officiellement recommandé aux juges de faire appel aux seuls
laboratoires agréés. Il n'est toutefois pas possible d'imposer
aux juges le recours à certains laboratoires car l'on porterait
atteinte à leur liberté de choix. Cependant, un système efficace
d''agrément et de contrôle les orienterait vers ' les laboratoires
les plus qualifiés pour effectuer l'analyse.
Il arrive que l'analyse de l'ADN soit fournie par des
autorités publiques (Ministère britannique de l'Intérieur, des
laboratoires de police comme celui du Bundeskriminalamt allemand
etc.) ce qui pose le problème, du moins en théorie, de
l'indépendance des laboratoires. En revanche, on peut craindre
que les tests effectués par des entreprises privées soient
favorables à celui qui paie l'analyse. Ces craintes seraient
dissipées si le laboratoire satisfaisait aux normes d'intégrité
scientifique requises par la présente recommandation.
Il parait important que des méthodes d'analyse d'une grande
précision soient développées, afin d'éviter d'obtenir des
- 23 informations non-pertinentes, comme par exemple des informations
concernant la santé d'une personne.
7.
Protection des données
46. La Recommandation, ainsi que le préambule, visent à rappeler
l'importance, dans ce domaine, des aspects liés à la protection
des données. Dans ce contexte, on rappelle la Recommandation n°
R (81) 1 relative à la réglementation applicable aux banques de
données
médicales
automatisées,
bien
qu'une
nouvelle
recommandation qui pourrait couvrir des données génétiques soit
actuellement en cours d'élaboration.
Les échantillons recueillis ne constituent pas, en soi, des
données à caractère personnel au regard d'une législation sur la
protection des données. Tout au plus peuvent-ils être considérés
comme tels lorsque les échantillons sont analysés et que des
informations en sont dégagées. C'est pourquoi la collecte
d'échantillons n'est pas effectuée conformément à la législation
sur la protection des données mais en vertu des dispositions
normales régissant les pouvoirs de la police ou du code de
procédure pénale. En revanche, la conservation des données et
.l'exploitation des informations seront régies, entre autres, par
la législation sur la protection des données.
Au sujet de la collecte des informations, référence est
faite au principe n° 2 de la Recommandation N° R (87) 15 visant
à réglementer l'utilisation des données à caractère personnel
dans le secteur de la police. Ce principe est le suivant: la
collecte de données à caractère personnel à des fins de police
devrait se limiter à ce qui est nécessaire à la prévention d'un
danger concret ou à la répression d'une infraction pénale
déterminée. Toute exception à cette disposition devrait faire
l'objet d'une législation nationale spécifique. Ce principe
exclut une collecte illimitée et sans discrimination de données
par la police. L'expression "danger concret" doit être comprise
comme ne se limitant pas une infraction ou à un auteur
d'infraction particulier, mais englobant tous les cas où des
présomptions suffisantes permettent de penser qu'une infraction
pénale grave a été ou pourrait être commise et excluant des
possibilités éventuelles non assorties de preuves.
8.
Conservation des échantillons et des données
47. Le groupe de travail, tout à fait conscient des difficultés
de rédaction de la Recommandation 8, parce qu'elle met en jeu
divers intérêts protégés, de nature très sensible, a estimé
nécessaire de trouver un juste équilibre entre ces intérêts. La
Convention européenne des droits de l'Homme et la Convention sur
la protection des données prévoient, toutes deux, des exceptions
dans les domaines de la répression des infractions pénales et de
la protection des droits et libertés des tiers. Les exceptions
ne sont toutefois admises que dans la mesure où elles sont
compatibles avec ce qui est nécessaire dans une société
démocratique.
- 24 48. Les principes 3 et 7 de la Recommandation N° R (87) 15
prévoient que l'enregistrement de données à caractère personnel
à des fins de police devrait ne concerner que des données exactes
et ne se limiter qu'aux données nécessaires pour permettre aux
organes de police d'accomplir leur tâche légale. Il convient
d'effacer les données dès lors qu'elles ne présentent plus
d'intérêt aux fins pour lesquelles elles ont été conservées.
49. Puisque l'objectif premier de la collecte d'échantillons et
de la conduite d'analyses d'ADN sur ces échantillons est
l'identification des délinquants et la disculpation des suspects,
les données devront être effacées dès que les suspects auront été
innocentés. La question se pose alors de savoir combien de temps
les informations obtenues par analyse de l'ADN, ainsi que les
échantillons sur lesquels elles s'appuient, peuvent être
conservés en cas de découverte de culpabilité.
50. Le'principe général est que les informations sont effacées
lorsqu'elles ne sont plus nécessaires aux fins pour lesquelles
elles ont été recueillies et utilisées. Ceci serait généralement
le cas lorsqu'une décision finale concernant la culpabilité de
l'auteur a été rendue. Par *"décision finale"*, le CAHBI entend
couvrir normalement, en droit national, une décision judiciaire.
Le groupe de travail a toutefois reconnu la nécessité de
constituer des bases de .données dans certains cas et pour
certaines catégories d'infractions, qui peuvent être considérés
comme
constituant des
circonstances
justifiant
d'autres
solutions, en raison de leur gravi.té. Il est parvenu à cette
conclusion après une analyse approfondie des dispositions
pertinentes de la Convention européenne des Droits de l'Homme,
de la Convention sur la protection des données et d'autres
instruments juridiques élaborés dans le cadre du Conseil de
l'Europe. En outre; il a examiné la possibilité que tous les
Etats membres instaurent un système de casier judiciaire pouvant
être utilisé pour les besoins du système de justice pénale (cf.
Recommandation N° R (84) 10 sur le casier judiciaire et la
réhabilitation des condamnés). En conséquence, il a admis que
l'on pouvait constituer des banques de données, à titre
exceptionnel et à certaines conditions strictes, à savoir:
- lorsqu'il y a eu condamnation;
- lorsque celle-ci est due à une infraction grave, à
1'encontre de la vie, l'intégrité ou la sécurité d'une
personne;
- lorsque la période de conservation des données est
strictement limitée;
- lorsque la conservation est définie et réglementée;
- lorsqu'elle fait l'objet d'un contrôle du parlement ou
d'un organe indépendant.
51. Il appartient à chaque Etat de définir ce qu'il entend par
"infraction grave contre la vie, l'intégrité ou la sécurité des
personnes". Les rédacteurs de la Recommandation souhaiteraient
que les fichiers d'ADN soient limités aux seuls cas méritant la
conservation des informations recueillies après analyse de l'ADN.
- 25 52. Le groupe de travail a estimé nécessaire de prévoir quelques
autres exceptions au principe général. Lorsque la personne
concernée en fait la demande, des échantillons ou tissus
corporels pourraient être stockés pour une plus longue période,
comme par exemple afin de fournir des preuves d'une éventuelle
erreur judiciaire. Une autre exception concerne des échantillons
trouvés sur le lieu d'un crime, qui ne peuvent pas être attribués
à une personne déterminée. De tels échantillons peuvent être
stockés jusqu'au moment où il y a prescription de la poursuite
de l'infraction, selon le droit national.
L'exception énoncée au paragraphe 4 du Principe 8 intéresse
les cas où la sécurité nationale d'un pays est en jeu. En
élaborant cette disposition, le groupe de travail a considéré que
l'article 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme
prévoit une exception dans l'intérêt de la sécurité nationale.
Cette exception s'appliquerait en particulier aux actes de
terrorisme dont la répression constitue depuis longtemps une
priorité pour le Conseil de l'Europe (cf. notamment la Convention
européenne pour la répression du terrorisme, 197.7 (STE N° 90) et
la Recommandation n° R (82) 1 concernant la coopération
internationale en matière de poursuite et de répression des actes
de terrorisme).
9.Egalité des armes
53. Cette recommandation tient compte des disparités des codes
de procédure pénale entre les Etats membres, et notamment des
différences entre les méthodes d'enquête et de poursuites, selon
que la procédure est accusatoire ou inquisitoire. Il importe que
les analyses d'ADN soient accessibles à la défense, surtout dans
les pays où seuls les laboratoires de police les effectuent ou
dans les cas où la défense voudrait obtenir une contre-expertise.
Le fait que la décision de recourir à cette technique soit prise
par le juge, selon des critères définis par la loi, ne serait pas
contraire à ce principe.
54. L'expression
"égalité des armes" se réfère à une
terminologie en usage concernant la notion de "procès équitable"
telle que la conçoit la Convention européenne des droits de
l'Homme. Si le matériel analysé risque d'être complètement
détruit, la défense doit en être informée afin que ses propres
experts puissent assister aux tests chaque fois que possible.
L'égalité des armes est particulièrement importante en la
matière. L'analyse de l'ADN permet aussi à la défense de lever
des présomptions pouvant peser ultérieurement sur une personne.
10. Normes techniques
55. On s'efforce déjà - notamment l'Académie suisse des sciences
médicales et l'EDNAP (qui réunit quinze laboratoires de
différents pays au sein de la "International Society of Forensic
Haemogenetics"), d'harmoniser, aux plans national et européen,
les différentes méthodes d'analyse de l'ADN. La présente
recommandation a pour but d'encourager
ce travail jugé
- 26 indispensable pour obtenir les normes les plus élevées possibles,
tant au niveau national qu'international.
11. Propriété industrielle
56. Cette recommandation cherche à mettre en garde contre les
monopoles de certaines sociétés biomédicales ou des laboratoires
de police, qui paraissent actuellement dominer le marché. Ces
monopoles risquent, en particulier, d'empêcher la défense d'avoir
accès à l'analyse de l'ADN, ce qui serait contraire à l'esprit
du présent instrument. Il faut reconnaître, en outre, l'existence
de droits de propriété intellectuelle liés à certaines méthodes
d'analyse de l'ADN. Ces droits ne sont évidemment pas remis en
:
cause par la recommandation, qui encourage le détenteur des
droits de propriété à permettre l'accès à cette technique.
12. Echange d'informations transfrontières
57. Si toutes les conditions énoncées dans cette Recommandation,
notamment celles contenues dans la recommandation No 6 et qui
concernent les connaissances professionnelles etc, sont remplies,
un pays qui le demanderait, devrait pouvoir obtenir une analyse
d'ADN dans un autre pays,' en vue de la faire valoir devant ses
propres tribunaux.
Ainsi, en Allemagne par exemple, des
tribunaux ont déjà utilisé les analyses faites par des
laboratoires britanniques. Il faut alors s'assurer que les
conditions requises par la recommandation sont bien remplies. Si
elles ne le sont pas, les Etats ne devront pas faire appel à des
laboratoires fonctionnant dans les pays qui n'appliquent pas ces
normes. De telles conditions s'appliquent aussi aux laboratoires
situés dans les Etats non membres du Conseil de l'Europe.
58. La
communication
transfrontière des
conclusions
de
l'analyse, ou en l'occurrence des échantillons, peut se faire en
vertu des traités pertinents sur l'échange d'informations en
matière pénale, la Convention européenne d'entraide judiciaire
en matière pénale (STE 30) notamment.
Cette aide peut prendre de multiples formes, comme celle
d'une commission rogatoire, aux termes de l'article 3 de la
Convention, qui demande à un expert du laboratoire effectuant
l'analyse d'ADN de déposer sous serment.
"59. L'article 12 de la Convention pour la protection des données
prévoit qu'un pays "ne peut pas, aux seules fins de la protection
de la vie privée, interdire ou soumettre à une autorisation
spéciale, les flux transfrontières de données à caractère
personnel à destination du territoire d'une autre partie". La
Convention prévoit deux exceptions à ce principe.
- 27 ANNEXE
Glossaire
ADN
Acide désoxyribonucléique - substance chimique
complexe qui se trouve dans les chromosomes. Elle
est composée d'un très grand nombre de petits
sous-éléments disposés en séquences. La dimension
des séquences et l'organisation des souséléments en leur sein est propre à chaque
individu.
ADN non codant Les parties de l'ADN qui ne représentent pas des
gènes et qui donc ne contrôlent pas des
caractéristiques physiques, mais qui peuvent dans
certaines
circonstances
être
analysées
en
utilisant des profiles génétiques.
Allèles
Différentes formes que peuvent prendre un gène
localisé à un même locus sur un chromosome
précis. Des allèles sont responsables d'un même
caractère héréditaire comme les groupes sanguins
ABO, mais permettent des variations de ce
caractère, par exemple groupe sanguin A,B ou O.
Cartographie
gènes
Détermination des localisations relatives des
des différents gènes sur un chromosome donné.
Cellule
Ces structures, minuscules et visibles uniquement
au microscope, sont toutefois les composantes
fondamentales de tous les tissus et de tous les
organes, végétaux ou animaux. Les organismes
vivants sont composés de millions de cellules.
Chromosomes
Eléments du noyau porteurs des caractères
héréditaires. La cellule humaine contient 46
chromosomes,
repartis
en
deux
groupes
fondamentalement semblables. Dans chaque jeu, un
chromosome est hérité de la mère et l'autre du
père. Les chromosomes sont des structures en
forme de bâtonnets portant les gènes dans leur
partie longue.
Chromosomes
homologues
Chromosomes correspondants, l'un provenant
de la mère et l'autre du père, et portant les
mêmes gènes.
Code génétique L'information qui détermine l'hérédité.
Empreinte
Autre
expression
pour
"profil
génétique"
décrivant d'ADN plus précisément le modèle
complexe de fragments d'ADN révélé par une sonde
plurilocus (voir "sonde"). Le procédé n'a rien de
commun avec la dactyloscopie, aussi vaut-il mieux
éviter l'expression "empreintes d'ADN".
- 28 Enzyme de
Des "ciseaux biologiques" produits par certaines
restriction
bactéries, utilisés pour sectionner l'ADN en
petits fragments.
Etablissement
des profils
génétiques
Technique d'analyse de l'ADN qui suppose le
sectionnement de la structure d'ADN en
petits fragments composés de séquences de souséléments. La dimension et l'organisation des
séquences sont propres à chaque individu. En
rendant visibles ces .groupes de fragments d'ADN
à l'aide d'un certain nombre de techniques
biochimiques, on obtient le profil génétique de
l'individu.
Gamète
Cellule participant au processus de reproduction;
le gamète femelle est l'ovule et le gamète mâle,
le spermatozoïde.
Gène
Unité fondamentale, physique et fonctionnelle, de
l'hérédité. Les gènes contrôlent le développement
d'un caractère héréditaire de l'individu comme,
par exemple, la couleur des yeux. Il se compose
d'une séquence de sous-éléments d'ADN et tous les
gènes sont- localisés en un point défini d'un
chromosome, (cf. dictionnaire médical). Puisque
la.cellule comporte deux jeux fondamentalement
semblables de chromosomes, un de chaque parent,
le locus responsable de la production d'un
caractère donné se retrouvera deux fois dans
chaque cellule. Chaque caractère est ainsi
déterminé par deux gènes, l'un du père et l'autre
de la mère.
Génome
Ensemble du matériel génétique contenu dans une
cellule, ou plus précisément porté par un gamète.
Hétérozygote
Individu possédant deux
formes différentes
(allèles) d'un gène, situé à un locus donné sur
des chromosomes homologues. Il en est ainsi d'une
personne de groupe sanguin AB qui. possède le gène
du groupe A sur un chromosome et le gène du
groupe B sur l'autre chromosome au locus
déterminant le groupe sanguin ABO.
Homozygote
.Individu
possédant
deux
formes
identiques
(allèles) d'un gène situé à un locus donné sur
des chromosomes homologues.
Locus
Site d'un gène ou d'une autre séquence d'ADN sur
un chromosome. Le locus peut être occupé par un
ou plusieurs allèles.
Noyau
Structure située, à l'intérieur de la cellule. Les
cellules contiennent presque toutes un noyau,
l'exception la plus remarquable étant le globule
rouge humain. Le noyau contient les chromosomes.
- 29 -
*
Réaction en
chaîne de
polymérase
Technique permettant d'accroître la sensibilité
de l'analyse d'ADN. C'est un moyen d'amplifier une
séquence de l'ADN, pour en obtenir davantage, de
même structure que le matériel initial, afin de
disposer
d'assez
de
substance
d'ADN
pour
1'analyse.
Sonde
Un échantillon d'ADN spécialement préparé pour
visualiser l'ADN pendant l'analyse. Les sondes
unilocus (SLP) ne réagissent qu'avec des
fragments spécifiques d'ADN, révélant uniquement
une partie du profil génétique. Des sondes
multilocus (MLP) révèlent un grand nombre de
profils.
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