Traitement focal du cancer de la prostate Pr Pascal RISCHMANN – Service d’Urologie CHU Rangueil L’évolution démographique et la politique de dépistage individuel du cancer de la prostate ont eu pour résultat une forte augmentation de l’incidence de ce cancer qui est devenu le plus fréquent en France. Il s’ensuit une nouvelle épidémiologie du cancer de la prostate avec un risque de surdiagnostic c’est-à-dire de mettre en évidence des cancers dont le potentiel évolutif est faible, au moins à court terme. Pour autant, nous ne disposons pas actuellement d’explorations complémentaires et de marqueurs suffisamment précis pour une appréciation pronostic fiable à moyen terme. Pour cette raison, et afin d’éviter un surtraitement, les urologues développent une stratégie de traitement focal du cancer de la prostate. Qu’est-ce-qu’un traitement focal ? C’est un traitement conservateur qui ne traite que la lésion détectée à la biopsie ou au maximum la moitié de la prostate concernée. Ceci sous entend que ce cancer est unilatéral et n’atteint au maximum que deux zones adjacentes du même côté. D’autres critères doivent être requis : PSA inférieur à 10 et absence de grade IV (Gleason) dans les biopsies soit un score de Gleason inférieur ou égal à 6. L’IRM multiparamétrique ne doit pas montrer ou laisser suspecter de lésions contro-latérales, ni d’envahissement extracapsulaire. Plusieurs moyens physiques sont utilisables pour ce type de traitement focal. Pour l’essentiel, nous retiendrons : les ultrasons focalisés de haute intensité, la photothérapie dynamique, le laser interstitiel, et la cryothérapie. Ces deux derniers ne sont pas développés en France. Les Ultrasons Focalisés de Haute Intensité (HIFU-Ablatherm) sont connus depuis plus de dix ans. Leur indication est déjà reconnue pour des cancers de prostate de faible grade ou de grade intermédiaire chez des hommes au-delà de 70 ans et dans les échecs locaux après radiothérapie. Le principe physique est basé sur la délivrance d’ondes acoustiques qui vont détruire les tissus visés par un phénomène de chaleur et de cavitation. L’effet est immédiat et irréversible. Il s’agit d’un traitement peu invasif, mené par voie endorectale, sous contrôle échographique simple. Les ultrasons sont appliqués en une seule séance, sous anesthésie locorégionale ou générale, souvent après résection endoscopique de prostate de réduction de volume. Leur application au traitement focal est plus récente et doit faire l’objet d’un consentement éclairé car les résultats seront suivis prospectivement sur une database partagée par dix centres en France, dont Toulouse. L’intérêt est évident : traiter la lésion sans détruire l’organe, tout en préservant les fonctions urinaires et sexuelles, et en respectant les tissus environnants (rectum et vessie). Les premiers résultats sont très encourageants (80 % de biopsies négatives à un an) mais un suivi à plus long terme est nécessaire. La photothérapie dynamique répond à un principe très différent : un agent systémique est injecté avant l’intervention, agent photosensibilisant dérivé de la chlorophyle (WST09). L’impact lumineux est assuré par un laser introduit par voie transpérinéale et la combinaison des deux va générer une thrombose vasculaire in situ et une nécrose tissulaire. Les expériences sont actuellement préliminaires (phase II) avec un taux de nécrose et de disparition des tumeurs obtenus dans 80 % des cas. La tolérance paraît excellente sans effet indésirable sévère rapporté. La cryothérapie et le laser interstitiel sont deux nouvelles techniques non encore développées en France. Au total, la thérapie focale du cancer de la prostate vise à traiter les petits cancers peu agressifs et à éviter ainsi un traitement radical qui pourrait constituer un surtraitement dans un certain nombre de cas, en particulier chez les sujets au-delà de 70 ans.