DOSSIER THÉMATIQUE Effets indésirables vasculaires et métaboliques des antipsychotiques Effets métaboliques des antipsychotiques : des modèles précliniques à la découverte des mécanismes moléculaires Metabolic side effects of antipsychotic drugs: from preclinical models toward discovering the molecular mechanisms P. Duriez 1, 2, F. Auger 2, F. Martin1, 3, R. Bordet 2, E. Lauressergues 4 P. Duriez L 1 Université Lille Nord de France, faculté de pharmacie, physiologie, Lille. 2 Université Lille Nord de France, faculté de médecine, EA1046 département de pharmacologie médicale, Lille. 3 Université Lille Nord de France, Inserm U1011, institut Pasteur de Lille. 4 Département de biologie cellulaire et moléculaire, centre de recherche Pierre Fabre, Castres. es antipsychotiques (AP), et en particulier les antipsychotiques qualifiés d’atypiques (APA), entraînent des prises de poids significatives et perturbent la glycémie et les lipides plasmatiques. Les mécanismes par lesquels les APA induisent ces désordres métaboliques sont encore mal connus. En agissant au niveau du système nerveux central, les APA peuvent augmenter l’appétit, diminuer l’activité physique ainsi que la température corporelle, et ainsi déséquilibrer la balance énergétique en faveur d’une prise de poids (1). Cet accroissement de l’adiposité corporelle est un facteur de risque de troubles lipidoglucidiques, de diabète et d’hypertension artérielle. Il est acquis que les APA n’agissent pas uniquement sur le système nerveux central, mais qu’ils ont des effets multiples sur un grand nombre d’organes (2-8). La mise au point et l’utilisation de modèles précliniques animaux est nécessaire pour détricoter l’écheveau des anomalies biologiques induites par les APA. Cet article présente les effets métaboliques indésirables mis en évidence in vivo et les effets moléculaires ex vivo et in vitro. 18 | La Lettre du Pharmacologue ̐ Vol. 26 - n° 1 - janvier-février-mars 2012 Dérégulations métaboliques mises en évidence dans des modèles animaux Il s’est souvent avéré difficile de reproduire chez les rongeurs les effets métaboliques que les APA produisent chez l’homme (9). Paramètres biologiques modifiés in vivo par les APA dans les modèles animaux ◆ Études réalisées chez le rat Prise de poids Sur 29 études chez le rat portant sur la clozapine et l’olanzapine, 16 ont conduit à des prises de poids significatives, 9 n’ont produit aucun effet et 4 ont induit des pertes de poids (9). La prise de poids dépend du sexe : les femelles gagnent plus de poids que les mâles. Cette différence de susceptibilité liée au sexe n’étant pas retrouvée en clinique humaine, cela pourrait limiter l’intérêt d’utiliser des modèles précliniques chez le rat pour étudier les mécanismes de la prise de prise de poids qui seraient représentatifs de ce qui se passe chez l’homme. Résumé Les médicaments antipsychotiques (AP), et particulièrement les antipsychotiques dits atypiques (APA), provoquent des troubles du métabolisme glucidolipidique. Ils induisent une hyperphagie qui participe à la prise de poids et aux troubles métaboliques. Des modèles de rongeurs ont permis de reproduire partiellement les désordres métaboliques observés en clinique et d’étudier les anomalies des boucles de régulation métabolique. Les études réalisées ex vivo et in vitro ont montré que les AP, et surtout les APA, perturbaient le métabolisme glucidolipidique en agissant directement sur le foie, le tissu adipeux, les muscles, et les îlots ß du pancréas, en modifiant l’expression de gènes qui contrôlent le métabolisme glucidolipidique. Cet article rapporte les principaux résultats des études portant sur les effets des AP sur le métabolisme glucidolipidique chez les rongeurs et in vitro. Les doses d’APA administrées aux animaux peuvent constituer des causes d’échec de modélisation chez le rongeur. La demi-vie de la plupart des APA est comprise entre 1 et 2,5 heures chez le rat. Il est donc difficile d’atteindre un plateau stable de la concentration plasmatique du médicament, comme en thérapeutique humaine. Même en utilisant des médicaments à action prolongée, ou des minipompes de perfusion, les effets des APA sur la prise de poids n’ont pas été significatifs dans certains essais (9). La majorité des études a été réalisée chez des rats adultes, alors que beaucoup de patients commencent un traitement pendant l’adolescence, lorsque le risque d’un gain de poids élevé est augmenté (10). Pression artérielle Un essai a rapporté que l’olanzapine augmentait la pression artérielle chez le rat, en même temps qu’elle induisait une prise de poids et une résistance à l’insuline (11). Troubles du métabolisme du glucose Les AP typiques ainsi que les APA entraînent des troubles du métabolisme du glucose comparables à ceux observés chez l’homme (9). Il a été montré que l’halopéridol, la quétiapine, la clozapine et l’olanzapine induisaient une hyperglycémie secondaire à une surproduction hépatique de glucose (12), alors que la ziprasidone la diminuait (13). La clozapine augmente les concentrations plasmatiques de glucagon chez le rat (12), ainsi que la glycémie et l’insulinémie. Dans ce modèle, la quétiapine et la clozapine ont diminué les concentrations du glucagon-like peptide (GLP) 1, alors que la concentration de glucagon plasmatique était augmentée (14). Résistance à l’insuline Les APA augmentent les concentrations sanguines d’insuline, ou sont sans effet, mais ils les diminuent rarement (15, 16). Les tests HOMA-IR et de tolérance à l’insuline ont permis de montrer que les APA induisaient une insulinorésistance chez le rat (12, 14, 15). La technique du clamp insuline-glucose a montré que la clozapine et l’olanzapine provoquaient la plus forte insulinorésistance, mais cette dernière est également observée avec la rispéridone et la chlorpromazine (16). Ces techniques mettent en évidence une augmentation de la résistance hépatique à l’insuline. Dyslipidémies Dans la majorité des études, l’olanzapine n’a pas modifié les concentrations plasmatiques d’acides gras libres et de cholestérol chez le rat (9, 17). Dans une étude, une augmentation de la concentration des acides gras libres plasmatiques a été rapportée chez la ratte sous l’action de l’olanzapine, sans modification des concentrations des triglycérides, du HDL-cholestérol et du glycérol (18). Tissu adipeux Chez le rat, les APA induisent une augmentation du tissu adipeux sous-cutané et viscéral (9, 19, 20). In vitro, une augmentation d’activité de la fatty acid synthase (FAS) a été mise en évidence (9). Sécrétion d’adipokines : leptine, ghréline, adiponectine Les AP perturbent les taux de cytokines plasmatiques sécrétées par le tissu adipeux. Les APA induisent chez l’homme une augmentation de la leptinémie (21). Dans de nombreux essais réalisés chez le rat, les APA n’ont induit ni prise de poids, ni augmentation de la concentration de leptine plasmatique (9). Les effets de la ghréline s’opposent à ceux de la leptine. La concentration plasmatique de ghréline augmente chez des rats traités par clozapine, ainsi que l’insulinémie et la glycémie (22). L’olanzapine et la clozapine accroissent les concentrations plasmatiques d’adiponectine chez des rats mâles et femelles (9). Mots-clés Antipsychotiques Modèles précliniques Troubles métaboliques Summary Antipsychotic drugs (AP) and particularly the so-called atypical antipsychotics (AAP) induce glucose and lipid metabolic disorders. They induce hyperphagia which participates in weight gain and metabolic disorders. Rodent models partially reproduce clinical metabolic side effects and they are useful to study abnormalities in the regulation of metabolic loops. Studies ex vivo and in vitro have shown that AP and especially AAP disturb glucose and lipid metabolism by acting directly on the liver, adipose tissue, muscles, and pancreatic beta cells, by modifying the expression of genes that control glucose and lipid metabolism. This paper reports the main results of preclinical studies (rodents) and in vitro studies having investigated the effects of AP on glucose and lipid metabolism. Keywords Antipsychotics Preclinical models Metabolic disorders ◆ Études réalisées chez la souris D’une façon générale, les résultats obtenus chez la souris sont proches de ceux observés chez le rat (9). Chez les C57BL/6 femelles, les APA entraînent des prises de poids (7, 9), une augmentation de la glycémie, une intolérance au glucose et une résistance à l’insuline (9). L’olanzapine et la ziprasidone ont induit une augmentation des triglycérides ; l’olanzapine et la clozapine ont provoqué des augmentations plasmatiques de cholestérol libre, d’acides gras libres et de leptine (9). SREBP1 contrôle l’expression de gènes codant pour des enzymes impliqués dans la synthèse des acides gras, dont FAS ; dès la dixième La Lettre du Pharmacologue ̐ Vol. 26 - n° 1 - janvier-février-mars 2012 | 19 DOSSIER THÉMATIQUE Effets indésirables vasculaires et métaboliques des antipsychotiques Effets métaboliques des antipsychotiques : des modèles précliniques à la découverte des mécanismes moléculaires semaine de traitement de C57BL/6 femelles par de la rispéridone retard, l’expression des gènes codant pour SREBP1 et FAS était augmentée dans le foie et était corrélée à l’importance de la prise de poids (7). L’expression des gènes codant pour les protéines pro-inflammatoires NFκB et TNFα était également augmentée dans le foie (7). Au total, la rispéridone retard induit dans ce modèle de souris une prise de poids, une augmentation du tissu adipeux viscéral, une intolérance au glucose, une hypercholestérolémie, une stéatose et une inflammation hépatique. blocage des récepteurs D2 induit une sécrétion de prolactine responsable d’une stimulation de la lipogenèse hépatique et d’hypercholestérolémie (25). ◆ Récepteurs aux cannabinoïdes Le récepteur aux cannabinoïdes CB1 est impliqué dans la régulation de l’apport alimentaire, dans le stockage et dans le métabolisme des graisses et du glucose. Chez le rat, un traitement chronique par la rispéridone augmente la densité des récepteurs CB1 dans différentes régions du cerveau, sans modifier l’expression de son gène (29). Mise en évidence des mécanismes d’action responsables des désordres métaboliques induits par les APA ◆ Inhibition centrale de la thermogenèse La clozapine et l’olanzapine inhiberaient la thermogenèse en modifiant l’activité du système sympathique (9), et cette action serait une cause d’obésité (9). La rispéridone augmente la température corporelle chez la souris C57BL/6 (30). Action centrale des APA ◆ Action sur la motricité En raison de leur action inhibitrice des voies dopaminergiques, les AP diminuent la motricité spontanée. Les APA se lient dans le système nerveux central (SNC) sur divers récepteurs des membranes cytoplasmiques stimulés par différents neuromédiateurs endogènes impliqués dans le contrôle de la prise alimentaire. ◆ Récepteur à l’histamine H1 Le récepteur à l’histamine H1 est impliqué dans le contrôle de l’appétit, la dépense énergétique et la prise de poids. L’action antagoniste des APA sur le récepteur H1 stimule l’appétit via l’activation de l’AMP-kinase hypothalamique (23). Chez des souris dont le gène codant pour le récepteur H1 a été invalidé, la clozapine n’active pas l’AMP-kinase (24). Il existe une corrélation positive entre l’affinité des différents AP pour le récepteur H1 et la prise de poids (25). Néanmoins, la quiétiapine, malgré une affinité 87 fois plus puissante pour le récepteur H1 que pour le récepteur D2, n’entraîne que des prises de poids minimes (26). ◆ Récepteurs à la sérotonine L’antagonisme des récepteurs 5-HT2A et 5-HT2C par l’olanzapine provoque une baisse des dépenses énergétiques chez le rat, qui pourrait être responsable de la prise de poids (27). ◆ Récepteurs à la dopamine À la différence des souris sauvages, celles dont le récepteur D2 a été invalidé ne prennent pas de poids quand elles sont traitées par olanzapine (28). Le 20 | La Lettre du Pharmacologue ̐ Vol. 26 - n° 1 - janvier-février-mars 2012 ◆ Dérégulation dans le SNC de l’expression de gènes impliqués dans les métabolismes Chez la souris, la clozapine et l’halopéridol induisent significativement dans le cerveau l’expression de gènes impliqués dans le métabolisme des lipides : − l’apolipoprotéine D, impliquée dans le processus d’estérification du cholestérol par la lécithine-cholestérol-acyltransférase ; − l’OSBP-8, récepteur cytosolique des oxystérols responsable de leur transfert de la membrane plasmique à l’appareil de Golgi ; − l’acyltransférase et l’acide phosphatidique (31). Chez le rat, l’olanzapine induit l’expression du gène CART (cocaine and amphetamine regulated transcript), qui est un neuropeptide hypothalamique et qui pourrait ainsi avoir pour conséquence l’augmentation de la prise alimentaire (32). Des études réalisées in vitro sur différents types de cellules provenant du SNC (cellules gliales, neuroblastomes, etc.) ont montré que certains APA induisaient l’expression de gènes impliqués dans la lipogenèse et la cholestérogenèse (2-4). Certains AP typiques (halopéridol) ou atypiques (clozapine, olanzapine) stimulent dans les cellules du SNC l’expression de gènes codant pour des protéines impliquées dans le transport et dans l’efflux de cholestérol des cellules (apolipoprotéine E [Apo E], ATP-binding cassette transporter A1 [ABCA1], Niemann-Pick type C [NPC1, NPC2 et/ou NPC1L1]) [33]. En stimulant la DOSSIER THÉMATIQUE synthèse des lipides dans le SNC et en y contrôlant le trafic du cholestérol, les AP pourraient stimuler la myélinisation des neurones et modifier la composition et la fluidité des membranes (33). Action des APA sur les cellules des tissus périphériques impliqués dans le métabolisme glucidolipidique ◆ Glucose et insuline De nombreux types cellulaires de différents tissus ont été utilisés pour étudier les effets des APA sur l’entrée du glucose dans les cellules, puis sur son utilisation : cellules des îlots β du pancréas, cellules musculaires L6, adipocyte 3T3-L1 de souris (mouse embryonic fibroblast adipose-like cell line), cellules de phéochromocytome de rat PC12, cellules hépatiques d’origine humaine HEPG2. L’entrée du glucose dans les cellules PC12 et musculaires L6 est fortement inhibée en présence de clozapine, de loxapine et de rispéridone (34, 35), alors qu’elle est augmentée par l’olanzapine dans les myoblastes murins C2C12 (36). Les APA altèrent de façon différente l’oxydation du glucose selon les types cellulaires : la clozapine inhibe l’oxydation du glucose dans les cellules β du pancréas, alors qu’elle l’augmente dans les adipocytes, comme le font aussi l’olanzapine, la rispéridone et la quétiapine (37). Les effets des APA sur la concentration en glycogène des cellules varient selon leur origine tissulaire. La clozapine diminue la synthèse du glycogène dans les cellules musculaires L6 de rat (38), mais l’olanzapine augmente son stockage dans des cellules hépatiques de souris (39). La clozapine augmente la sécrétion basale d’insuline (40, 41), mais elle diminue celle stimulée par le glucose (42). La clozapine diminue également la sécrétion d’insuline induite par le carbachol (43). Cette action dépendrait de l’action antagoniste des APA vis-à-vis des récepteurs muscariniques M3. L’affinité de la liaison des AP vis-à-vis de ce récepteur est considérée aujourd’hui comme le meilleur paramètre de prédiction du risque d’apparition de diabète avec un traitement par AP (44). Les souris KO pour le récepteur D2 sont intolérantes au glucose, et leur sécrétion d’insuline est diminuée quand la glycémie est élevée ; cela dépend davantage d’une dégradation de la libération d’insuline que d’une résistance à l’insuline (45). Les cellules pancréatiques expriment le récepteur 5-HT1A, et l’action antagoniste de certains AP sur ces récepteurs pourrait diminuer la réponse au glucose des cellules β (46). La clozapine (42) et l’halopéridol (47) inhibent les canaux potassiques qui dépendent de l’ATP des cellules β du pancréas, ce qui entraîne une diminution de la sécrétion d’insuline stimulée par le glucose. L’olanzapine diminue la phosphorylation de la protéine kinase B (PKB ou Akt) et de la glycogène synthase kinase (GSK) dans les cellules musculaires L6, ce qui fait baisser de moitié la synthèse de glycogène (48). La clozapine diminue l’activité de la sousunité β du récepteur à l’insuline dans les cellules du cortex de souris, ce qui réduit les concentrations d’Akt et de GSK (49). ◆ Métabolisme des lipides L’olanzapine augmente les triglycérides et l’expression de SREBP1 et de FAS dans les cellules 3T3-L1 (50). La clozapine diminue la lipolyse d’adipocytes en culture (37). L’incubation de cultures d’hépatocytes primaires de rat avec la clozapine, l’olanzapine, l’halopéridol, la quétiapine et l’aripiprazole modifie la synthèse de novo des triglycérides et du cholestérol, de façon variable, en fonction de chaque médicament et des concentrations utilisées (6). Ces effets dépendent de modifications des niveaux de transcription de certains gènes impliqués dans le métabolisme lipidique. L’incubation de cellules hépatiques avec la clozapine, l’olanzapine et l’halopéridol, mais non la ziprasidone, induit une augmentation de l’expression de SREBP2 (51), qui est un facteur de transcription important pour certains gènes, dont celui de la HMG-CoA synthase (HMGCS1). Ce gène intervient dans la synthèse du cholestérol et des acides gras et voit son expression augmentée par les APA. Dans des cellules humaines immortalisées (Immortalized Human Hepatocyte cell model [IHH]), la clozapine, l’halopéridol, l’olanzapine et la rispéridone activent à différents niveaux l’activité de SREBP1, ce qui se traduit par une augmentation de l’expression de gènes impliqués dans la synthèse d’acides gras (FAS, SCD1) et par l’accumulation de lipides dans les cellules (8). En revanche, la quétiapine n’affecte ni SREBP1, ni SREBP2, mais elle produit néanmoins une petite augmentation de lipides dans les cellules. La clozapine, l’halopéridol et l’olanzapine induisent un stress du réticulum endoplasmique (8), et plus précisément une activation de la PKR-like ER kinase (PERK), qui est un des premiers effecteurs de la réponse des protéines dépliées (Unfolded Protein Response [UPR]). De plus, certains APA entraînent un stress du réticulum endoplasmique des hépatocytes en perturbant l’homéostasie du calcium (8). La Lettre du Pharmacologue ̐ Vol. 26 - n° 1 - janvier-février-mars 2012 | 21 DOSSIER THÉMATIQUE Effets indésirables vasculaires et métaboliques des antipsychotiques Effets métaboliques des antipsychotiques : des modèles précliniques à la découverte des mécanismes moléculaires Conclusion Les médicaments qui causent les désordres du métabolisme glucidique les plus importants chez l’homme (olanzapine, clozapine) sont ceux qui produisent les troubles glucidiques les plus marqués chez les rongeurs ; la rispéridone et la ziprasidone, qui sont moins néfastes en clinique sur le bilan glucidique, provoquent également des désordres moins importants chez les rongeurs. Les modèles réalisés chez les rongeurs semblent donc relativement bien reproduire les désordres glucidiques observés chez l’homme, et apporter des réponses significatives sur la nature des dérégulations des voies métaboliques qui conduisent à l’hyperglycémie, à l’intolérance au glucose et à la résistance à l’insuline. Les effets des APA sur le métabolisme des lipides chez les rongeurs sont très hétérogènes et divergent le plus souvent de ceux rapportés chez l’homme. Ces différences ne sont pas surprenantes, car l’homme et les rongeurs présentent des métabolismes des lipides sanguins très différents. Les effets des APA sur la prise de poids sont très fréquents et importants en clinique, mais ils ne sont pas systématiquement retrouvés chez les rongeurs. On constate par ailleurs une prédisposition à grossir beaucoup plus importante chez les rongeurs femelles que chez les mâles, alors que cette différence n’est généralement pas retrouvée chez l’homme. Il serait important d’en connaître la cause et de mettre au point des modèles qui permettraient d’abolir cette différence. Il faudrait utiliser dans les futurs essais précliniques des posologies suffisantes et des formes retard, car le métabolisme des APA étant beaucoup plus rapide chez les rongeurs que chez l’homme, il est possible que, dans de nombreuses études, les animaux aient été exposés durant le nycthémère à des concentrations sanguines de médicament trop faibles pour générer des désordres métaboliques. Les patients schizophrènes présentent souvent une intolérance au glucose avant l’installation du premier traitement antipsychotique ; il serait donc intéressant d’utiliser des modèles précliniques où les rongeurs auraient un métabolisme glucidique perturbé avant l’administration de l’APA. On dispose donc maintenant d’informations assez complètes sur les réactions métaboliques des rongeurs quand ils sont exposés aux AP. Il est clair qu’il existe des effets centraux qui induisent une augmentation de la prise alimentaire, une diminution de l’activité physique et des modifications variables de la thermorégulation à l’origine de la prise de poids. Toutefois, les études récentes montrent que les APA perturbent directement le fonctionnement des cellules des organes impliquées dans le contrôle du métabolisme glucidolipidique (foie, tissus adipeux, muscle, cellules β du pancréas) dans un sens qui favorise l’hyperglycémie, l’intolérance au glucose, la résistance à l’insuline, l’inflammation, les dyslipidémies et l’expansion du tissu adipeux. Une question reste en suspens : pourquoi les médicaments d’une même classe thérapeutique, qui ont été conçus pour bloquer les récepteurs de la dopamine et qui sont hétérogènes d’un point de vue chimique, désorganisent-ils presque tous dans le même sens le fonctionnement biochimique des cellules périphériques et induisent-ils des désordres métaboliques comparables, indépendamment de toute action sur des récepteurs dopaminergiques ? L’hypothèse d’une toxicité, liée par exemple à une lipophilie importante des médicaments antipsychotiques, qui induirait un stress du réticulum endoplasmique a été envisagée et son exploration a montré qu’in vitro, certains APA induisaient effectivement ce stress (8). L’implication effective du stress du réticulum endoplasmique dans les effets métaboliques indésirables des APA reste à démontrer dans des modèles précliniques et en clinique. ■ Références bibliographiques 1. Mukherjee S, Decina P, Bocola V, Saraceni F, Scapicchio PL. 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