Philippe Colliard http://www.mathemagique.com septembre 2014 Publié sous licence Creative Commons France Certains droits réservés. Une plongée sous le théorème de Pythagore, à la découverte de la structure qui le porte. Mon but n'est pas ici de démontrer le théorème de Pythagore, mais de le démonter... Ou, si vous le préférez, de le déconstruire, de le détricoter : de redescendre aux quatre théorèmes dont il est directement issu, puis aux théorèmes dont ces quatre-là sont, à leur tour, issus, etc. Jusqu'à atteindre les axiomes... Ou plus exactement, ici, les « métaxiomes », puisque l'architecture que je déconstruis est celle de l'axiomatique simplifiée du livre «... Donc, d'après... ». Pourquoi ce jeu de déconstruction ? Peut-être pour rappeler qu'un théorème ne vient pas du néant, qu'il a sa place dans une arborescence... Tout comme chacun de nos cours a sa place dans la progression que nous concevons pour chaque nouvelle rentrée. Et peut-être parce qu’une meilleure vision de cette arborescence pourrait nous aider à mieux concevoir ladite progression ! Bien évidemment, cela ne veut absolument pas dire que, pour bien enseigner au collège, nous devrions parfaitement maîtriser l'arborescence des 205 théorèmes que j'ai démontrés dans le livre : l'architecture du théorème de Pythagore - qui ne met en scène que 30 théorèmes - m'a occupé pendant presque une semaine... Et je ne suis pas du tout certain de pouvoir un jour vous présenter l'arborescence générale : elle apparaît évidemment en creux dans le livre, mais je n'ai jamais tenté de la dessiner. En revanche, il me semble qu'avoir en tête une idée approximative de l'axiomatique qui sous-tend la géométrie que nous enseignons ne peut qu'être bénéfique. Tout comme il peut nous être utile de maîtriser la démonstration d'un certain nombre de théorèmes que nous ne ferons pourtant que citer en classe, sans jamais les y démontrer ! (Un certain nombre : pour ma part, j'ai bien peur d'être incapable de retrouver de mémoire les démonstrations de la majorité des 205 théorèmes du livre... Et pourtant, je les ai bien rédigées !) Les numéros que j'utilise pour les théorèmes et les métaxiomes, dans l'architecture de la page suivante, sont ceux que je leur ai attribués dans le livre : pour qu'il ne vous soit pas nécessaire de le consulter, je les ai « copiés - collés » sur deux pages, à la suite de l'architecture. Et non, je ne suis tout de même pas allé jusqu'à « copier - coller » également leurs démonstrations ! J'en profite pour vous rappeler l'existence d’un feuillet de quatre pages, listant les principaux théorèmes du livre, également publié sous licence « Creative Commons », et que vous pouvez distribuer à vos élèves de troisième (voire de quatrième). Vous le trouverez sur http://mathemagique.com/complements.html , en cliquant sur « côté profs : servezvous »… Ou en(re)lisant l'article que je lui ai consacré, ici : http://mathemagique-com.blogspot.fr/2014/02/special-profs-petit-memento-des.html . Merci de l'intérêt que vous portez à mon travail, à bientôt ? Philippe Colliard P.S. : pour que l'architecture soit complète, j'aurais dû y faire figurer les définitions invoquées par les théorèmes et les métaxiomes concernés... Mais là, ça devenait vraiment illisible ! Une première approche de l’architecture. Mon idée était de répertorier les théorèmes et les métaxiomes sur lesquels s'appuyait directement le théorème de Pythagore - en quelque sorte son « premier cercle »... Puis de répertorier les théorèmes et les métaxiomes sur lesquels s'appuyait chacun des théorèmes du premier cercle (le « deuxième cercle »). Etc. Jusqu'à épuisement. Puis d'en construire une arborescence. La première partie n'était pas trop difficile... L'arborescence, un peu plus ! Première partie : les « cercles » 1er cercle : Théorème de Pythagore ème 2 ème 3 cercle : cercle : 4ème cercle : S’appuie directement sur : théorèmes métaxiomes T-158 41 105 133 41 105 133 134 30 10 37 104 101 41 114 105 10 30 101 37 (41) 104 (105) 114 9 29 24 5 5 9 24 29 35 36 95 103 113 5ème cercle : 11 13 15 17 18 23 (24) (29) (10) (104) (105) 6ème cercle : 4 8 (10) (11) (13) 14 (15) 16 7ème cercle : 1 (11) (15) 95 35 134 8 9 phy3 15 15 8 8 1 36 24 103 113 14 9 15 15 29 17 18 11 101 104 13 8 11 14 4 10 14 23 23 24 14 15 9 8 8 phy7 105 10 15 13 15 16 13 14 3 10 11 2 3 11 1 15 1 15 Deuxième partie : l’arborescence Dans cette arborescence (page suivante), vous remarquerez vraisemblablement une rareté : le théorème T-9. C'est un théorème « orphelin » : il semble ne s'appuyer sur rien - ni autre théorème, ni métaxiome ! C'est évidemment impossible. En réalité, comme je l'ai écrit en P.-S. de l'introduction, pour que l'architecture soit complète, j'aurais dû y faire figurer les définitions invoquées par les théorèmes et les métaxiomes concernés... Manque de chance, il se trouve que T-9 s’appuie sur une définition (D-57) et sur des théorèmes numériques (portant sur la structure de groupe de ( R,+) )... Donc "hors-cadre". Pour me faire pardonner, voici, en prime, un éclairage de T-9 : « … Donc, d’après… », p. 80 : D-57 Angles supplémentaires : 2 angles adjacents qui, à eux deux, forment un angle plat. ... Puis, par abus de langage, 2 angles, même non adjacents, dont la somme des mesures vaut 180°. « … Donc, d’après… », p. 89 - 90 : D-65 Demi-droites opposées : deux demi-droites adjacentes d'une même droite. P B A [BP) et [BA) sont opposées. Et voici maintenant une première définition, restreinte à des angles non nuls et strictement inférieurs à l'angle plat, de deux angles opposés par le sommet. Cette définition va me permettre de mettre en évidence une propriété de la symétrie centrale... Puis la symétrie centrale, à son tour, me permettra de rédiger une définition générale de deux angles opposés par le sommet (générale parce qu'elle s'appliquera à tous les angles) . D-66 Angles opposés par le sommet (définition restreinte) : deux angles, strictement compris entre l'angle nul et l'angle plat, tels que chaque côté de l'un des angles soit opposé à un côté de l'autre angle. A4 A1 et A3 sont opposés par le sommet, A2 et A4 le sont également. Mais M’sieur, vous avez dit qu'un angle, c'était une surface... « Compris entre », c'est pas pour des nombres ? A3 A1 A2 Bon, d'accord... Tu marques un point ! J'aurais dû écrire : « dont l’écart angulaire est strictement compris entre celui d'un angle nul et celui d'un angle plat »... J'ai fait un « abus de langage ». C’est parfois acceptable : lorsque tout le monde comprend, comme toi, qu’il s’agit d’un abus de langage, pour alléger une expression. Mais il ne faut pas en … Abuser. Deux remarques rapides, et puis un théorème - très simple, mais bien utile. Tu t'en rendras bientôt compte ! Première remarque : puisque deux demi-droites opposées ont la même origine, deux angles opposés par le sommet ont le même sommet. Deuxième remarque : puisque deux droites sécantes définissent un plan unique, deux angles opposés par le sommet sont coplanaires. Et le théorème promis : T-9 Deux angles opposés par le sommet ont la même mesure Démonstration, pour les angles A1 et A3 du dessin précédent : A1 et A4 sont supplémentaires. Mais A3 et A4 le sont également, donc A1 = A3 … Et c’est fini (Tu as bien sûr remarqué qu'avant « donc », je parle des angles... Et qu’après, je parle de leurs mesures !) Eh, pas d’accord ! Comment ça, c’est fini ??? Je ne comprends pas ! Pas de panique … J’ai peut-être été un peu rapide. Appelle a1 l’écart angulaire de A1, en degrés, a3 celui de A3 et a4 celui de A4 : A1 et A4 sont supplémentaires donc a1 + a4 = 180 A3 et A4 sont supplémentaires donc a3 + a4 = 180 Mais alors : a1 + a4 = a3 + a4 a1 + a4 – a4 = a3 + a4 – a4 a1 = a3 Voilà. Maintenant, il me semble que vous êtes armés pour affronter l'arborescence. Je vous rappelle que vous trouverez les énoncés des théorèmes et des métaxiomes impliqués dans les deux pages qui la suivent. Je vous conseille, si cela vous est possible, d'imprimer l'arborescence. Bonne lecture - et courage ! T-158 Une architecture du théorème de Pythagore (T-158) en bleu : l'enchaînement des théorèmes utilisés en rouge : les métaxiomes utilisés La nomenclature est celle du livre "... Donc, d'après..." T-133 T-134 T-114 T-113 : utilise... T-105 : connecteurs T-104 T-103 T-101 T-95 T-41 T-37 T-30 T-35 T-36 T-29 T-24 T-18 T-17 T-23 T-16 T-15 T-14 T-13 T-11 T-10 T-1 M-1 T-4 M-2 T-9 M-3 T-8 M-8 T-5 M-9 M-10 M-11 M-13 M-14 M-15 Mphy-3 Mphy-7 Les théorèmes de l’architecture : T-158 « Théorème de Pythagore » : soient A, B, C trois points de l'espace. Si ABC est un triangle rectangle en B, alors AC2 = AB2 + BC2. T-134 L’aire d’un triangle rectangle est le demi-produit de ses côtés perpendiculaires. (Abus de langage : … des longueurs de ses côtés…) T-133 L’aire d’un rectangle est le produit de deux côtés perpendiculaires. (Abus de langage : … des longueurs de deux côtés…) T-114 Les diagonales d'un losange sont perpendiculaires. T-113 Les côtés consécutifs d'un losange ont la même longueur. T-105 Les côtés opposés d’un parallélogramme ont la même longueur. T-104 Si les diagonales d'un quadrilatère ont le même milieu, alors ce quadrilatère est un parallélogramme. T-103 Les diagonales d'un parallélogramme ont le même milieu. T-101 Tout parallélogramme a un centre de symétrie (par rapport auquel ses sommets opposés sont symétriques) . T-95 Dans une symétrie centrale, l’image d’un polygone est un polygone de même nature (convexe ou non, élémentaire ou non), dont les sommets sont les images, dans le même ordre, des sommets du polygone de départ. T-41 Si deux droites d'un même plan sont perpendiculaires à une troisième droite de ce plan, alors les deux premières droites sont parallèles. T-37 Soient une droite d et un point A de l’espace, n’appartenant pas à d : par A, il passe exactement une droite perpendiculaire à d. T-36 Soient un plan P, une droite d de P et un point A de d : par A, il passe exactement une droite de P perpendiculaire à d. T-35 La somme des mesures des angles d’un triangle vaut 180°. T-30 Si 2 angles alternes-internes déterminés par 2 droites et une sécante ont la même mesure, alors ces 2 droites sont parallèles (« sécante » : familier pour « droite sécante commune »). T-29 Si 2 droites sont parallèles, alors 2 angles alternes-internes déterminés par ces 2 droites et une sécante ont la même mesure. (Et oui, quel que soit le triangle !) (« Sécante » : familier pour « droite sécante commune »). T-24 Dans une symétrie centrale, deux droites symétriques sont parallèles. T-23 Une droite est globalement invariante par rapport à chacun de ses points. T-18 Dans une symétrie centrale, l’image d’un angle est un angle de même écart angulaire, dont les côtés sont les images des côtés de l’angle de départ. (En particulier, l’image d’un demi-plan est un demi-plan, dont la frontière est l’image de la frontière du demi-plan de départ.) T-17 Dans une symétrie centrale, les images de deux droites parallèles sont deux droites parallèles. T-16 Dans une symétrie centrale, l’image d’un plan est un plan. T-15 Dans une symétrie centrale, l’image d’une droite est une droite. T-14 Dans une symétrie centrale, l’image d’une demi-droite est une demi-droite, dont l’origine est l’image de l’origine de la demi-droite de départ. T-13 Dans une symétrie centrale, l’image d’un point situé entre les extrémités d’un segment est un point situé entre les images de ces extrémités. T-11 Dans une symétrie centrale, l’image d’un segment est un segment, dont les extrémités sont les images des extrémités du segment de départ. T-10 Dans une symétrie centrale, la distance entre les images de deux points est la même que la distance entre ces deux points. Ou : une symétrie centrale conserve les distances. Deux points distincts ont donc deux images distinctes ! T-9 Deux angles opposés par le sommet ont la même mesure T-8 Propriété caractéristique des segments. Soient A, B et C trois points de l'espace : B appartient à [AC] équivaut à AB + BC = AC. T-5 Lorsque deux droites sont parallèles, toute droite de leur plan qui coupe l'une coupe l'autre. T-4 Deux droites parallèles distinctes définissent un plan. Ou : T-1 il passe exactement un plan par deux droites parallèles distinctes. Lorsque deux droites sont distinctes, soit elles ont exactement un point en commun, soit elles n'ont aucun point commun. Les métaxiomes de l’architecture : Tout le monde n'ayant pas nécessairement lu «... Donc, d'après... », Il n'est peut-être pas inutile de préciser ici que je n'ai pas inventé le mot « métaxiome » pour m'approprier les axiomes d'Euclide ou de Hilbert. Bien au contraire, c'est parce que mon respect pour eux est immense que j'aurais trouvé déplacé d'appeler « axiomes » l'ensemble des affirmations qui sont à la base de ce livre - alors que le tiers d'entre elles ne sont au mieux qu'une approche pédagogique des véritables axiomes. Mais alors, pourquoi n'ai-je pas clairement séparé les « vrais » axiomes des autres ? Parce qu'il m'a semblé préférable, pour un ouvrage destiné à l'enseignement au collège, de partir d'une base uniforme - aussi proche de l'axiomatique de Hilbert que je le pensais possible, mais tout de même moins pure. Les « métaxiomes » sont donc, pour certains, de vrais axiomes... Et pour d'autres, des affirmations construites ou interprétées à partir de vrais axiomes. M-1 Il passe exactement une droite par deux points distincts. M-2 Si deux points d'une droite sont dans un plan, alors toute la droite est contenue dans le plan. M-3 Il passe exactement un plan par trois points non-alignés. Ou : il passe exactement un plan par une droite et un point extérieur à cette droite. Ou encore : il passe exactement un plan par deux droites sécantes. M-8 Par un point, il passe exactement une droite parallèle à une droite donnée. M-9 Deux droites qui sont parallèles à une troisième sont parallèles entre elles. M-10 Soient l1 et l2 deux lignes limitées ayant une extrémité en commun, et n'ayant aucun autre point commun que cette extrémité ; soit l la ligne formée de l'ensemble des points de l1 et l2. Alors, pour toute unité de longueur : la longueur de l est la somme des longueurs de l1 et de l2. M-11 Une unité de longueur étant choisie, soient A et B deux points et soit AB la longueur du segment qui les relie : la longueur de toute autre ligne reliant A et B est supérieure à AB. Autrement dit, la plus courte des lignes qui relient deux points est le segment : la distance entre deux points est donc la longueur du segment qui les relie. Dans ce cas particulier, « longueur du segment » et « distance entre ses extrémités » ont la même signification - et c'est vraisemblablement de là que vient la confusion habituelle entre longueur et distance. Mais ce n'est vraiment qu'un cas particulier ! M-13 Soient A1 et A2 deux angles adjacents ; soit A l’angle formé de l'ensemble des points de A1 et A2. Alors, pour toute unité d’écart angulaire : l’écart angulaire de A est la somme des écarts angulaires de A1 et de A2. M-14 Si deux triangles ABC et DEF sont tels que AB = DE, AC = DF et BC = EF, alors BAC = EDF, ABC = DEF et ACB = DFE. (Les écarts angulaires, pas les angles !!!) M-15 Deux triangles étant donnés, A Si un angle et les deux côtés qu’il relie, ou D 2,1 cm 3,1 cm 2,1 cm 3,1 cm 107° B 107° C A E un côté et les deux angles qu’il relie, 44° B 44° 29° 4,2 cm F D C E 29° 4,2 cm F ont les mêmes mesures dans les deux triangles, alors ces deux triangles sont isométriques. « Relier » n'est pas vraiment un mot mathématique, mais je l'utilise quand même parce qu'il me paraît clair : un angle relie deux côtés lorsque ces deux côtés ont comme extrémité le sommet de l'angle, et un côté relie deux angles lorsque ces deux angles ont comme sommets les extrémités de ce côté. Mphy-3 Une unité de longueur et un nombre entier n, supérieur à 1, étant choisis, il existe toujours une autre unité de longueur, et une seule, dont n fils-unité consécutifs occupent exactement un segment-unité de l’unité de longueur initiale. Traduction libre : Mphy-7 à partir d'une unité de longueur, tu peux toujours créer une nouvelle unité, n fois plus petite que la première. Une unité d’écart angulaire et un nombre entier n, supérieur à 1, étant choisis, il existe toujours une autre unité d’écart angulaire, et une seule, dont n feuilles-angulaires-unité occupent exactement un angle-unité de l’unité initiale. Traduction libre : à partir d'une unité d’écart angulaire, tu peux toujours créer une nouvelle unité, n fois plus petite que la première.