Histoire de l’Algérie française 1830-1962 par Claude MARTIN Extraits page 40 à 82 - 4 –
expédition s'emparer du beau port de Mers-el-Kébir (1505).
L'année suivante, le duc de Medina-Sidonia enlevait Capaza
(lgsasa) à l'ouest du cap des Trois Fourches. Mais le grave conflit
entre Ferdinand et son gendre Philippe le Beau qui sépara pour
quelques mois les royaumes ibériques vint suspendre la guerre
d'Afrique. Il fallut attendre la mort de Philippe, le 25 septembre
1506 pour que Ferdinand pût reprendre la direction de toute la
politique espagnole. Mais ce fut pour recueillir le premier des
nombreux déboires qui attendaient l'Espagne en Afrique. Le
conquérant de Mers-el-Kébir, Diego Hernandez de Cordoba, ayant
voulu faire une razzia à l'intérieur des terres fut surpris par les
Maures et, accablé sous le nombre, perdit presque toute sa petite
armée - soit plus de deux mille hommes.
Le roi ne se découragea pas. Il avait trouvé en Pedro Navarro, un
excellent capitaine pour cette sorte de guerre. Cet homme obscur
mais énergique lui paraissait plus sûr que le Grand Capitaine dont
les relations avec certains nobles castillans qui s'étaient révoltés
contre son autorité faisaient soupçonner la fidélité. Il décida, sur
les instances de Cisneros, de s'emparer d'Oran, ville voisine de
Mers-el-Kébir. Le cardinal de Tolède avança de grosses sommes
d'argent pour préparer l'expédition. Il en voulut pour cela la
direction et son ardeur n'alla pas sans provoquer des heurts avec
le prudent Navarro qu'il accusait de temporiser afin d'utiliser les
forces espagnoles à son profit. Enfin l'expédition partit en mai
1509. La ville bien fortifiée fut prise d'assaut, peut-être avec la
complicité d'un juif et de deux Maures soudoyés par le gouverneur
de Mers-el-Kébir. Les Espagnols tuèrent 4000 Maures, firent 8000
prisonniers et raflèrent un butin considérable : 500 000 ducats et
beaucoup de marchandises. L'enthousiasme des conquérants
pour la ville qu'ils venaient de prendre s'exprimait en termes
étonnants : Cisneros et Navarro s'accordaient - pour une fois - pour
vanter les défenses de la ville dont le chef militaire espagnol disait
«qu'il n'en avait pas vu de plus forte ». Cazalla la comparait à
Tolède et décrivait ses environs comme « un paradis de vergers ».
L'idée d'accroître ce domaine était exprimée à la fois par le
cardinal et par Pedro Navarro. Mais les divergences des deux
chefs amenèrent Cisneros à rentrer en Espagne et à suspendre
ses subsides. Cependant l'action espagnole se poursuivit à un
rythme rapide. En janvier 1510, Navarro enleva Bougie, qui résista
peu. En même temps, suivant la tradition politique espagnole
médiévale, les représentants de Ferdinand concluaient des traités
de protectorat avec les chefs de tribu des environs de Bougie, et
avec les représentants d'Alger, de Tenés, de Djidjelli, de Cherchel,
de Mostaganem, de Mazagran. Enfin un traité reconnaissant les
gains espagnols était conclu avec le roi de Tlemcen. L'Espagne
paraissait avoir une position extrêmement solide dans le Moghreb
central. Brûlant les étapes, Ferdinand envoyait Pedro Navarro
s'emparer de Tripoli (juillet 1510) et tenter d'enlever l’île de Djerba
on il essuya tin échec sanglant. À la fin du règne de Ferdinand le
Catholique toutefois, les objectifs stratégiques espagnols étaient
atteints. La plupart des ports du Moghreb central étaient occupés
par des garnisons espagnoles. Des chefs maures payaient un
tribut aux chrétiens. La sécurité des communications maritimes
entre l'Espagne et les possessions d'Italie était à peu près
assurée. Quant à un retour des Maures en Espagne, il paraissait
une chimère.
Le roi d'Aragon ne se sentait pas encore satisfait cependant. Il
envisageait la conquête de Collo, de Bône et surtout de Tunis, tête
de pont d'une expansion ultérieure, Les Musulmans auraient été
traités comme les Moudejares d'Espagne. Ils auraient gardé leur
religion et leurs coutumes mais auraient été soumis aux
conquérants chrétiens. Maître du pays, Ferdinand aurait tenu
solidement les deux rives du détroit de Sicile et aurait pu fermer la
Méditerranée occidentale aux Turcs alors en pleine expansion.
Mais la complexité de la politique espagnole vint entraver ce
proiet. L'expansion espagnole n'était possible en Afrique qu'en
période de paix générale. Or, la politique de Louis XII en Italie