Diapositive 1 DCEM1 - Immunologie 2006-2007 TOLERANCE IMMUNITAIRE Adapté de Immunobiologie, Janeway, Travers, Walport et Shlomchik Chapitre 13 Pages 557-577 Enseignant: Jean-Paul Soulillou, INSERM U643 [email protected] 1 Diapositive 2 Les maladies auto-immunes impliquent tous les effecteurs de la réponse immune Les maladies auto-immunes peuvent être dues à la reconnaissance pathologique d’auto-antigènes systémiques (lupus érythémateux disséminé, chromatines) ou d’antigènes spécifiques d’un tissu particulier (diabète, myasthénie, SEP). Les maladies auto-immunes impliquent différents types de réponse. Bien que quelques maladies auto-immunes aient été traditionnellement attribuées aux lymphocytes B ou T, il est plus vraisemblable que toutes les cellules sont mises à contribution. Quatre types de maladies auto-immunes sont présentés ici avec les rôles respectifs des lymphocytes T, des lymphocytes B et des anticorps. Ce schéma est par ailleurs simplifié car il ne situe pas le rôle aussi important des CPA professionnelles. Dans certaines maladies comme le lupus érythémateux, les cellules T ont un rôle multiple apportant un rôle de « help » aux lymphocytes B leur permettant de produire de grandes quantités d’anticorps et des dégâts tissulaires. Dans cette même maladie, 2 les lymphocytes B ont aussi deux rôles : capter les antigènes pathogéniques et présenter l’auto-antigène pour stimuler les lymphocytes T et 3 Diapositive 3 Rôle du facteur de transcription AIRE dans la tolérance centrale Les mécanismes qui normalement contrôlent l’auto-immunité ressemblent à une succession de différentes couches de contrôle. Une façon expérimentale de prévenir les maladies auto-immunes est d’éliminer le système immunitaire, comme par exemple après invalidation des gènes de recombinase (Rag). Evidemment, un tel mécanisme rendrait immédiatement l’organisme à la merci des agents pathogènes. A ce titre, on peut remarquer que le « coût » d’évolution de l’apparition, relativement tardive, de l’auto-immunité (entre 30 et 60 ans) est bien moindre que celui des déficits immunitaires précoces. Le système immunitaire a développé différents « check-points » (points de contrôle) pour contrôler l’auto-réactivité. Une maladie auto-immune ne se développe que lorsque suffisamment de barrières sont devenues incompétentes, laissant une réaction se produire contre le soi. Cependant, l’activation simple de lymphocytes auto-réactifs n’est pas synonyme de maladies auto-immunes. 4 La délétion centrale et l’inactivation des lymphocytes récemment différenciés et le premier « check-point » de la tolérance au soi. Le gène de régulation auto-immune AIRE (auto-immune regulator gene) induit l’expression de quelques antigènes spécifiques de tissus dans les cellules épithéliales médullaires thymiques, entraînant la délétion des thymocytes immatures ayant développé un récepteur susceptible d’interagir avec ces antigènes. Bien que le thymus exprime de nombreux gènes et des protéines du soi, communes à toutes les cellules, l’expression des antigènes des tissus spécialisés (telle que la rétine ou l’ovaire – 1er panneau) n’est pas claire. L’accès même de ces antigènes au thymus pour induire une réponse négative n’est pas évidente. Il a été récemment découvert que le gène AIRE promeut l’expression de différentes protéines tissus- spécifiques dans la médullaire thymique. Les peptides de ces protéines sont présentés aux thymocytes en développement et induisent une sélection négative (3ème panneau) qui aboutit à une délétion de ces cellules auto-réactives. En l’absence de AIRE, cette délétion ne survient pas et les thymocytes auto-réactifs matures peuvent être exportés à la périphérie (4ème panneau) où ils peuvent entraîner une maladie auto-immune. En effet, les individus ou les souris qui ont un gène AIRE déficient développent un syndrome appelé APECED (auto-immune polyendocrinopathie candidose et ectodermal dystrophie). 5 Diapositive 4 Elimination des lymphocytes B autoréactifs dans les centres germinatifs Les mécanismes d’élimination par cross-ligation importante du récepteur pour l’antigène existent aussi en périphérie pour des lymphocytes T activés ou pour des lymphocytes B. La figure montre l’exemple de possibilité d’auto-immunité générée par l’hypermutation des gènes des immunoglobulines générés dans les centres germinaux des ganglions lymphatiques. Il est possible que ces hyper-mutations éditent des récepteurs susceptibles d’être réactifs avec des protéines du soi. L’hypothèse, démontrée dans les quelques exemples expérimentaux, suggère que ces cellules sont détruites par apoptose après liaison avec les protéines du soi correspondantes, présentes en grande quantité dans les centres germinatifs alors que l’«editing » ayant généré des motifs susceptibles de reconnaître les bactéries est respecté. 6 Diapositive 5 Un lésion dans un site de privilège immunologique peut induire une réponse auto-immune Le concept de sites immunologiquement privilégiés a évolué avec l’accumulation des connaissances. Le cerveau, l’œil, le testicule, l’utérus (fœtus) sont considérés comme des sites immunologiquement privilégiés dans la mesure où des greffes de tissus allogéniques placés dans certains de ces sites n’entraînent pas de rejet. Une place à part doit être faite à l’utérus et en particulier au placenta qui représente un système de protection très efficace de la réponse immunitaire de la mère contre le fœtus passant par l’expression de molécules régulant les cellules NK, la production d‘IDO (une enzyme régulant la dégradation du tryptophane, un acide aminé indispensable aux lymphocytes T), la forte concentration de molécules régulatrices du complément, l’expression de HLA mono-morphique etc… Les mécanismes du « privilège » passent aussi par des systèmes spécifiques comme la barrière hémato-encéphalique pour le cerveau. Un rôle important pourrait être joué par certaines cytokines comme le TGF-beta 1 ou par l’induction d’apoptose 7 par certaines cellules (ex. cellules de Sertoli dans le testicule) exprimant le Fas Ligand. Il s’agit donc de mécanismes complexes, multiples et spécifiques à chacun de ces sites. D’autre part, une immunisation délibérée peut rompre la « tolérance » observée au sein de ces sites comme dans le cas des modèles de la sclérose en plaques après injection de protéines myéliniques basiques. La figure montre un autre exemple qui est pris à la pathologie de l’œil (ophtalmie sympathique) qui survient après le traumatisme d’un œil. Ce traumatisme aboutit à la dissémination d’antigènes normalement séquestrés dans l’œil permettant une immunisation dans les ganglions lymphatiques drainant l’œil. Une maladie se développe alors touchant les deux yeux. 8 Diapositive 6 Mécanismes de la tolérance périphérique: anergie La reconnaissance antigénique en l’absence de signaux de co-stimulation peut générer un état d’inactivation des cellules T. Cet état peut bloquer la prolifération et la formation des clones et des effecteurs correspondants. Ce phénomène peut survenir même si l’antigène est représenté en grande quantité, il contribue à assurer un état de tolérance aux tissus du soi. Bien que ce phénomène ait surtout été décrit in vitro, il est considéré comme agir aussi in vivo. Ce phénomène intéresse principalement les cellules T naïves, les cellules effectrices mémoire n’ayant pas de nécessité de costimulation pour effectuer leur agression. Le schéma montre une CPA incapable d’activer (ou d’inhiber) une cellule T si l’antigène approprié n’est pas présenté à sa surface. Le schéma de gauche montre que l’interaction avec une molécule co-stimulatrice n’est pas efficace en l’absence de signal 1. Le panneau de droite montre qu’il y a une activation de la cellule ou anergie si le signal 1 survient sans costimulation. 9 Diapositive 7 Importance de la délivrance des deux signaux par la même CPA pour l’activation des lymphocytes T naïfs Les pré-requis pour qu’une seule cellule délivre à la fois un signal antigène spécifique et un signal de co-stimulation, sont cruciaux pour prévenir la réponse immunologique au soi. Dans les panneaux supérieurs, une cellule T reconnaît un peptide viral présenté à la surface d’une CPA (cellule dendritique) et est activée vers la prolifération et la différenciation en effecteurs capables d’éliminer une quelconque autre cellule infectée par le virus. En revanche, une cellule T naïve, qui reconnaît l’antigène sur des cellules qui ne peuvent pas exprimer aussi des cellules de co-stimulation, devient anergique. Lorsque ces cellules anergiques reconnaissent l’antigène du soi exprimé sur une cellule épithéliale infectée (panel du bas), il n’y a ni différenciation ni effecteurs. D’autre part, cette cellule une fois anergique ne peut pas être activée par une rencontre secondaire avec une CPA portant le même antigène. 10 Diapositive 8 Mécanismes de la tolérance périphérique: délétion et régulation Délétion versus régulation : 2 concepts majeurs pour la compréhension de la tolérance aux antigènes du soi. Une tolérance survient quand il y a délétion (destruction) de cellules T réactives au soi. Une autre forme de tolérance fait intervenir des cellules régulatrices. Dans cette dernière forme, les cellules régulatrices sont capables d’« éduquer » des cellules T naïves équipées d’un récepteur adéquat pour le même antigène. Le meilleur exemple de la tolérance par délétion est le mécanisme de tolérance centrale thymique dû à l’expression d’auto-antigène par les CPA thymiques (panel haut à gauche). L’apport expérimental d’antigène (ou de cellules, macrochimérisme) dans le thymus induit une tolérance centrale expérimentale. Cependant, quelques cellules auto-réactives échappent à la délétion si, par exemple, l’auto-antigène n’est pas exprimé dans les cellules dendritiques du thymus. 11 Le mécanisme principal opérant alors est lié à des lymphocytes T régulateurs qui se développent aussi dans le thymus, vraisemblablement en réponse à des stimulations faibles contre des auto-antigènes, stimulation qui n’a pas abouti à l’apoptose (et la délétion) mais qui, néanmoins, est supérieure à la stimulation requise pour une simple sélection positive (panneau en bas à gauche). Ces cellules régulatrices sont ensuite exportées (panneau du bas à droite) et agissent par contact avec les CPA ou des cellules effectrices et par production d’IL10 et de TGF-beta. Ces cellules initialement spécifiques peuvent agir lors de la phase effectrice sans spécificité. Cette forme de tolérance est appelée dominante car une cellule peut réguler d’autres cellules comme démontré par des expériences de transfert. Ces cellules régulatrices thymiques (cellules régulatrices naturelles) sont sous le contrôle d’un gène appelé FoxP3 qui joue un rôle important dans la différenciation en cellule régulatrice. Une mutation du gène FoxP3 a été identifiée chez l’homme et chez la souris. Cette mutation est associée à une dérégulation de la tolérance avec une polyendocrinopathie, une entéropathie etc. 12 Diapositive 9 Différents mécanismes maintenant la tolérance au soi Type de tolérance Tolérance centrale Ségrégation des antigènes Anergie périphérique Cellules régulatrices Déviation TH1/TH2 Epuisement clonal Mécanismes Site d’action Délétion / Editing Thymus – Moëlle osseuse Barrière physique à l’accès Organes périphériques du système lymphoïde (thyroïde, pancréas, etc) Inactivation cellulaire par Tissus lymphoïdes signalisation non-optimale secondaires sans co-signaux Succession par cytokine – Tissus lymphoïdes effet contact secondaires et inflammation Production préférentielle de Tissus lymphoïdes certaines cytokines secondaires et inflammation Apoptose post-activation Tissus lymphoïdes secondaires et inflammation En résumé, le maintien de la tolérance au soi est un phénomène qui dépend de différentes actions qui opèrent à différents sites ou à différents niveaux de développement. 13 Diapositive 10 Exemples de prédispositions génétiques aux maladies autoimmunes Les gènes qui prédisposent à l’auto-immunité affectent souvent un ou plusieurs mécanismes de la tolérance. Nous avons déjà discuté du gène AIRE. On peut aussi citer des gènes qui permettent l’élimination des complexes immuns (Ag:Ac) et des cellules apoptoptiques (récepteurs du complément) ou des gènes qui contrôlent l’apoptose des cellules activées (comme Fas). La figure donne une idée d’ensemble des différentes mutations chez l’homme et chez l’animal et qui sont associées avec l’auto-immunité. La liste de ces gènes est organisée aussi par bloc fonctionnel (colonne de gauche). Il est intéressant de constater que certaines mutations ont été observées à la fois chez l’homme et chez la souris comme FOX P3 ou AIRE. La réaction croisée entre des molécules du soi et des molécules étrangères sur des micro-organismes peut aboutir à une rupture de la tolérance. 14 Diapositive 11 Rôle d’un infection virale dans l’induction expérimentale d’une maladie auto-immune L’expérience présentée dans cette figure est devenue un classique. Elle démontre qu’une infection virale peut rompre une tolérance d’un animal transgénique exprimant des protéines virales dans les cellules ß des îlots du pancréas. Des souris transgéniques ont été préparées pour différentes nucléoprotéines du virus de la chorioméningite lymphocytaire (LCMV). Le système de transgénèse permet à ces protéines d’être exprimées dans les cellules ß pancréatiques (transgéne placé sous le contrôle du promoteur de l’insuline) et non dans le thymus – donc pas de délétion des clones correspondants. Ces animaux transgéniques ne font pas de diabète alors même que l’on peut démontrer l’existence de cellules T naïves équipées d’un récepteur pour antigène susceptible d’interagir avec les peptides issus des protéines virales. Cependant, si la souris transgénique est infectée avec le virus entier, une violente réponse des lymphocytes T cytotoxiques est déclenchée contre des 15 déterminants de virus et détruit des cellules ß, entraînant un diabète (modèle du type I). Il est donc considéré que les agents infectieux peuvent occasionnellement déclencher une réponse T qui cross-réagit avec des peptides du soi (un mécanisme connu sous le nom de mimétisme moléculaire) et déclencher une pathologie autoimmune. Le point essentiel à considérer ici est que le virus entier va apporter un signal de « danger » en activant les cellules présentatrices et recruter, en particulier, les cellules lymphocytaires T cross-réactives naïves. En fait, de multiples autres mécanismes peuvent contribuer au déclenchement de cette maladie tels que l’agression des tissus par le virus, l’infection des CPA, la fixation de protéines de pathogènes à des protéines du soi, l’existence de superantigènes ou la cross réactivité simple associée à des signaux du danger. L’expérience présentée ici est aussi l’exemple du mécanisme de « l’ignorance immunitaire » car, avant l’infection par le LCMV, la souris transgénique a des lymphocytes T naïfs capables de reconnaître les peptides mais il y a très peu de probabilités pour que ces 2 types de cellules interagissent, et si l’interaction a lieu, elle n’est pas susceptible d’activer des cellules naïves car la cellule présentatrice n’est pas une CPA. 16 Diapositive 12 Le fœtus est une «allogreffe » qui n’est pas rejetée Le fœtus est une allogreffe qui est tolérée de façon répétée. Le fœtus exprime des molécules MHC dérivées du père et d’autres antigènes potentiels. Ce phénomène survient même si la mère porte différents enfants du même père. Les mécanismes de la tolérance au fœtus sont excessivement complexes mais le rôle d’écran réalisé par le placenta est majeur dans la mesure où il est démontré que la mère s’immunise contre les antigènes du donneur, tant du point de vue de l’immunité cellulaire que de la production des anticorps. En fait, le placenta offre différentes structures cellulaires et moléculaires qui vont inhiber les cellules NK et les cellules cytotoxiques (HLA-G et HLA-E), présente une grande densité de molécules régulatrices du complément (CD55) et produit des molécules telles que IDO qui entraînent un métabolisme du tryptophane acide aminé essentiel pour la fonction des lymphocytes T. 17