44 5 LE RETOUR DES INSTITUTIONNELS DANS LE RÉSIDENTIEL Par Nicolas Tarnaud, MRICS, Docteur en économie, Titulaire de la chaire immobilier & société, Neoma Business School. 5.1 / LE POIDS DE L’ÉCONOMIE IMMOBILIÈRE S elon l’Institut de l’Épargne Immobilière, fin 2011, le patrimoine immobilier total en France était estimé à 9 606 milliards d’euros, soit environ 27,4 % du patrimoine global, approchant les 35 000 milliards d’euros, de l’ensemble des actifs des acteurs économiques. L’immobilier résidentiel constitue une part majeure (7 842 milliards d’euros) du patrimoine immobilier total. L’immobilier non résidentiel (immobilier commercial, immobilier appartenant à l’État) représente 1 763 milliards d’euros. Le résidentiel pèse plus que l’immobilier commercial dans le PIB. Ce dernier reste l’indicateur de référence pour mesurer la croissance d’un pays. Relativisons son résultat. En effet, une croissance du PIB proche de zéro n’implique pas que le marché immobilier (résidentiel et tertiaire) l’est également. Malgré l’importance de l’immobilier dans l’économie française, est-il envisageable de prévoir le retour des institutionnels dans l’immobilier résidentiel ? Notre relation à la pierre a-t-elle évolué ? 5.2/ NOTRE RELATION À LA PIERRE N otre rapport à la pierre a évolué. Historiquement et culturellement, nous avons une relation passionnée avec la pierre. Ce rapport a toujours été très fort depuis le Moyen Âge. Demeure-t-il toujours aussi présent aujourd’hui ? 90 % des locataires aspirent à devenir propriétaires de leur logement. 58 % des Français possèdent leur résidence principale et trois millions une résidence secondaire. Ces chiffres n’évoluent pratiquement plus depuis le début des années 2010. Les Français possèdent directement près de 8 000 milliards d’euros (1) d’actifs immobiliers (résidence principale, secondaire, investissement locatif) et les institutionnels un peu moins de 1 800 milliards d’euros. L’immobilier est avant tout un actif tangible qu’on utilise (occupation), qu’on gère financièrement et fiscalement (investissement). Dans ces conditions, comment certains investisseurs (personnes physiques et morales) pourraient-ils rester indifférents à ce type de placement direct ? Les institutionnels ont-ils une relation à la pierre différente de celle des particuliers ? (1) Ce chiffre n’intègre pas l’épargne des Français dans les SCPI, OPCI, actions foncières cotées, Sicav immobilières. L’épargne financière des ménages représente 4 000 milliards d’euros. L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 90 45 résidentiel 5.3 / LA RELATION DES INSTITUTIONNELS À LA PIERRE P ar essence, les personnes morales ont une approche financière et non émotionnelle de leurs investissements. Adossés à des banques, à des assureurs, à des caisses de retraite, à des fonds souverains (2) ou à des fonds de pension (3), les fonds immobiliers (sécurisés et opportunistes) ont toujours été présents et le seront encore demain avec des implications diverses. Les institutionnels possédaient 1,2 million de logements au milieu des années 1980. Après avoir cédé des immeubles de belle facture et bien localisés à Paris, Lyon et Marseille, ils ne détiennent plus, aujourd’hui, qu’environ 200 000 logements. Dans ces conditions, comment ne pas s’interroger sur leur retour dans le résidentiel ? Est-ce un sujet d’actualité ou une pure fiction ? Avant d’aborder cette question, revenons aux fondamentaux pour mieux comprendre la relation que nous entretenons avec la pierre. Les institutionnels ont investi 16 milliards d’euros dans l’immobilier de bureaux et 6 milliards d’euros dans l’immobilier de commerce (centres commerciaux, boutiques), en 2014. Depuis vingt-cinq ans, cet intérêt se porte principalement sur l’immobilier commercial (bureaux, commerces, centres commerciaux, hôtels, logistique, cliniques, résidences hôtelières, etc.). L’allocation de l’actif résidentiel dans leur portefeuille ne fait plus partie de leur stratégie financière depuis le début des années 1990. La financiarisation de l’économie a réellement modifié la donne. Les institutionnels ont suivi le modèle anglo-saxon, basé sur le rendement du capital à court terme (4). 5.4 / LA FINANCIARISATION DE L’ÉCONOMIE L e monde s’est financiarisé, depuis le début des années 1980, avec l’arrivée au pouvoir de Ronald Reagan aux États-Unis et de Margaret Thatcher en Grande-Bretagne. Ces deux pays ont été les locomotives de la dérégulation bancaire et financière. La France a suivi ce modèle au milieu des années 1980. L’immobilier s’est financiarisé à partir du début des années 1990, en France. Cette financiarisation a profité aux investisseurs depuis cette période. La financiarisation a constitué avant tout la meilleure réponse à l’accélération du transfert des actifs immobiliers. Nous sommes passés, durant les années 1990, d’un marché d’investisseurs institutionnels, qui investissaient avec une logique patrimoniale sur long le terme (20-30 ans) à un marché de fonds immobiliers ayant une approche exclusivement financière sur le court terme (maximum 1-5 ans). La financiarisation de l’immobilier a permis une prise de conscience des acteurs sur la nature du rendement immobilier (le rendement locatif et le rendement en capital). (2) En 2014, les actifs sous gestion des fonds souverains atteignent 29 100 milliards de dollars, l’équivalent de 40 % du PIB mondial. (3) En 2015, les fonds de pension détenaient 36 000 milliards de dollars d’actifs dans le monde. (4) ROI – return on investment. 46 le retour des institutionnels LA CAPITALISATION BOURSIÈRE DE L’IMMOBILIER A ÉTÉ MULTIPLIÉE PAR DEUX EN CINQ ANS, PASSANT DE 300 MILLIARDS D’EUROS EN 2000 À 600 MILLIARDS D’EUROS EN 2005. Ce dernier a pu être considérablement amélioré par une gestion active des immeubles (asset management) et il est devenu un outil d’appréciation de la performance des actifs à court terme. La performance immobilière est donc, depuis lors, mesurée par l’évolution du rendement global. Elle s’est traduite par l’augmentation de la capitalisation boursière de l’immobilier dans le monde. Par exemple, celle-ci a été multipliée par deux en cinq ans, passant de 300 milliards d’euros en 2000 à 600 milliards d’euros en 2005. La financiarisation des produits immobiliers a fait diminuer la durée de détention des actifs et a optimisé la gestion immobilière par l’effet de levier du crédit (5), appelé également « leverage » et de la fiscalité « statut de foncière ». Le désengagement de l’immobilier résidentiel concerne également les foncières cotées dont le statut SIIC, adopté en France en 2002, a rendu possible un arbitrage fiscal exceptionnel. Ainsi, le patrimoine de la foncière Gecina est passé de 20 000 logements en 2002 à 6 000 logements en 2011. Le groupe Icade a cédé, quant à lui, l’intégralité de son patrimoine résidentiel en 2009 à un groupement de bailleurs sociaux, soit 32 000 logements, constituant la plus grande vente de logements en bloc jamais réalisée. Nos institutionnels ont-ils été influencés par les Anglo-Saxons ? 5.5 / L’INFLUENCE ANGLO-SAXONNE L es institutionnels se sont désengagés du résidentiel en faveur de l’immobilier tertiaire depuis une trentaine d’années, comme le souligne Jacques Bonnet (6) : « À partir de 1970-1971, l’intervention massive d’investisseurs britanniques et américains (principalement des fonds de pension) sur le marché des bureaux des métropoles occidentales a conduit à la mise en place d’un produit autonomisé, économiquement, d’abord, par rapport à l’entreprise (il est devenu la propriété d’investisseurs à plus de 80 %), puis géographiquement, par rapport aux logiques spatiales des entreprises (en devenant un actif immobilier, sa localisation géographique a dû correspondre à la meilleure rente urbaine) ». L’externalisation croissante de la gestion des biens immobiliers et l’optimisation de cette gestion ont favorisé le fort développement des métiers de l’asset management immobilier et du property management. La financiarisation du patrimoine immobilier a donné de la liquidité à des actifs qui ne l’étaient pas à la base. Cette augmentation de la liquidité a eu des effets sur le prix des actifs et sur la fluidité du marché immobilier commercial. La méthode des cash-flows fonctionnant dans l’univers anglo-saxon avait fait ses preuves durant les années 1980. La diversification appliquée dans le secteur financier s’est mise en place rapidement dans le secteur immobilier. Les investisseurs financiers et immobiliers ont, ainsi, participé à cette transition en France. Les ménages propriétaires ont donc vécu cette financiarisation de l’immobilier avec quelques contrastes : la baisse des prix parisiens durant les années 1990 et l’augmentation des prix au niveau national depuis cette décennie. (5) L’effet de levier « leverage » mesure l’incidence du recours à l’endettement sur la rentabilité des fonds propres de l’investisseur. Il résulte de la différence entre la rentabilité économique et le coût de la dette. Le principe consiste, alors, à emprunter à un taux d’intérêt de la dette inférieur au retour sur investissement du placement envisagé. (6) Jacques Bonnet, « L’évolution de bureau dans l’espace urbain : évolutions des approches théoriques », Géocarrefour, vol. 78 04/2003, (p.269). L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 90 47 résidentiel Les banques et les assureurs avaient besoin d’importantes liquidités pour faire face à la crise qu’ils rencontraient. Ils se sont désengagés au début des années 1990 en cédant leur patrimoine résidentiel à des fonds opportunistes essentiellement américains. 5.6 / LE RENDEMENT DE L’ACTIF IMMOBILIER E n retenant la rentabilité globale de l’investissement, les actifs résidentiels, entre 1998 et 2009, ont procuré un rendement global annualisé de 8,3 %, contre 10,1 % pour les bureaux et 14,8 % pour les commerces. Selon IPD, pour le résidentiel détenu en direct par les institutionnels, c’est le rendement en capital qui impacte le rendement global. En 2013, le prix du résidentiel en France (ancien et neuf) a atteint son niveau le plus élevé dans les zones tendues. Les derniers chiffres IPD vont dans la même direction. La France connaît donc une crise du logement à la fois quantitative (offre) et qualitative (caractéristique et type). Selon l’OCDE, la France applique les droits de mutation les plus élevés en Europe, après la Belgique. Ces coûts de transaction freinent la liquidité et l’attractivité du marché immobilier auprès des investisseurs privés et institutionnels. Ce sont les privés, qui ont assuré le rôle d’acteur dans l’investissement locatif neuf en dehors des bailleurs sociaux pour le logement social et intermédiaire. Depuis 1986, les particuliers aidés d’avantages fiscaux ont investi dans plus d’un million de logements neufs en France. Que le support soit Méhaignerie, Besson ou Borloo, une fois la durée légale atteinte pour bénéficier de l’avantage fiscal, les particuliers revendent leur investissement locatif dans 90 % des cas au lieu de le conserver. Les personnes physiques ne conservent donc pas leur investissement locatif sur le long terme. Il serait intéressant de savoir si de nouvelles mesures permettraient à ces bailleurs individuels de conserver leur investissement locatif plus longtemps. Depuis cette période, en faisant une rapide comparaison internationale, nous constatons que, dans le monde entier, la propriété des logements locatifs privés s’est retrouvée également entre les mains de personnes physiques dont l’objectif a toujours été fiscal (réduction d’impôts) et patrimonial (préparation de la retraite). À côté des privés, nous avons les institutionnels. Mais qui sont-ils réellement ? 5.7 / QUID DES INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS ? N ous avons identifié quatre cents investisseurs institutionnels en France. Nous distinguons les institutionnels de premier rang comme la Caisse des Dépôts et les ins- 48 le retour des institutionnels 5.8 / POURQUOI LES INSTITUTIONNELS SE SONT-ILS DÉSENGAGÉS DU RÉSIDENTIEL ? L es institutionnels se sont désengagés de cette classe d’actifs pour les raisons suivantes : ◗ des rendements locatifs faibles (2 %, voire 1 % brut pour les appartements du triangle d’or parisien) ; ◗ réaliser d’importantes plus-values immobilières effectuées lors des reventes en bloc à des fonds opportunistes comme celui de Whitehall (filiale de Goldman Sachs). Ces derniers revendaient lot par lot en réalisant également d’importants profits ; ◗ des économies d’échelle difficiles à réaliser dans le résidentiel par rapport à l’immobilier commercial. Il revient moins cher de gérer un immeuble de bureaux de 100 millions d’euros à Paris 8e que de gérer 200 appartements de 500 000 euros localisés à des dizaines d’adresses différentes ; ◗ des frais de gestion plus élevés dans le résidentiel que dans l’immobilier commercial (bureaux, commerces, logistique, hôtels…) ; ◗ un cadre juridique plus favorable à l’immobilier commercial qu’au résidentiel avec l’encadrement des loyers et les contraintes de la vente à la découpe ; ◗ des freins fiscaux avec l’exonération totale des plus-values immobilières sur trente ans. titutionnels de second rang comme les SCPI. Quel que soit leur statut (banque, assurance, caisse de retraite, mutuelle, SCPI, OPCI, Opci, Sicav foncière…), tous devront s’adapter aux évolutions macroéconomiques. Demain, les institutionnels non résidents seront de plus en plus nombreux. Les excédents de liquidités des pays du Golfe et des pays asiatiques seront de plus en plus actifs dans l’immobilier tertiaire et commercial des grandes métropoles européennes comme Paris (le Grand Paris) ou Londres. 5.9 / LES OPPORTUNITÉS DU RÉSIDENTIEL L e logement est un investissement pérenne, bénéficiant d’une très forte demande locative, notamment dans les grandes villes et agglomérations dynamiques économiquement où l’offre demeure insuffisante. Un immeuble de logements, à la différence d’un actif de bureaux, ne se libère L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 90 49 résidentiel jamais en totalité, ce qui assure des cash-flows récurrents et une protection contre un éventuel retour de l’inflation sur le long terme. La grande variété de l’offre de biens proposés sur le marché immobilier fait qu’il ne peut exister de prix unique pour toutes les variantes composant cet actif comme le mentionne Rosen (7). Chaque appartement est donc unique quelles que soient sa date de construction et sa localisation. Qu’il se trouve dans une zone dense ou pas, il restera singulier dans tous les cas. Cette singularité pose le problème de l’industrialisation de cette classe d’actifs que l’on ne retrouve pas dans le cas d’une tour à la Défense. 5.10 / LES INCONVÉNIENTS DU RÉSIDENTIEL E n retenant la rentabilité globale de l’investissement, les actifs résidentiels entre 1998 et 2009 ont procuré un rendement global annualisé de 8,3 % contre 10,1 % pour les bureaux et 14,8 % pour les commerces. Pour le résidentiel détenu en direct par les institutionnels, selon IPD, c’est le rendement en capital qui impacte le rendement global. En 2013, le prix du résidentiel en France (ancien et neuf) a atteint son plus haut niveau dans les zones tendues. Nous sommes aujourd’hui en haut du cycle. Le résidentiel a atteint un prix plancher dans toutes les métropoles françaises. Si la plus-value à long terme demeure aléatoire, comment l’investisseur peut-il accepter une faible rentabilité locative ? Sans oublier, par ailleurs, les contraintes juridiques et fiscales spécifiques au résidentiel. Le prix des actifs résidentiels reste trop élevé pour offrir une rentabilité et une prime de risque satisfaisantes. Le prix d’un actif immobilier est équivalent à l’actualisation des flux futurs à un instant T. Dans l’immobilier commercial, le rendement locatif immédiat sera privilégié par les investisseurs tandis que dans le résidentiel, c’est le rendement en capital qui sera intégré. En 2015, les plus-values résidentielles ont été réalisées. Le prix des actifs reste élevé. Les investisseurs vont privilégier le rendement locatif sécurisé. 5.11 / LA PRIME DE RISQUE E lle représente la rémunération du risque encouru ou le supplément de rendement exigé par un investisseur pour assumer le risque de détenir dont la valeur et le rendement sont aléatoires. Afin de faire revenir les institutionnels vers le logement dans la durée, la rentabilité doit intégrer une prime de risque cohérente par rapport à un taux sans risque, de type OAT 10 ans. C’est le benchmark de référence pour la majorité des investisseurs institutionnels. On doit intégrer dans cette prime de risque une prime d’illiquidité, une prime fiscale et une prime juridique. EN 2013, LE PRIX DU RÉSIDENTIEL EN FRANCE (ANCIEN ET NEUF) A ATTEINT SON PLUS HAUT NIVEAU DANS LES ZONES TENDUES. NOUS SOMMES AUJOURD’HUI EN HAUT DU CYCLE. (7) Sherwin Rosen, « Hedonic prices and implicit markets : product differentiation in perfect competition », Journal of Political Economy, 1974 (p.34-55). 50 le retour des institutionnels Tableau. La variation de la prime de risque en fonction de l’OAT (Source : Les freins à l’implication des investisseurs institutionnels et privés dans le viager immobilier – Nicolas Tarnaud 2015.) Rendement OAT 1 % OAT 2 % OAT 3 % OAT 4 % Rendement OAT + 200 bps 3 % 4 % 5 % 6 % Rendement OAT + 250 bps 3,5 % 4,5 % 5,5 % 6,5 % 5 % Rendement OAT + 300 bps 4 % 5 % 6 % 7 % 5,5 % Rendement OAT + 350 bps 4,5 % 5,5 % 6,5 % 7,5 % 6 % Rendement OAT + 400 bps 5 % 6 % 7 % 8 % 6,5 % OAT : obligation assimilable au Trésor. Bps : point de base. Elle varie de 200 à 400 points de base selon les attentes de l’investisseur du marché obligataire et du marché immobilier. Selon les investisseurs de notre étude, le rendement locatif du résidentiel doit rapporter entre 250 et 300 points de base minimum par rapport à l’OAT 10 ans. Si la prime de risque n’est pas réalisable, les institutionnels continueront de délaisser le résidentiel au profit de l’immobilier commercial. Moyenne 4,5 % OAT 2,5 % + Pr 200 bps = 5 % OAT 2,5 % + Pr 300 bps = 5,5 % à la demande en logements dans les zones tendues. La location convient mieux que la propriété aux ménages mobiles, et parce que tous les ménages n’ont pas les moyens et le désir d’accéder à la propriété en même temps. Attention à la mise en place d’une politique du tout propriétaire avec les conséquences qui en découleraient au final. Contrairement à d’autres pays, être propriétaire peut être un frein à la mobilité résidentielle et professionnelle. Les 5.12 / CONCLUSION propriétaires sont plus âgés que les locataires et les nonaccédants sont plus âgés que les accédants. Nous savons que la propension à la mobilité résidentielle décroît avec l’âge. L e taux de rendement prime du bureau reste le benchmark de référence pour les investisseurs institutionnels. L’horizon d’investissement se situe entre huit et dix ans. Il faut généralement s’engager sur une quinzaine d’années pour être présent dans le logement. Depuis la crise de 2008, les investisseurs privilégient le rendement et ont une approche beaucoup plus financière et sécurisée des investissements immobiliers qu’autrefois. L’effet de taille pénalise l’investissement résidentiel. Il y a effectivement peu ou pas de programmes neufs en un même lot à 100 millions d’euros. Soulignons la remarque d’un investisseur rencontré : « Le logement, c’est vital, ça va dans le bon sens pour la société et ça répond à un besoin fondamental qui devrait avoir toute sa place et ça ne l’a plus aujourd’hui ». L’existence d’un parc locatif privé de taille suffisante est nécessaire pour répondre Les locataires sont davantage mobiles que les propriétaires. Les locataires ont besoin d’immeubles à proximité des zones économiques attractives. Les investisseurs doivent satisfaire cette demande. Un immeuble de logements, à la différence d’un actif de bureaux, ne se libère jamais en totalité, ce qui LES INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS ONT UNE APPROCHE BEAUCOUP PLUS FINANCIÈRE ET SÉCURISÉE DES INVESTISSEMENTS IMMOBILIERS QU’AUTREFOIS. L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 90 51 résidentiel assure des cash-flows récurrents et une protection contre l’inflation, même si nous ne sommes plus en période inflationniste. Pour onze millions de locataires, nous comptabilisons seulement cent cinquante mille instances d’impayés. Ce taux d’incident de paiement est relativement faible et les grands investisseurs ont les capacités à mutualiser ce risque. Le problème de l’investissement dans le logement réside dans sa fiscalité erratique et évolutive, qui est plutôt décourageante que l’inverse. Les investisseurs institutionnels ont besoin de visibilité sur la fiscalité immobilière. Ce n’est actuellement pas le cas en France et ce, depuis de nombreuses années. Dans chaque nouveau gouvernement, de nouvelles mesures fiscales apparaissent. Les investisseurs sont sans doute prêts à s’orienter vers le logement, dès lors qu’ils auront une réelle visibilité fiscale sur le moyen et le long terme. Aujourd’hui, l’immobilier résidentiel n’est pas assez attractif pour attirer dans la durée les investisseurs institutionnels. Pourquoi ne savons-nous pas mettre en place des mesures simples, efficaces et durables pour attirer les institutionnels dans le résidentiel locatif ? Quelques mesures peuvent modifier cette tendance et les faire s’intéresser de plus près à l’immobilier résidentiel : ◗ ramener à quinze ans l’exonération des plus-values immobilières au lieu de vingt-deux ans ; ◗ baisser les droits de mutation pour favoriser la liquidité du marché immobilier ; ◗ supprimer la loi sur l’encadrement des loyers dans les zones tendues ; ◗ créer la foncière terrain qui porterait le foncier et conclurait des baux emphytéotiques avec les institutionnels, comme cela se produit en Suède. Si ces recommandations étaient retenues et appliquées, les investisseurs institutionnels n’auraient plus qu’à relire la fameuse phrase de Théodore Roosevelt : « Toute personne qui investit dans un bien immobilier attentivement sélectionné, dans un quartier en croissance d’une ville prospère, adopte la méthode la plus sûre pour devenir indépendante financièrement, parce que l’immobilier est à la base de la richesse ».