Université de Genève
systèmes complexes à Dresde, en Allemagne. Les biologistes ont utilisé pour leur
projet un organisme modèle bien établi : la mouche du vinaigre Drosophila. Les larves
de cet insecte subissent une métamorphose complète, grâce à des tissus spécifiques,
les disques imaginaux, qui se développeront pour former la plupart des structures du
corps adulte, telles que les ailes.
Le centre du disque imaginal de l’aile de la mouche est composé de cellules distinctes
qui sécrètent un morphogène appelé Decapentaplegic (Dpp). Cela provoque la
formation d’un gradient de concentration décroissant, au fur et à mesure que l’on
s’éloigne du centre du disque. Les chercheurs ont voulu comprendre comment des
cellules distantes du centre pouvaient croître et se diviser aussi rapidement que des
cellules proches, en réponse au signal du Dpp, tout en percevant des concentrations
différentes de ce morphogène.
Un paradoxe apparent
Leur projet a mené à deux découvertes-clé. «D’une part, nous avons trouvé que le
gradient de Dpp s’étend dans le temps et dans l’espace, au fur et à mesure que l’aile
croît, et qu’il s’adapte à la taille du tissu. Etant donné que la structuration du tissu
s’effectue en réponse au gradient lui-même, son augmentation garantit que les
proportions de l’aile soient conservées», commente Ortrud Wartlick, auteur de l’étude.
L’expansion du gradient de morphogènes implique une augmentation de la
perception de Dpp par toutes les cellules de l’organe croissant, au cours du temps.
Ceci constitue une énigme, car les biologistes pensaient que toutes les cellules se
divisent lorsqu’elles détectent une concentration spécifique du signal chimique. Ce
paradoxe apparent a été résolu avec la deuxième découverte: «Nous avons observé
que les cellules de l’aile se divisent lorsque le signal de Dpp qu’elles perçoivent a
augmenté de 50%, indépendamment de leur position et quel que soit le moment du
développement», détaille Marcos Gonzalez-Gaitan. Le fait que les cellules puissent
estimer la vitesse d’expansion du gradient et utiliser cette information pour savoir
quand se diviser change de façon drastique le concept établi jusqu’ici.
Morphogènes et cancer
L’équipe de Marcos Gonzalez-Gaitan, qui est un membre des deux Pôles nationaux de
recherche Chemical Biology et Frontiers in Genetics, cherche désormais à savoir si un
tel mécanisme de contrôle est également impliqué dans des processus pathologiques
de prolifération de tissus, tels que le développement tumoral. En effet, le
morphogène Dpp, qui est appelé Transforming Growth Factor-beta chez l’humain, est
impliqué dans la plupart des cancers. Il est donc crucial de comprendre comment les
cellules malignes mesurent la concentration de morphogènes et la vitesse de leur
expansion.
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