Expertise et contrôle : dialogues sans frontières

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actes du colloque
Expertise et contrôle :
dialogues sans frontières Ecole Nationale d’Administration - Paris
17 novembre 2004
Bicentenaire du CGPC
n 17 novembre 2004 - Ecole
Nationale d’Administration - Paris
Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
SOMMAIRE
1
2
3
Retour au Sommaire des Actes
Introduction
4
4
La nouvelle gouvernance de l’Etat
et l’évolution des dispositifs de contrôle
5
André BARILARI
11
11
Quel partenariat entre l’Etat et les collectivités
territoriales pour capitaliser l’expertise
et les métiers du cadre de vie ?
Allocution
20
Comment atteindre les objectifs de modernisation
du management public voulus par le Parlement ?
23
Gilles CARREZ
Table ronde
la modernisation du management
public est-elle bien engagée ? 26
Pierre VERKAEREN
26
Michael WHITEHOUSE
32
Jean-François BENARD
35
Débat
Bicentenaire du CGPC
n 17 novembre 2004 - Ecole
36
Nationale d’Administration - Paris
45
table ronde Daniel LIMODIN
u
42
Gilles de ROBIEN
16
Patrick STAES
Quel nouveau rôle pour les corps de contrôle
avec la mise en œuvre de la LOLF ?
37
André ROSSINOT
Anthony WRIGHT
L’expérience de la démarche européenne
du common assessment framework
Forces et faiblesses du contrôle
des performances pour faire progresser
la qualité du management public
37
Odile SALLARD
Des inspections renouvelées pour
un management public performant
et des politiques publiques efficaces
Le contrôle interne à la Commission européenne
Mobiliser une expertise de qualité
pour un meilleur management public l’Etat doit-il être expert et le peut-il ?
Sur quelle forme d’expertise interne
et externe le Gouvernement doit-il
pouvoir s’appuyer ?
48
Heinz Jörg BORKENSTEIN
Alain BOUVIER
Gérard MASSIN
Claude GRESSIER
48
54
55
56
u
57
Débat
Sommaire
5
6
Comment faire vivre la compétence d’expertise
et de contrôle au sein des services de l’Etat ? 58
L’inspection espagnole spécialisée dans
les infrastructures : quel type de contrôle
des gestionnaires délégués ?
58
Fernando ROJAS URTASUN
Comment contrôler l’efficience
des choix et modes opératoires
des marchés de travaux publics ?
Sur quels indicateurs l’Agence pour le contrôle
et la qualité des services publics locaux de
la ville de Rome s’appuie-t-elle pour apprécier
le service rendu ?
62
74
77
Federico COLOSI
65
Quel apport du Conseil général des ponts
et chaussées de demain sur les deux thèmes
de l’expertise et du contrôle ?
Jean-Pierre GIBLIN
table ronde
faut-il spécialiser les métiers de l’inspection ?
Comment organiser la fertilisation
croisée des expériences techniques
et opérationnelles ?
Comment tenir compte des nouvelles
répartitions de compétences entre Etat
et collectivités territoriales ? 68
Giuseppe RICCERI
Paul VIALLE
Jean-Pierre DUPORT
68
70
71
u
72
Débat
Quelle expertise l’Agence française de sécurité
sanitaire des aliments mobilise-t-elle pour
exercer son rôle ?
74
Paul VIALLE
Alfonso Maria ROSSI BRIGANTE
Quel profil pour les experts et les régulateurs
de demain ? Quel recrutement
et quelle alternance des carrières ?
Quelles autorités techniques pour
le service des habitants et la protection
des consommateurs et du cadre de vie ? 7
8
85
Claude MARTINAND
Clôture du colloque
87
Jean-Paul DELEVOYE
Biographies des intervenants
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1
1
Introduction
Pour la mise en œuvre des politiques publiques, l’Etat doit désormais identifier plus
clairement ses missions, leurs objectifs et les indicateurs permettant d’en apprécier
les résultats. Cette évolution renforce l’intérêt des métiers d’expertise, de contrôle
et d’évaluation d’autorités techniques et morales telles que, parmi d’autres, le
Conseil Général des Ponts et Chaussées. Elle impose, dans le contexte général de
la modernisation du système public, une plus grande ouverture interministérielle
et internationale. Méthodes d’inspection et d’audit, mobilisation des expertises au
service des projets de l’Etat et des attentes des citoyens, évaluation de la mise en
œuvre des politiques publiques dans un contexte européen et décentralisé ont été
au cœur des débats de la journée avec des intervenants de qualité.
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La nouvelle gouvernance de l’Etat et l’évolution des dispositifs de contrôle
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particulier afin, non seulement de prévenir ou sanctionner les détournements à des
fins privées ou étrangères à l’intérêt général, mais aussi de garantir qu’elle s’exerce
conformément aux décisions prises par les instances légitimes qui expriment la
souveraineté des citoyens. La démocratie exige, plus que tout autre régime, contrôle
et transparence dans le domaine des finances publiques.
Le citoyen ne supporte les prélèvements publics que s’il a la garantie que les
fonds qui sont soustraits à sa décision (le prélèvement public transfère les choix
de dépenses de la sphère privée à la sphère publique) sont utilisés de manière
transparente, conforme aux règles de droit et aux décisions des assemblées
délibérantes qui adoptent les budgets.
La nouvelle gouvernance de l’Etat
et l’évolution des dispositifs
de contrôle
André BARILARI, inspecteur général des Finances,
président du comité interministériel d’audit des programmes
Le contrôle des finances publiques est la mise en œuvre de la déclaration des droits
de l’homme et du citoyen qui, dans son article XIV, indique :
« Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs
représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement,
d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et
la durée. » Et cet article doit se lire avec le suivant : « La société a le droit de
demander compte à tout agent public de son administration ».
La nouvelle loi organique relative aux lois de finances est un des déterminants
majeurs de la réforme de l’Etat. Son impact sur le système de contrôle des finances
publiques et des politiques publiques est important et multiple :
• elle rééquilibre les contrôles a priori et a posteriori,
• elle crée des types nouveaux de contrôles,
• elle ouvre des problématiques nouvelles pour l’évaluation des politiques
publiques.
La spécificité c’est celle des critères d’évaluation. Pour un particulier ou une entreprise,
les critères de bonne gestion financière sont simples, il s’agit de maximiser le profit
qui revient à l’investisseur, en développant les recettes et en minimisant les coûts.
Le marché se charge d’arbitrer entre les bonnes et les mauvaises stratégies. Dans
le domaine des finances publiques, on peut certes stigmatiser certains gaspillages,
comparer la productivité et l’efficience de certains services avec des références
dans le secteur privé, mais pour véritablement apprécier l’efficacité de la dépense,
il faut formuler de manière précise les objectifs des politiques publiques et mesurer
les résultats par rapport à eux.
Tous ces éléments doivent conduire les corps de contrôle interne à s’interroger
sur l’évolution de leur positionnement et l’adaptation de leurs compétences aux
nouvelles exigences.
La journée sur l’expertise et le contrôle organisée par le conseil général des ponts
et chaussées dans le cadre de son bicentenaire vient à point pour échanger les
réflexions sur ces thèmes, explorer ces évolutions, en déterminer les logiques et
les lignes de force afin de permettre aux différents corps et institutions de contrôle
de la sphère publique de s’y préparer, de s’y adapter et de les prendre en charge.
Cette réflexion doit se dérouler « sans frontières » car l’expérience de nos
collègues des pays comparables (Anglais, Belges, Italiens, Allemands) et des
institutions communautaires nous est précieuse, mais aussi « sans œillères » c’est
à dire en dépassant les points de vue institutionnels pour toujours se ressourcer
par rapport aux besoins de notre véritable client et actionnaire : le citoyen.
Je voudrais en effet préciser en préambule deux éléments qu’il ne faut en effet
jamais perdre de vue dans nos analyses. Notre finalité et notre spécificité.
La finalité, c’est la démocratie. L’action publique doit faire l’objet d’un contrôle
Une fois posé ce cap général, je voudrais, avant d’esquisser ce qui me paraissent
être les lignes de force des évolutions, définir une typologie des contrôles qui nous
servira de cadre conceptuel.
« Le consentement à l’impôt » André Barilari, La bibliothèque du citoyen, presses de sciences po 2000.
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Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
I. Le cadre conceptuel, la typologie des contrôles
•
évaluer la pertinence des objectifs, l’ampleur et l’adaptation des moyens
employés par rapport à une finalité recherchée : il s’agit d’évaluer la
pertinence et l’impact d’une politique publique.
Les quatre modes d’intervention ainsi définis ne sont pas sans liens et interférences
les uns avec les autres : des objectifs de qualité ou de régularité peuvent être
intégrés dans les résultats à atteindre, l’évaluation d’une politique pourra s’appuyer
sur l’analyse des écarts entre les objectifs et les résultats.
Malgré ces interférences, il est proposé de garder cette typologie qui paraît
plus clarificatrice que celle qui serait fondée sur les acteurs, les outils ou le
positionnement de ces contrôles. Les acteurs peuvent en effet être polyvalents et
réaliser, consciemment ou inconsciemment, concomitamment ou successivement,
plusieurs types de contrôle. De même, une différenciation par les outils est moins
pertinente car de nombreux outils peuvent être communs : indicateurs, enquête.
Enfin, le contrôle est toujours externe par rapport au contrôlé mais interne par
rapport à l’autorité qui le commandite…Nous garderons cependant la distinction
a priori et a posteriori comme déterminant second dans cette analyse.
L’origine étymologique du mot « contrôle » est claire, il est formé de « contre »
et de « rôle ». Le rôle est un registre, le premier contrôle est donc de tenir le
registre en double, l’un servant à vérifier l’autre.
Vérifier, c’est reconnaître une chose pour vraie (ou fausse), c’est rechercher la
vérité. Cela nécessite un point de vue extérieur qui est bien marqué par la vocable
« d’inspection », comme « l’action de regarder ».
Le contrôle est donc l’action de regarder afin de rechercher la véritéet il ne peut
être mené que de l’extérieur par rapport à son champ. Mais sous l’influence de
l’Anglais, « control », le mot a le sens de « maîtrise » qui signifie pouvoir déclencher,
moduler, arrêter, régler un processus que l’on a sous sa surveillance. Dans les pays
anglo-saxons, c’est le terme « audit » qui a le sens de contrôle. Si l’on attache de
l’importance à l’étymologie, l’audit fait appel principalement au sens auditif, il faudrait
réserver ce terme aux enquêtes qui sont effectuées en procédant à l’audition, à
l’écoute des acteurs. Il s’agirait donc simplement d’une des techniques de diagnostic.
L’usage de ce mot s’étant cependant répandu en France, nous l’utiliserons dans le
sens de technique de contrôle. Son utilisation est même souvent préférée au terme
contrôle qui de ce fait a désormais une connotation plus restreinte qui l’enferme
dans les finalités de recherche d’irrégularités (contrôle fiscal) alors que l’audit est
désormais compris comme la mise en œuvre de techniques diverses permettant de
porter un diagnostic plus global et d’élaborer des propositions visant à améliorer
l’efficacité et l’efficience.
Le contrôle des finances publiques peut être entendu dans ces deux sens : la
vérification et la maîtrise. Mais la meilleure manière de clarifier les concepts dans
ce domaine paraît être de les différencier par rapport aux objectifs poursuivis.
Quatre finalités principales sont concevables :
• vérifier qu’un produit ou un processus est conforme à des règles, il s’agit
des contrôles de régularité ;
• certifier qu’un organisme ou un processus répond à certains critères de
qualité, il s’agit des contrôles de qualité ou de sincérité ;
• contrôler qu’une unité ou un ensemble d’unités réalise les objectifs
qui lui ont été fixés avec efficacité et efficience : il s’agit de contrôles
de la réalisation des résultats que l’on peut nommer « contrôles de
gestion » ;
II. Par rapport à cette grille d’analyse, quelles sont
donc les évolutions introduites par la LOLF ?
La nouvelle gouvernance financière impacte l’ensemble du système de contrôle
et :
• oblige à repositionner les contrôles de régularité ;
• crée des dispositifs de certification ;
• donne un sens au contrôle de gestion ;
• crée les bases d’un meilleur système d’évaluation des politiques
publiques.
Le repositionnement des contrôles de régularité
Les contrôles de régularité interviennent soit a priori soit a posteriori.
a) les contrôles a priori (qui sont des contrôles effectués uniquement par rapport
à un référentiel de règles)
Il convient de distinguer les contrôles financiers et les contrôles comptables.
Les contrôles exercés par le contrôleur financier, qui sont en substance
des contrôles de conformité par rapport à l’autorisation budgétaire, doivent
substantiellement évoluer dans la mesure ou le cadre de l’autorisation budgétaire
Un des premiers emplois du terme « inspection » est de Saint Augustin dont l’« inspector cordis », celui qui
regarde dans les cœurs, ne peut être que Dieu.
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La nouvelle gouvernance de l’Etat et l’évolution des dispositifs de contrôle
est profondément modifié. Il n’y a plus lieu d’exercer un contrôle sur la nature des
dépenses, sauf concernant le plafond des dépenses de personnel par programmes et
le plafond des emplois par ministère et ne subsiste que la nécessité d’un contrôle des
engagements de façon à ne pas permettre au responsable de programme de dépasser
l’enveloppe limitative des crédits du programme. Ainsi, si le principe du contrôle
financier subsiste (exigence démocratique), ses modalités seront considérablement
allégées, de ce fait, plus besoin d’une institution dédiée pour l’exercer, il devient une
procédure mise en œuvre par « l’interlocuteur financier unique ».
b) Le contrôle de qualité des programmes et le contrôle de fiabilité des
résultats présentés dans les projets de rapports de performance
Créé par décision du CIRE du 15 novembre 2001, le comité interministériel
d’audit des programmes (CIAP) a pour mission «la validation des programmes et
des informations associées dans le cadre de la procédure budgétaire, en vue de
leur intégration en loi de finances». Le CIAP intervient donc dans le cadre d’un
processus autonome de contrôle qualité, préalable à la présentation des documents
budgétaires au Parlement. Ce contrôle de qualité qui n’est ni de l’évaluation de
politique publique, ni du contrôle de performance est destiné à vérifier si les
projets de programme répondent à des critères définis (audits initiaux) et si les
projets de rapports annuels de performance présentent des résultats chiffrés
fiables, n’introduisant pas des biais contraires aux objectifs recherchés et sont
correctement documentés et commentés (audits de réalisation).
Les contrôles comptables, pour lesquels la réflexion a été engagée, notamment
par la DGCP qui fait évoluer les contrôles de payeur et de caissier avec les concepts
de contrôle hiérarchisé (sélectifs en fonction des enjeux) d’une part et partenariaux
d’autre part (c’est à dire portant principalement sur la sécurisation des procédures
en amont du comptable), sans que cette évolution soit intrinsèquement liée aux
dispositions de la Lolf. Elle est cependant cohérente avec celle-ci.
La prise de sens du contrôle de gestion
(contrôle par les résultats)
Le contrôle par les résultats nécessite deux éléments qui sont mis en place par
la Lolf :
• un cadre de gestion qui donne des responsabilités dans le cadre de la
gouvernance des programmes ,
• un référentiel de cibles de résultat mesurables.
b) les vérifications de régularité a posteriori
Les vérifications à posteriori sont impactés par deux types d’évolutions :
• celles qui résultent directement de la Lolf, c’est à dire l’adoption
d’une nouvelle nomenclature budgétaire et la mise en place d’une
comptabilité d’exercice,
• et celles qui résultent de l’évolution des contrôles a priori. En
effet, la vérification des comptables devra tenir compte de la mise en place
des contrôles hiérarchisés et partenariaux (ce qui modifiera sensiblement
l’approche et le positionnement de la Cour des Comptes).
a) Le nouveau cadre de gestion, la gouvernance des programmes
La Lolf met en place un cadre de gestion à trois niveaux.
Le système de pilotage des programmes
Ce niveau est celui de l’exécution du budget. Les responsables s’efforcent d’atteindre
les cibles qui leur ont été fixées en mobilisant toutes les marges de manœuvre
que leur donne la fongibilité asymétrique des crédits au sein du programme. Le
responsable de programme ne se limite pas à des arbitrages budgétaires, il gère
la performance du programme et pilote donc l’ensemble des opérateurs à cet
égard. Pour responsabiliser ces opérateurs sur lesquels il exerce son pouvoir, il
leur délègue des budgets opérationnels de programme (BOP).
La création du domaine des certifications
a) La certification des comptes
En premier lieu, le chapitre V de la Lolf qui porte sur les comptes de l’État définit
les principes de comptabilisation et les critères de qualité des comptes à mettre en
place. Il donne mission aux comptables publics (art. 31) d’effectuer un contrôle de
conformité à des principes. Et de plus, l’article 58-5° prévoit que la Cour des Comptes
doit assurer la certification de la régularité, de la sincérité et de la fidélité des comptes
de l’État. Mais il serait illusoire de croire que cela restera l’affaire de la cour des
comptes, cette exigence de certification va impacter très sensiblement les travaux
des ordonnateurs, des comptables et de tous les niveaux de contrôle interne.
Le système de gestion des BOP
Les responsables de BOP sont soit des responsables d’actions (ou de sous-actions ou
d’ensembles d’actions), soit des responsables de services déconcentrés qui mettent
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en œuvre tout ou partie des actions du programme pour une circonscription ou
une clientèle donnée. Ils bénéficient à leur niveau de la fongibilité à l’intérieur de
BOP qu’ils ont à gérer et sont responsables de la réalisation des performances qui
leur sont demandées par le responsable de programme.
sont pas légitimées par rapport aux objectifs stratégiques avalisés par le parlement,
l’audit se traduit par le fait de comparer l’action concrète du gestionnaire du
service contrôlé à une action idéale, dont une bonne part des caractéristiques est
déterminée par le contrôleur lui même, au moment du contrôle. Ce phénomène,
que l’on pourrait appeler de « rétro projection du référentiel », est un facteur qui
peut, non seulement générer des difficultés entre les contrôleur et le contrôlé,
mais aussi rendre plus difficile l’application des propositions du contrôleur qui
encourent le soupçon d’irréalisme.
En effet, cette réécriture de l’action de référence s’effectue après coup, par rapport
à un passé dont on connaît les limites et les contraintes, ce qui la rend par la même
difficilement comparable à celle qui s’est décidée dans le cours de l’histoire réelle,
lorsque l’écheveau des possibles était ouvert. Dans ce contexte « ante-Lolf »,
lorsqu’il a eu à décider des actions menées, le gestionnaire ne connaissait pas le
référentiel qui lui serait appliqué par le contrôleur. La Lolf change radicalement
ce contexte. En votant le budget, le Parlement fixe des programmes disposant
d’objectifs mesurables par des indicateurs assortis de cibles de résultat. La gestion
par contrats d’objectifs permet ensuite de fixer à chaque opérateur du programme
sa part de moyens et d’objectifs. Il est clair que dans ce cadre, le contrôleur devra
apprécier l’action du contrôlé par rapport à ce référentiel ainsi déterminé. Celui-ci
présente l’avantage d’être connu du gestionnaire au moment de son action et donc
de fournir une base objective de référence pour évaluer son action.
Le management des unités opérationnelles
Les processus gérés par les responsables de BOP peuvent être mis en œuvre par
des unités opérationnelles. Ces services disposent de moyens mis à leur disposition
par les responsables de BOP, avec des objectifs opérationnels et des marges de
manœuvre propres.
Le dialogue de gestion est le moyen de conserver la cohérence de l’ensemble
malgré l’autonomie relative de chacun des trois systèmes. Des outils spécifiques
de dialogue de gestion doivent être mis en place, d’une part entre le responsable
du programme et les responsables des BOP et d’autre part entre les responsables
des BOP et les unités opérationnelles. Le contrôle de gestion est un outil essentiel
du dialogue de gestion. Les corps de contrôle interne devront se positionner
par rapport à ces différents niveaux de contrôles de résultat correspondant aux
différents étages des systèmes de mise en œuvre des programmes.
Si les trois systèmes de contrôle de gestion ont la même finalité (s’assurer qu’une
unité ou un ensemble d’unités réalise les objectifs qui lui ont été fixés), les besoin
d’intervention des corps de contrôle spécialisés n’est pas le même à ces différents
niveaux.
Le nouveau fondement des processus d’évaluation
b) Le référentiel de performance des programmes des politiques publiques
Dans la mesure ou les corps de contrôle interne interviendront dans les diagnostics
d’appréciation des performances, il ne pourront pas s’affranchir du cadre des
objectifs, des indicateurs et des cibles de résultat déterminés dans le cadre des
programmes. Leur rôle sera de comparer les résultats effectifs aux cibles fixées, de
porter un diagnostic sur les causes des écarts et sur la pertinence des décisions
dans la mise en œuvre des moyens par rapport aux objectifs.
L’existence de ce cadre de performance que constituent les PAP évitera aux corps
de contrôle de « rétroprojeter » au moment de leurs audits leur propre vision des
objectifs et des résultats à atteindre, ainsi que cela était pratiqué auparavant.
Les programmes fournissent aux politiques publiques (tout au moins pour celles
dont l’Etat est acteur) un cadre de formalisation obligeant à expliciter la stratégie,
les priorités, les objectifs, les leviers d’action, les moyens mobilisés au service de ses
politiques. Les contraintes imposées aux ministères de choisir des objectifs d’impact
final, de qualité et d’efficience et de les assortir d’indicateurs de mesure des progrès,
pré positionne un cadre favorable à l’évaluation des politiques publiques.
Les évaluations doivent permettre de porter un jugement sur les politiques
publiques développées, de s’interroger sur leur adaptation au contexte et aux
besoins, sur le niveau des moyens globaux à mettre en œuvre, sur les opérateurs
et les leviers d’action les plus efficaces. Elles permettent de redéfinir les objectifs
stratégiques et les ressources à mobiliser. Elles trouvent dans le cadre de la Lolf
un débouché naturel, le remaniement de la grille des programmes.
Un mot sur ce « barbarisme ». Les corps de contrôle effectuent d’ores et déjà
des audits appréciant les performances d’une unité administrative. Mais comme les
cibles de résultat ne sont généralement pas formalisées, ou si elles le sont, elles ne
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La nouvelle gouvernance de l’Etat et l’évolution des dispositifs de contrôle
III. Les conséquences de ces évolutions pour les corps investis de missions de contrôle et d’expertise
Devenir des partenaires dans les nouveaux
processus de certification
La certification des comptes est sous l’égide de la Cour des Comptes et la
certification des résultats sous celle du CIAP mais les corps de contrôle et
d’expertise sont pour ces deux processus des partenaires incontournables.
La Cour des Compte pèse pour que les dispositifs de contrôle interne des
ministères concourent à la préparation de la certification des comptes de l’Etat
de façon à ce qu’elle puisse s’orienter vers le contrôle des contrôles autrement
dit s’appuyer sur les contrôles amont, internes à l’ordonnateur. Il convient donc
de mener un dialogue avec cette institution pour positionner le travail des corps
de contrôle interne de manière utile dans la chaîne des contrôles.
De plus, d’ores et déjà, les corps de contrôle administratifs sont les opérateurs
des audits de certification du CIAP et un élément majeur de la crédibilité et de la
pertinence de ces travaux. Le CIAP n’est que l’expression de l’organisation collective
des corps de contrôle et de leur mobilisation au service du gouvernement pour
la certification de la qualité des programmes et de leurs résultats. Cette tâche
devient une ligne de force permanente du programme de travail de tous les corps
de contrôle partenaires du CIAP.
Les corps et services investis de mission de contrôle doivent s’adapter à ces
évolutions même si certaines sont à peine esquissées dans l’état actuel des
choses. Ces évolutions me paraissent devoir se centrer autour de quatre lignes
de force :
• ne pas abandonner le terrain de la vérification de la régularité,
• être des partenaires dans le cadre des nouvelles certifications,
• s’approprier l’appréciation des résultats,
• se préparer à participer à des dispositifs d’évaluation des programmes.
Ne pas abandonner le terrain de la vérification
a posteriori des règles mais mieux les cibler
Devant l’ouverture de nouveaux champs de contrôle, le danger est de perdre
de vue la vérification de régularité. Or, dans les administrations qui manient les
deniers publics, mais aussi dans toutes celles dont les décisions peuvent se traduire
par des enjeux financiers considérables pour les particuliers ou les entreprises, le
risque de corruption existe toujours et la vérification approfondie a posteriori des
activités reste tout à fait indispensable, à titre préventif, à titre de garantie pour
les agents honnêtes et afin de découvrir et faire sanctionner ceux qui succombent
aux tentations.
Les contrôles de régularité a posteriori restent nécessaires pour compléter les
contrôles a priori. Ceux-ci présentent en effet un certain nombre de limites.
Le contrôle a priori est essentiellement un contrôle sur dossier, à partir de pièces
justificatives définies, tandis que le contrôle administratif à posteriori s’exercera
sur place et confrontera les documents produits à la réalité.
Le contrôle a priori est limité dans ses objectifs à la régularité externe, le contrôle
a posteriori, parce qu’il n’interfère pas dans la décision de l’ordonnateur, pourra
porter sur tous les aspects de la régularité, y compris pénale (article 40).
Les contrôles a posteriori de régularité nécessitent une analyse des risques et des
enjeux, afin de bien cibler les contrôles à entreprendre et de faire en sorte que
la sélectivité ne soit pas un handicap. Or, ces processus de détermination de la
cartographie des risques sont délicats à mener car ils exigent un effort d’anticipation
qui implique une parfaite connaissance des procédures, des organisations et de
leur contexte.
S’approprier l’appréciation des résultats
Les corps de contrôle administratifs sont seuls légitimes pour intervenir à deux
niveaux.
Pour le compte de leur ministre afin d’auditer l’action d’un responsable de
programme (résultats obtenus, efficacité du pilotage…). Le champ d’action privilégié
de ce type d’audit est constitué par les programmes du ministère dont le corps
de contrôle couvre le champ, mais ce type de mission pourrait aussi être mené
en mission conjointe dans le cadre des missions interministérielles ou des DPT
(documents de politique transversale).
Pour le compte d’un responsable de programme, notamment ceux qui ne
disposent pas de services de contrôle à leurs niveaux, afin de réaliser des audits de
mise en œuvre des BOP en laissant aux corps de contrôle internes des directions
les audits des unités opérationnelles.
Ces interventions au niveau de l’appréciation des résultats pourraient être
transposées dans un module spécialisé au niveau des opérateurs de l’Etat
(établissements publics, etc.) au sens de la Lolf, il s’agirait d’auditer la mise en œuvre
des contrats d’objectifs moyens conclu par la tutelle avec ces opérateurs dans le
cadre de la mise en œuvre des programmes.
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Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
Se préparer à la mise en place d’un dispositif
d’évaluation des programmes
Il sera nécessaire pour le gouvernement d’organiser périodiquement une « revue
des programmes », les corps de contrôle administratifs pourront la mener pour
leur domaine à la demande de leur ministre, soit y participer en mission conjointe
avec des membres d’autres institutions de contrôle, mais aussi avec des auditeurs
privés ou des universitaires, recrutés dans le cadre d’un marché particulier et
intégrés dans l’équipe d’audit.
Ces processus d’évaluation des programmes et leur articulation avec l’évaluation des
politiques publiques qui mettent en jeu plusieurs acteurs (collectivités territoriales,
institutions sociales et diverses, communautés européennes) sont à définir. Un
groupe de travail devrait être constitué avec la direction du budget afin de définir
un cahier des charges-type d’une évaluation de programme.
IV. Conclusion
Le système français de contrôle de l’action publique est un système mixte, ce qui
lui donne une dynamique complexe.Ainsi, au-delà des évolutions de ses différentes
composantes dont nous avons posé les contraintes et esquissé les directions,
une réflexion d’ensemble, avec un point de vue systémique, prenant en compte
la dynamique entre les différentes formes de contrôle est nécessaire de façon à
stabiliser un nouveau système qui réponde mieux aux objectifs. D’un point de vue
systémique, c’est tout le système de contrôle de l’action publique qui est à repenser
dans l’ensemble de ses composantes dans leurs relations, leurs interactions et
leurs équilibres.
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Des inspections renouvelées pour un management public performant et des politiques publiques efficaces
3
efficience) et lui permet, en cas de besoin, d’émettre des réserves qui sont l’occasion
d’identifier des obstacles ou risques qui qualifient son assurance.
Pour l’exercice de leurs responsabilités d’ordonnateur délégué, les directeurs
généraux bénéficient du soutien du service financier central (SFC), rattaché à la DG
BUDG, qui est chargé de définir les règles et procédures financières et les normes
minimales communes pour les contrôles internes dans les directions générales, et
de donner des conseils relatifs à leur application.
Des inspections renouvelées
pour un management
public performant et des politiques
publiques efficaces
Par ailleurs, le SFC établit annuellement, à l’attention de la Commission, une vue
d’ensemble de l’état des contrôles internes dans les directions générales.
L’organisation de l’audit interne au sein de la Commission repose sur :
Le contrôle interne
à la Commission européenne
Anthony WRIGHT, chargé des fonctions de directeur général
du service d’audit de la Commission européenne
•
L'auditeur interne dont la fonction est prévue par le règlement financier
et qui a pour mission de conseiller la Commission pour faciliter la
maîtrise des risques et le contrôle de la conformité, et d'apporter un avis
indépendant sur la qualité des systèmes de gestion et de contrôle, ainsi
que des recommandations pour améliorer l’efficience des opérations et
promouvoir une utilisation économiquement judicieuse des ressources de
la Commission (utilisation des ressources aux fins prévues et bon rapport
coût/efficacité).
•
Dans chaque direction générale, une structure d’audit interne ("Internal
Audit Capability" - IAC) chargée d'apporter au directeur général dont elle
dépend l'assurance que les contrôles internes exercés sur les activités de
la DG sont efficaces et de fournir des recommandations sur l'amélioration
des systèmes. L'IAC rend compte directement au directeur général. Ces
structures d'audit participent à un réseau "auditnet", présidé par le service
d'audit interne (SAI).
•
Le comité de suivi des audits (CSA) a pour principales missions d'assurer
l'indépendance de le SAI, de superviser les processus de contrôle de
la Commission à la lumière des résultats des audits du service d’audit
interne et de la Cour des Comptes, de surveiller la mise en œuvre des
recommandations issues des audits, y compris celles formulées par la Cour
des Comptes et acceptées par la Commission, et de surveiller la qualité
du travail d’audit.
I. Introduction
La réforme décidée par la Commission Prodi a conduit à une modification en
profondeur des méthodes de gestion de la Commission et ses services. Elle a
entraîné un changement radical des modes de fixation des priorités politiques et
d’affectation des ressources, une évolution importante de la politique du personnel
et une réforme en profondeur de l’organisation financière. L’ancien système de
contrôle financier ex ante qui consistait en une vérification et une approbation
centralisées des opérations financières individuelles a cédé la place à un système
où la responsabilité des contrôles incombe aux directeurs généraux et est assortie
d’une obligation de rendre compte annuellement.
Le contrôle interne est donc maintenant en premier lieu du ressort de chaque
directeur général. Ce dernier détermine l’organisation et les ressources qui lui sont
nécessaires pour donner l’assurance dont il a besoin pour pouvoir rendre compte
à la Commission. En effet, étant donné que la Commission délègue ses pouvoirs
d’ordonnancement aux directeurs généraux, ceux-ci doivent rendre compte au
collège des commissaires par le biais de leurs rapports annuels d’activité (RAA),
assortis de déclarations d’assurance. La déclaration d’assurance de chaque directeur
général porte sur sa gestion dans tous ses aspects (légalité, régularité, efficacité,
Livre blanc com (2000) 200
11
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Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
II. Le service d’audit interne
institutions européennes. L’auditeur interne est responsable de la vérification du bon
fonctionnement des systèmes et des procédures d’exécution du budget. Il ne peut être
ni ordonnateur ni comptable (article 85). Il conseille son institution dans la maîtrise
des risques, en formulant des avis indépendants portant sur la qualité des systèmes de
gestion et de contrôles et en émettant des recommandations pour améliorer les conditions
d’exécution des opérations et promouvoir la bonne gestion financière (article 86.1).
La création du service d’audit interne est prévue dans le livre blanc et
constitue un des piliers de la réforme. Le SAI est opérationnel depuis fin juin 2000.
Rattaché dans un premier temps à la direction générale du contrôle financier, le
SAI a acquis le statut de «direction générale» le 4 juillet 2001, après la modification
nécessaire du règlement financier. L’IAS compte actuellement environ 90 personnes
et est composé de deux directions, l’une en charge des questions horizontales et
de son infrastructure administratif, l’autre des missions d’audit.
L’article 86.3 prévoit que l’auditeur interne soumette annuellement à son
institution un rapport indiquant le nombre et le type d’audits internes effectués,
les recommandations formulées et les suites données à ces recommandations.
L’article 87 fait obligation à chaque institution de garantir l’indépendance totale
de son auditeur interne.
Les missions du service d’audit interne
La Commission a adopté le 27 octobre 2000 une charte qui fixe les conditions
d’exercice de la fonction du SAI. D’après cette charte, le SAI a pour mission d’aider,
par ses avis, ses conseils et ses recommandations, la Commission à :
• mieux maîtriser les risques ;
• mieux assurer la sécurité des actifs ;
• mieux contrôler le respect des règles ;
• produire des informations comptables et de gestion sincères et fiables ;
• améliorer la qualité des systèmes de gestion, de contrôle et d'audit interne ;
• améliorer l'efficience et l'efficacité des opérations et assurer une utilisation
économe des ressources de la Commission.
Enfin, l’auditeur interne de la Commission est également chargé de l’audit interne
des agences communautaires (article 185). Un diagramme joint en annexe explicite
les relations entre les différents acteurs de l’audit.
Les travaux du service d’audit interne
Outre son activité d’audit proprement dite, le SAI exerce également un rôle de
conseil auprès des directions générales ou de la Commission. Enfin il développe
des outils et méthodologies d’audit pour lui-même et les IAC, comme par exemple
l’outil informatique Audit Management System (AMS).
La charte prévoit en outre le rattachement du SAI au vice-président chargé de la
réforme de la Commission, un accès direct de l'auditeur interne au Comité de suivi
des audits et, le cas échéant, au président et au collège, et l'indépendance du SAI par
rapport aux autres directions générales et services de la Commission. Le SAI a accès
à toutes les informations nécessaires à l'accomplissement de sa mission. En outre, la
charte précise que Le SAI conduit ses travaux conformément aux principes et aux
normes internationales d'audit interne généralement reconnus (normes IIA).
Le premier programme de travail triennal 2001-2003 du SAI s’est concentré sur
la réalisation de l’action 87 du livre blanc qui focalisait initialement les travaux
d’audit sur les systèmes de gestion financière de chaque DG. Cependant, en 2001,
ces systèmes étaient encore en évolution et les premiers rapports se sont limités
à faire état des progrès réalisés par les DG pour leur mise en œuvre. D’autre
part, le SAI a entamé certains audits horizontaux (comptabilité, recouvrements,
marchés des études, processus de décharge). En 2002, le SAI a conduit un audit
sur le processus d’établissement des rapports annuels d’activité de chaque DG et
a commencé les contrôles approfondis des systèmes de gestion et de contrôle des
directions générales. En 2003, le SAI aurait dû achever sa série d’audits sur chacune
des Directions générales et sur cette base fournir à la Commission une appréciation
d’ensemble des systèmes de contrôle interne de la Commission. L’affaire «Eurostat»
et les demandes spécifiques adressées par la Commission au SAI ont eu pour
conséquence un report en 2004 de certaines actions prévues pour 2003.
Le règlement financier adopté par le Conseil le 25 juin 2002 consacre et définit,
dans son chapitre 8 (articles 85, 86 et 87), la fonction d’audit interne dans les
Com (2000) 200 du 05/04/2000
règlement n° 762/2001 JO L-111 du 20/04/2001
SEC (2001) 1077 réorganisation du contrôle financier et de l’audit interne de la Commission
SEC (2000) 1801
règlement n° 1605/2002 JO L248 du 16/09/2002
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Le contrôle interne à la Commission européenne
Le programme de travail 2004-2006 prévoit que le SAI achève l’action 87 en 2004
et fournisse sur cette base une appréciation d’ensemble des systèmes de gestion et
de contrôle de la Commission. En 2005 et 2006, le SAI poursuivra l’établissement
du tableau complet du profil de risque de la Commission dans son ensemble et
procédera à de nouveaux audits horizontaux. En 2005, une attention particulière
sera portée à la gestion et l’allocation des ressources et par là à l’efficacité et à
l’efficience des opérations. En 2006, le SAI cherchera à s’assurer que la couverture
de ses audits lui permette de donner une assurance sur l’ensemble des objectifs
du contrôle interne, à savoir au regard de :
• la fiabilité et l'intégrité des informations financières et opérationnelles ;
• l'efficacité et l'efficience des opérations ;
• la protection du patrimoine ;
• du respect des lois, règlements et contrats.
voie de finalisation. Enfin le SAI prend part aux procédures de nomination des
responsables des structures d’audit interne.
IV. Le comité de suivi des audits
Le livre blanc a décidé la création d’un comité de suivi des audits (CSA). La charte de
ce comité10 définit son rôle, sa composition, son organisation et ses responsabilités.
Le CSA est un organe consultatif sans compétences d’exécution. Il est composé de
six membres (quatre membres de la Commission et deux personnalités externes).
Pendant le mandat de la Commission Prodi il a été présidé par la Commissaire
responsable du budget. Le SAI participe aux réunions.
Jusqu’ici le CSA a eu pour principales responsabilités 1) d’assurer l’indépendance
du SAI, 2) de superviser les processus de contrôle de la Commission, à la lumière
des résultats des audits du service d’audit interne et de la Cour des comptes, 3) de
surveiller la mise en œuvre, par les services de la Commission, des recommandations
issues des audits du SAI et de la Cour des comptes, 4) de surveiller la qualité des
travaux d’audit interne. Il a examiné le plan d’audit prévisionnel, le plan d’audit
interne et le rapport annuel du SAI. Le comité a fait rapport annuellement au
collège sur ses propres activités et sur les systèmes de contrôle interne au sein
de la Commission, sur la base des travaux menés par le SAI.
III. Les structures d’audit interne et le réseau auditnet
La réforme de l’organisation financière de la Commission a également été
accompagnée de la création au sein de chacune des directions générales d’une
structure d’audit interne (IAC) qui joue pour la direction générale dont elle dépend
un rôle similaire à celui du SAI pour la Commission.
V. Les autres partenaires du SAI
Le principal objectif des structures d’audit interne, qui sont directement rattachées
au directeur général, est d’apporter à leur directeur général une opinion quant à
l’efficacité des contrôles internes relatifs aux activités de la DG. Les IAC doivent
formuler un avis sur la situation du contrôle à titre de contribution au rapport
annuel d’activité (RAA). En coordination avec leur directeur général, les IAC doivent
établir un programme de travail fondé sur une évaluation des risques.
Le SAI et l’Office de lutte anti-fraude (OLAF) ont formalisé leurs relations au
travers d’un «mémorandum of understanding» qui précise l’étendue et les limites
de leurs échanges. Si le SAI, dans le cadre d’un de ses audits, suspecte une fraude
il en informe l’OLAF. Inversement, si l’OLAF, dans le cadre d’une de ses enquêtes,
découvre un dysfonctionnement systémique il en fait part au SAI.
L’IAS, conformément aux standards internationaux de l’audit interne, entretient
avec la Cour des comptes européenne des échanges continus, notamment en ce
qui concerne la programmation des missions d’audits, la méthodologie et les outils
ainsi que les résultats des audits.
Les structures d’audit interne se retrouvent au sein du réseau auditnet dont le
secrétariat est assuré par le SAI. Ce réseau vise à mettre en place une méthodologie
commune, apporter des orientations, et favoriser une planification cohérente des
audits. Dans sa communication du 10 février 2004, la Commission a confié au SAI la
présidence du réseau auditnet et a fait obligation aux structures d’audit interne de
transmettre systématiquement au SAI tous leurs rapports d’audit avec un résumé
analytique mettant en exergue les constatations essentielles du rapport. Sur cette
base le SAI doit produire un rapport semestriel dont la première édition est en
Par ailleurs, les auditeurs internes des institutions européennes (Parlement, Conseil,
Cour des Comptes, et Banque européenne d’Investissement) se rencontrent deux
fois par an pour examiner des questions d’intérêt commun. Le SAI est également
Com(2004) 93 du 10/02/04
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C(2004)1342 du 14/04/04
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Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
en contact avec ses homologues des Etats membres et les auditeurs internes des
autres institutions multilatérales (Nations Unies, etc.).
Parfois, dans le passé, au moins dans la Commission et c’est, je crois, le cas ailleurs,
on a pensé que des auditeurs ou des inspecteurs sont les seuls à devoir vérifier par
rapport à un référentiel qui est la Loi plutôt que d’être les deuxièmes à vérifier, après
que le premier - qui est le responsable du résultat du programme ou de l’activité ait déjà donné sa déclaration d’assurance. Mais il faut aussi créer un environnement
qui soit complet, il faut créer un système de contrôle. Nous nous sommes inspirés
du COSO (Committee of sponsoring organizations of the Treadway commission):
c’est une description de l’environnement du contrôle, pas seulement ses gestes,
mais aussi son environnement, l’analyse des risques, la communication, les manières
de transmettre l’information pour que tout le monde soit informé des résultats et
de ce qui se passe sur le terrain. Ce sont donc bien plus que les gestes de contrôle
-la personne qui est derrière le premier pour vérifier ce que le premier a fait- qui
ne suffisent pas à eux tout seul.
V. Les enseignements des premières années
de fonctionnement
Les réformes de la Commission européenne en matière de contrôle interne
-et l’audit en fait partie- ont été provoquées par une crise qui a énormément
d’avantages : cela donne de l’impulsion. Cela créé l’environnement pour pouvoir
former et obliger des gens à penser à des solutions qu’ils auraient rejetées
auparavant. Donc, cette réforme était une réforme de fond en comble et je me
concentrerai sur les points que j’ai trouvé les plus essentiels. J’espère que ces points
trouveront quelques échos, mais notre recette n’est certainement pas transposable
pour tout le monde.
Ce qu’il faut tout d’abord, c’est une architecture du contrôle interne, donc
d’ensemble, je dirais même une architecture de gouvernance de toute l’organisation,
de l’institution. Et la gouvernance est un terme un peu à la mode, mais extrêmement
utile parce que c’est la description des autorités, des relations, de qui rend compte à
qui et dans quelle situation. C’est cet ensemble d’architecture qui créé les conditions
de la réussite de son système qui produit, à la suite de la réforme, par exemple la
volonté d’exercer une bonne maîtrise des opérations. Il faut qu’il y ait de la volonté,
il ne suffit pas de le dire. Souvent on est trompé par l’idée qu’une règle une fois
mise en place serait suivie par tout le monde et que le résultat est acquis : non, il
faut créer les conditions pour que les gens souhaitent suivre les règles.
Je reviens sur l’architecture : il faut une vérification indépendante pour voir si la
déclaration est juste, puis il faut des « sanctions ». Celles-ci peuvent avoir beaucoup
de formes : on pense souvent prison, amendes, pénalités sur les traitements des
pensions des fonctionnaires,… mais très souvent en fait la sanction qui fonctionne
de la manière la plus efficace dans une organisation, dans une administration, c’est
tout simplement la pression des pairs : un directeur général qui se voit critiqué
ouvertement devant ses pairs est excessivement triste et sa tristesse suffit très
souvent à modifier son comportement si c’est pratiqué en public.
Je termine en disant que la cascade des contrôles est remplacée par la cascade des
responsabilités et d’assurances. Il ne suffit pas de dire « vous contrôlez » et puis
un autre contrôle, et un autre encore … Il faut qu’il y ait une volonté qui est créée
par la délégation des responsabilités et de l’assurance : il y a la responsabilité qui
« descend » mais n’est jamais lâchée par celui qui la donne, et qui est équilibrée
par le retour de l’assurance qui « monte » et qui n’est pas toujours la même. Celle
qui est donnée au directeur général n’est pas la même qui est donnée au commis
de la base qui fait les premiers gestes de contrôle. Cette déclaration d’assurance
est pour nous la clef de voûte dans notre système : elle porte sur les résultats et
concerne donc la légalité et la régularité, l’efficience, l’efficacité, les autres risques,
etc., mais il est permis de l’assortir de réserves. Lorsque le directeur général qui
doit livrer son assurance estime qu’il n’arrive pas à maîtriser des risques pour des
raisons objectives, il a le droit de présenter ces situations, éventuellement et s’il
le peut, la manière de les corriger et un calendrier pour ce faire, sinon il présente
Comment créer ces conditions ? La manière que nous avons choisie à la Commission
Européenne doit beaucoup au secteur privé, il faut le dire. Il faut tout d’abord -c’est
notre recette du moins- qu’il y ait l’obligation pour la direction de rendre compte,
pour le management, le directeur général. Chez nous on a une organisation, bien
connue dans le secteur public, de « silos ». Chaque « silo » est une politique dont
le directeur général doit rendre compte annuellement. C’est cela la base de sa
volonté de respecter les règles que l’on a mises en place, donc s’assurer de la
régularité et de la légalité. De plus un auditeur -car il faut qu’il y ait une vérification
indépendante que cette déclaration est juste- a besoin d’une référence aussi. Il ne
commence généralement son travail que lorsque quelqu’un d’autre a mis sur la
table un chiffre, une déclaration. C’est sa référence pour vérifier.
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Le contrôle interne à la Commission européenne
son problème à son autorité supérieure, par exemple des problèmes de ressources,
d’encadrement juridique, etc.
fonctionnelle et ne jamais oublier que ce n’est pas la peine d’auditer si l’on ne va
pas faire le suivi des recommandations : il faut s’assurer que les recommandations
sont mises en oeuvre, sinon tout le reste est peine perdue.
Ci-après la lecture d’une courte déclaration qui est intéressante et très éloquente
car, chaque année, chaque directeur général de la Commission doit signer une
déclaration qui commence ainsi : « je déclare par la présente que les informations
contenues dans le présent rapport (annuel et présenté en même temps) sont sincères
et véritables. J’affirme avoir une assurance raisonnable que les ressources allouées
aux activités décrites dans le présent rapport ont été utilisées aux termes prévus et
conformément aux principes de bonne gestion financière et que les procédures de contrôle
mises en place donnent les garanties nécessaires quant à la légalité et la régularité des
opérations sous-jacentes. » . Il y a encore un petit passage sur le moyen d’arriver à
cette assurance et, à la fin, il confirme en outre n’avoir connaissance d’aucun fait
non signalé pouvant nuire aux intérêts de l’institution. Par la suite, il peut présenter
des réserves : ce que l’on constate dans la pratique est que certaines réserves
vident presque de sens la déclaration, c’est toujours le risque. Mais l’avantage de
cela est que c’est celui qui est responsable qui a mis sur la table les problèmes, ce
n’est pas l’auditeur qui a dû les découvrir en premier lieu. C’est là l’avantage de
ce système : vous avez besoin de moins d’auditeurs en fin de compte, si vous avez
une manière de présenter les difficultés et les faiblesses du système. Evidemment
il faudrait par la suite qu’il y ait un système d’échanges et de regards externes
– nous avons ceux du Parlement et de la Cour des Comptes– pour dire si l’on vide
vraiment de sens la déclaration ou si celle-ci est raisonnable dans les circonstances
et nécessite peut-être des effectifs supplémentaires ou une réduction de l’activité,
ou une modification des moyens d’intervention.
L’audit interne s’est focalisé jusqu’ici essentiellement sur les gestions financières
donc sur « régularité-légalité » et peu sur « efficience-efficacité » : notre constat est
que c’est le management, le directeur général qui doit se justifier en ces domaines
comme d’ailleurs pour les autres aspects. Puisque les domaines sont trop variés
et trop vastes, les auditeurs ne peuvent jamais tout faire : c’est un travail sans fin
s’ils doivent tout vérifier en termes d’efficience-efficacité, très souvent ils n’ont pas
le métier et les connaissances nécessaires. Lorsque l’on est auditeur interne, on
ne peut pas se permettre d’aller regarder des domaines où l’on a pas l’expertise
technique nécessaire, donc on est extrêmement méfiants à cet égard. Par contre,
ce que l’on peut regarder en tant qu’auditeur sont les outils d’évaluation, s’assurer
que les systèmes sont en place, parce que l’essentiel de l’évaluation est que celui qui
est responsable d’un programme ait envie d’en faire l’évaluation pour l’améliorer.
Nous cherchons donc l’« incentive » pour que le gestionnaire responsable ait
envie d’améliorer son système, donc s’approprie le système d’évaluation afin
que l’auditeur ne regarde que le système en place et les possibilités de retours
d’information.
La vérification indépendante, que ce soit l’audit interne ou l’inspection – je parle
du point de vue de l’audit interne – doit être systémique et non pas systématique :
parfois certains croient que l’on est là pour tout vérifier, ce n’est pas le cas, ce n’est
pas efficace, nous devons faire un examen systémique. Une question est de savoir si
nous faisons de l’assurance ou de la consultance, et c’est très important car si nous
sommes des vérificateurs, c’est de l’assurance que nous donnons à notre autorité
supérieure concernant les organisations que nous surveillons. La consultance, par
contre, peut être utile pour l’organisation afin d’améliorer son fonctionnement. À
360° ce sont les recommandations des auditeurs internes : on essaie de regarder
aussi vers le haut et c’est parfois difficile. J’ai vécu des moments inconfortables
lorsque l’on a regardé trop « vers le haut ». Il faut donc une indépendance
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Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
administratives de Speyer en Allemagne. Nous avons regroupé les deux modèles
avec l’aide de l’Institut de Maastricht, où j’ai le plaisir de travailler pour l’instant. Cela
nous a amenés à ce fameux cadre d’auto-évaluation des fonctions publiques. Sur
le site www.eipa.nl, vous trouverez toutes les informations utiles à ce sujet. Notez
que ce site est actuellement mis à jour afin de le rendre plus clair et plus complet.
Lorsqu’on a conçu cet instrument, quatre objectifs spécifiques ont été formulés :
• tout d’abord, l’instrument devait initier les administrations au management
par la qualité totale, tout en tenant compte des besoins particuliers du
secteur public ;
• deuxièmement, il devait servir de pont entre différents modèles en
application, pas seulement l’EFQM, mais aussi des modèles développés
spécifiquement par certains pays (Suède, Royaume-Uni, Pays-Bas,…) car
on cherchait un langage commun ;
• troisièmement, il devait faciliter l’étude comparative des performances et
l’échange des bonnes pratiques ;
• quatrièmement, « last but not least », c’est un modèle d’auto-évaluation
des organisations publiques qui, justement, devait servir de point de départ
à cette démarche de qualité totale dans les administrations, sur la base
d’un modèle de structure commun et apprécié par tout le monde de la
même façon.
L’expérience de la démarche européenne
du common assessment framework
Patrick STAES, expert de l’institut d’administration
publique de Maastricht
Actuellement je travaille comme expert à l’Institut européen d’administration
publique de Maastricht, mais auparavant j’étais consultant interne dans
l’Administration fédérale belge. Quand on m’a invité à présenter ici le « Common
Assessment Framework » (CAF), j’ai un peu hésité, comme lors de ma récente
intervention devant la Cour des comptes belge. Le modèle que je vais vous présenter
n’est en effet pas un modèle de contrôle, d’inspection, mais un modèle visant à
contribuer au développement global des organisations. C’est aussi un modèle
d’auto-évaluation qui, comme son nom l’indique, doit amener les organisations
à prendre le chemin de la qualité totale. L’origine de ce modèle se situe dans le
contexte de la qualité totale.
Ce sont les ministres de la Fonction publique qui ont invité leurs directeurs
généraux, à la fin des années 90, à réfléchir aux moyens de favoriser l’échange de
bonnes pratiques et l’application de méthodes communes pour encourager les
différents pays membres de l’Union européenne à faire, ensemble, des progrès sur
la voie de la modernisation des fonctions publiques. C’est à leur initiative que les
directeurs généraux, qui se rencontrent sur une base volontaire deux fois par an
– vous savez que la gestion des fonctions publiques n’est pas reprise dans le traité
de Maastricht et qu’il existe depuis des années une collaboration volontaire - ont
demandé à un groupe d’experts d’étudier les possibilités de trouver des actions ou
des instruments pour promouvoir cette action de modernisation en commun.
Je propose maintenant de parcourir le modèle pour que vous ayez une idée de ce
qu’il représente, et de vous livrer les premières conclusions sur l’utilisation de cet
instrument depuis quatre ans.
Le modèle est assez simple : en fait, il est constitué de trois grands groupes. Le
premier groupe distingue cinq facteurs (leadership, stratégie et planification, gestion
des ressources humaines, partenariats et ressources, gestion des processus et du
changement). Le deuxième groupe porte sur les résultats (auprès des citoyens/
clients, des personnels, de la société et les résultats des performances clés), tandis
que le troisième groupe concerne la ligne d’innovation et d’apprentissage.
La philosophie du modèle de qualité, puisque c’est un modèle d’excellence, est la
suivante : les résultats obtenus auprès des collaborateurs, des bénéficiaires qu’on
appelle parfois citoyens ou clients, et de la société dépendent fortement du rôle
joué par la direction, de la stratégie et la planification, la gestion des ressources
humaines, la gestion des partenariats et des ressources et la gestion des processus
et du changement. Et c’est la conjugaison harmonieuse de tous ces éléments qui
génère d’excellents résultats dans les performances clés de l’organisation.
Ce groupe d’experts a alors sélectionné deux instruments qui étaient déjà appliqués
dans plusieurs pays en Europe. Tout d’abord, le modèle EFQM de la « European
Foundation for Quality Management ». Cette fondation fut créée en Europe à
l’initiative de M. Jacques DELORS dans les années 90, au moment où l’Europe était
en train de perdre du terrain dans la compétition avec le Japon, qui avait commencé
cette démarche de qualité totale, suivi par les Américains. Initialement introduit
dans le secteur privé, le modèle EFQM a été diffusé dans certaines administrations
publiques. L’autre modèle retenu était le modèle de l’Institut supérieur des sciences
Bicentenaire du CGPC
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L’expérience de la démarche européenne du common assessment framework
•
Pour en revenir au modèle, je vais vous illustrer les différents points qui ont été
développés afin de procéder à un état des lieux, car l’objet de ce modèle est de
permettre à l’organisation, avec son propre personnel -ce n’est pas par un audit
externe- de s’exprimer sur l’état de l’organisation.
• Le leadership est le premier critère qui est pris en compte. Si on le
retire, tout le système s’écroule. Le leadership forme la base du bon
fonctionnement d’une organisation.
• Puis on se penche sur la stratégie et la planification nécessaires pour
exécuter une politique publique.
• On a besoin d’une gestion efficace des ressources humaines pour mettre
en œuvre les demandes politiques que le leadership a intégrées dans la
stratégie et la planification.
• D’autres ressources et d’autres partenaires sont nécessaires parce qu’il
n’y a aucune organisation publique qui soit capable de réaliser seule ces
objectifs, sans l’aide des partenaires à l’intérieur ou à l’extérieur de la
fonction publique.
• Au centre du modèle, on trouve les processus, à savoir les activités qui
permettent le fonctionnement de l’organisation, ainsi que la gestion du
changement.
•
comment le leadership motive le personnel pour exécuter ce qu’il a
demandé à l’organisation ;
comment il gère ses relations avec la sphère politique, et donc l’introduction
des politiques publiques dans l’organisation.
Ensuite, c’est la stratégie de planification. Le premier rôle du leadership,
c’est de développer une bonne planification pour atteindre les objectifs qui lui sont
demandés par le monde politique.
• Tout d’abord, on examine la façon dont les informations nécessaires pour
arriver à cette stratégie sont collectées et utilisées. Les besoins actuels et
futurs des citoyens et des autres parties prenantes sont très importants
dans ce contexte.
• Deuxièmement, on voit comment cette stratégie et cette planification sont
développées, quelle est l’approche adoptée par l’organisation, comment
cette stratégie est révisée, comment l’organisation s’adapte aux nouveaux
besoins, par exemple en cas de nouveau gouvernement, de nouveau
ministre, de nouveau besoin de la société, et comment cette stratégie est
actualisée.
• Et, en troisième lieu, comment elle est mise en œuvre par les actions, les
structures, les méthodes nécessaires.
Ensuite, on examine de plus près les résultats obtenus auprès des citoyens/clients
-dénommés bénéficiaires dans la version française officielle- auprès du personnel,
de la société, ainsi que les résultats des performances clés. Mais revenons plus en
détail aux cinq premiers critères que l’on appelle les facteurs ou ces éléments qui
font marcher une organisation.
Au niveau de la gestion des ressources humaines, on examine trois
aspects :
• la façon dont cette stratégie est développée,
• le mode de gestion des compétences, parce que c’est avec la gestion des
compétences qu’on arrive à exécuter la planification et sa stratégie,
• l’implication des collaborateurs dans le fonctionnement et la gestion de
l’organisation.
Dans le contexte du leadership, on étudie quatre aspects particuliers
• la façon dont le leadership donne une direction à l’organisation en
développant et en communiquant une vision, une mission et un système
de valeurs ; • comment le leadership met en œuvre un système pour gérer
l’organisation ;
• Disons que le premier aspect fait référence à une approche « douce »,
tandis que le deuxième, c’est l’aspect plus « dur », le management concret
par le développement des structures, du système de gestion, du système des
performances, etc.
Le quatrième critère étudie de manière plus détaillée, en quatre souscritères, les autres ressources classiques comme la gestion des finances, de
la technologie, des bâtiments et de l’équipement et - une ressource plus récente,
à développer dans le futur - la gestion des connaissances.
Mais je voudrais attirer plus particulièrement votre attention sur les deux premiers
sous-critères :
• la gestion des relations (partenariats) avec les partenaires clés, tous ceux
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Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
qui nous aident à réaliser nos missions,
et surtout la gestion des partenariats avec les bénéficiaires. Ce sous-critère
examine comment l’organisation identifie les besoins des citoyens dans
les domaines pour lesquels elle est compétente.
Pour chaque sous-critère, nous avons développé des exemples afin de mieux comprendre ce
dont il s’agit et illustrer les différentes méthodes que l’on peut utiliser dans ce contexte.
des bénéficiaires. De façon systématique (questionnaires, panels,…), on observe
ce qu’ils pensent des services et des produits qui leur sont fournis. Mais cela ne
suffit pas, on ne peut pas confronter les organisations aux seules appréciations
subjectives de leurs bénéficiaires, il faut que les organisations développent ellesmêmes des indicateurs.
•
Pour le résultat auprès du personnel, on procède plus ou moins de la
même manière: on se penche tout d’abord sur les résultats des mesures de la
satisfaction, de la motivation. On a recours aux mêmes techniques, et on examine
ce que disent les indicateurs utilisés à cet effet. Il convient de remarquer que,
dans la plupart des organisations qui appliquent ce type de modèle, la première
constatation est très souvent la même : il n’y a pas de mesure, ni d’indicateur et,
en conséquence, la première chose à faire est justement de développer ce type
d’outils ou d’instruments.
Au centre du modèle, je vous ai présenté les processus qui consistent en
différentes activités consécutives devant mener à ce que l’on appelle les résultats
de l’organisation.
• Tout d’abord, on vérifie si ces processus sont documentés. Très souvent,
le fait d’examiner les processus en cours mène déjà à des actions
d’amélioration, car on constate parfois que certaines choses ne sont pas
bien faites, sont inutiles ou répétées deux ou trois fois, etc. On établit
de nouveaux processus dans le cas de nouvelles missions, de nouvelles
demandes.
• Ensuite on regarde de plus près la qualité des services et produits rendus
au bénéficiaire, en l’impliquant, en demandant son avis sur les types de
produits et services rendus.
• Et, troisièmement, on s’intéresse à la façon dont la modernisation et
l’innovation sont planifiées et gérées dans cette organisation. Comme
cela a déjà été dit, nous n’avons pas la pression du marché pour nous
inciter à nous moderniser, à chercher des actions d’innovation. Et donc,
très souvent, ces actions d’innovation et de modernisation sont imposées
par une hiérarchie à distance ou par le niveau politique, et pas toujours
adaptées au contexte dans lequel se trouve l’organisation en question.
L’administration a dès aujourd’hui l’obligation de penser à la façon dont
elle va se renouveler demain.
Pour le critère suivant, nous regardons de plus près les résultats auprès de la
société, qui ne sont pas liés aux performances clés, en dehors de la raison d’être
de l’organisation, résultats sociétal et environnemental.
En dernier lieu, « last but not least », nous arrivons au résultat des
performances clés où nous allons vérifier de quelle façon nous avons réalisé
les objectifs bien définis dans la planification, la stratégie et la performance
financière.
***
A ce stade, j’aimerais dire quelques mots sur les leçons que nous avons tirées
jusqu’à présent en général, et sur la mise en œuvre en particulier.
Pour évaluer ces sous-critères qu’on appelle « facteurs », nous nous sommes
basés sur le fameux cycle de la qualité de Deming, le cycle PDCA : plan, do, check
et act. Mais le moment est venu de vous présenter les résultats, car c’est le plus
important : quels sont les résultats obtenus par l’organisation ?
Tout d’abord, il faut dire que le CAF est un instrument générique, déjà appliqué
à tous les niveaux des organisations publiques en Europe, aussi bien dans les
ministères que dans les administrations locales. Mais cela signifie qu’il doit être
adapté à l’organisation en question. Il faut en fait un peu le traduire dans le contexte
de l’environnement où il est utilisé. On peut l’appliquer à tout moment. Une
organisation qui est engagée dans une grande réforme nationale ou locale peut
utiliser le CAF, au même titre qu’une organisation qui veut se lancer délibérément
dans une démarche de qualité. L’instrument est un complément à des actions de
Nous utilisons deux approches pour analyser les résultats auprès
des bénéficiaires. Tout d’abord, on examine les résultats des mesures de leur
satisfaction. En fait, c’est une « objectivisation » de l’expression plus subjective
Bicentenaire du CGPC
n 17 novembre 2004 - Ecole
Nationale d’Administration - Paris
18
L’expérience de la démarche européenne du common assessment framework
modernisation. Ce n’est pas une alternative. Il forme un cadre logique où l’on peut
placer les réformes en cours ou celles qui sont déjà annoncées.
Pour terminer, je tiens à souligner que le CAF reste une des priorités des Etats
membres de l’Union européenne, en particulier des nouveaux pays membres. Un
plan d’action CAF pour les années 2005 et 2006 est aujourd’hui disponible, et vous
aurez certainement l’occasion d’en prendre connaissance. Le Centre de ressources
CAF de l’IEAP à Maastricht est à votre disposition pour vous aider si vous voulez
suivre une formation ou avoir de la documentation. En novembre 2003, quelque 150
utilisateurs du CAF se sont réunis pour la première fois à Rome et une nouvelle
réunion est prévue à Luxembourg les 1er et 2 juin 2005.
Le modèle représente un équilibre entre objectivité et subjectivité. On invite les
collaborateurs qui participent aux groupes d’auto-évaluation à s’exprimer sur des
bases évidentes, claires, bien définies.
Mais le plus important, c’est qu’il offre une occasion unique aux collaborateurs
de s’exprimer sur leur organisation et de créer de cette façon le meilleur soutien
au changement. Néanmoins, cela comporte des risques. J’explique toujours aux
fonctionnaires dirigeants, avant d’entamer une démarche de cette nature, que si
l’on invite les gens à s’exprimer, on fait naître une motivation, un engagement et
parfois un engagement qui va très loin. Il faut donc bien gérer cette attente ou cet
engagement aussi bien au « sommet » qu’à la « base ».
Le groupe d’auto-évaluateurs doit évidemment être représentatif de l’ensemble de
l’organisation car il s’agit de la légitimité de son travail et surtout de l’acceptation
des conclusions.
Il ne faut pas travailler sur une période trop étalée dans le temps, cela doit aller
vite : quatre à six demi-journées doivent suffire. Il faut s’appuyer sur des preuves
pour justifier les scores -parce qu’on demande de donner un score- et surtout, il
faut essayer de se mettre d’accord. On demande aux gens de s’exprimer et le fait
qu’on arrive dans ces groupes à un consensus constitue la garantie que l’analyse
est partagée par l’ensemble de l’organisation.
Dernière leçon sur la mise en œuvre : il faut un soutien fort et visible des
dirigeants.Très souvent, l’approche qualité est une approche qui est introduite dans
l’organisation par des spécialistes, des gens qui ont suivi une formation, qui ont été
motivés par des organisations de formation, publiques ou autres. Trop souvent ils
restent isolés dans leur coin avec leur spécialisation. Or cette démarche implique
un véritable engagement de la part des dirigeants car il faut se rendre compte que
l’organisation est en quelque sorte mise en question.
L’objectif de ce diagnostic est de dégager des plans d’action pour tous les niveaux
de l’organisation. Je peux vous donner l’exemple de Bruxelles-capitale, où cette
action d’auto-évaluation dans 17 des 40 directions a conduit à un grand plan d’action
intégré pour l’ensemble du ministère, des directions générales et des directions.
19
Bicentenaire du CGPC
n 17 novembre 2004 - Ecole
Nationale d’Administration - Paris
Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
Les objectifs retenus sont difficiles à formuler et manquent
souvent d’imagination
Quel nouveau rôle
pour les corps de contrôle
avec la mise en œuvre de la Lolf ?
Ils se traduisent fréquemment par des formules très générales. On trouve
par exemple « la contribution à l’évolution des politiques du ministère », « la
contribution à un meilleur pilotage des politiques publiques par la réalisation
d’études, d’audits, d’évaluation et de contrôle » (IGA). Il s’agit parfois purement et
simplement de la reprise de « l’objet social » défini dans le statut du corps.
Daniel LIMODIN, chef de l’inspection générale de l’Administration,
ministère de l’Intérieur
Depuis la publication de la loi organique, mais surtout depuis quelques mois, les
différentes inspections interministérielles ou ministérielles ont réfléchi, d’abord
isolément puis entre elles, sur la façon dont la mise en œuvre de ce texte serait
susceptible d’affecter leur fonctionnement et leurs missions.
Cette tentative d’appréciation de l’impact de la Lolf sur le rôle des corps et services
d’inspection me paraît pouvoir être appréhendée sous deux aspects différents :
L’établissement d’indicateurs de performance associés aux
objectifs précités, reste encore assez sommaire
Les paramètres retenus sont, semble-t-il, le plus souvent d’ordre quantitatif :
nombre de rapports par rapport au nombre de programmes concernés au sein
du ministère ; nombre de téléchargements de rapports sur un site internet (ex. :
la documentation française) ; nombre de consultations du site ; nombre de visites
faites dans les services et nombre de recommandations faites l’année N et ayant
donné lieu à des suites l’année N+1, 2 ou 3…L’IGA, en ce qui la concerne, s’est
dotée de deux indicateurs délicats à mettre en œuvre :
• un indicateur de qualité de ses travaux, se traduisant par un taux
d’appréciations positives à partir des évaluations du commanditaire, du chef
de corps et d’une auto-évaluation des membres de la mission, reflétant
notamment la prise en compte de la réactivité (durée des missions, délais
de mise en œuvre) la qualité du dialogue avec le commanditaire et le
caractère opérationnel et/ou utile du travail réalisé ;
• un indicateur relatif aux suites données ou non aux travaux réalisés.
Il s’agit de mesurer l’impact à moyen terme (six mois) des travaux réalisés,
au-delà de l’appréciation immédiate.
I. Un aspect endogène : les inspections sont
parties prenantes de la Lolf
On n’y pense pas spontanément. Et pourtant, dans leur gestion interne, dans leur
fonctionnement quotidien, les inspections sont désormais parties prenantes à la
culture de résultat initiée par la Lolf. Leur première nouvelle mission consiste
donc à s’adapter à ce nouveau contexte. Or, cela ne va pas sans poser quelques
problèmes.
La première difficulté tient au positionnement
des inspections dans les programmes
On aurait pu imaginer une dixième mission interministérielle dite de « contrôle »,
mais se serait alors posée la question délicate de la définition des programmes
correspondants.Actuellement, les diverses solutions retenues, semble-t-il, sont pour
le moins hétérogènes. Si l’IGA a été intégrée au sein du MISILL dans le programme
« soutien des politiques de l’intérieur » dans l’action 2 « expertise, audit, prévision,
études et recherche », d’autres positionnements ont été retenus, ailleurs. Ainsi,
certaines inspections ne sont même pas identifiées dans une action spécifique et
sont noyées dans une action plus vaste de « moyens en personnel de l’administration
centrale ». Un corps de contrôle, à l’inverse, est isolé dans une action de la fonction
support, un autre est placé dans une sous-rubrique « Etat-major »…
Bicentenaire du CGPC
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L’inclusion des inspections dans des programmes de soutien
risque de modifier profondément leur fonctionnement et
pose le problème de leur indépendance
La disparition des postes budgétaires qui, combinés avec les règles statutaires,
conditionnaient les promotions aux divers grades, au profit d’une masse indiciaire
en équivalent temps plein dans le cadre d’un plafond d’emplois ministériel autorisé,
pourra permettre une meilleure Gestion Prévisionnelle des Emplois et des
Compétences (GEPEEC) en veillant à améliorer l’équilibre quantitatif des différents
grades. Mais cela suppose que les chefs de corps obtiennent plus de souplesse et
une véritable responsabilité de gestion de la part du directeur de programme dont
20
Quel nouveau rôle pour les corps de contrôle avec la mise en œuvre de la Lolf ?
ils dépendent. Se pose alors la question de disposer ou non d’un BOP assorti d’un
code de bonne conduite. Un dialogue de gestion au coup par coup avec le directeur
de programme pour régler, par exemple, un retour de détachement, apparaît en
effet peu conforme au principe d’indépendance d’une inspection.
II. Un aspect exogène : l’impact de la LOLF
sur l’activité des inspections
aura des répercussions sur les corps de contrôle. Statutairement en effet, seuls les
ministres et leurs directeurs de cabinet peuvent les saisir. Mais comment va s’établir
désormais le plan de charge des inspections entre les demandes pouvant émaner
du cabinet ou des responsables de programmes ? (dont celui ayant en charge « le
support » du corps ou service d’inspection). Il me semble qu’en la matière, les
inspections devraient disposer d’un droit d’auto saisine, dans le cadre d’une mission
permanente par exemple, d’inspections interministérielles.
Je vais essayer de définir ce que pourraient être les nouvelles missions et le nouveau
rôle des corps d’inspection. Je mesure la vanité, voire l’inanité d’un tel exercice
qui n’engage que moi.
Les plans de charge des inspections vont être considérablement
alourdis du fait des exigences naturelles d’évaluation du
Parlement et de chacun des ministres concernés
Les
Rappelons que les inspections auront à faire face à 34 missions, dont 9
interministérielles, à 132 programmes et quelque 580 actions, sans compter les
opérations déconcentrées. Par exemple pour l’IGA, cela représente, pour le seul
MISILL et l’outre-mer, 7 missions et 15 programmes. Pour l’IGAS, 5 missions et
22 programmes, je crois.
services d’inspection vont de plus en plus contribuer
au renforcement de la mission d’évaluation et de contrôle
du
Parlement
Directement d’abord
Cela résulte de l’article 57 de la Lolf, entré en vigueur dès le 1er janvier 2002, faisant
une obligation quasi-absolue de transmission aux commissions des finances des
deux assemblées, des rapports « établis par les organismes et services chargés du
contrôle de l’administration, réserve faite des sujets à caractère secret concernant
la défense nationale et la sécurité intérieure de l’État et du respect de l’instruction
et du secret médical ». Désormais, la liste intégrale des rapports est adressée, à
leur demande, aux présidents des commissions et les rapports sélectionnés par
eux leur sont immédiatement transmis, y compris lorsqu’ils comportent des
mentions nominatives. Par ailleurs, les chefs d’inspection sont et seront entendus,
le cas échéant, par les commissions des finances (ex. : celle du Sénat) sur leurs
méthodes d’évaluation ou sur leur appréciation quant aux résultats obtenus dans
le cadre des divers programmes.
n
Les inspections devront privilégier le contrôle de régularité
de second degré
Il importe, à mes yeux, que les inspections, à l’instar du contrôle des fonds structurels
européens, effectuent principalement un contrôle dit de second degré. Le contrôle
du contrôle. Encore faut-il qu’elles s’assurent que ce premier contrôle interne
existe en matière de performance et plus spécialement de contrôle de gestion,
malheureusement pas toujours institué. Les méthodes de contrôle de services
(notamment déconcentrés) des inspections devront être remises à plat afin de les
concevoir dans le cadre d’une chaîne de responsabilité nouvelle entre le responsable
d’un programme et les responsables de BOP ou les unités opérationnelles. Il est
aussi probable que les inspections seront conduites à s’investir dans les domaines
d’organisation et de découpages de services d’une part, et de déconcentration de
la gestion d’autre part, questions qui vont inévitablement surgir avec la mise en
œuvre de la LOLF.
Indirectement
Les inspections générales seront sollicitées par les cabinets pour effectuer des audits
devant analyser les raisons pour lesquelles les objectifs d’un programme n’ont pas
été atteints, afin que le ministre puisse s’expliquer de ce mauvais résultat devant la
représentation nationale, sur la base d’un document objectif. De même, la Lolf porte
en elle-même l’effacement du rôle traditionnel dévolu aux cabinets ministériels et
assure l’émergence des directeurs de programme. Le dialogue politique par nature,
qui va nécessairement s’ouvrir entre le Parlement et les directeurs de programmes,
n
La coordination des travaux entre corps de contrôle devra
être renforcée
Cela implique que soit entrepris un travail méthodologique important, invitant à
une plus grande synergie dans ce domaine entre inspections, et que soit assurée
une indispensable coordination des travaux notamment avec le CIAP. Je rappelle
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Bicentenaire du CGPC
n 17 novembre 2004 - Ecole
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Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
que les inspections sont déjà fortement impliquées dans les audits nationaux de
programmes du CIAP et le seront encore plus dans le cadre des audits de réalisation
des programmes et de la validation de leurs résultats.
La question du positionnement des inspections par rapport au CIAP doit être
clairement posée, en matière de contrôle de performance. Le CIAP se situe plutôt,
à mon sens, dans une démarche d’assurance qualité de l’organisation du contrôle
interne de premier niveau et de la fiabilité des indicateurs de performance.
En revanche, le contrôle, proprement dit, de la performance (contrôle de la réalisation
des objectifs) me paraît relever plutôt des inspections. Quant à l’évaluation, de
l’impact socio-économique, cela devrait être le fruit d’un travail inter-inspections
auxquels pourraient se joindre des cabinets de consultants privés.
Dans l’activité des inspections, la part respective entre, d’une part, le contrôle
traditionnel (vérification de la conformité à la règle) et, d’autre part, l’appréciation
sur la réalisation des objectifs et l’évaluation de l’impact socio-économique des
politiques publiques va devoir évoluer en faveur de l’évaluation. Cela implique un
gros effort de formation initiale et permanente des membres d’inspections.
Enfin, les inspections devront réfléchir ensemble afin de fixer les lignes de partage
entre la mission de certification de la Cour des Comptes qui comprendra
naturellement une part d’évaluation et le rôle confié au comité d’audit des
programmes auquel elles participent.
***
La mise en œuvre effective de la Lolf en 2006 se traduira par un appel encore
plus intensif aux corps d’inspections, déjà très fortement impliqués, et nécessitera
une meilleure coordination de tous les organismes concernés. Tous les chefs
de corps et de service vont devoir se livrer à un exercice difficile : concilier les
missions impliquées par la Lolf avec celles constituant leur corps de métier, pour le
compte du ou des ministres auxquels ils sont rattachés. Pour plagier le vocabulaire
« lolfien », c’est un objectif ambitieux qui relève de la performance pour obtenir
des résultats satisfaisants.
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n 17 novembre 2004 - Ecole
Nationale d’Administration - Paris
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Comment atteindre les objectifsde modernisation du management public voulus par le Parlement ?
C’est donc de ces points que je voudrais parler en posant un certain nombre de
questions parce que les délais sont extrêmement courts : dès 2005 nous adoptons
« à blanc » le budget sous forme de missions et de programmes, avec des débuts
d’indicateurs, des esquisses de projets annuels de performance, et nous basculons
dans un relatif inconnu dès 2006, ce qui pose énormément de questions que je
voudrais aborder uniquement du point de vue du management public.
Comment atteindre les objectifs
de modernisation du management public
voulus par le Parlement ?
Gilles CARREZ, député du Val-de-Marne
Première question, dans ce nouveau dispositif, les responsables de programmes
vont jouer un rôle absolument déterminant : au lieu d’avoir des directeurs
d’administration centrale un peu anonymes et dont le contour des responsabilités
n’est pas très bien fixé, nous allons avoir des programmes identifiés en termes
politiques, qui ont du sens par rapport aux parlementaires mais aussi par rapport
au grand public, des objectifs, des indicateurs de résultats, et donc je ne vois pas
comment le statut des responsables de programme ne devra pas s’affirmer.
Je constate que Daniel LIMODIN baigne déjà dans la culture « Lolfienne ». Nous
essayons aussi, au Parlement, de nous immerger dans cette culture et je dois dire que
nous avons du mal. La loi organique est en train de révéler des aspects absolument
majeurs, qui étaient au départ relativement négligés, pour ne pas dire insoupçonnés.
Quand Agnès de FLEURIEU m’a demandé de traiter des attentes du Parlement
au titre de l’amélioration du management public, ma première réaction a été de
dire que le Parlement ne s’occupe pas a priori de l’amélioration du management
public. Le bon découpage entre exécutif et législatif de la Ve République conduit le
Parlement à discuter beaucoup de lois, mais à ne pas se préoccuper du tout de ce
qu’il se passe après -contrôle et évaluation- Je vais moi aussi m’efforcer de baigner
ce matin dans la culture « Lolfienne » de l’évaluation et du contrôle.
Cela pose la question de l’articulation avec les cabinets ministériels : comme
parlementaire, nous ne voyons presque que les cabinets. Or à travers la mise
en place des missions et des programmes, depuis un an nous avons travaillé
essentiellement avec les administrations, avec leurs directeurs, avec les corps
d’inspection. Les interlocuteurs directs seront pour nous les administrations. On
voit bien que nos responsables de programmes vont devoir rendre compte à tout
un ensemble d’intervenants extérieurs, mais notamment au Parlement. Il va donc
falloir se poser la question. Parce qu’il est aujourd’hui terriblement compliqué pour
un parlementaire d’aller voir directement un directeur d’administration centrale, a
fortiori un sous-directeur ou un chef de bureau. Il faut passer par des autorisations
de toutes sortes et je ne vois pas comment ceci continuera de fonctionner.
La Lolf peut se révéler un instrument extrêmement puissant pour le management
public. Au départ, alors que c’est un texte d’initiative parlementaire dont les deux
pères sont Alain LAMBERT au Sénat et mon prédécesseur, rapporteur général
du budget à l’Assemblée, Didier MIGAUD. Nous avons accompagné, favorisé le
mouvement, la conjonction politique extraordinaire qui fait qu’il y a eu un consensus,
alors que nous avions essayé, en vain, sous la Ve République, de réformer, une
quarantaine de fois, l’ordonnance de 59. Bien que dans l’opposition à l’époque, j’ai
tout fait pour qu’on arrive à un consensus.
Plus encore, les responsables de programmes vont devoir aussi rendre compte
vis-à-vis du public, vis-à-vis des médias. Regardons le délégué à la sécurité routière :
on l’entend régulièrement à la radio, on le voit régulièrement à la télé, et sur un
certain nombre de programmes, identifiés avec des objectifs politiques, il faudra
bien que ces responsables de programmes soient sur le devant de la scène.
Aujourd’hui je dois participer à la mise en œuvre.Au départ, il s’agissait surtout de
faciliter le vote des lois de finances, d’améliorer les comptabilités -d’engagement,
patrimoniale, etc.- de nous engager dans la certification des comptes, etc. Finalement,
l’aspect majeur aujourd’hui, ce sont les conséquences en terme de management
public de la nouvelle organisation budgétaire qui passent désormais par des missions,
des programmes, donc par des objectifs, des indicateurs et qui mettent l’accent
sur des résultats et sur leur évaluation.
Question également que je me pose : qui dit responsable de programme, dit véritable
responsabilité. Il est vrai que les programmes vont comporter une fongibilité en
terme de crédit, asymétrique bien sûr mais une réelle globalisation. Cette approche,
si on veut jouer le jeu, devra s’inscrire dans la durée et exigera, pour certains
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Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
programmes, une démarche pluriannuelle. On voit que là où l’on a tenté la fongibilité,
la globalisation, cela marche, à Bercy en particulier qu’il s’agisse de la direction des
impôts ou de la DREE, cela s’inscrit dans des programmes pluriannuels.
un certain nombre d’évolutions de nos structures administratives trop dispersées.
Nous avons eu l’idée de regrouper sous la même mission « Ville » et « Logement »
et nous avons été suivis quand l’organisation ministérielle a retenu ce découpage.
A ce propos, je n’imagine pas comment on ne va pas être contraints de stabiliser
les découpages ministériels. Cela me paraît être une évidence !
La déclinaison programme, budget opérationnel de programme, unité opérationnelle
- ce qu’on appelle le dialogue de gestion - est loin d’être évidente, car c’est un
changement assez radical : le management des ressources humaines, comment
cela va-t-il se passer ? J’entendais Jacky RICHARD, je crois, dire sous forme
d’interpellation : ne devra-t-on pas imaginer des CTP de programme ? Comment
va-t-on coordonner la gestion des ressources humaines au niveau des programmes
avec l’approche aujourd’hui confiée à un directeur de l’administration ou du
personnel dans chaque ministère ? Comment ceci va-t-il s’harmoniser avec les
corps, les statuts et les rémunérations ?
La définition des indicateurs est un exercice complexe. Je prenais l’exemple,
lors d’une réunion récente, du logement et de l’urbanisme : le logement relève
d’indicateurs assez clairs, mais comment évaluer l’efficacité d’une loi comme la
loi SRU ? La production réglementaire, tout ce qui relève de procédures, est peu
propice aux indicateurs. La production textuelle dont, nous les parlementaires,
nous plaignons tout en en rajoutant, cette accumulation, cette frénésie de textes
réglementaires, normatifs, dans le domaine de la sécurité et de l’environnement,
en mesure-t-on l’efficacité en termes d’indicateurs et de résultats ?
La question des indicateurs me paraît aussi fondamentale. Ce sera l’essentiel de
notre travail. Nous avons travaillé, et le Gouvernement a vraiment joué le jeu
-je tiens à le souligner peut-être à cause du consensus politique que l’on fait
absolument tout pour préserver- dans l’élaboration, la définition des missions et
des programmes. On n’a pas eu satisfaction sur tout mais on a pu obtenir un certain
nombre de résultats, par exemple cette mission « Politique des territoires » qui
est venue vraiment de chez nous, en liaison d’ailleurs avec le CGPC. Nous avons
travaillé dans l’esprit suivant : comment organiser missions et programmes et
utiliser la Lolf dans une perspective de réforme de l’Etat ? Par exemple : la mission
« Politique des territoires », doit faciliter la réforme des services extérieurs, pour
donner plus de lisibilité et mieux coordonner les politiques. Quand, par exemple,
nous nous sommes battus pour que soient regroupés dans une même mission
« Sécurité » le programme « Police » du ministère de l’Intérieur et le programme
« Gendarmerie » du ministère de la Défense, c’était pour avoir des objectifs et des
indicateurs communs, pour pouvoir comparer et pour coordonner au plus près
du terrain les deux administrations.
Autre question fondamentale : les contrôles. Comment va-t-on les organiser par
rapport à cette nouvelle approche ? Nous allons dorénavant voter par mission et
approuver les programmes, dès le premier euro : c’est un changement majeur. Mais
comment va-t-on greffer les contrôles par rapport à cela ? Le contrôle financier
a priori, tel qu’on le connaît et qu’on le pratique, n’est pas très compatible avec
l’idée de responsabilisation des directeurs de programmes, mais en même temps il
reste indispensable. Il ne faut surtout pas oublier le contrôle de régularité. Il faudra
aussi un contrôle d’engagement par rapport au montant des différents programmes
et la régulation budgétaire restera inévitable. Comment concilier ces procédures
avec la responsabilité ?
Par ailleurs, la dimension « contrôle - évaluation » a posteriori va devenir
fondamentale. On l’appelle plutôt le contrôle de gestion, par rapport aux objectifs
fixés, aux résultats à partir d’une batterie d’indicateurs. Ces indicateurs seront
étudiés pendant les premiers mois 2005 pour essayer de les affiner d’ici le débat
d’orientation budgétaire. Nous souhaitons avoir un rôle très actif au Parlement sur
ce point. Quant au contrôle comptable, il paraît plus simple avec l’organisation de
départements comptables par ministère qui devrait assez bien fonctionner.
Lorsque nous avons malheureusement échoué sur la mission « Environnement
- Prévention des risques naturels ou industriels », nous nous posions la question
suivante : peut-on continuer, avec la décentralisation et la déconcentration, à
distinguer les directions régionales de l’Environnement (Diren) et les directions
régionales de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement (Drire). On a donc
travaillé afin d’utiliser la Lolf en tant que levier de la réforme de l’Etat qui facilite
Bicentenaire du CGPC
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J’en viens aux corps d’inspection. Pour nous, il est essentiel que le Parlement
puisse faire appel directement aux corps d’inspection, même si, formellement,
cela passe par les ministres. Nous avons dans la loi organique deux dispositions :
24
Comment atteindre les objectifsde modernisation du management public voulus par le Parlement ?
l’article 58 définit clairement la mission de l’assistance de la Cour des Comptes.
Nous travaillons de façon beaucoup plus étroite depuis maintenant deux ans
avec la Cour des Comptes, en amont et en aval, mais il faudra aussi que les corps
d’inspections puissent être saisis par le Parlement sur différents sujets.
On se rend compte que sur beaucoup de sujets, les problèmes sont transversaux.
Prenons l’exemple de l’aide médicale d’Etat, centres d’hébergement d’urgence, en
fait le problème de l’immigration clandestine. Pourquoi ne peut-on avoir de solution
chez nous alors que partout en Europe de vraies politiques ont été mises en place ?
C’est parce que cette question est éclatée entre le Ministère des Affaires Etrangères,
celui de l’Intérieur, celui de la Solidarité et de la Santé. On ne s’en sort pas.
Pour un certain nombre de problèmes de ce type, il faudra donc avoir des approches
transversales à définir avec l’aide des corps d’inspection. Je le répète : même s’il y
a des réticences du côté des ministres, il y en a aussi de la part de parlementaires
qui ne connaissent pas très bien l’administration et disent « comment peut-on
faire appel à un corps d’inspection qui est hiérarchiquement totalement dépendant
du ministre, de l’exécutif car les déroulements de carrière en dépendent et dont
les membres ne pourront, n’oseront pas prendre position? ». Je crois qu’il faut
relativiser cette critique.
Je suis persuadé, et c’est le grand défi des prochains mois, que l’essentiel de la loi
organique réside dans sa dimension articulations d’objectifs, indicateurs, ressources
humaines, contrôle. En tout cas, il est vrai que nous sommes un certain nombre
de parlementaires à vouloir nous impliquer, mais je tiens à vous répéter qu’il s’agit
de relever un véritable défi !
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Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
Le rêve d’un Ministre…
Table ronde
En effet, sur proposition du Ministre de la fonction publique de l’époque, le Conseil
des Ministres décida de confier à des groupes de travail mixtes administrationexperts essentiellement issus du secteur privé, la tâche de formuler des propositions
de modernisation sur la gestion du personnel et le fonctionnement général de
l’administration. Ce sont les rapports de ces groupes qui en avril 2000, serviront
d’assises au développement d’un énorme projet de changement qui portera le
nom de « Plan Copernic ».
La modernisation du management public
est-elle bien engagée ?
Pierre VERKAEREN, président du comité de direction
du service public fédéral belge du budget et du contrôle de gestion
« Du rêve d’un ministre à la réalité … »
Une réforme…
Pour vous présenter l’évolution de l’action administrative en Belgique, mon exposé
s’articulera en trois volets. Je retracerai d’abord la genèse de ce changement,
je préciserai ensuite le rôle de mes services dans l’accompagnement de ces
changements et terminerai en vous présentant un état actuel de la situation.
Un terrain à défricher…
Ce vaste programme d’actions s’inscrivait dans ce mouvement qui veut que
l’administration publique puisse être organisée comme une entreprise et en
conséquence, que la gestion publique requérait d’abord de nouvelles compétences
managériales. Pour la mise en œuvre des différentes actions, quatre axes essentiels
seront retenus :
• une nouvelle structure (nouvel organigramme fédéral) et de nouveaux
organes favorisant la relation entre politique et administration,
• une nouvelle gestion des ressources humaines,
• de nouveaux processus de travail,
• une nouvelle culture managériale.
Dans le courant des années 90, la mutation de l’environnement sociétal provoquait
une certaine modernisation de la fonction administrative. Les transformations les
plus significatives de cette époque conduisent à :
• une plus grande démocratie administrative (obligation de motiver les actes
administratifs, création d’un collège de médiateurs, etc.),
• la naissance de nouveaux métiers (fonctionnaires d’information, directeurs
de formation, etc.),
• la mise en place partielle d’une nouvelle structure (entreprises publiques
autonomes, agences, etc.),
• et, pour ces dernières organisations publiques, à une certaine amélioration
de leur gestion favorisée par l’utilisation de nouveaux « outils » (contrats
de gestion, tableaux de bord, etc.).
Le nouvel organigramme se présente sous forme d’une matrice virtuelle dans
laquelle les différents services qui assurent une « mission » essentielle de service
public sont repris verticalement, alors que les services de « soutien » (ICT, Personnel
et Budget et Contrôle de la gestion) interviennent horizontalement. De nouveaux
organes sont mis en place dans chaque département :
• Un « conseil stratégique » servira de relais entre le politique et
l’administration et sera notamment chargé de l’élaboration des plans
stratégiques.
• Une « cellule stratégique » est prévue pour remplacer les cabinets
ministériels et pour soutenir les autres organes dans les activités de
préparation et d’évaluation de la stratégie (elles ont été peu activées à
ce jour).
• Un « comité de direction » est chargé de la gestion quotidienne du service
public fédéral (nouvelle appellation des ministères).
Malheureusement, ces mesures qui n’étaient portées ni par un même fil conducteur,
ni par des moyens budgétaires suffisants, ont fait l’objet de peu d’accompagnement
et leur systématisation à l’ensemble des services publics n’a jamais été intégrée à
une stratégie d’ensemble.
En 1999, lors de l’installation d’un nouveau gouvernement, l’accord intervenu entre
les différentes parties prévoyait bien une amélioration de l’efficacité administrative mais
rien ne laissait présager la « révolution » qu’allait connaître la fonction publique
fédérale belge, tant dans sa structure, dans son organisation que dans sa culture
même.
Bicentenaire du CGPC
n 17 novembre 2004 - Ecole
Nationale d’Administration - Paris
26
Table ronde : La modernisation du management public est-elle bien engagée ?
La nouvelle vision de la Gestion des Relations Humaines (GRH)
comprend le remplacement d’une culture de grades et de carrière par un système
lié à des « fonctions ». Parfois exercées de façon temporaire, elles permettent une
plus grande mobilité au sein des services publics. C’est aussi dans ce contexte qu’il
y a lieu de situer la nouvelle procédure de sélection des cadres les plus élevés de la
hiérarchie et affectés à des fonctions de management ou d’encadrement. Un nouveau
processus d’évaluation du personnel a également été instauré. Il se fonde sur le
mode de l’auto-évaluation et sur des principes de développement personnel.
concertation avec les autres SPF) et dans le suivi et le soutien à apporter aux SPF.
Comme la fixation des lignes directrices et des normes liées au cycle budgétaire
et de gestion doit se faire autant que possible en concertation avec les autres SPF
horizontaux et verticaux, le SPF horizontal B&CG doit fixer des normes minimales
à respecter de manière à lui permettre d’exercer sa fonction horizontale de
consolidation et de gestion financière globalisée de l’État.
De leur côté, tant le suivi que le contrôle des SPF doivent se dérouler en adéquation
avec la responsabilisation recherchée. Cela signifie le développement d’une nouvelle
approche des contrôles: les nouveaux mécanismes de contrôle doivent être (en
apparence) plus « soft » que la supervision hiérarchique classique à laquelle il est
reproché d’empêcher la responsabilisation et d’allonger le cycle de décision.
La nouvelle façon de travailler résulte de la mise en œuvre de projets de
type Business process reengineering (BPR). Plusieurs centaines de projets ont été
développés à ce jour. Ils devraient permettre de recentrer les tâches accomplies
sur les objectifs réels du service public (sa Mission) en plaçant le « citoyen – usager
- client » au cœur des préoccupations.
De ce fait, le rôle et l’intérêt pour le contrôle interne augmentent par rapport ceux
relatifs au contrôle externe. Cela implique le développement d’outils de gestion
et de suivi de la performance ainsi que le renforcement de l’usage des techniques
d’évaluation et d’audit pour, in fine, favoriser l’évolution des contrôles a priori (ex
ante) vers les contrôles a posteriori (ex post).
La nouvelle culture du management privilégie la flexibilité. Les valeurs de
fidélité à une organisation sont aujourd’hui plutôt considérées comme un frein à
la créativité et à la bonne utilisation des compétences.
Si les actions menées sur ces quatre axes continuent à interpeller une grande
partie des fonctionnaires, il n’en demeure pas moins qu’elles visent également,
dans un souci d’efficience et d’efficacité, à renforcer l’autonomie de chacun des
départements par une plus grande responsabilisation des managers publics.
Le Service Public Fédéral (SPF) Budget
et
Contrôle
gestion et la nouvelle culture de management…
Dans ce sens, il convient aussi de mettre en place des garanties et stimulants
suffisants dans le cycle budgétaire et de gestion pour assurer une gestion financière
sûre. Cela suppose une combinaison de mesures de natures diverses telles
qu’une gestion appropriée des rémunérations, l’offre de formations adéquates mais
surtout de nouvelles procédures et systèmes de contrôle interne et externe, de
l’audit et le développement de systèmes d’évaluation.
de
Comme il vient d’être dit ci-avant, cet objectif de rendre les services publics
plus autonomes implique une accentuation de la responsabilité des managers
publics et réclame notamment de nouveaux systèmes de contrôle. En effet, la
responsabilisation exige que les SPF puissent prendre en charge la totalité de leur
gestion avec une autonomie suffisante quant aux décisions opérationnelles. Chaque
SPF de l’administration fédérale est maintenant considéré comme une entité séparée
avec une autonomie opérationnelle étendue ; en contre partie, il doit répondre à
des normes minimales et à des obligations de justification et de rapportage.
L’institution d’un système de contrôle interne intégré au sein de chaque SPF et d’un
service d’audit interne doit permettre à l’avenir une responsabilisation effective de la
direction opérationnelle de chaque SPF. L’installation d’une comptabilité budgétaire,
générale et analytique moderne (en partie double) et la redéfinition du contrôle
budgétaire, administratif et de gestion, exercé actuellement par l’Inspection des
Finances viennent compléter le dispositif.
In fine, le cycle budgétaire devra être intégré au cycle de planning et d’évaluation
et aligné sur la durée des mandats de telle sorte que les objectifs définis, plannings
et rapportage de ces différents cycles soient totalement intégrés.
Le SPF horizontal B&CG est à cet égard, appelé à jouer un rôle clé dans la
consolidation des données, la fixation des lignes directrices et des normes (en
27
Bicentenaire du CGPC
n 17 novembre 2004 - Ecole
Nationale d’Administration - Paris
Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
La responsabilité de chaque Service Public Fédéral
Le 22 mai 2003, lors de l’adoption des lois réorganisant le budget et la comptabilité
de l’Etat fédéral ainsi que la Cour des Comptes, des arrêtés royaux organisant le
contrôle et l’audit internes (respectivement les 26 mai et 2 octobre 2002) ont été
pris. Le législateur avait en effet prévu une redéfinition substantielle des procédures
de contrôle budgétaire, comptable et financier pour l’Exécutif fédéral belge.
Pour faciliter la mise en œuvre de ces actions, les SPF ont été tenus de mettre
en place des entités B&CG dans lesquelles les compétences et les procédures
nécessaires sont actuellement disponibles pour le développement des outils de
gestion et des systèmes de contrôle interne.
La méthodologie
Les SPF doivent également s’organiser de manière à disposer des instruments
nécessaires pour réaliser une allocation optimale de leurs moyens et,
particulièrement dans ce domaine, mettre en place un système de contrôle interne
reprenant notamment des données comptables de qualité et disponibles à temps
(comptabilité budgétaire et analytique) ainsi que de systèmes de mesure de la
performance.
Les actions sont menées selon un processus dynamique conçu pour que le
changement et le concept de contrôle interne s’intègrent progressivement dans la
culture des départements et que les principes du contrôle de gestion deviennent
une référence naturelle chez leurs dirigeants. Il ne vise donc pas à forcer les
départements mais à les amener au même point, chacun suivant son rythme et la
méthode qui lui paraît la plus appropriée en fonction des moyens dont il dispose.
Pour l’instant, les actions s’articulent sur deux axes principaux : la communication
et l’appui méthodologique.
La mise en œuvre et le « management support »
- le cadre juridique
Certaines de ces nouvelles approches sont encore à développer. D’autres sont déjà
traduites en arrêtés d’exécution. Elles font actuellement l’objet d’accompagnements
spécifiques qui, pour la plupart, sont soutenus par le service « Management
Support » attaché au SPF budget et contrôle de la gestion. Aujourd’hui, les actions
développées découlent des dispositions de :
• l’arrêté royal du 7.11.2000 portant création et composition des organes
communs à chaque service public fédéral (dont les comités d’audit) ;
• l’arrêté royal du 26 mai 2002 (M.B. du 31 mai 2002) relatif au système de
contrôle interne au sein des services publics fédéraux,
• l’arrêté royal du 2 octobre 2002 (M.B. du 9 octobre 2002) relatif à l’audit
interne au sein des services publics fédéraux,
• la Loi du 16 mai 2003 (M.B. du 25 juin 2003) fixant les dispositions générales
applicables aux budgets, au contrôle des subventions et à la comptabilité
des communautés et des régions, ainsi qu’à l’organisation du contrôle de
la Cour des Comptes,
• la Loi du 22 mai 2003 (M.B. du 3 juillet 2003) portant organisation du
budget et de la comptabilité de l’État fédéral (mise en œuvre reportée
au 1er janvier 2005),
• la Loi du 22 mai 2003 (M.B. du 3 juillet 2003) modifiant la Loi du 29
octobre 1846 relative à l’organisation de la Cour des Comptes (entrée
en vigueur fixée au 1er janvier 2005).
Bicentenaire du CGPC
n 17 novembre 2004 - Ecole
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En termes de communication, la démarche s’appuie sur la mise en place d’un
réseau de contact qui, au départ des « directeurs des services d’encadrement
budget et contrôle de la gestion » réunis régulièrement en « Forum », s’étoffe
progressivement de personnes plus impliquées et plus activement engagées dans
des groupes de travail. Les objectifs de ces groupes sont de partager la base
commune de normes de contrôle disponible dans la documentation et à la mettre
en pratique. Dans le but d’amener chacun à parler le même langage, des sessions
de sensibilisation et des workshops sont régulièrement organisés.
En termes d’appui méthodologique, l’approche consiste à mettre sur pied un centre
de connaissance susceptible d’apporter les informations requises aux départements.
Il sera en mesure de donner une réponse adéquate aux problèmes rencontrés en
pratique par les différents SPF dans le développement de leurs systèmes. L’appui
peut également prendre la forme d’interventions de « facilitation » destinées à
débloquer certaines situations particulières. Concrètement, la tâche du service
Management Support dans ces domaines, consiste à :
• mettre en place un réseau de contacts regroupant les représentants des
différents SPF, ouvert également à l’inspection des Finances et dans une
certaine mesure à des représentants de la Cour des Comptes ;
• organiser le secrétariat de ce réseau et à lui apporter le support technique
nécessaire ;
28
Table ronde : La modernisation du management public est-elle bien engagée ?
•
apporter tout le support référentiel et méthodologique (formations,
aides au recrutement, développement d’outils, méthodes et instruments,
recherche d’experts ou de soutien externe etc.) souhaité par les SPF
pour favoriser l’élaboration, la mise en œuvre et le développement de
leur système de contrôle interne.
en œuvre structurée d’un processus de contrôle interne. A ce jour, les actions
suivantes ont été réalisées pour tous les SPF :
• séances de sensibilisation et présentations destinées à clarifier la démarche,
à approfondir les concepts, à parler un même langage ;
• visite de tous les SPF, avec identification de leur difficultés et de leurs
« bonnes pratiques » susceptibles d’être échangées ;
• mise en place de plusieurs groupes de travail centrés, ou sur des processus
ciblés, ou sur des sujets précis tels que :
- promotion d’une culture comptable « analytique » et la fixation des
critères de contrôle interne en matière comptable et financière ;
- mise en place des comité d’audit et audit interne ;
- maîtrise d’unités déconcentrées ou partenaires ;
- exécution d’inspections et de contrôles ;
- plan de personnel et suivi budgétaire.
• réalisation d’une vaste enquête permettant de dresser un état des lieux
de toutes les actions, de tous les projets planifiés, entrepris ou réalisés
et qui contribuent à renforcer la maîtrise de la gestion.
Pour faciliter la communication et à côté du management et de tous les fonctionnaires
qui sont co-responsables du bon fonctionnement du contrôle interne, des équipes
ont été désignées pour accompagner la mise en place effective du contrôle interne.
Ces équipes sont constituées des « spécialistes » du SPF B&CG, de « facilitateurs »
issus des autres SPF et de « promoteurs » de contrôle interne impliqués dans les
équipes chargées de mener à bien les BPR entrepris.
L’état d’avancement
Le contrôle interne
L’attention portée actuellement au concept de « contrôle interne » résulte
principalement de deux facteurs : la réforme de l’ensemble de la fonction publique
fédérale et la réforme de la comptabilité de l’État.
Fedcom
Dans la planification du Gouvernement fédéral 1999-2003, l’adoption des textes
cités ci-dessus, allait de pair avec le lancement d’un programme pluriannuel
ambitieux de définition puis d’installation du nouvel environnement comptable
et des procédures y relatives, connu sous le nom de « programme Fedcom ».
Ce programme prévoyait entre autres le lancement rapide d’un marché public
important couvrant la sélection et l’installation d’un environnement informatique
de type ERP (Enterprise Resource Planning) supportant le nouvel environnement
pour tous les SPF.
La première, toujours en cours, a pour but de rendre l’administration plus efficace.
Les modalités pour l’exercice des fonctions dirigeantes prévoient l’établissement
de plans stratégiques, plans de management et plans opérationnels qui débouchent
sur une meilleure spécification des objectifs à atteindre et conduisent à une
responsabilisation accrue du management. Pratiquement dans tous les SPF les plans
de management et opérationnels ont été établis et approuvés par les ministres.
La deuxième, qui entrera en vigueur avec la mise en œuvre de la réforme de la
comptabilité publique, prévoit de nouveaux principes de contrôles administratif et
budgétaire qui privilégient, pour les organes de surveillance externe, une approche
orientée sur les contrôles a posteriori (abandon des contrôles a priori tels que
le « visa préalable »).
La réforme de la comptabilité publique se poursuit à un rythme lent parce qu’il
s’agit d’un projet d’envergure. Aujourd’hui, la possibilité d’implanter un logiciel
permettant de tenir les écritures comptables des différents services publics fédéraux
selon un système unique décentralisé appliquant le plan comptable issu des travaux
de la Commission pour la réforme de la comptabilité publique à l’exception des
aspects patrimoniaux tels qu’inventaire, actualisation des valeurs immobilisées et
bilan est mise au point. Dans cette solution, les écritures seraient tenues selon le
plan comptable, mais seules les classes budgétaires seraient «visibles» et utilisées
par les services.
La conjugaison des résultats des deux réformes n’offre aucune garantie de
maîtrise des moyens octroyés à la réalisation des objectifs définis, sans création en
contrepartie, d’un système de rapportage et de contrôle efficaces. Dans ce sens, il
s’avère donc nécessaire de développer au sein de chaque SPF, une véritable culture
de gestion fondée sur la mise en place d’un service d’audit interne et sur la mise
29
Bicentenaire du CGPC
n 17 novembre 2004 - Ecole
Nationale d’Administration - Paris
Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
Par ce projet la Belgique s’inscrit dans une tendance générale des pays de l’OCDE.
Une note de travail présentée par les experts de cette organisation après une
enquête dans les différents pays membres montre que 16 d’entre eux (sur 30)
appliquent un système de comptabilité générale parfois sans la partie «capital et
réévaluation des actifs». De plus, ce changement permettra :
• de satisfaire aux exigences de l’U.E (SEC 95), comptabilisation selon les
droits constatés et au départ des transactions proprement dites ;
• et de favoriser une meilleure comptabilisation des recettes non fiscales.
de comités d’audit provisoires composés d’un expert externe et d’un membre
de l’inspection des finances, mais elle n’a quasi pas été utilisée, et dans ses deux
seuls cas d’application, « l’expert » désigné était issu de l’entourage immédiat du
ministre concerné.
En ce qui concerne l’audit interne mes services ont préparé une modification
de la réglementation existante afin, d’une part, de l’ajuster à la réalité (la mise en
place est également plus lente que prévue alors qu’on estimait qu’elle se ferait
dans les deux années de l’installation des organes de gestion), et, d’autre part, de
simplifier le texte de l’arrêté en tenant compte des modifications intervenues
dans l’organisation des SPF (conseils stratégiques) et de mieux cerner ce qui est
réellement attendu des services. Dans ce sens, mes services vont prochainement
s’atteler :
• à faire préciser clairement la position du Gouvernement au sujet des
comités d’audit (issus pour une part de leurs membres des conseils
stratégiques, dont le concept a été confirmé par la dernière note
stratégique du Ministre de la Fonction publique) ;
• à inviter les SPF à mettre en œuvre le processus d’installation des
services d’audit (éventuellement en interne) de telle sorte qu’ils puissent
« accompagner » et contribuer, par leurs recommandations, à la mise en
place d’un bon système de contrôle interne ;
• à fixer les modalités concrètes de l’intervention et de l’organisation de
l’audit interne en matière de budget et de comptabilité (tel que cela était
prévu par l’art. 31 de la Loi du 22 mai 2003).
Cette démarche est achevée. Elle doit permettre de lancer un appel au marché
pour la mise en place, en quatre années, d'un software adapté à nos besoins et
d'une plate forme hardware permettant son déploiement. Malheureusement,
les nécessités budgétaires actuelles semblent compromettre, une fois de plus, le
respect de cet objectif.
En ce qui concerne la comptabilité proprement dite, il sera nécessaire de revoir
certaines dispositions de la Loi du 22 mai 2003 portant organisation du budget et
de la comptabilité fédérale afin :
• d'ajuster sa mise en vigueur aux contraintes techniques,
• de limiter l'ampleur de la saisie des données en ce qui concerne notamment
les opérations de fin de période : amortissements, gestion des provisions,
revalorisations des immobilisations,
• et de poursuivre la mise au point des règles applicables en matière
d’organisation des opérations comptables et budgétaires et de définition
des fonctions de décision, d’exécution, d’enregistrement, de conservation
et de surveillance y relatives.
Le contrôle administratif et budgétaire
Pour l’adoption du contrôle administratif et budgétaire, le projet prévoit de
procéder en deux temps :
• en premier lieu et dès qu’on a l’assurance que le contrôle interne
existe dans un SPF ou dans une direction générale, passer au contrôle
administratif et budgétaire ex-post, sur base de la réglementation existante,
sur simple décision du ministre du Budget ;
L’audit interne
En ce qui concerne l’organisation de l’audit interne dans les départements, je
voudrais d’abord rappeler que la priorité a été donnée à la fois à la mise en place
et au fonctionnement des cellules Budget et Contrôle de gestion dans les SPF et
partant de là au développement des systèmes de contrôles internes.
Pour ce qui est des « comités d’audit », leur mise en place est peu avancée.
Leur composition pose encore quelques questions (qualité des experts, conflits
d’intérêt, …) et l’absence des conseils stratégiques n’en facilite pas le développement.
Il existe bien une note du ministre de la fonction publique permettant la constitution
Bicentenaire du CGPC
n 17 novembre 2004 - Ecole
Nationale d’Administration - Paris
•
30
ensuite, d’en tirer à terme (deux ans) les enseignements qui permettraient
de revoir la procédure complète de contrôle administratif, budgétaire et
de gestion, complétée des critères de passage au contrôle ex post.
Table ronde : La modernisation du management public est-elle bien engagée ?
Pour le moment, les inspecteurs des finances restent accrédités auprès des différents
ministres comme conseillers budgétaires et financiers et chargés de l’exercice
des contrôles y afférents. L’inspecteur des finances a entre autres la mission de
porter attention spécialement aux suivi et évaluation des systèmes de gestion
des risques et de contrôle interne. Dans l’avenir, sur base du texte de l’A.R. en
projet, les inspecteurs des finances seront appelés à jouer un rôle clé à la fois par
la fonction qu’ils exerceront au sein des comités d’audit, dans l’évaluation du bon
fonctionnement des systèmes intégrés de contrôle interne ; et aussi dans l’évolution
du « moment » du contrôle. Ainsi, pour une majorité de dossiers dont l’impact
budgétaire aura été approuvé au préalable (lors de l’établissement du budget annuel
du SPF), l’actuel contrôle ex-ante systématique de l’Inspection des Finances sera
remplacé par un contrôle ex-nunc sur les états comptables nouvellement définis
par la Commission CNOC-CNCP et par un contrôle ex-post sur un échantillon
représentatif de dossiers.
suppression du visa préalable devait s’accompagner d’un nouveau contrôle de
la procédure des dépenses garantissant que le Parlement resterait parfaitement
informé du fonctionnement et de l’organisation de la gestion publique. D’autre
part, pour la Cour, la suppression du visa ne pouvait s’envisager sans l’instauration
concomitante d’un contrôle interne systématique et efficace.
L’examen des informations probantes fournies à l’appui des dossiers
d’ordonnancement s’opère depuis le début 2003 en deux phases, d’abord par
l’envoi à la Cour d’un dossier d’ordonnancement réduit, permettant le contrôle
avant visa des éléments essentiels du dossier, ensuite par l’organisation d’un examen
plus complet par listes de vérification, après l’octroi du visa, d’un certain nombre
de dossiers.
Pour ce deuxième examen, la Cour a retenu le principe du contrôle sur place des
pièces, qui ne doivent donc plus désormais être jointes au dossier communiqué à
la Cour à l’appui des ordonnances. Cette approche présente l’avantage d’inscrire
cette deuxième phase du contrôle davantage en adéquation avec les modalités de
contrôle qui devraient être d’application dans le cadre de la réforme comptable,
notamment en ce qui concerne l’accès aux pièces justificatives probantes. Elle
permet en outre d’enrichir immédiatement le contrôle de certaines informations
utiles, notamment en ce qui concerne la perception du niveau des contrôles
internes existants. Contrairement à la vision très parcellaire offerte par les dossiers
justificatifs présentés jusqu’à présent à l’appui des ordonnances, le contrôle sur
place des dossiers offre une vision plus globale et dynamique des opérations.
Lorsque la suppression sera effective, la Cour exécutera ses contrôles sur base
d’un échantillon représentatif.
Les « Centres de connaissance »
Le SPF Budget et Contrôle de gestion est occupé à définir la méthode de travail
pour constituer un centre de connaissance sur les données budgétaires des
plus importants programmes budgétaires (les «gros postes» du budget fédéral).
Des fiches ont déjà été dressées pour une partie significative de ceux-ci. Il reste
maintenant à mettre au point les modes de validation des données et surtout de
mise à jour permanente. Enfin, un système de diffusion et de partage de l’information
sera organisé afin de partager et d’enrichir les données. Pour la confection du
Budget 2006, les premiers éléments seront disponibles et opérationnels. Par ailleurs
la mise en place du logiciel comptable devrait aussi conduire à la création d’un
centre de connaissance axé sur les questions de comptabilité et sur les éléments
de technique informatique.
Aujourd’hui, nous ne pouvons encore dire si, comme l’a récemment déclaré notre
Ministre du budget, « cette suppression du visa préalable et partant le passage à un
contrôle a posteriori n’aura pas lieu au 1er janvier prochain et s’il dépendra de la création
et du fonctionnement des comités d’audit ».
La Cour des Comptes
La loi du 22 mai 2003 relative à l’organisation de la Cour des Comptes supprime
le visa préalable sans conditions. L’entrée en vigueur de cette loi est prévue pour
le 1er janvier 2005.
Conclusion
La règle actuellement applicable veut qu’aucune dépense ne puisse être faite
en dehors de l’intervention de la Cour et sans son visa préalable, hormis les
exceptions fixées par la loi. Lors des travaux de la Commission de normalisation
de la comptabilité, les représentants de la Cour étaient cependant d’avis que la
Vouloir conclure ici serait prématuré. La question qui se pose vraiment, en effet,
est de savoir si les réformes mises en œuvre vont contribuer à l’amélioration
des services publics. Il est encore trop tôt pour y répondre. Pour pouvoir
mesurer les résultats de ces changements, il faudra attendre que tous les acteurs
31
Bicentenaire du CGPC
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Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
concernés (décideurs politiques, managers, fonctionnaires, syndicats et citoyens)
se soient véritablement appropriés cette nouvelle culture et qu’ils affichent leurs
nouveaux comportements. Le gouvernement actuel, constitué en juillet 2003, a
dans sa déclaration de politique générale d’octobre 2003, réitéré son intention
de poursuivre la modernisation. Malheureusement, nous percevons trop peu de
traces de son enthousiasme à poursuivre ces changements et de sa volonté de voir
aboutir les réformes en cours. Mais une chose est sûre, il n’y aura pas de retour à
la situation antérieure et la poursuite de la mise en place de nouveaux systèmes
de gestion qui visent à renforcer la maîtrise de l’organisation et donc son contrôle,
est absolument indispensable si on veut une administration plus apte à servir au
mieux l’intérêt général et qui, dans une totale transparence, reste un gage de la
préservation de nos valeurs démocratiques. Raison pour laquelle cette amélioration
du contrôle de l’action administrative me tient particulièrement à cœur.
combination of central and local taxation have had considerable discretion to frame
local provision – for example in the delivery of social services. In short, the delivery
of public services in the UK has developed out of a hybrid of nineteenth century
liberal administrative state structures involving considerable local discretion and the
more centralised approach embodied in the post war welfare state. The neo liberal
culture of the 1980s introduced new imperatives with the drive for the State to
withdraw and place more reliance on the free market and individual responsibility.
The return of a Labour Government in 1997 saw a modification of this approach
(the third way) rather than a complete reversal. A more managerial approach to
government developed characterised by centrally set service delivery targets.While
there has been some discretion as to how these can be met locally they have been
reinforced centrally by national standards and inspection regimes.
The current prevailing model of “modern” public service delivery is typically
characterised by:
• Delegating responsibility and decision making to the lowest appropriate
level including more discretion to those involved in front line service
delivery.
• Where practicable providing users of public services with some choice
for example, parents having a choice of school for their Children; choice
in selecting a general practitioner or hospital for elective surgery.
• Clearly defined standards for public services appropriately regulated.
• A drive to transfer unproductive resources from administrative overheads
and support functions to services which directly benefit citizens.
Michael WHITEHOUSE, auditeur général, National audit office
Governments have many roles and responsibilities – directly delivering or facilitating
the delivery of public services, macro economic management, national defence and
foreign policy and promoting the overall well being of their citizens. In carrying
out these roles Governments need to exercise good stewardship in the use of
public resources. For example, there is a well established public expectation that
taxpayers’ money should achieve results and visibly better public services; there is a
need to ensure that the level of public expenditure does not adversely effect national
economic performance; the highest standards of propriety should be demonstrated
by state officials; and citizens’ expectations about the quality of service they should
receive should be met or at least managed in terms of what is affordable.
Greater delegation and empowerment of public sector workers requires, however,
that there is in place a reliable framework to allocate resources to achieve maximum
benefit, to generate reliable and comprehensive information to evaluate and develop
policies and to identify sufficiently early risks which can be managed to prevent
adverse consequences such as breakdowns in public services. Some balance is,
however, necessary; governance frameworks need to be sufficiently well developed
and structured to promote transparent decision making and clear accountability
for how public money is used and with what success. But frameworks should not
be so rigid that they result in additional layers of expensive bureaucracy which
do not add value and stifle initiative and innovation. It was largely in response to
this challenge to strengthen resource allocation and decision making, as a means
to improve the effectiveness of public services, within a flexible empowering
To achieve these objectives models of service delivery and resources management
adopted by successive governments have varied considerably over the last 100
years – partly influenced by political ideology, managerial theory or simple
expediency. Public administration has on the one hand – been highly centralised
with Governments framing national policies in the interests of the whole population
(to promote universality) and administering them through a network of public
bodies in the belief that this would controls costs. The most notable example of
this is the National Health Service. At the other extreme, local bodies financed by a
Bicentenaire du CGPC
n 17 novembre 2004 - Ecole
Nationale d’Administration - Paris
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Table ronde : La modernisation du management public est-elle bien engagée ?
framework that the concept of performance measurement and management
developed. As such it is now an essential feature of the way government departments
and agencies operate within the UK. Figures 1 and 2 illustrate the guiding principles
of Service delivery in the UK.
1.The Prime Minister’s four
principles of public service reform
the outcomes such as improvements in healthcare and standards of education to
be achieved. Each government department has a PSA with a series of objectives
and associated targets. Figure 3 provides an extract from the 2004 Public Service
Agreement for the Department for Transport.
3 Extract from the Department for Transport 2004 PSA
Aim:Transport that works for everyone:
Objective: Support the economy through the provision of efficient and reliable inter-regional
transport systems by making better use of the existing road network; reforming rail services
and industry structures to deliver significant performance improvements for users.
Target 2: Improve punctuality and reliability of rail services to at least 85% by 2004, with
further improvements by 2006.
Services should be designed around the customer and embody :
n
n
n
n
National Standards and clear frameworks of accountability;
Devolution and Delegation to the local level to encourage diversity
and creativity;
Flexibility and incentives to encourage excellent performance at the
frontline; and,
Expanding Choice for the customer including the ability, if provision
falls below acceptable standards, to have and alternative provider.
Currently there are 110 PSA targets across government – an average of 6 per
department. The compares with 125 targets set in 2002. The PSAs are intended
to embody the principles that good targets need to be ambitious and stretching;
should involve in their design those responsible for delivering them so that there
is a shared agenda for achieving the targets; and they should be based on reliable
evidence and good practice.
Source: Cabinet Office, Office of Public Services Reform
2. Key stages of service delivery – performance measurement is essential to each
Designing the service
Implementing the service
Assessing achievement
q
q
q
Ensuring that:
n
n
n
n
n
n
Customer needs are clearly
identified;
Ensuring that:
n
Reasonable expectations are set
Services are easy to access,
responsive, timely and reliable;
n
Social exclusion is avoided;
n
Where practicable some choice is
provided for users; and,
Those delivering the service have
the right skills.
Service delivery is consistent
regardless of where it is delivered
from;
Services are simple to understand
and receive; and,
Since PSA were first introduced in 1998 there has been growing recognition that
national targets work best when they are matched by a framework of devolution,
accountability and participation – empowering public servants with the freedom and
flexibility to make a difference – particularly to reflect local needs and preferences11.
This recognition has led to much greater stakeholder consultation but with clear
accountability arrangements. For example, departments are required to publish
progress in meeting their PSA targets in their annual reports and the systems for
measuring achievement are subject to independent validation by the National Audit
Office. The principle behind this is transparency so that all stakeholders – Parliament
the source of all legislative authority for public expenditure, and citizens – both
taxpayers and users of services have confidence in the way resources are used.
Ensuring that:
n
n
n
Services are cost effective.
n
Quality of service is independently
and regulary reviewed;
Customer have easy right of redress
for poor quality services;
There is a programme of continuous
improvement; and,
Cost are kept under regular review
and as necessary, action is taken to
improve cost effectiveness.
There is no doubt that PSAs and the target setting regime has led to better use of
resources and has also helped to improve the formulation of policies by focusing
officials much more on achieving sustainable outcomes. The UK Governments’
current commitment to “localism” that is devolving decision making and
Source National Audit Office
Public Service Agreements (PSAs) are the bedrock of the UK Government’s
framework for managing and improving the performance of public services. The
purpose of PSAs is to set clear national priorities for public services together with
11 Speech by the Chancellor of the Exchequer to the Social Market Foundation. A modern Agenda for Prosperity and Social Reform February 2003. 33
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n 17 novembre 2004 - Ecole
Nationale d’Administration - Paris
Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
responsibility to those much more closely involved in the direct delivery of public
services is in theory made more achievable. Firstly, because politicians should be
able to have more confidence that local decision making is more likely to be within
the minimum national framework defined by the PSAs. Secondly, because there is a
broad accountability framework set by the PSAs to evaluate local contributions to
the achievement of national priorities; in theory as the PSA targets become more
developed they become recognised national standards. The work of the National
Audit Office and others has, however, drawn attention to a number of risks with
performance targets and their measurement which require careful handling if their
full potential to help improve public services is to be realised.
There is now considerable research available into how performance measures
can influence human behaviour and this highlights the importance of careful
consideration of this aspect in their design. A commonly referred to example is
a target to increase the occupancy of schools so space is effectively utilised. But
there are two deficiencies with such a target. It is input based and does not focus
on the quality of education delivered (outputs) or impact on the proficiency of
children (outcomes). It could also have a perverse negative effect in that school
occupancy could be maximised by increasing the number of pupils per class or
teacher which could reduce the quality of education as children receive less
individual attention.
n Performance
n
measures must be output and outcome focused. Defining comprehensive measures which are clearly focused on delivering better services can be
complex. Some aspects of service delivery are relatively easy to measure such
as the speed of delivery and accessibility. But others such as ensuring universality
– avoiding any form of exclusion from the benefits and achieving longitudinal
improvements such as reductions in child poverty may be difficult to discern from
a single indicator. It is important that in the face of such difficulties simpler input
based measures are not substituted. Some input measurement is important to
assess the overall efficiency with which resources are used such as productivity and
trends in unit costs but output and outcome measures are essential. A portfolio
approach to performance measurement is therefore important.
Stakeholder expectations need to be managed. There can sometimes be a
disconnect between performance reported by a reliable indicator and what key
stakeholders such as citizens and members of the legislature are prepared to believe
(personal belief will usually be significantly influenced by individual experience of a
service or organisation). As a consequence a credibility gap can develop which can
undermine the complete performance management framework. Such a situation
is difficult to resolve and it may take sometime to convince the public that a
service is improving. Some form of independent validation can assist in convincing
stakeholders of the reliability and appropriateness of performance data.
n Performance
information needs to be fully integrated into organisational culture.
Targets and reliable supporting information are multi purposed. They are essential
for setting priorities and influencing resource allocation. But equally the evidence
which they provide on the relative success or failure of initiatives is important for
influencing the design of future policies. Performance management is therefore
an iterative process – demonstrating accountability, providing a framework for
devolved decision making but also contributing to a culture of on-going learning
and development.
n Consistency throughout delivery chains is essential.The delivery of public services
is rarely simple. It usually involves a wide range of organisations which provide
complementary aspects of a service. Such organisations may be public, private or
operate in the voluntary sector.A policy to tackle child obesity for example, is likely
to involve schools, the health services, public bodies regulating the food industry and
advertising, and cultural, media and sports organisations. If these are all pursuing the
achievement of targets which are significantly misaligned or inconsistent in some
way then the delivery of the overall policy is put at risk. The same applies where
a central department has strategic responsibility and local organisations consider
that the national target has little relevance to the needs of their local population
or does not recognise the major barriers which they face.
n In
conclusion a reliable framework for measuring performance and acting on the
results is a key aspect of the modern state. It can if appropriately designed provide
for greater delegation and improvement of public sector workers because in giving
greater freedoms it requires organisations to be accountable for their performance.
If the public are to have confidence in such frameworks it is essential, however, that
achievement reported by performance measures is subject to reliable independent
scrutiny and validation.
The risk of perverse influence needs to be avoided. If not carefully defined a
performance target and its measurement can have a completely unintended impact.
n
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Nationale d’Administration - Paris
34
Table ronde : La modernisation du management public est-elle bien engagée ?
En ce qui concerne les interventions précédentes, il convient d’abord de revenir sur
la notion de certification. Le mot a été utilisé plusieurs fois et il ne faudrait pas qu’il y
ait d’ambiguïté sur la mission nouvelle qui est confiée à la Cour dans ce domaine.
Le troisième point sur lequel je voudrais revenir brièvement a été soulevé par Gilles
CARREZ. Nous avons tous perçu une évolution du Parlement, ces deux dernières
années : l’intérêt croissant que suscite la Lolf, et notamment ses impacts en terme
de management public. Au départ ce n’était pas tellement vrai, la dimension de
management public était peu présente. Elle s’est agrégée progressivement, par la prise
de conscience que si on ne prenait pas le sujet “management public” en même temps
que le sujet “Lolf”, on aurait simplement un nouveau vernis sur un tableau inchangé.
Si l’on voulait un changement réel pour les utilisateurs, les contribuables, ... et
perceptible par eux, il fallait profiter de l’occasion de la Lolf, des progrès conceptuels
qu’elle permet de faire, pour avancer simultanément sur d’autres fronts.
Ce que la Cour des Comptes doit certifier en vertu de la Lolf, c’est le compte
général de l’Etat pour chaque exercice, et rien d’autre. Mais c’est déjà énorme car un
tel compte est complexe et recouvre nombre d’opérations. Le mot “certification”
ne s’applique strictement qu’à cela, pas aux autres aspects (indicateurs, etc.). Pour
délivrer la certification, nous nous appuierons sur les travaux des organismes
internes à chaque administration et des corps de contrôle.
De ce point de vue, on peut retenir le cadre conceptuel qui a été présenté pour
une analyse globale du management public : ont été utilisés les termes de “stratégie”,
“ressources humaines”, “partenariat”, etc. Ces notions peuvent être illustrées par
de nombreux exemples. En ce qui concerne les stratégies, ce sont les “stratégies
ministérielles de réforme” : un enjeu important, sur lequel il y a énormément de
progrès à faire. Le fait même d’avoir démarré est en soi positif.
Cela n’a rien d’original. Le travail de certification des comptes d’une entreprise
que fait le commissaire aux comptes, dans le secteur privé, comprend une analyse
des dispositifs de contrôles internes et vise à tester leur efficacité. Nous aurons
exactement la même démarche : nous nous intéresserons à ce qui est fait dans
chaque administration pour voir s’il y a des risques de lacunes dans les dispositifs
internes. S’il n’y en a pas, nous en serons les premiers satisfaits ; car nous pourrons
certifier en toute sérénité que les comptes de l’Etat sont sincères et donnent une
image fidèle.
En matière de ressources humaines, il y a la dimension de “gestion prévisionnelles des
emplois, des effectifs et des compétences”, et tout ce qui concerne le management
de la haute fonction publique. De ce point de vue, ce qui se passe en GrandeBretagne fait un peu rêver. Il y a une marge substantielle de progrès possible de
ce côté-ci de la Manche.
Jean-François BENARD,
président de la 7ème chambre à la Cour des Comptes
Je voudrais rebondir sur quelques sujets déjà abordés par mes prédécesseurs, puis
tenter de répondre à la question posée en titre de cette table ronde.
n
S’agissant des aspects de “partenariat”, c’est, dans le vocabulaire “lolfien”, le problème
des opérateurs qui est à traiter, notamment au ministère de l’Equipement. On voit
bien toute la difficulté qu’il y aura à préciser ce que font ces opérateurs, en quoi
ils interviennent comme opérateurs de politiques publiques, ce qui veut dire leur
assigner des objectifs, apprécier leurs performances, etc.. Quand nous contrôlons
tel établissement public qu’on appellera demain “opérateur”, nous constatons en
général qu’on ne sait pas ce qu’on en attend précisément. Par conséquent, il est
impossible de dire s’il est efficace. La Lolf va de ce point de vue obliger à progresser,
dans un contexte de décentralisation-déconcentration. Il y a toute une série de
réformes qui doivent aller en même temps que la Lolf pour que celle-ci ne soit pas
un changement de pure forme. C’est cet ensemble qu’il faut prendre en compte
si on veut répondre à la question posée : la modernisation du management public
est elle bien engagée?
A propos des enquêtes “value for money”, qu’on traduit approximativement par
“audit de performances”, le concept britannique est assez spécifique : certains ont
peut-être eu la curiosité d’aller sur le site du NAO, qui publie ces enquêtes. Il est
intéressant de voir comment nos collègues s’y prennent dans leur culture pour
effectuer des travaux de ce type. Il y a deux particularités notables : la première
est que leurs enquêtes sont très ciblées par rapport aux nôtres - nous aimons les
sujets généraux. Ensuite, l’appareil méthodologique mis en oeuvre dans chaque
enquête nous paraît lourd et compliqué. Nous devrions pourtant y réfléchir :
lorsque l’on examine les résultats, il apparaît que c’est une démarche fructueuse,
au moins dans certains domaines.
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Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
Pour répondre à la question, il faut sans doute distinguer les concepts, les outils
et la volonté d’évoluer. Du côté des concepts, on dispose de l’armature conceptuelle.
Du côté des outils, c’est moins bien : ils peinent à se mettre en place mais on finira
par y arriver. C’est le rythme de réalisation qui m’inquiète, car une démarche de
modernisation comme celle dans laquelle nous nous sommes engagés exige un
certain tempo. En plus, il faut capitaliser sur l’opportunité qu’offrent les départs
en retraite massifs des prochaines années. Si on laisse passer cette échéance, les
réformes seront beaucoup plus difficiles.
u
n
Débat
Pierre ZEMOR, conseiller d’Etat
Je souhaiterais vous faire part des regrets du vice-président du Conseil d’Etat de
ne pas être parmi vous. Renaud DENOIX de SAINT-MARC salue l’acuité du regard
apporté à la conception de ce thème essentiel du contrôle et de l’expertise, qui
atteste du renouvellement constant du CGPC. Par manque de temps, nous ne
parlerons pas de l’utilité de l’expertise juridique qu’exerce le Conseil d’Etat pour
raccourcir les délais et éviter le recours aux juges. Nous ne parlerons pas non
plus de la prolifération -regrettée par le Conseil d’Etat- des textes législatifs, qui
s’accompagne d’une trop faible coordination interministérielle. J’ajouterai pour
ma part que l’expertise doit s’exercer au nom de l’intérêt général: c’est le cas de
l’expertise juridique, administrative; au nom des décideurs: c’est le cas de l’expertise
technique et financière, mais aussi au nom des citoyens : c’est l’expertise d’usage.
Cette expertise d’usage est particulièrement utile pour l’acceptation sociale de
l’offre publique et pour son adaptation aux besoins. L’expertise des citoyens peut
également être utile aux responsables politiques, qui peuvent y ressourcer leur
légitimité.
Dernier point, le plus problématique : la volonté effective d’évoluer et de
persévérer malgré les difficultés. A cet égard, lors des interventions de la Cour,
nous rencontrons toute la gamme des situations. Certains n’ont aucune intention
de changer. Ils feront le nécessaire pour ne pas se faire taper sur les doigts mais
trouveront bien la méthode pour qu’il n’y ait aucun changement concret. Il y a aussi
l’autre extrême, celui des enthousiastes, peut-être exagérément enthousiastes. Et
il y a toute la gamme des situations intermédiaires.
En conclusion, permettez-moi de porter une appréciation. Mon travail m’amène
souvent à exprimer des critiques vis-à-vis de la marche du ministère de l’équipement.
Je considère néanmoins que ce ministère est dans l’avant-garde en ce qui concerne
les changements liés à la Lolf. Je veux le saluer et dire en même temps que, du coup,
vous avez une responsabilité particulière : non seulement vous êtes responsables de
ce qui va se passer dans le Ministère, mais vous pouvez constituer, à l’égard d’autres
administrations, une référence positive pour inciter aux changements auxquels nous
aspirons. Nous souhaitons ardemment que vous y parveniez !
n
Antoine GIVAUDAN, gérant de la société AGIME
J’ai l’impression que nous avons occulté ce matin une question importante, celle
de la décentralisation, qui donnera de plus en plus de place aux opérateurs locaux.
De mon point de vue, il faudrait que la loi impose aux collectivités publiques, qui
sont les principaux interlocuteurs des usagers, de suivre la même démarche que
l’Etat en matière de gestion publique.
Dominique DUJOLS, directrice des relations institutionnelles et du partenariat,
Union sociale pour l’Habitat
La Lolf s’imposera aux organismes tels que le nôtre. Comment serons-nous associés
à sa mise en œuvre ?
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Mobiliser une expertise de qualité pour un meilleur management public
4
I. Stratégies globales de contrôle des performances dans les pays de l’OCDE
La volonté d’améliorer les performances des pouvoirs publics est-elle nouvelle ?
Assurément pas. La performance –la façon de l’améliorer et de la mesurer– est
au cœur des préoccupations des pouvoirs publics depuis au moins un demi-siècle.
La nouveauté vient du fait que les gouvernements sont de plus en plus soumis à
des contraintes au niveau de leurs dépenses.
Mobiliser une expertise de qualité
pour un meilleur management public
Forces et faiblesses du contrôle
des performances
pour faire progresser la qualité
du management public
Au cours des deux dernières décennies, l’amélioration des performances du
secteur public est devenue plus impérieuse dans les pays de l’OCDE, en raison des
pressions économiques et budgétaires accrues, mais aussi en raison des exigences
plus fortes de la part des citoyens portant sur une meilleure qualité des services
publics. La gestion des performances dans l’administration s’est en quelque sorte
systématisée. Elle passe par une panoplie de politiques et d’instruments, tels
que la contractualisation, la budgétisation axée sur la performance, l’évaluation
individuelle des fonctionnaires axée sur leurs résultats, l’utilisation accrue des
évaluations et des audits, mais aussi les partenariats public-privé, l’externalisation,
etc. Je me concentrerai sur les deux facettes clefs que sont la budgétisation axée
sur les performances et la gestion des performances au niveau des ressources
humaines.
Odile SALLARD, directrice de la gouvernance publique
et du développement territorial à l’OCDE
Je vous remercie pour cette invitation au colloque des 200 ans du CGPC. Le sujet
que je vais aborder ce matin est au cœur de l’agenda de la gestion publique en
France, mais aussi dans l’ensemble des pays de l’OCDE : il s’agit de la gestion des
performances dans le secteur public, et plus exactement des forces et faiblesses
du contrôle des performances12 pour faire progresser la qualité du management
public.Vaste sujet, que je vais tenter de traiter dans le temps qui m’est imparti, en
couvrant les tendances récentes en la matière dans les pays de l’OCDE.
Ce qui est commun à ces politiques et à l’ensemble des pays de l’OCDE est
le fait d’axer la gestion de manière systématique sur des objectifs : c’est ce qui
caractérise les politiques de gestion stratégique. Les objectifs sont généralement
fixés de haut en bas : le gouvernement définit les priorités par ministère et les
objectifs gouvernementaux sont retransmis en cascade à chaque organisation et à
chaque échelon dans cette organisation par les hauts fonctionnaires et les cadres
opérationnels. Il est clair qu’il existe un lien étroit entre la gestion des performances
au niveau du budget, et celle liée aux ressources humaines : on ne peut mettre en
œuvre une budgétisation axée sur la performance sans revoir le système de gestion
des ressources humaines et sans déléguer une partie du management. Un certain
nombre de pays de l’OCDE –essentiellement ce que l’on appelle les systèmes ‘de
poste’ comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande ou le Royaume-Uni, les systèmes de
carrière commencent à aller dans ce sens également– ont évolué vers une forme
de contractualisation basée sur les performances, c’est-à-dire que des contrats
de performance sont établis, soit entre un ministère et un organe subsidiaire, soit
Le concept de performance est ‘simple mais trompeur’. Simple, par ce qu’il est facile
d’en exprimer les idées et les objectifs principaux. En deux mots il s’agit en effet
d’une part d’accorder plus d’importance aux résultats plutôt qu’aux règles et aux
procédures et d’autre part de responsabiliser les fonctionnaires pour l’obtention
de leurs résultats individuels et collectifs. Mais c’est aussi un concept trompeur,
parce qu’il est difficile d’appliquer ces idées simples à l’administration, en raison de
la difficulté à quantifier la performance dans le secteur public. Le premier objectif de
cette présentation est donc de vous donner un aperçu de l’utilisation du contrôle et
de la gestion des performances dans les pays membres de l’OCDE, d’en expliquer
les bénéfices, mais aussi de montrer les difficultés liées à ces politiques.
12 Le terme de ‘contrôle’ des performances sera pris ici dans le sens anglais, qui est plus large que ce qu’implique strictement le mot ‘contrôle’ en français. En anglais, le terme ‘contrôle’ se réfère à toute autorité ou stratégie
active de gestion, l’expression ‘contrôle des performances’ sera donc prise ici comme synonyme de ‘gestion’ des
performances.
37
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4
Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
entre un ministre et un service administratif, ou entre le ministère des Finances
et un autre ministère.
services produits par l’administration – ou des résultats – c’est-à-dire sur l’impact
des programmes gouvernementaux sur la société. En fait, de nombreux pays de
l’OCDE satisfont à la définition large, peu à la définition stricte.
Globalement, les systèmes de contrôle dans les pays de l’OCDE ont parallèlement
évolué de systèmes ex ante à des systèmes ex post, davantage axés sur les
performances. Ils ont également évolué vers un renforcement des procédures
de contrôle interne, mais qui demeurent toujours essentiellement axées sur des
contrôles financiers.Au niveau du gouvernement dans son ensemble, l’accent a été
également mis sur les évaluations et les audits de performances. Certains pays ont
été très loin dans ce domaine, comme l’Australie qui a rendu obligatoire l’évaluation
interne et régulière de l’ensemble des programmes gouvernementaux et a imposé
que ces évaluations soient largement disponibles. L’évaluation est importante, en
particulier au niveau sectoriel, mais l’approche consistant à intégrer l’évaluation
dans le cycle global de gestion de la performance publique n’a pas duré. Dans un
certain nombre de pays, elle était de plus en plus considérée comme une activité
coûteuse qui n’apportait pas les améliorations espérées dans la prise de décision
en matière de politique et de gestion. Les problèmes principaux tiennent au fait
que les évaluations sont souvent gérées par les ministères des Finances et qu’il
y a peu de contrôles et de suivis des processus d’évaluation. L’audit externe des
performances, que le Canada a été le premier pays à expérimenter au cours des
années 70, ne s’est pas non plus révélé être le système de garantie des performances
intergouvernemental que l’on attendait.
La Nouvelle-Zélande et l’Australie ont été les premiers pays à mettre en œuvre
une vague de budgétisation axée sur la performance à la fin des années 80, suivis,
au milieu des années 90, par la Suède, les États-Unis, la Finlande, le Royaume-Uni,
le Danemark, les Pays-Bas, et le Canada. Les systèmes de budgétisation axée sur
les performances n’ont cessé de s’étendre ces dix dernières années. Aujourd’hui,
les trois quarts des pays de l’OCDE font systématiquement figurer les objectifs par
ministère dans la documentation budgétaire transmise au ministère des Finances13.
La France s’inscrit dans ce mouvement de fond avec l’adoption de la Lolf en 2001.
La plupart des pays suivent un rythme lent et progressif pour la mise en œuvre
de ces politiques14.
Quel bilan peut-on faire de ces politiques de budgétisation axée sur la performance ?
Il est important de souligner que le choix des stratégies doit dépendre du
contexte du pays en question. Des pays très individualisés et délégués – comme
la Nouvelle-Zélande ou la Suède – n’ont pas du tout les mêmes contraintes que
des pays centralisés et peu délégués, qui auront davantage tendance à se centrer
sur l’évaluation comme instrument, et sur le contrôle des inputs. L’expérience
montre qu’il y a une sorte de compromis à faire dans l’importance que l’on
souhaite accorder aux moyens, aux produits et aux résultats, comme le montre
le tableau ci-dessous. Chaque approche a ses avantages et ses inconvénients, et il
convient de voir quel type de contrôle correspond le mieux au contexte d’une
administration.
Cette activité a été et continue d’être un élément important du rôle des cours des
comptes mais en raison de la complexité de l’activité du gouvernement, de même
que de la difficulté de ce genre de contrôle, les audits n’ont jamais pu fournir une
couverture systématique de l’activité du Gouvernement.
Des contrôles centrés sur les moyens (inputs) présentent par exemple l’avantage
d’être simples et abordable, mais présentent l’inconvénient d’être potentiellement
rigides. Ils sont bien adaptés aux contextes caractérisés par une faible confiance
dans l’administration et une faible délégation des pouvoirs de gestion.
II. La budgétisation axée sur les performances
Une des facettes principales de la gestion des performances – sur laquelle beaucoup
d’espoirs ont été fondés – est la budgétisation axée sur les performances. Selon la
définition large, un budget centré sur les performances est un budget qui présente
des informations sur ce que les ministères ont accompli ou espèrent accomplir
avec l’argent qui leur a été fourni. Selon la définition stricte, un budget centré sur
les performances est un budget qui lie explicitement chaque augmentation des
ressources à une amélioration de la qualité des produits – c’est-à-dire les biens et
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13 Si l’introduction d’informations sur la performance dans la documentation budgétaire se répand, elle n’est pas
encore systématique : un quart des pays de l’OCDE – dont l’Italie, l’Irlande et la Corée – ne font figurer aucune donnée
non financière sur la performance dans leur documentation budgétaire.
14 Dans ce contexte on peut considérer que la stratégie choisie par la France avec la Lolf est soudaine et globale.
Elle est soudaine parce qu’elle impose la mise en œuvre de la réforme pour tous les ministères à une date précise (1er
janvier 2006). Elle est globale parce que son impulsion vient du Parlement ce qui est rare et constitue un avantage.
Toutefois la globalité de cette approche limitera une vision organisationnelle au cas par cas et sera difficile à mettre
en œuvre.
38
Forces et faiblesse du contrôle des performances pour faire progresser la qualité du management public
Des contrôles axés sur les produits (outputs) tendent à faciliter le contrôle du total
des dépenses et améliorer la transparence, mais posent des problèmes liés à la
surcharge d’informations récoltées. Enfin, des contrôles centrés sur les résultats
finaux (outcomes) facilitent la réaffectation budgétaire et une vision de long terme,
mais posent le problème de la mesure de ces résultats.
de leur utilisation concrète dans la définition des politiques et les changements de
gestion qu’ils impliquent. Les pays qui ont été pionniers en matière de budgétisation
axée sur la performance –comme l’Australie par exemple– sont largement revenus
sur le côté technique hautement sophistiqué des indicateurs, pour se concentrer
sur leur utilisation souple dans des processus de dialogue.
Forces et faiblesses des modes de contrôle
Ensuite, le processus de collecte des données liées aux performances reste encore
fragile dans la plupart des pays, car les données liées aux performances sont peu
contrôlées, ce qui tend à remettre en cause leur fiabilité et crédibilité. Gérer en
fonction des performances exige des contrôles appropriés, or les systèmes de
contrôle n’arrivent pas à évoluer au rythme voulu dans les pays de l’OCDE. Les
systèmes de contrôle internes ne couvrent pas vraiment les informations en matière
de performance. Les rapports et audits externes de performance sont encore peu
développés : la plupart des informations sur les résultats atteints transmises aux
parlements n’ont pas été vérifiés de manière indépendante.
Forces
Faiblesses
Adapté aux
situations
caractérisées par…
Moyens
(inputs)
Simple et abordable
Renforce la mise en
conformité
Ne va pas dans le sens
de l’efficience
Peut-être rigide
Court terme
Une faible confiance
et une faible
délégation des
pouvoirs de gestion
Produits
(outputs)
Facilite l’efficience
Facilite le contrôle
du total des
dépenses
Transparence
Peut faire dévier
de l’objectif
Problèmes de mesure
Coûts
Surcharge d’informations
De la confiance,
une comptabilité
saine et du
professionnalisme
Résultats
finaux
(outcomes)
Facilite la
réaffectation
Soutien l’élaboration
et la coordination
des politiques
Long terme
Problèmes de mesure
Problèmes de
transparence
Coûts
Surcharge d’informations
Ce qui précède
et des hommes
politiques
très impliqués
Il semble d’ailleurs que la plus grande faiblesse des pratiques de budgétisation
axée sur la performance est le fait que l’on en est restés au stade de la collecte
des données et que le stade de leur utilisation effective dans la prise de décision
est loin d’être atteint dans la plupart des pays. Seuls sept pays, dont les Pays-Bas et
la Nouvelle-Zélande, déclarent lier spécifiquement les dépenses à la totalité ou la
quasi-totalité de leurs objectifs. Il n’est pas non plus fréquent que les responsables
politiques utilisent les données sur la performance pour affecter des ressources
entre les programmes. Force est de constater notamment que les données sur la
performance sont peu utilisées par les Parlements dans la prise de décision – lors
que le contrôle des performances était censé à l’origine renforcer le pouvoir des
parlements sur la procédure budgétaire. Dans seulement six pays les parlementaires
déclarent utiliser les évaluations de performance dans la prise de décision15. Le
passage de la collecte des données à leur utilisation effective ne s’est donc pas opéré
dans la plupart des pays de l’OCDE– à part dans un nombre limité de domaines
fonctionnels dans quelques pays.
L’expérience montre que les pays qui ont tenté d’accorder plus d’importance aux
résultats ont souvent fini par se centrer à la place sur les produits. Cette situation
par défaut est certainement plus productive que de passer des années à définir
les mesures idéales de résultats. Globalement, il convient de dire que les difficultés
d’une véritable budgétisation à la performance sont nombreuses, et que les espoirs
des débuts ont été quelque peu déçus.
Quelques aspects positifs doivent néanmoins être soulignés. Le principal est que
la collecte des informations liées aux performances s’est accrue et que la mise à
disposition d’informations auprès du public sur la performance du gouvernement
s’est nettement améliorée dans les pays de l’OCDE. Au total, 21 pays de l’OCDE
Tout d’abord, les objectifs et indicateurs de performance ne sont pas faciles à
établir dans le secteur public. Il y a eu une tendance dans les premiers temps
de budgétisation liée à la performance à se centrer de manière exclusive sur les
indicateurs de performance et les systèmes de mesure, au détriment de la question
15
39
Source: Base de données OCDE/Banque mondiale sur les pratiques et procédures budgétaires, 2003
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Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
affirment communiquer leurs résultats de performance au public16. Il y a clairement
davantage d’informations sur la performance et davantage de transparence. En outre,
la recherche d’indicateurs de performances, y compris d’indicateurs qualité - prix,
facilite le remodelage des stratégies de gestion. En fait, il est important de souligner
qu’il ne faut pas faire de fixation sur les indicateurs de performance, ceux-ci ne
présentent un intérêt que en tant qu’instrument de changement de mentalités et
de culture, et présentent surtout l’avantage de faciliter le dialogue interministériel
et entre les différents niveaux hiérarchiques de l’administration.
Les pièges liés à la gestion des performances individuelles sont nombreux, et avant
tout liés au processus de fixation et d’évaluation des objectifs. S’il n’est pas simple
au niveau ‘macro’ de fixer des objectifs, cela ne l’est guère plus au niveau ‘micro’.
Il y a souvent des tendances à identifier des objectifs trop nombreux, irréalisables,
ou au contraire pas suffisamment ambitieux. Les processus d’évaluation sont
également difficiles à mettre en place, puisqu’il est extrêmement difficile de faire
des différenciations dans l’évaluation des performances du personnel, surtout
pour la majorité des agents publics dont les performances sont correctes – ni
très bonnes, ni très mauvaises -. Un certain nombre de pays ont dans un premier
temps tenté de mettre en place des systèmes d’évaluation et de notation des
performances très détaillés ; ces systèmes ont échoué puisque immanquablement
l’immense majorité des agents publics finissaient par être notés exactement de
la même manière. La plupart des pays évoluent à présent vers des systèmes de
contrôle des performances plus décentralisés, moins rigides et moins détaillés,
davantage axés sur le dialogue, qui semblent produire des effets bien plus positifs
que les systèmes de notation stricts et détaillés préalablement utilisés. Un des
pièges principaux a également consisté à penser que la mise en place de systèmes
de rémunération liée à la performance suffisait à instaurer une culture du résultat.
Or la rémunération liée à la performance (RLP) ne produit qu’un impact limité sur
la motivation individuelle des agents publics par rapport à d’autres facteurs tels
que les possibilités de promotion, de mobilité, ou de formation19.
III. La gestion des performances au niveau
des ressources humaines
Tous les pays qui ont mis en œuvre une budgétisation axée sur les performances
ont du revoir leur système de gestion des performances au niveau des ressources
humaines. La plupart des pays de l’OCDE ont indiqué avoir mis en place des
systèmes d’évaluation des performances individuelles dans la fonction publique
au cours des dix dernières années17. Certains pays ont développé des relations
contractuelles entre les principaux directeurs et les ministères afin d’accroître
la responsabilisation des managers et d’établir une interface entre le politique et
l’administratif.
Ce phénomène s’est surtout produit dans certains systèmes d’emploi et dans
les pays où les agences sont depuis longtemps ancrées dans la tradition, comme
l’Australie, le Danemark, la Norvège, la Nouvelle-Zélande ou la Suède. Plus
récemment, certains systèmes depuis longtemps basés sur la carrière ont pris
cette orientation pour les cadres dirigeants – la Corée et la France par exemple.
La plupart des systèmes d’évaluation des performances des fonctionnaires sont
individualisés et réalisés à l’aune des objectifs assignés au fonctionnaire. La plupart
des pays s’efforcent d’articuler les objectifs individuels et organisationnels. Dans
deux tiers des pays, l’évaluation des performances est liée d’une manière ou d’une
autre à la rémunération. Cependant, dans la plupart des cas ces systèmes de RLP ne
sont pas étendus de manière systématique à l’ensemble de la fonction publique18.
16
17
Le bénéfice majeur des politiques de gestion des performances individuelles des
fonctionnaires repose en fait avant tout sur le processus de fixation des objectifs et
d’évaluation des performances au regard de ces objectifs. Peu importe finalement
que cette évaluation soit liée avec la rémunération, ce n’est pas cela qui est essentiel.
Ce qui est crucial c’est d’établir un processus de fixation d’objectifs et d’évaluation
des performances systématique, qui soit fiable, transparent et basé sur un dialogue
avec l’encadrement le plus proche. C’est cela qui permet aux employés de se sentir
davantage impliqués dans la gestion et dans leur organisation, et c’est cela qui leur
permet d’être plus performants sur le long terme.
Le lien avec la rémunération ne sert finalement qu’à être un levier pour l’instauration
ou le renforcement de telles politiques de fixation d’objectifs, ou pour l’introduction
Source: Base de données OCDE/Banque mondiale sur les pratiques et procédures budgétaires, 2003
Source: Enquête OCDE/GOV sur la gestion stratégique des ressources humaines, 2003
19 En fait, il est important de ne pas se focaliser uniquement sur l’aspect ‘rémunération à la performance’ dans les
politiques de gestion des performances des fonctionnaires, la RLP doit être intégrée dans une politique bien plus large
de gestion des performances.
18 Généralement les paiements liés aux performances sont de taille modeste dans les pays de l’OCDE, en
moyenne ils sont inférieurs à 10% du salaire de base pour les salariés et tournent autour de 20% pour les cadres
Bicentenaire du CGPC
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Nationale d’Administration - Paris
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Forces et faiblesse du contrôle des performances pour faire progresser la qualité du management public
de changements organisationnels ou de management plus ambitieux20. Ce qui est
crucial également c’est d’accompagner ces stratégies de fixation et d’évaluation
d’objectifs d’une délégation effective des responsabilités en matière de gestion des
ressources humaines. Il faut laisser les managers gérer, sans quoi toute politique
de gestion des performances est condamnée à l’échec.
chercher à ne pas multiplier ces données, puisque « trop d’informations tue
l’information ». C’est en collectant des indicateurs de performance plus fiables et
plus rigoureusement contrôlés que ceux-ci pourront être davantage utilisés dans
le processus de décision politique.
La gestion publique axée sur la performance va perdurer, parce qu’elle est dans
notre intérêt à tous. Les sociétés sont maintenant trop complexes pour n’être
régies que par des règles touchant les procédures. Il faut favoriser la mise en place
de politiques de gestion des performances globales, articulant les volets ressources
humaines et budget, et allant de pair avec une délégation en matière de gestion et
un contrôle renforcé.
IV. Conclusion générale
Finalement, il est clair que certaines attentes initiales sur les performances ont
souvent été trop ambitieuses. On a eu tendance à surestimer les possibilités que
recèlent les approches axées sur la performance de changer les comportements
et la culture ; et de sous-estimer les difficultés qu’il y a à faire en sorte que, dans
les processus de gestion publique, les objectifs et les résultats de performance
deviennent des automatismes. La gestion axée sur la performance peut –et
doit– permettre un allègement des contrôles sur les moyens et les procédures.
Mais l’enjeu est que les contrôles formalisés soient partiellement remplacés par
une responsabilisation individuelle croissante et par des contrôles informels,
intégrés dans le comportement de chacun. Pour aboutir à cela, il est crucial
que l’encadrement supérieur accorde à la gestion une attention beaucoup plus
importante que ce n’était le cas dans une bureaucratie traditionnelle.
On peut tirer quatre grandes leçons pour tenter d’améliorer la gestion et le contrôle
des performances et faire progresser la qualité du management public :
• tout d’abord, il faut se souvenir que la mise en œuvre de toute politique
de gestion des performances exige du temps et des ressources ;
• ensuite, il est essentiel d’articuler la gestion des performances budgétaires
et celle du personnel. Une bonne stratégie de gestion des performances
doit être globale ;
• l’accent mis sur les performances doit aller de pair avec une délégation
effective des pouvoirs de gestion ;
• l’accent doit également être mis sur l’amélioration du contrôle et de la
fiabilité de la collecte des données liées aux performances.
Pour faire progresser la qualité du management public, il faut surtout passer d’un
stade de collecte pure des informations sur la performance – qui est le stade
actuel de la plupart des pays de l’OCDE – à un stade plus poussé où ces données
servent concrètement à la prise de décision. En un mot, passer d’un stade passif à un
stade beaucoup plus actif d’utilisation des données liées à la performance. Un État
performant n’est pas un État qui accumule des données sur les performances en
les transmettant au public. Un État performant est un État qui cherche activement
à s’améliorer en sondant le monde autour de lui et en modifiant aussi bien ses
objectifs que ses programmes sur la base des informations collectées. Finalement,
un État performant est un État qui apprend continuellement.
Il est nécessaire d’améliorer la coordination des systèmes de contrôle interne, et de
mettre en place des systèmes de contrôle externe plus robustes, afin d’améliorer
la qualité des données liées aux performances. Il est également important de
20 comme l’amélioration du processus de fixation des objectifs, une clarification des tâches, davantage de transparence, ou des méthodes de travail plus flexibles
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Bicentenaire du CGPC
n 17 novembre 2004 - Ecole
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Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
Le choc démographique est à nos portes. Ceux de mes collègues élus qui ne se
soucient pas de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences auront
des lendemains difficiles : c’est valable pour tout le monde. Deuxièmement, il faut
intégrer les nouveaux modes de coopération public-privé. Il vaut mieux faire la
course en tête que d’être obligé de s’adapter. L’exigence de mobilité est territoriale,
mais elle existe aussi entre toutes sortes de métiers. Il n’y a pas de raison d’être
fiers que nos enfants ou petits-enfants puissent exercer plusieurs métiers dans
leurs vies et de rester soi-même confiné dans une logique de mono-culture, de
mono-carrière. Tout ceci nécessite qu’on se passionne et c’est bien souvent par
l’expertise et par le partage des cultures : là aussi l’évolution est culturelle.
Quel partenariat entre l’Etat et les
collectivités territoriales
pour capitaliser l’expertise
et les métiers du cadre de vie ?
André ROSSINOT, ancien ministre, maire de Nancy,
président du conseil national de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT)
Le partenariat est désormais engagé d’une manière irréversible et de plus en
plus structurelle. Il devient un mode de collaboration ordinaire entre l’Etat et
les collectivités. Le nombre des domaines partagés a été le fruit d’une lente
progression au fil des réformes, des étapes de décentralisation. C’est aujourd’hui
un défi important mais qui doit être partagé à travers l’expertise. Néanmoins on
doit être persuadé qu’il faut aller vite car le temps aujourd’hui, c’est plus que jamais
de l’argent et nous dépendons plus que jamais de l’économie de la connaissance.
Votre rencontre peut être, par une prise de conscience partagée, un élément
d’accélération de ce dispositif.
Donc pas de nostalgie mais l’envie de faire ensemble, d’aller très vite de l’avant.
Cette nouvelle expertise ne doit pas être dogmatique, elle doit se construire de
façon empirique, voire même partenariale avec des évaluations et des rencontres
fréquentes. Nous en avions une avant-hier à Nancy sur la gouvernance des aires
métropolitaines dans la perspective des contrats de métropolisation : on a fait
venir des partenaires étrangers, on a parlé entre élus, entre techniciens des régions,
de l’Etat, c’est passionnant. Il faut ouvrir les fenêtres et il y a de ce point de vue
un débat très fort sur la formation initiale et le lien entre cette formation et la
formation continue.
Nous avons à inventer une nouvelle manière de concevoir, de travailler et de mettre
en oeuvre les politiques publiques, et à imaginer un style de travail approprié. Nous
sommes d’ailleurs confrontés à quelques réalités économiques, démographiques
et sociologiques fondamentales : avec le blues des maires, y a-t-il celui de la haute
fonction publique de l’Etat ? A mon avis un petit peu. C’est ce que j’entends ici et
là. On parle de la restriction du champ d’intervention de l’Etat : est-elle difficile
à assumer ? En tout cas l’Europe et la République décentralisée font bouger les
lignes de partage.
Le modèle de formation tout au long de la vie, la transposition pour les fonctions
publiques de l’accord de très grande qualité qui a été noué à cette fin dans le
secteur privé, doivent être des priorités. Il n’y a pas de raison que nous échappions
dans les fonctions publiques à cette transposition. Donc il faut y aller là aussi très
vite, rapidement, et avec une dimension aujourd’hui temporelle, tout au long de la
carrière, une dimension territoriale et un contenu technique : la transformation du
temps de la formation tout au long de la carrière permettra une autre approche
de l’expertise. En ouvrant des perspectives de développement à la formation
continue qui est devenue qualifiante et pourrait jouer un rôle dans le déroulement
de la carrière, il est ainsi nécessaire de dépasser la traditionnelle séparation entre
formation initiale d’application et formation permanente.
Il faut accepter l’idée de la territorialisation de l’action publique. Le volet national
s’accompagne toujours d’un volet territorial. Il faut accepter aussi l’intervention
du citoyen. Il faut vous mettre à sa place, il vit entre l’Etat, l’Europe, la région,
le département, l’intercommunalité. Vous-même comme moi-même ne nous y
retrouvons pas toujours. La demande citoyenne est aussi une question partagée
entre les élus et l’ensemble des acteurs parce que, si on travaille ensemble, on est
responsable ensemble. Nous avons besoin de lisibilité et de démocratie partagée.
Bicentenaire du CGPC
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D’autre part, la formation doit être un véritable apprentissage de l’adaptation et
de la mobilité et doit préparer les cadres à la diversité possible des parcours dans
les trois fonctions publiques.
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Quel partenariat entre l’Etat et les collectivités territoriales pour capitaliser l’expertise et les métiers du cadre de vie ?
Le contenu des formations doit évoluer pour donner une dimension qualifiante à la
formation des hauts-fonctionnaires et les doter à la fois de compétences générales
et techniques sur les modèles des écoles d’ingénieurs. En ouvrant plus largement
l’accès aux postes de responsabilité, il faut ouvrir et réformer la haute fonction
publique dans un contexte de décentralisation, indépendament des problématiques
de la fonction publique territoriale qui, sur de nombreux points, est en avance par
rapport à la fonction publique de l’Etat parcequ’elle associe un marché de l’emploi
ouvert et transparent, des cadres d’emplois qui facilitent la mobilité et la gestion,
et une culture de formation continue.
ou deux fois par an une ou deux journées extrêmement productives parce que, le
temps nous étant compté, nous devons accélérer le dispositif et ne pas attendre
simplement les effets bénéfiques d’une nouvelle formation initiale mais avoir au
contraire cette vision transversale des choses.
Il faut donc redonner dans les formations, et notamment dans la filière
administrative, toute sa place au tronc commun qui lie entre elles les différentes
composantes de la fonction publique et de le faire autour de trois thématiques:
la modernisation du service public, la conduite des politiques territoriales et
l’intégration européenne.
Enfin, la décentralisation qui conduira l’Etat à redéfinir son approche des politiques
publiques, non par rapport à des ministères mais par rapport à des territoires – nous
sommes bien là dans une logique où c’est le territoire qui prime et non pas la
verticalité d’un ministère – pose question : quelle résonnance, quelles compétences
des fonctions publiques sur un territoire donné pour un service aux citoyens ? Il
y a là un renversement de problématiques. Il faut donc favoriser les liens entre les
fonctions publiques, la mobilité, le développement de formations et de cultures
communes, à tout le moins perméables.
J’ai eu à installer, sur la base, à l’époque, du rapport du vice-président du Conseil
d’Etat, l’école des hautes études européennes qui était accolée à l’ENA à Strasbourg:
Ce n’était pas par défaut de prise en compte de la dimension européenne dans la
formation de l’ENA, mais en raison de la gestion insuffisante de la haute fonction
publique française à Bruxelles. Vous partez à Bruxelles, mais vous n’êtes pas bien
vu quand vous y êtes et, quand vous revenez, c’est difficile. Pendant ce temps-là,
quelle est la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences de la France à
Bruxelles ? Croyez-vous qu’elle existe ? Et pourtant, c’est bien à Bruxelles que se
jouent aujourd’hui les espaces d’influence de notre culture. C’est entre l’Europe,
l’Etat et l’espace territorial, que doit se construire une stratégie partagée.
Nous avançons au CNFPT avec la création d’un conseil scientifique permettant
d’ouvrir les choses, nous sommes disposés, et nous avons déjà commencé dans un
certain nombre de domaines, à travailler avec les écoles et les services de l’Etat.
Une excellente coopération est par exemple à l’oeuvre avec le Certu, l’ENTPE,
l’ENPC... On est dans des logiques où il faut décloisonner. Le réseau des écoles
publiques de l’Etat doit devenir un “réseau pensant” et pas simplement formel. Il
doit y avoir des stratégies partagées.
Je concluerai en disant que la formation des cadres supérieurs des fonctions
publiques doit porter sur les fondamentaux communs des sciences juridiques et
administratives, l’alternance doit être le modèle de cette formation, sachant que les
élèves devraient effectuer des stages pratiques dans les trois fonctions publiques.
Quand je vois, s’agissant d’ingénierie technique par exemple, que, dans un grand
CHU comme celui de Nancy où vous avez 600 millions d’euros de budget, lorsque
vous construisez des plateaux techniques -un nouvel hôpital dans l’hôpital- cela
nécessite un savoir partagé, y compris celui des écoles les plus prestigieuses de
l’Etat pour mettre en place des espaces extrêmement performants.
En ce qui concerne l’ENA et l’INET, nous sommes en train de préparer des modules
de formation communs aux deux structures. On nous annonce que 50% des élèves
de l’ENA vont faire leur stage dans les grandes collectivités territoriales et que
des élèves-administrateurs territoriaux vont pouvoir aller en préfecture ! Cela ne
coûte rien et c’est un bonheur intellectuel extraordinaire.
Donc, nous avons à réfléchir ensemble, ce qui pose le problème du temps et de la
constitution des équipes d’ingénierie. C’est cette capacité de partager des ressources
humaines qui est importante, de le faire avec d’autres et d’avoir ces espaces de
démocratie, non pas formelle mais fondée simplement sur la mutualisation et le
partage des études et des informations.
Il y a une institution qui marche très bien : l’IHEDN. On est en train de préparer
l’équivalent pour les trois fonctions publiques : cela veut dire que, non seulement
il faut se rapprocher au moment de la formation initiale, mais il faut aussi que
ceux qui sont en poste aujourd’hui puissent se parler, se rencontrer, passer une
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Bicentenaire du CGPC
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Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
A partir du moment où l’on parle des mêmes chiffres, où l’on parle les mêmes mots,
entre le DG de la région, du département, le SGAR, les patrons d’agglomérations,
où les collaborateurs se voient et travaillent, le temps gagné est considérable :
l’efficacité est au rendez-vous. C’est là aussi l’esprit d’une agence d’urbanisme,
c’est un espace de respiration qui a aidé à la construction politique des grandes
agglomérations en facilitant l’intercommunalité.
Aujourd’hui donc, sous l’égide du pouvoir régional, du partage entre les services de
l’Etat qui se réorganisent au plan régional voire interrégional, nous avons intérêt à
avoir une fois par an, à travers une pratique interministérielle associant les principaux
responsables territoriaux, un espace d’échanges comme celui d’aujourd’hui qui
pourrait nous permettre d’évaluer, de cerner les difficultés rencontrées. C’est
ce dont nous avons besoin : une ingénierie partagée. Ce sont des temes un peu
“techno” mais je puis vous assurer que, dans la pratique, cela marche, mais il faut
être conscient d’une chose : on peut être très forts ensemble comme on peut être
comme des Gulliver si on ne fait pas attention.
Faisons attention à ce que nos sciences administrative et technique exceptionnelles
durent : elle se vendent dans le monde entier et ici nous serions en situation
paradoxale d’empêchement ? C’est donc vraiment une affaire de temps,
d’accélération, de culture, d’ambition. L’économie de la connaissance commence
par l’économie du savoir faire ensemble.
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Allocution de Gilles de ROBIEN
fois une expérience locale et nationale du domaine de la Fonction Publique tant
nationale que territoriale.
Allocution
Gilles de ROBIEN, ministre de l’Equipement,
des Transports, de l’Aménagement du Territoire, du Tourisme et de la Mer
Troisième changement après la réforme de l’Etat
et la décentralisation
Les règles budgétaires qui ont encadré pendant près d’un demi siècle l’activité
des ministres et de leurs services en produisant leur cortège d’habitudes et de
comportements, vont être profondément rénovées avec la mise en œuvre de la
Loi d’Orientation pour les Lois de Finances.
La célébration du bicentenaire du CGPC, institution qui incarne la continuité et
la valeur d’une tradition de «bien faire» transmise de l’Ancien Régime à l’Empire
-qui a créé le conseil tel que nous le connaissons- et de l’Empire à la République,
intervient à une période caractérisée par les remises en cause et le mouvement.
Tout change, en effet.
André BARILARI et Gilles CARREZ vous en ont parlé au début de cette journée.
La Lolf poursuit deux objectifs politiques essentiels :
• renforcer la démocratie et donner plus de visibilité aux représentants de
la nation sur l’usage des ressources qu’ils votent chaque année ;
• mais aussi, rendre l'Etat plus efficace dans la mise en œuvre des politiques
publiques.
Premier changement l’Etat se réforme, ce n’est certes pas nouveau, mais, aujourd’hui, les attentes de
nos concitoyens, les défis d’une vraie modernisation, et les calendriers de mise en
œuvre sont plus exigeants que jamais. L’appareil d’Etat se recentre progressivement
sur un nombre concentré de domaines. Par ailleurs, pour la réalisation de grandes
infrastructures comme pour la fourniture de toute la gamme des services
nécessaires à la vie quotidienne de nos concitoyens, les ressources financières et
la capacité de gestion du secteur privé doivent être mobilisées et sont de plus en
plus souvent mobilisés.
Pour répondre à ce double objectif de lisibilité politique et d'efficacité, il a d'abord
fallu :
• répartir les grands domaines d'intervention de l’Etat en programmes
concrets d’action ;
• définir de manière rigoureuse les objectifs des politiques au service
desquelles ces programmes ont été conçus ;
• renforcer la responsabilité des gestionnaires de programme ;
• contrôler les performances de toute la chaîne chargée de leur mise
en œuvre et choisir les bons indicateurs pour mesurer résultats et
performances..
Deuxième changement après la réforme de l’Etat
La décentralisation devient chaque jour une réalité plus perceptible. Un nombre
croissant de grands ouvrages ou d’infrastructures se feront, désormais, sous la
maîtrise d’ouvrage des collectivités territoriales et de leurs élus. La plupart des
politiques publiques qui restent de la compétence de l’Etat nécessitent, pour
être mises en œuvre localement, l’intervention, en coopération, des services des
collectivités territoriales et de l’Etat, de différentes entités chargées de missions
d’intérêt général et, le cas échéant, de partenaires privés ou associatifs. L’organisation
des services de l’Equipement et, en particulier, des services déconcentrés se modifie
en conséquence, des partenariats anciens se renforcent et de nouvelles synergies
ne cessent d’apparaître. Je me réjouis particulièrement qu’André ROSSINOT, à
l’instant, et, tout à l’heure, à la fin de vos travaux, Jean-Paul DELEVOYE aient bien
voulu accepter de vous apporter leur expérience et leur témoignage. Ils connaissent
bien cette question des complémentarités et des rapprochements à mettre en
œuvre pour le service de l’intérêt général. L’un et l’autre ont en effet tout à la
Tous ces changements sont autant de défis pour le CGPC et les deux métiers qu’il
exerce traditionnellement le contrôle et l’expertise.
Le contrôle, tout d’abord, en particulier à travers l’inspection mais aussi, de plus
en plus, à travers d’autres modes d’examen et de conseil. Le Conseil, en effet, est
appelé à soutenir la mise en place de processus de contrôle de la qualité et à aider
à l’établissement des référentiels qui en constituent le fondement.
En aval, le Conseil a également vocation à développer sa contribution à l’évaluation
des politiques publiques.
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Bicentenaire du CGPC
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Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
Dans la mesure, en effet, où la mise en œuvre de la Lolf repose sur une logique
sectorielle, il va en effet devenir de plus en plus nécessaire de rétablir, à travers
l’évaluation, les moyens d’une appréciation d’ensemble sur la réalité et la qualité
de mise en œuvre des grandes politiques nationales.
L’application du principe de prévention à toutes formes de risques, les exigences
redoutables de la mise en œuvre du principe de précaution, tendent de plus en
plus à faire des experts des acteurs à part entière du système de décision. Cela
impose de telles exigences de fiabilité et peut avoir de telles conséquences en
matière de responsabilité que la véritable expertise est nécessairement de plus
en plus collégiale.
Après le conseil, l’expertise pour éclairer, certes le ministre, chaque fois qu’il le
demande, sur un projet, un événement, une situation ou un dysfonctionnement
mais aussi, de plus en plus, dans des formes à préciser, d’autres acteurs majeurs
de la vie sociale au premier rang, desquels les élus de la nation et des collectivités
territoriales.
L’organisation, la transparence, la compétence de médiations de
qualité entre experts, décideurs et société civile
L’expérience du débat public, les vicissitudes rencontrées pour concilier le calendrier
de certains grands projets d’infrastructure et la préservation de leur environnement,
montrent que, lorsque l’expert se trouve placé au centre d’enjeux sociaux puissants,
il ne peut à lui seul être le médiateur d’intérêts contradictoires.
En ouvrant cette journée André BARILARI vous a, je crois, dit, à partir de l’étymologie
du mot, que le contrôle était l’action de regarder afin de rechercher la vérité. Il a
ajouté que la finalité du contrôle c’était la démocratie. Vous me permettrez donc
de revenir sur ce qui, pour ces deux métiers d’expertise et de contrôle, me paraît
être exigé par la démocratie.
Aux rôles traditionnels des experts et des décideurs doit, donc, souvent être ajouté
celui d’un «facilitateur»ou d’un médiateur qui ait suffisamment de compétence et
de pratique, pour être capable d’aider à la prise d’une décision, sûre techniquement
et acceptable socialement . Il me semble qu’en ce domaine aussi le CGPC peut
apporter une aide.
La transparence tout d’abord
Tout homme politique, tout élu, sait bien qu’il doit la vérité à ceux qui l’ont choisi, il
sait qu’il ne doit pas seulement leur rendre des comptes mais qu’il doit les éclairer
sur les vraies motivations de ses choix et sur toutes les dimensions des enjeux
qui leurs sont attachés.
Les exigences de la démocratie que je viens d’évoquer et qui s’affirment de plus
en plus dans nos domaines d’intervention, ont finalement toutes quelque chose à
voir avec l’art de «bien faire» que j’évoquais au début de mon propos qui a fondé
la solidité du corps des ponts et chaussées et qui est une tradition du CGPC.
Nos concitoyens attendent de plus en plus cette rigueur et cette clarté, me
semble-t-il, de tout détenteur d’une parcelle, si minime soit elle, de responsabilité
dans la mise en œuvre d’une politique publique, la prévention d’un risque naturel
ou technologique ou la maîtrise d’ouvrage d’un grand projet. Cette exigence n’est
pas seulement comptable, elle ne se limite pas à la vérification de la régularité,
elle est beaucoup plus large et porte aussi sur l’explicitation des enjeux, la qualité
des choix techniques et la juste appréciation des conséquences qu’ils auront au
regard de la sécurité.
Je suis donc heureux que cette journée de réflexion permette de tracer des pistes
nouvelles pour un renforcement de la crédibilité collégiale et individuelle de ceux
qui, au sein du Conseil, exercent des fonctions de contrôle où sont appelés à faire
l’expertise de projets, de risques ou , hélas, d’accidents de toutes origines.
Ensuite, je me réjouis aussi, particulièrement, que vous ayez associé à votre réflexion
nos partenaires de l’Union Européenne. J’ai en effet, à plusieurs reprises, insisté
sur le grand bénéfice qu’il y a à mieux connaître les pratiques et l’expérience de
nos partenaires tous confrontés aux mêmes exigences que nous, pour concilier, le
développement durable, l’accès de tous aux services essentiels et la maîtrise des
dépenses publiques.
La transparence mais aussi la compétence et la fiabilité
Un contrôle négligent, un dire d’expert sans véritable solidité peuvent avoir de
graves conséquences pour l’avenir. Or, nos concitoyens n’attendent plus seulement
d’un expert, qu’il vienne, a posteriori, dire le vrai mais qu’il soit aussi capable de
mobiliser son savoir pour anticiper l’avenir.
Bicentenaire du CGPC
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Allocution de Gilles de ROBIEN
Merci donc à chacun de ceux qui ont accepté de venir aujourd’hui à Paris partager
leur expérience du contrôle et de l’expertise. Merci à nos amis et collègues en
Allemagne, en Belgique, en Grande Bretagne, en Espagne et en Italie. Merci aussi
à ceux qui nous apportent l’éclairage de l’OCDE, de la Commission européenne,
de l’Institut Européen d’Administration Publique, le point de vue de l’Université et
d’autres grands corps français d’inspection ou de contrôle ou les réactions d’un
bureau d’étude privé ou d’un gestionnaire de grand réseau d’infrastructure.
Je sais dans quel esprit d’ouverture le CGPC, entraîné par le dynamisme de
Claude MARTINAND, a, comme je le lui avais demandé, entrepris de se réformer
à l’occasion de son bicentenaire.
Les réflexions que vous approfondirez au cours de ce colloque permettront
d’aller encore plus loin dans l’établissement de partenariats solides avec d’autres
institutions et d’autres cultures et le développement d’une expertise collégiale.
J’aurais aimé pouvoir venir clore vos travaux et entendre les grandes lignes qui se
dégageront de leurs conclusions. J’ai dû y renoncer mais tenu à venir vous dire, ce
matin, l’intérêt que vos réflexions présentent pour le grand travail de modernisation
de l’Etat et du management public entrepris sous la conduite du chef de l’Etat et
du Premier Ministre et l’attention avec laquelle je prendrai connaissance des actes
de ce colloque.
Les métiers de contrôle et d’expertise sont, pour toute démocratie, des métiers
indispensables, parce qu’ils permettent à chaque citoyen d’être informé sur les
vrais enjeux des choix qui les concernent et sur les conditions réelles de mise en
œuvre de ces choix.
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Bicentenaire du CGPC
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Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
Table ronde
mise à profit d’experts nationaux dans le cadre de la conception de la politique
des transports sera démontrée ici à l’exemple du ministère fédéral des Transports,
de la Construction et du Logement.
L’Etat doit-il être expert et le peut-il ?
Sur quelle forme d’expertise interne
et externe le gouvernement
doit-il pouvoir s’appuyer ?
La politique des transports ne se conçoit pas seulement comme une action concrète
de l’Etat. Dans le sens de l’action pratique elle se veut également une conception
des transports publics dans la mesure où les pouvoirs publics (l’Etat et les
entreprises publiques, les organisations supranationales comme l’UE) font valoir leur
influence sur les conditions propres au domaine des transports. Une telle influence
est également exercée par les institutions organisées non gouvernementales
(associations, syndicats, entreprises de transports, universités) ainsi que par les
groupes d’intérêts associés en vue de la poursuite d’un intérêt commun (groupes
d’action). Le but de la politique des transports de l’Etat consiste à réaliser, dans le
domaine des transports, des conditions souhaitées au niveau politique par la mise
en œuvre de programmes gouvernementaux, de conceptions générales, de textes
de lois, de plans d’infrastructures, et de fonds d’investissements tout en visant à
réaliser ces conditions par voie procédurale et réelle.
Heinz Jörg BORKENSTEIN, sous-directeur au ministère
fédéral allemand de l’Equipement
I. La situation de départ au niveau national
Les sociétés modernes se voient de plus en plus confrontées à des problèmes dont
l’ampleur et la profondeur est telle que ces problèmes ne peuvent être traités
ou résolus qu’à l’aide d’expertises stratégiques et scientifiques. En Allemagne
cette évolution a trouvé son expression dans la mise en place de comités de
consultants politiques et scientifiques mixtes comme par exemple la commission
Hartz, qui est chargée par le gouvernement fédéral d’élaborer des solutions pour
augmenter le nombre d’emplois et de présenter des propositions relatives à une
réforme du marché du travail. L’essentiel de cette évolution consiste dans le fait
que la résolution des problèmes implique souvent la présence d’un savoir inter- et
intradisciplinaire qui, associé à l’action politique, n’est pas disponible sous cette
forme dans la pratique scientifique générale.
Au niveau fédéral les organismes publics responsables de la politique des transports
sont le gouvernement fédéral, le Bundestag allemand (Parlement fédéral) et le
Bundesrat (Conseil fédéral) constitué par les représentants des seize Länder de la
République fédérale. La compétence législative en matière de politique de transports
est exercée par le Bundestag et le Bundesrat. L’Allemagne en tant qu’Etat fédéral
est constituée par l’Etat fédéral central (Bund) et les seize Länder. L’exercice des
fonctions et la réalisation des tâches publiques relèvent de la compétence des
Länder dans la mesure où la Loi fondamentale n’en dispose pas autrement. Dans
le domaine des transports les compétences de l’Etat fédéral diffèrent selon les
différents modes de transports : En ce qui concerne la construction de routes,
l’Etat fédéral (Bund) assume la responsabilité de l’infrastructure des grandes
routes fédérales. Les Länder assurent la construction et l’entretien des grandes
routes fédérales par délégation, l’Etat fédéral en exerce le contrôle et dispose
du pouvoir d’instruction. Pour les voies ferrées, l’Etat fédéral est responsable du
cadre juridique et du financement de l’élargissement du réseau ferroviaire. Les
entreprises ferroviaires agissent en leur qualité d’entreprises de droit privé. Pour
les voies navigables l’Etat fédéral est à lui seul responsable. Dans le domaine de la
navigation aérienne, l’Etat fédéral exerce la compétence législative. L’infrastructure
des aéroports relève de la compétence des Länder. Les transports en communs
En République fédérale d’Allemagne les acteurs politiques –dans la perception
de leur mission– s’assurent de plus en plus fréquemment du savoir et de l’appui
d’experts scientifiques internes ou externes (p. ex. au moyen de services
scientifiques créés spécialement à cet effet), et ce de différentes manières et dans
le cadre de structures variables. Dans le contexte du système fédéral la complexité
des tâches a ainsi fait apparaître, aux différents niveaux, une multitude de décideurs
qui, d’une manière ou d’une autre, contribuent à concevoir et à influencer les
processus tant au niveau de la politique générale qu’au niveau de la politique
sectorielle. Les interfaces générées par ce système ne sont pas toujours de nature
à simplifier la résolution des problèmes, mais elles permettent toutefois de traiter
les problèmes là ou ils se manifestent. Dans le contexte de la consultation des
hommes politiques par des scientifiques ceci constitue un défi particulier surtout
quand il s’agit de trouver des solutions élaborées « par une seule instance ». La
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Table ronde : l’Etat doit-il être expert et le peut-il ? Sur quelle forme d’expertise interne et externe le Gouvernement doit-il pouvoir s’appuyer ?
II. Le rassemblement de la politique et de l’expertise
au niveau national
par rail et par route relèvent de la compétence des Länder. En matière de politique
des transports l’Etat fédéral agit surtout au niveau de la planification intermodale
de l’infrastructure des transports ainsi que dans le domaine de la conception du
cadre juridique et de la fonction d’organisation. Les intérêts des Länder sont garantis
par la mise en place de procédures de concertation et d’association entre l’Etat
fédéral et les Länder, comme c’est le cas notamment au niveau législatif entre le
Bundestag (Parlement fédéral) et le Bundesrat (Conseil fédéral).
Solutions différentes
Les décideurs politiques au niveau fédéral ont choisi des solutions différentes pour
mettre à profit l’expertise nationale.
En raison de la position que lui confère la Constitution par rapport au pouvoir
exécutif, le Bundestag allemand dispose d’un service scientifique complexe doté
d’une bibliothèque de haut niveau et d’archives bien assortis qui lui permettent de
répondre aux questions qui se posent dans le cadre de l’action parlementaire et
de l’ensemble de l’action politique. Le Bundestag met en place des commissions
d’enquête qui traitent des questions importantes (p. ex. des questions d’éthique)
et organise, au sein des commissions, des auditions avec des scientifiques et des
hommes de terrain.
Tout comme le système politique, le système scientifique en Allemagne est marqué
lui aussi par l’empreinte fédérale : Les universités relèvent essentiellement de la
compétence des Länder. L’Etat fédéral participe directement à certains financements
dans le cadre des tâches qu’il exerce conjointement avec les Länder. L’existence
de 341 établissements universitaires, de 152 écoles d’enseignement supérieur, de
4 communautés scientifiques, de plusieurs grands établissements de recherche
regroupant plus de 200 instituts ainsi que d’environ 50 établissements de recherche
subordonnés aux ministères donne une idée de la dimension de la contribution
que les milieux scientifiques apportent à la solution des problèmes de la société, du
monde politique et scientifique, et reflète en même temps la nécessité qui incombe
aux responsables politiques de garantir une utilisation efficace de ce potentiel.
Les ministères fédéraux, eux, n’ont pas d’institutions scientifiques à leur propre
service qui seraient spécialisées dans des domaines particuliers de la politique
sectorielle respective mais ils ont configuré et structuré leurs apports de travail
internes et externes selon les besoins de leurs missions respectives. Toutefois
les structures se ressemblent comme le démontrent les pratiques du ministère
fédéral des transports, de la construction et du logement décrites ci-après à titre
d’exemple.
Pour bien comprendre le fond du rapport entre le savoir-faire national et la
politique, il convient d’emblée de mettre en évidence la difficulté particulière qui
réside dans le fait que le système du savoir existant ne reflète pas nécessairement
le système du problème qui intéresse les responsables politiques dans le cas
concret. En d’autres mots, il s’avère indispensable d’organiser un processus de
transfert entre le système du savoir et le système du problème. En Allemagne, ce
transfert est opéré principalement par la voie de la recherche effectuée au niveau
des ministères et les organismes mêmes de cette recherche. Dans ce but il faut
que le problème soit d’abord reconnu comme tel et concrétisé d’une manière
suffisante pour, ensuite, être transcrit dans un problème de savoir maniable
par le monde scientifique. Pour ce faire, il faut des hommes politiques et des
fonctionnaires disposant d’une formation scientifique ainsi que des scientifiques
et des experts habitués aux pratiques du monde politique pour garantir une
description du problème qui permette de proposer des solutions concrètes qui
peuvent être adoptées et réalisées par le monde politique. Par la suite seront
décrits les mécanismes fondamentaux de l’exploitation du savoir-faire au profit de
la politique en Allemagne.
Le cumul du savoir-faire au ministère fédéral des transports, de la
construction et du logement
n La mise à profit de l’expertise du ministère
Le ministère élabore les bases fondamentales des décisions relatives à la politique
des transports. Sa tâche consiste à garantir, à développer et à promouvoir les
transports en République fédérale d’Allemagne dans tous les domaines qui, selon
la Constitution, relèvent de la compétence de l’Etat fédéral. Il dispose du pouvoir
autonome de décréter, en accord avec le Bundesrat, des dispositions juridiques
et administratives afférentes au domaine des transports. Le ministère fédéral de
l‘économie, lui aussi, est responsable de certaines questions relatives aux transports
(aviation civile et espace). Le ministère fédéral de la recherche est responsable de la
recherche fondamentale dans le cadre de laquelle il lance des projets de recherche
en relation avec le domaine des transports. L’ Union européenne, finalement, assume
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Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
elle aussi une série de compétences au niveau des transports et de la recherche
en matière de transports.
universités du fait qu’il est axé sur la fourniture d’une aide concrète aux décisions
du ministère.
Au budget du ministère sont inscrits 12 titres de recherche dotés d’un volume
financier annuel de près de 40 millions d’euros. Chaque année le ministère établit, en
accord avec les organismes qui lui sont subordonnés, un programme de recherche
intégré qui est axé essentiellement sur les objectifs politiques du ministère et les
exigences liées à la réalisation pratique de ces objectifs. L’utilisation et la destination
des crédits affectés à la recherche sont définies d’une manière précise. Les champs
de recherche au niveau des secteurs de compétence du ministère sont très
différents les uns des autres. Ils englobent, entre autres, des activités de recherche
scientifique ainsi que des recherches liées à l’économie générale et spécifique du
secteur des transports en général, d’une part, et au niveau des différents modes
de transport, d’autre part, de même que des études sur la circulation routière,
des questions fondamentales concernant des modèles de financement privés, des
thèmes relatifs à la sécurité routière, à la navigation aérienne et aux voies navigables,
des projets modèles dans le domaine de l’aménagement du territoire ainsi que des
enquêtes ponctuelles. Le rayon des projets s’étend à la fois sur le soutien accordé
au ministère au niveau de l’élaboration de règles techniques, le contrôle des
conditions socio-économiques souvent difficiles qui accompagnent l’introduction
de techniques et de procédures innovantes, les projets expérimentaux dans le
domaine du logement et de l’urbanisme ainsi que le développement de nouvelles
formes de consultation sur le plan politique. L’appel d’offres de ces projets d’étude,
de recherche et de consultation est soumis aux conditions des marchés publics.
Aussi, les projets font-ils l’objet d’une mise en concours publique parfois même
au niveau de l’Union européenne. En règle générale, les attributaires des contrats
de recherche sont des établissements universitaires et extra-universitaires, des
entreprises de conseil privées, des groupes d’experts, des bureaux d’études et de
construction, des associations techniques, mais aussi des organismes appartenant
à l’Etat fédéral ou aux Länder, des sociétés techniques et scientifiques de transport
voire même des groupements de chercheurs qui, selon le type de contrat, s’associent
dans le but de réaliser en commun des études sur des questions plus complexes.
Au sein du ministère fédéral des transports, de la construction et du logement
avec ses huit directions générales le rassemblement de l’expertise est organisé de
la façon suivante : La direction des principes de la politique générale du ministère
qui assure la fonction de coordination assume la responsabilité des projets
intermodaux (p. ex. plan 2003 des infrastructures fédérales de transport, réseaux
trans-européens) et d’autres projets et objectifs politiques importants (tarification
de l’utilisation des autoroutes par les poids lourds, projet Galileo). Dans cette
fonction elle a également recours à l’expertise des différentes directions techniques.
Les directions techniques, elles aussi, associent les autres directions à leurs travaux
lorsque celles-ci sont également concernées par le sujet en question. Les quelque
300 projets de recherche, d’études et de consultation qui sont traités chaque année
sont coordonnés par le délégué à la recherche dont le poste est affilié à la direction
générale des principes de la politique. Pour répondre à des questions fondamentales,
le ministère met en place des commissions composées d’experts externes (p. ex.
en vue du financement de l’infrastructure des transports). Il organise des auditions,
des ateliers et des colloques pour scientifiques et hommes de terrain.
Il peut aussi commanditer des expertises et lancer des enquêtes et des sondages.
Le ministère a en outre largement recours au travail des organismes techniques
qui lui sont subordonnés et auxquels il a délégué une partie de ses missions ainsi
qu’au travail des instances spécialisées des autres ministères.
n Travaux
de recherche du ministère fédéral des transports, de la construction et
du logement axés sur les tâches spécifiques qui lui incombent
Une pratique essentielle de la consultation politique basée sur l’appui scientifique
consiste à associer l’expertise externe sous forme d’un travail dit de recherche
ministérielle, c’est-à-dire une recherche orientée vers la résolution de problèmes
et l’application pratique contrairement à la recherche fondamentale qui relève
de la compétence du ministère fédéral de l’éducation et de la recherche. Le
but principal de la recherche ministérielle consiste à mettre à la disposition
les connaissances nécessaires pour assumer en bonne et due forme les tâches
nationales et internationales du ministère. Ce type de recherche est destiné à
fournir les fondements scientifiques nécessaires à certaines décisions politiques. Il
se distingue de la recherche fondamentale pure telle qu’elle est effectuée par les
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Au niveau de la réalisation de la recherche ministérielle, les différents ministères
pratiquent un échange interministériel étroit dans le but de coordonner, en amont,
la mise en concours des projets, ce qui permet à d’autres ministères de faire valoir
leur influence sur l’appel d’offres avant l’attribution définitive des contrats et d’éviter
ainsi toute duplication de travaux.
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Table ronde : l’Etat doit-il être expert et le peut-il ? Sur quelle forme d’expertise interne et externe le Gouvernement doit-il pouvoir s’appuyer ?
Afin de faire profiter d’autres décideurs politiques également des résultats de la
recherche ministérielle et dans le but de leur faciliter l’accès aux informations
pertinentes, le ministère fédéral des transports, de la construction et du logement
a chargé plusieurs instituts scientifiques d’élaborer un système d’information qui a
pour but de répertorier et de documenter les questions importantes qui intéressent
le ministère, de donner un aperçu sur l’état actuel de la recherche en cette matière
au niveau national et international et de permettre ainsi une vue d’ensemble rapide
sur les projets respectifs actuellement en cours et les problèmes qui y sont liées.
établissements effectuent des recherches sur des questions qu’ils définissent euxmêmes et sur des questions définies par le ministère. Dans ce contexte, ils ont le
droit de passer des contrats de recherche complémentaires avec des établissements
tiers si cela s’avère nécessaire. Le ministère exerce la surveillance tutélaire et
administrative et dispose du droit d’instruction vis-à-vis de ces établissements qui lui
sont subordonnés. Les établissements de la recherche ministérielle se distinguent en
particulier par une transition délibérément courante des actes administratifs officiels
et souverains vers une recherche et un développement inter- et transdisciplinaire
orientés vers l’application pratique et complétée par une recherche axée sur des
applications dans un avenir plus lointain.
n Travaux
de recherche de l’Etat fédéral
Les établissements de recherche de l’Etat fédéral fournissent un apport indispensable
à la réalisation des tâches spécifiques des ministères. Ces établissements constituent
pour ainsi dire le maillon manquant entre les problèmes à résoudre au niveau
politique et l’échelon scientifique. En général, ces établissements de recherche sont
des institutions qui ont été créées en partie au cours des dernières décennies du
19ème siècle dans le but de garantir la réalisation ce certaines tâches spécifiques
de l’Etat comme par exemple l’entretien de services techniques. Afin de pouvoir
assurer une recherche scientifique liée à la résolution de problèmes spécifiques la
plupart des ministères, dont le ministère fédéral des transports, de la construction
et du logement, couvrent leur besoin permanent en expertises scientifiques par le
recours à des établissements de recherche ministérielle. Il s’agit là d’établissements
qu’ils ont mis en place eux-mêmes, c’est-à-dire des établissements qui assurent une
recherche orientée vers la consultation politique, ou encore d’autorités fédérales
supérieures qui, elles aussi, effectuent une partie de la recherche ministérielle.
Les établissements de la recherche ministérielle constituent un des échelons
scientifiques de la politique ministérielle qui fournissent des prestations spéciales
et des informations consultatives au service de la politique sectorielle. Les formes
typiques de la recherche ministérielle sont les suivantes :
• recherche et observation au service de la planification,
• consultation politique,
• normalisation technique,
• contrats de recherche et de consultation à court terme,
• recherche préventive axée sur des perspectives à long terme dans le cas
de problèmes latents.
Les tâches des différents établissements de recherche couvrent les champs politiques
majeurs du ministère fédéral des transports, de la construction et du logement qui
sont les suivants : recherches routières, transports ferroviaires, navigation aérienne,
navigation maritime, transports par voies navigables, constructions hydrauliques,
hydrographie, service de la météorologie, construction, aménagement du territoire,
urbanisme et logement. C’est ainsi que l’Institut fédéral des recherches routières, par
exemple, assume certaines tâches qui lui sont attribuées par la loi sur la statistique
des accidents et la loi sur la circulation routière.
Cet institut qui est également chargé du développement de la recherche routière
fournit au ministère des aides à la décision fondées sur des expériences scientifiques
en matière de recherche routière. Il est chargé d’augmenter la rentabilité de
la construction et de l’entretien des grandes routes fédérales, de contribuer à
la réduction des nuisances écologiques dues aux conditions des routes et de
promouvoir la mise en place d’un système général de transports efficace. La tâche
principale de cet institut consiste à assurer la recherche ministérielle ce qui le
distingue des autres établissements subordonnés dont les travaux de recherche
se réduisent à une mesure nettement moins grande.
n Etablissements universitaires et extra-universitaires
Dans le cadre de la consultation sur le plan de la programmation et de la mise
en oeuvre de leurs décisions, les responsables de la politique des transports ont
largement recours au paysage de la recherche universitaire et extra-universitaire.
Les fonds budgétaires de l’ordre de 40 millions d’euros par an mentionnés plus haut
sont prévus à cette fin. La multitude des projets d’études mis au concours publique
intéressent notamment les instituts universitaires et d’autres établissements
Le ministère fédéral dispose de six établissements de recherche ministérielle qui
lui sont subordonnés et qui assument des tâches sectorielles autonomes. Ces
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Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
scientifiques renommés. Les projets d’études sont financés également par d’autres
crédits budgétaires comme par exemple les fonds prévus pour le projet spécifique
du train à sustentation magnétique, le projet Galileo ou le projet de promotion de
nouvelles énergies. Les institutions de la recherche ministérielle passent elles-mêmes
de nombreux contrats de recherche avec les universités et les établissements extrauniversitaires. Il existe même un réseau spécifique très étroit entre les différentes
instances de la recherche ministérielle et les établissements de recherche libéraux
et indépendants.
en élaborant des expertises techniques ou en exprimant leur avis sur des questions
fondamentales ou spécifiques.
Le conseil consultatif pour l’aménagement du territoire conseille le ministre pour
des questions fondamentales du développement de l’espace. Les organismes de la
recherche ministérielle ont eux aussi parfois recours aux services de commissions
scientifiques consultatives qui expriment leur avis sur le travail des différents
organismes et soumettent des propositions.
n Associations
Consultation privée
La consultation axée sur les besoins de la pratique fait l’objet d’un intérêt croissant.
Ce genre de consultation proposé par des entreprises de conseil libérales, des
experts privés ou des bureaux d’études et de construction est surtout demandée
en vue de l’introduction de nouveaux systèmes dans le domaine de la télématique,
des technologies innovantes, de l’organisation et de la gestion de la circulation ou
encore quand il s’agit de résoudre des problèmes liés à la jurisprudence nationale
ou européenne. L’évaluation de questions écologiques, la transposition des
règlements communautaires dans les textes allemands qui régissent les transports
ou la construction, la collecte de données, la réalisation d’études prospectives
ou l’organisation de sondages sont autant de domaines qui peuvent concerner la
consultation privée.
Les milieux de l’industrie et du commerce, les associations de transport, les clubs
automobiles et autres organisations spécialisées en matière de transports font part
de leur expertise aux différents niveaux, et ce dans le cadre de colloques, de cercles
de travail, de congrès techniques, d’avis et d’entretiens. Les auditions prescrites
par la loi dans le cadre de la procédure législative sont une autre occasion pour
ces associations d’introduire leur expertise.
n
n Commissions mixtes Etat fédéral / Länder
Le rassemblement de l’expertise stratégique nationale au service de la politique
est réalisé également par le fait que dans les relations entre l’Etat fédéral et les
Länder les experts des deux échelons se rencontrent régulièrement au sein de
commissions mixtes pour évoquer des questions d’intérêt commun (construction
routière, code de la route, transport de matières dangereuses). Les délibérations
sur les projets de lois au sein du Bundesrat présentent une autre occasion pour
les experts des Länder et de l’Etat fédéral de rassembler leur expertise dans le
cadre des procédures parlementaires. Avant l’adoption finale des projets de lois
importants par le gouvernement fédéral, les représentants des Länder ont en outre
l’occasion d’exprimer leur avis et de présenter leur apport en expertise au stade
préparatoire de la procédure législative.
n Associations
spécialisées dans les sciences des transports
Certaines associations spécialisées dans les sciences des transports proposent,
elles aussi, des services de consultation et d’appui, à savoir l’Association allemande
pour les sciences des transports (Deutsche Verkehrswissenschaftliche Gesellschaft)
qui organise entre autres des congrès, des colloques et des ateliers ainsi que
l’Association pour la recherche routière et des transports (Forschungsgesellschaft
für Strassen- und Verkehrswesen) qui publie des notices explicatives sur des aspects
pratiques du secteur des transports.
n Autres
instruments
La recherche fondamentale telle qu’elle est pratiquée par le ministère de la
recherche dans le cadre de ses propres programmes de recherche en matière
de transports constitue elle aussi un élément important de l’apport en expertise
externe au service de la politique. Dans ce contexte il convient de mentionner
finalement les conseils apportés par la Cour fédérale des comptes dont le savoir
transversal proche de la politique est très apprécié.
Commissions scientifiques consultatives
La commission scientifique consultative instituée auprès du ministre fédéral des
transports est composée de 18 professeurs renommés (experts dans le domaine
de la technique, de la gestion d’entreprise, des sciences des transports et du droit)
qui conseillent le ministre pour les questions relevant du domaine des transports
n
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Table ronde : l’Etat doit-il être expert et le peut-il ? Sur quelle forme d’expertise interne et externe le Gouvernement doit-il pouvoir s’appuyer ?
III. Approches pour un rassemblement de l’expertise internationale au service de la politique
est extraordinairement hétérogène et l’éventail des activités de consultation
et d’appui qui rassemblent l’expertise interne et externe est assez large : la
consolidation des textes juridiques et des dispositions techniques ou non techniques
réglementaires, l’établissement et le suivi de programmes politiques, la mise au
point d’aides à la décision et les recherches sur la mobilité destinées à rendre
plus précises la prévision en matière de planification ne constituent que quelques
exemples pour illustrer ces activités. Contrairement aux méthodes appliquées par
les établissements de recherche libéraux et indépendants les approches inter- et
transdisciplinaires telles qu’elles sont pratiquées par la recherche ministérielle, sans
lesquelles la résolution de problèmes s’avère impossible, permettent de fournir
aux responsables politiques des réponses valables et réalisables non seulement
à des problèmes majeurs qui affectent la société, mais également à des questions
qui réclament des réponses à brève échéance. Cette méthode présente le grand
avantage qu’il n’est pas nécessaire, au préalable, de constituer longuement une
nouvelle expertise appropriée en fonction du problème qui se pose. Lors de l’appel
d’offres de projets de recherche, les établissements de recherche indépendants et
les conseillers libéraux sont pareillement associés à la consultation politique.
Au fil de l’avancement de l’intégration européenne et de la progression de
l’internationalisation les niveaux communautaire et international se voient attribuer
une importance sans cesse croissante ce qui implique que les responsables politiques
doivent avoir un intérêt de plus en plus grand à associer l’expertise communautaire
et internationale à leurs décisions. La coopération au sein de nombreux organismes
internationaux y contribue pour une part importante. Les multiples relations
nouées au fil des années facilitent l’échange de connaissances et d’idées. L’appui de
l’expertise scientifique internationale ainsi que l’expérience des bonnes pratiques
acquises donnent aux différents pays le moyen de choisir leur position en se basant
sur des décisions politiques fondées.
Outre les programmes de recherche nationaux, les programmes de recherche
et de coopération internationaux sont très importants pour la poursuite du
développement des systèmes de transport français et allemand ainsi que pour le
renforcement de la durabilité de la politique des transports. A titre d’exemple, il
convient d’indiquer ici le programme cadre de recherche de l’Union européenne,
le service de recherche commun de l’Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE) et de la Conférence européenne des
ministres des Transports (CEMT) avec leur nouveau programme de travail à l’horizon
2006, ainsi que la coopération franco-allemande en matière de recherche qui a
récemment fêté son 25e anniversaire et qui sert de modèle à de nombreuses formes
de coopération bilatérale. Une importance non moins grande doit être attribuée
à de nombreux autres modèles de coopération sur le plan de la recherche telles
que la coopération de l’Institut fédéral des recherches routières (Bundesanstalt
für Strassenwesen) avec la Pologne et la République tchèque ou bien encore le
projet de coopération ERA-NET Transport financé au titre du 6e programme cadre
de recherche et de développement (PCRD) qui –par l’organisation de différents
ateliers et la mise au point d’une méthodologie spécifique– vise à renforcer le
transfert de savoir-faire par le biais de la coopération transfrontalière en matière
de recherche.
Avec la compression des fonds budgétaires et la réduction continuelle des emplois
au sein de l’administration fédérale pour toile de fond, une discussion s’est engagée,
en République fédérale d’Allemagne, sur le montant des crédits attribués à la
recherche ministérielle et aux établissements de recherche qui la soutiennent, de
même que sur l’efficacité de la consultation externe des ministères, la pratique
de passation des contrats et l’optimisation de l’appui accordé à la politique par
l’expertise existante. En mai 2004, le Bundestag allemand a chargé le Conseil
scientifique allemand (Deutscher Wissenschaftsrat) ainsi que les hauts représentants
des universités et des écoles techniques supérieures d’évaluer le travail des
établissements de recherche des autorités fédérales en fonction de leur mission.
L’évaluation des institutions de recherche d’un ministère particulier déjà effectuée
auparavant par le Conseil scientifique allemand avait donné lieu à un certain
nombre de critiques. L’évaluation réclamée par le Parlement devra contribuer à
moderniser les institutions de recherche des autorités fédérales, à renforcer la
concurrence entre la recherche interne et la recherche externe, à améliorer la
qualité et à soutenir la promotion des jeunes fonctionnaires pour assurer que les
ministères puissent remplir leurs fonctions dans des conditions plus efficaces. Le
Conseil scientifique allemand avait, au préalable, effectué un examen rigoureux de
IV. Conclusion
Le présent aperçu qui ne se veut en aucun cas exhaustif a permis de montrer à
titre d’exemple, comment, en Allemagne, l’expertise nationale est mise en valeur
pour être rassemblée au service de la politique. Le besoin en conseils d’experts
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Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
bouquets touffus d’indicateurs, de quoi leur atteinte est-elle le reflet ? Quelle est
leur signification globale ? Quel reflet de quelle politique révèlent-ils? Le problème
est donc en amont sur la définition -nous l’avons vu à travers la Lolf- et le choix
des objectifs.
l’interaction entre les activités de recherche universitaires et extra-universitaires
d’une part, et la politique, d’autre part. Ayant constaté que cette interaction ne
fonctionnait pas dans les meilleures conditions, le Conseil scientifique avait, à l’issue
de son examen, défini comme tâches principales des établissements scientifiques
indépendants une plus forte orientation interdisciplinaire vers l’applicabilité
concrète de la recherche, une concentration renforcée sur les besoins de la
pratique et une plus forte internationalisation du système scientifique allemand. Les
organismes de recherche institutionnels, quant à eux, devraient, selon le Conseil
scientifique, limiter leurs activités à des fonctions absolument indispensables à
l’accomplissement d’actes officiels souverains et réglementaires. Les fonds ainsi
libérés devraient être utilisés dans le cadre des concours pour l’élargissement de
la promotion de programmes axés sur l’application pratique.
Deuxième remarque sur la force du contrôle et de son impact. Il réside sans doute
-cela a été dit sous différentes formes- dans la communication sur les indicateurs
et sur les résultats accompagnés de l’analyse critique de ceux-ci. Il y a alors tension
entre le pilotage et la communication. Le pilotage voudrait travailler sur un nombre
important d’indicateurs, mais sur un registre relativement micro. Alors que la
communication, qui est sur un registre plus macro, stratégique, global et politique,
aimerait davantage intervenir sur un nombre réduit d’indicateurs qui puissent parler
à nos interlocuteurs. Comment dépasser cette tension ? Sans doute, comme cela
a été dit plusieurs fois, par une mise en système de ces deux visions.
Dans le contexte de ces initiatives et dans le cadre du débat sur l’innovation et
la construction d’un espace de recherche européen la mise à profit renforcée de
l’expertise nationale –et internationale– au service de la politique fait l’objet d’un
défi continuel.
Tension ensuite entre contrôle interne et expertise externe : le contrôle interne
pousse à des corps spécialisés, à des régulateurs, faisant appel à davantage de
bureaux d’études, de laboratoires publics ou privés, et des audits internes.Alors que
l’expertise externe est plus nationale et internationale, dans une logique -comme
cela a été dit plusieurs fois- de benchmarking. Une telle approche va certainement
faciliter la critique des choix stratégiques déjà faits. Comment articuler ces deux
registres ? Là encore sans doute par une mise en système.
Alain BOUVIER, ancien recteur, chercheur au LAREQUOI,
chargé de mission à l’institut national de Recherche Pédagogique
Je vous prie de m’excuser par avance si mon intervention semble un peu décalée :
je suis dans un Ministère qui a ses particularités comme vous le savez. J’ai été très
intéressé par ce que j’ai entendu tout au long de la matinée. J’en ferai certainement
mon miel dans les actions que nous conduisons en direction de la formation des
cadres de l’Éducation nationale, et plus particulièrement des corps d’inspection.
Je vais me permettre d’évoquer le thème général de « contrôle, évaluation et
régulation », à travers quatre tensions ou paradoxes ou risques actuels. Je terminerai
par une perspective sur le contrôle d’un nouveau type en prenant aujourd’hui le
risque de m’adresser devant beaucoup plus spécialiste que moi !
Quatrième remarque : les risques d’effets pervers déjà évoqués. Ce sont ces
nouvelles formes de contrôle qui sont consécutifs à la complexité croissante des
systèmes, puisqu’il y a des risques de confusion entre ce qui relève du maître
d’ouvrage, des maîtres d’œuvre, des chefs d’opération et des partenaires, mais
aussi des risques d’incohérence entre ces niveaux. Enfin - risque majeur que l’on
devine bien et qui a été évoqué d’ailleurs très clairement - celui que le poids du
système de contrôle devienne supérieur à celui du système contrôlé, ce que certains
pourraient qualifier de risque de dérive technocratique ou bureaucratique.
D’abord sur les tensions, paradoxes et risques actuels, vous connaissez aussi bien
que moi celui de céder à la pression du grand nombre d’indicateurs de réalisation,
de résultats et de performances. C’est peut-être une facilité de privilégier leur
nombre par rapport, bien entendu, à la question beaucoup plus délicate de leur
pertinence. Elle risque d’esquiver les choix stratégiques et politiques. Face à ces
Alors, quelle perspective de contrôle de nouveau type ? Sans doute à travers,
comme cela a été dit, ces expériences et expertises croisées. Mais, dans ce cas,
comment les mobiliser de façon cohérente puisqu’il s’agit de multi-expertises ?
Faut-il se laisser entraîner vers un contrôle vertical qui pourrait être renforcé par
la Lolf ? Même si nous sommes tous vigilants par rapport à cela, comment s’adapter
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Table ronde : l’Etat doit-il être expert et le peut-il ? Sur quelle forme d’expertise interne et externe le Gouvernement doit-il pouvoir s’appuyer ?
à la déconcentration et à la réforme de l’Etat qui a été rappelée plusieurs fois ce
matin, à la décentralisation et à la complexité croissante des systèmes ?
des établissements publics. L’Etat avait un monopole pour à peu près toutes les
infrastructures de transports, qu’il s’agisse de la maîtrise d’ouvrage ou de la maîtrise
d’oeuvre. Ce schéma s’appuyait sur une organisation tout à fait cohérente, avec
des filières de recrutement dans les corps de l’Etat, des écoles d’ingénieurs de
grande qualité, des centres techniques rassemblant des compétences du plus haut
niveau.
Je vois deux pistes, mais il en a certainement beaucoup d’autres.
La première c’est de mieux poser le rapport entre contrôle externe et contrôle
interne par une priorité à l’expertise, au benchmarking, à l’évaluation des objectifs
et aux choix stratégiques et politiques. Mais aussi, deuxième piste, c’est de penser
une double complexité : la complexité du système d’action qui est fort divers, à
travers ses partenariats, les multi-décideurs, des actions croisées, mais aussi la
complexité du système de régulation lui-même qui nous invite à distinguer les
niveaux de régulation. Je crois que cela a été clairement évoqué plusieurs fois,
avec un premier niveau qui est celui du contrôle très ponctuel des réalisations, des
résultats et des performances, et un second niveau qui est celui de la pertinence
et de l’équité - en particulier quand il s’agit des services publics.
Nous avons donc clairement à penser en système face à cette complexité, à penser
le système de régulation, et aussi à assurer la « régulation de la régulation ».
Mais depuis une vingtaine d’années ce système a connu des bouleversements
extrêmement profonds. Ils sont liés d’une part, à la décentralisation et d’autre part,
aux règles de concurrence européennes. Par exemple, jusqu’au TGV-Méditerrranée,
la SNCF avait le monopole des maîtrises d’ouvrage et d’oeuvre des lignes à grande
vitesse. Pour le dernier groupe de contrats qui ont été attribués, je parle du TGV
Rhin-Rhône, la SNCF non seulement n’exerce plus la maîtrise d’ouvrage désormais
assurée par RFF, mais a vu sa participation à la maîtrise d’oeuvre très fortement
réduite au profit de l’ingénierie privée. On pourrait dire la même chose des
autoroutes. Dans un autre registre, les collectivités territoriales sont désormais
responsables de l’établissement de leurs documents d’urbanisme. Au total, on est
face à des changements extrêmement profonds : l’Etat et ses établissements publics
ont perdu peu à peu une grande partie de leurs missions de maîtrise d’ouvrage et
de maîtrise d’oeuvre au profit des collectivités territoriales et du secteur privé.
Ces changements soulèvent deux types de questions : les unes sur le secteur public
et les autres sur le secteur privé.
Gérard MASSIN, président du Groupe SETEC
Je voudrais tenter de donner mon point de vue sur la question qui nous est posée:
l’Etat doit-il être expert et le peut-il ?
Si l’on se souvient du ministère de l’Equipement des origines, celui d’Edgar PISANI,
on pourrait dire qu’il y avait alors un modèle français très clair où l’expertise
technique était, au plus haut niveau, détenue et incarnée par l’Etat.
Pour le secteur public, j’avoue que ce qui me fait peur actuellement, c’est de
voir fondre comme neige au soleil l’expertise technique de l’Etat. Cela ne se voit
pas encore beaucoup parce que les responsables qui sont maintenant dans des
fonctions de direction, de contrôle et d’expertise, ont encore commencé leur
carrière comme maître d’ouvrage ou maître d’oeuvre dans des arrondissements
opérationnels de DDE, dans des villes nouvelles : ils y ont acquis leur expertise.
Leurs successeurs ne sont pas dans cette situation et il y a un risque réel que sur
une durée de 20 à 40 ans, cette grande expertise, dont le CGPC est le symbole
et peut-être le gardien, fonde avec la disparition des grandes missions antérieures
de l’Etat et des organismes publics qui en dépendent.
Le ministère de l’Equipement de l’époque avait l’ambition d’être expert en toutes
choses relevant de sa compétence. Pour Nancy, par exemple, puisque nous venons
d’entendre son maire, avant la création de l’agence d’urbanisme au milieu des
années 70, c’était la DDE qui établissait le schéma directeur d’aménagement et
d’urbanisme. L’Etat se présentait donc non seulement comme le garant de l’intérêt
général mais aussi comme l’expert légitime des questions relatives à l’aménagement
et à l’urbanisme de l’agglomération nancéenne.
Il y a un choix à faire : un modèle possible est de laisser cette expertise fondre.
Pour dire les choses de façon un peu simplificatrice, c’est le modèle anglais : nos
amis anglais ne se frappent pas du tout d’avoir comme experts, y compris pour les
A cette même époque, l’Etat engageait des villes nouvelles, au besoin contre
l’avis des élus, et les faisait réaliser par ses fonctionnaires en tant que patrons
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Bicentenaire du CGPC
n 17 novembre 2004 - Ecole
Nationale d’Administration - Paris
Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
plus grands ouvrages, des bureaux d’ingénierie privée avec, de temps en temps, des
professeurs d’université. C’est un système qui fonctionne, mais est-il compatible
avec la culture française? Alors que l’on célèbre avec faste le 200e anniversaire du
CGPC, est-ce vraiment le projet formulé pour ce ministère?
devenue EADS. Dans chacun de ces cas on était dans des systèmes 100 % Etat,
souvent plus administratifs qu’industriels et commerciaux, et on se retrouve avec
des champions privés européens voire mondiaux.
Notre secteur d’activité, celui de l’expertise en génie civil et en infrastructures
de transport, est l’héritier d’une longue et brillante tradition. Il mérite mieux que
l’abandon. C’est la raison pour laquelle quand, il y a quelques mois, il a été question
de vendre le principal bureau d’études public français d’infrastructures à une société
américaine, je me suis peut-être frotté les mains comme patron de la SETEC mais,
comme citoyen et ingénieur des ponts, je me suis demandé dans quel monde étrange
on était tombé. Les enjeux sont sans doute moins forts que pour France Télécom,
Airbus ou Air France. Mais là comme ailleurs, l’Etat et les organismes qui lui sont
liés doivent veiller à se retirer en bon ordre s’ils décident de le faire, en favorisant
l’émergence d’acteurs privés français capables de reprendre le flambeau.
J’aurais alors tendance à faire la suggestion suivante : si ce n’est pas cela que l’on
veut, il faut s’en donner les moyens. Il faut arrêter de laisser partir si vite les
jeunes ingénieurs des Ponts ou des TPE hors de l’administration; il faut organiser
leurs carrières. Avec ce qu’il reste comme missions au ministère de l’Equipement,
avec les missions des collectivités locales et avec celles du secteur public au sens
large (RFF, sociétés d’autoroute à majorité d’Etat, Aéroport de Paris,...), il y a tout
à fait de quoi organiser de grandes carrières techniques dans le secteur public.
Celui-ci a probablement besoin de nettement moins de monde dans les corps de
l’Etat, mais il a de quoi rester un lieu d’expertise du plus haut niveau. Mais faites
attention, vu de l’extérieur, l’expertise de l’Etat est en train de fondre rapidement.
C’est toute une culture qui est en jeu et je suis content que la question soit posée
à l’occasiond’un colloque du CGPC.
En résumé, il me semble que notre pays a devant lui une double nécessité : d’un
côté, reconfigurer et réorganiser l’expertise publique, et en premier lieu celle de
l’Etat ; et de l’autre, être attentif à la nécessaire émergence d’une ingénierie privée
française à même d’assurer les missions qui ne sont plus effectuées directement
par le secteur public et de se situer au plus haut niveau dans la compétition
internationale.
S’agissant du secteur privé : il faut que l’on ait en tête qu’en France, le secteur
privé est lilliputien. Il n’y a à cela rien d’étonnant, puisque c’est la contrepartie de
la place ultra dominante occupée longtemps par les services techniques de l’Etat
et des grands organismes publics. Nous sommes à peu près 1000 à la SETEC, qui
est la société française qui se compare sans doute le plus aisément avec la grande
ingénierie d’Europe du Nord, notamment anglaise. Notre homologue anglais du
tunnel sous la Manche compte 15000 collaborateurs et il y a plusieurs sociétés en
Angleterre entre 3000 et 6000 personnes.
Claude GRESSIER, président de section du CGPC
On peut regretter effectivement le temps de « Monsieur l’ingénieur en chef » qui,
appuyé sur le Setra21 et le SAEI, était un expert reconnu et pas tellement mis en
cause, même si, de temps en temps, on le traitait de technocrate sans cœur, dans
le domaine de l’infrastructure et des politiques de transports. Mais les temps ont
changé, la société demande de la transparence, réclame des contre-expertises, et
les problèmes sont plus complexes.
Il y a bien sûr toujours des problèmes de génie civil, de transport et de prévision de
trafic, d’économie, mais aussi de montages financiers plus compliqués, plus innovants
aujourd’hui qu’hier - partenariats public-privé par exemple -, les problèmes de droit
et de contentieux (on ne fait plus une concession, un partenariat public-privé (PPP),
sans être accompagné de son avocat) et les problèmes d’urbanisme et de logement
Le point de vue que je voudrais défendre est le suivant : je pense que quand l’Etat
tourne la page du colbertisme, il doit faire attention à la transition. On ne peut pas
du jour au lendemain passer d’un système où l’Etat faisait tout et étouffait d’une
certaine manière les sociétés privées à un système où l’Etat dit : “je ne suis plus
responsable d’un certain nombre de missions, que le privé se débrouille !”
L’Etat a été, me semble-t-il, assez habile dans beaucoup d’autres domaines. Dans le cas
de France-Télécom, on est passé successivement d’une direction d’administration
centrale à un établissement public, puis à une société détenue par l’Etat, puis à
une société cotée en bourse. Sur 10 à 15 ans, l’Etat a su soigneusement organiser
la transition. Il a fait de même pour Air France, pour Airbus, pour l’Aérospatiale,
Bicentenaire du CGPC
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Setra : service d’études techniques des routes et autoroutes
Table ronde : l’Etat doit-il être expert et le peut-il ? Sur quelle forme d’expertise interne et externe le Gouvernement doit-il pouvoir s’appuyer ?
et, comme cela a été dit et qui est un nouveau besoin d’expertise, la réconciliation
des politiques sectorielles et des politiques des territoires.
Ce qui est à construire c’est de disposer, sur l’ensemble des sachants, d’experts
de l’Etat qui continuent à être véritablement experts dans un certain nombre de
domaines, mais qui soient aussi d’une expertise un peu nouvelle, c’est-à-dire qu’ils
soient capables de comprendre suffisamment le droit, les montages financiers, les
problèmes de matériaux de construction, sans être pour autant les spécialistes
pointus de chaque discipline, mais pour pouvoir être capables de faire travailler
ces spécialistes et d’en tirer des conséquences.
On peut prendre comme exemple la poste : ce n’est pas à elle seule de faire cette
réconciliation, mais l’Etat à travers ses décideurs politiques et son administration
doit travailler afin de réconcilier ses politiques sectorielles avec les politiques des
territoires.
Une deuxième réconciliation : celle des temps. J’ai l’impression qu’on est comme
la Lolf qui nécessite de produire chaque année des indicateurs. Or des indicateurs
susceptibles de varier significativement d’année en année s’adaptent assez mal à
des politiques d’investissements, voire de régulation : comment donc avoir des
indicateurs parlant pour le Parlement et pour le public qui rendent compte à la
fois de politiques de long terme (d’où la nécessité d’avoir un certain nombre de
politiques pluriannuelles), mais aussi qui apportent des réponses concrètes aux
citoyens sur des améliorations plus immédiates de la qualité des transports, de
celle des services ? Il s’agit en fait d’une nouvelle façon de penser (c’était déjà le
but des schémas de service) : moins d’investissements et plus d’exploitation, de
service, dans l’immédiat. C’est une évolution des types de compétences.
Par exemple, aujourd’hui des partenariats public-privé sont en train de se monter
(prisons, autoroutes...) : on voit bien qu’on a besoin d’un conseil financier, d’un
conseil juridique ; encore faut-il être capable de comprendre ce qu’ils disent et le
traduire dans les propositions de décision que l’on fait au Ministre.
Il y a donc nécessité d’une expertise d’Etat, indispensable, mais dont les fondements
nouveaux sont à créer : elle n’est pas de même nature qu’auparavant parce qu’elle
va s’appuyer sur un corps d’experts beaucoup plus diversifié : il y a des transitions
à opérer, il y a un corpus de doctrines à reconstruire car il y a eu une perte de
compétence ces dernières années. Cette reconstruction est donc la tâche que
nous devons maintenant réaliser.
Troisième point : dans notre pays, compte tenu de son histoire et de la demande
sociale, on ne peut pas se passer d’une expertise d’Etat. Quand quelque chose ne
va pas, on se retourne vers l’Etat, on crée des commissions d’enquêtes, il y a des
bureaux d’enquête-accident : l’aérien existe depuis longtemps, on vient de créer
le maritime et le terrestre, et en amont de cela, dans le système de la prévention,
il y a une demande à l’Etat.
u
Débat
Olivier JAY, chroniqueur au quotidien La Croix et éditorialiste à LCI
Madame SALLARD, quelle est votre réaction à l’issue de cette matinée ?
Odile SALLARD, directeur de la gouvernance publique et du développement
territorial à l’OCDE
L’ensemble des interventions de ce matin a bien montré le recentrage de l’Etat,
son encadrement par les niveaux supra et infra-national et le fait qu’il soit de plus
en plus souvent considéré par les citoyens comme comptable de sa politique.Tout
cela modifie profondément la nature de l’expertise. L’Etat sera vraisemblablement
amené à réaliser moins d’expertises lui-même et à en faire réaliser davantage. Il
devra donc penser son action de façon plus systémique. Cela modifiera aussi les
besoins de formation et conduira inévitablement au développement des réseaux.
Je suggèrerais donc que cette mise en réseau ne se fasse pas seulement au niveau
national mais aussi au niveau européen.
Cette demande à l’Etat n’implique pas que tous les experts soient des experts d’Etat.
Encore faut-il que le pilotage, l’accompagnement, la traduction de l’expertise vis-à-vis
des décideurs politiques soient faits par des gens habitués à l’appareil d’Etat car ils
sont, du point de vue de la préparation des décisions publiques, plus efficaces. Il s’agit
de piloter, d’accompagner un groupe d’experts venant d’horizons très divers - c’est
indispensable - de l’université, des bureaux d’études, de l’étranger bien entendu.
Encore faut-il ensuite traduire leurs avis dans un langage accessible aux décideurs
du pays en question, à ses administrations, et là, l’Etat et ses fonctionnaires ont un
rôle irremplaçable à jouer.
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Bicentenaire du CGPC
n 17 novembre 2004 - Ecole
Nationale d’Administration - Paris
Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
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5
vice-secrétariat, par le biais de l’inspection générale du Département, sera chargé
de :“... l’analyse et le contrôle des marchés de travaux publics relevant de la responsabilité
du Département, dans leurs aspects techniques, fonctionnels et administratifs, dans le
but d’obtenir la meilleure performance des investissements, sans préjudice des organes
sectoriels sur la matière ”.
Comment faire vivre la compétence
d’expertise et de contrôle au sein
des services de l’Etat ?
Ainsi, le domaine d’action de l’Inspection est l’analyse et le contrôle des travaux
publics, exécutés par le biais des procédures administratives de passation des
marchés publics correspondants, dans une triple optique : technique, fonctionnelle
et administrative. De ce fait, l’analyse et le contrôle de l’activité d’investissement
sont aussi vastes que les moyens matériels et humains peuvent le permettre ; or,
comme nous verrons plus loin, toutes les actions d’investissement ne sont pas à
priori soumises au contrôle de l’Inspection. Pour une meilleure efficacité, seules
les plus importantes, du point de vue quantitatif, sont impérativement soumises au
pilotage de l’Inspection. Les autorités du ministère peuvent néanmoins demander
à tout moment au Vice Secrétariat la réalisation de missions spécifiques dans le
domaine de l’inspection, dans le but d’informer et de proposer les mesures de
correction pertinentes concernant certaines actions d’investissement.
L’inspection espagnole spécialisée
dans les infrastructures :
quel type de contrôle
des gestionnaires délégués ?
Fernando ROJAS URTASUN, directeur général
de la programmation économique, ministère espagnol de l’Equipement
I. Antécédents historiques de l’Inspection
L’écroulement d’un pont, le Pont du Roi, vers la fin du XVIIIème Siècle est l’évènement
déterminant pour la création de l’Inspection des Chaussées et des Canaux, qui a
été proposée et dirigée par José NAURIN, à l’époque sus-délégué des Chaussées
en Catalogne.
Les particularités concrètes et les détails du mandat d’inspection sont réglementés
par l’arrêté du ministère de L’Équipement du 30 avril 1998, partiellement modifié
par les Arrêtés du 30 novembre 1998 et du 21 mars 2000.
Le 12 juin 1799 a été adopté à Aranjuez le Mandat Royal de création de l’Inspection.
Il a constitué l’origine de l’actuelle inspection générale du ministère de L’Équipement,
une division administrative qui a donc plus de 200 ans d’histoire et qui, sous diverses
formules organisationnelles, en fonction des usages administratifs en vigueur à
chaque époque, est demeurée depuis dans le domaine de l’Administration des
infrastructures des transports.
D’après cette réglementation, on différencie deux types d’actions : les actions
ordinaires et les actions extraordinaires. Les actions ordinaires assurées sont les
suivantes :
• pilotages spécifiques des travaux publics qui revêtent une importance
particulière en raison de leurs caractéristiques ;
• réception des travaux, dans les cas où le montant du marché conseille de
le faire.
II. Teneur actuelle des actions de contrôle assurées par l’Inspection
Les actions extraordinaires concernent l’établissement de rapports dans les
situations suivantes :
• Proposition de rédaction de projets de modifications de travaux ayant
déjà fait l’objet de la passation d’un marché.
• Propositions de rédaction de projets de travaux complémentaires aux
travaux engagés.
Dans l’actualité, les fonctions de l’inspection générale du ministère de L’Équipement
sont définies par l’article 11.2.f) du décret royal 1.476/2004, du 19 juin, date du
dernier réaménagement administratif du Département. Ce texte signale que le
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Comment faire vivre la compétence d’expertise et de contrôle au sein des services de l’ÉTAT?
III. Données principales des actions de contrôle
de le faire. De même, l’Inspection générale reçoit, à titre également obligatoire, les
travaux de nature complémentaire d’autres chantiers dont le budget final dépasse
le seuil indiqué de trois millions d’euros. Pendant l’année 2003, on a formalisé 188
réceptions de chantiers, pour une somme totale de 3,598 milliards d’euros. De
janvier à août 2004, 87 chantiers ont été reçus de la sorte, pour un montant de
presque 1,5 milliards de euros.
Actions ordinaires
Pilotage spécifique de certains contrats de travaux
Cette ligne d’action couvre la supervision de l’exécution matérielle de
certains contrats, en fonction de leur montant ou de leur importance pour le
Département.
L’analyse et le pilotage visent les critères de base de leur adjudication ; notamment
les trois volets du prix, du délai d’exécution et de la qualité des travaux. Il s’agit
en définitive d’un véritable contrôle opérationnel du déroulement de l’exécution
des travaux, dont les paramètres sont les conditions de l’appel d’offres : projet,
programme de travail, délais et prix, ainsi que les améliorations de ces chapitres
apportées par l’offre de l’adjudicataire. L’approche de travail consiste en un
pilotage continu de chacun des chantiers compris dans le programme de travail.
Cela permet de constituer une base de données qui reprend les éléments les plus
significatifs de chaque action, et qui aura un caractère d’archive historique des
actions. L’Inspecteur affecté effectue des visites régulières sur le chantier. Chacune
de ces visites fait l’objet d’un rapport qui recueille les informations et les incidents
les plus significatifs. Ces rapports sont adressés à l’organe responsable du marché
public, et peuvent contenir des recommandations d’action, dans le but de corriger
les écarts éventuellement décelés. Pendant l’exercice 2003, des pilotages spécifiques
ont été effectués sur 38 contrats de travaux. Pendant l’exercice 2004, 42 contrats
de travaux sont concernés par le pilotage spécifique en cours. Il s’agit de couvrir
de la sorte un volume important d’investissements du Département.
Actions extraordinaires
Rapports sur les “Propositions de rédaction de projets de modifications
de travaux”
Dans le cas où l’organe de gestion propose à l’organe de passation des marchés
publics la modification du contrat de travaux, un rapport de l’Inspection Générale
est exigé lorsque le budget du contrat concerné par la modification dépasse trois
millions d’euros, quel que soit le montant de la modification proposée. Ce rapport
est obligatoire, de sorte que le dossier de modification ne pourra pas avancer sans
l’avis de l’Inspection Générale. Ce rapport est complémentaire des précautions
prévues par la réglementation dans les cas de modification contractuelle. Pendant
l’année 2003, on a instruit 131 propositions de modification de travaux. De janvier
à août 2004, 110 propositions ont été instruites.
Rapports sur les “Propositions de rédaction de projets de travaux
complémentaires”.
Avec une teneur parallèle à celle des rapports décrits dans l’alinéa précédent,
l’Inspection générale doit informer sur les “Propositions de rédaction de projets
de travaux complémentaires” visées par l’article 141.d) de la Loi des Marchés des
Administrations Publiques, dont le texte modifié a été approuvé par le Décret
Royal Législatif 2/2000 du 16 juin, dès que le montant des travaux complémentaires
dépasse le seuil de six cent mille euros, et ce quel que soit le montant du
chantier principal. Pendant l’année 2003, on a instruit sur 11 propositions de
travaux complémentaires. De janvier à août 2004, 15 propositions de travaux
complémentaires ont été instruites.
Réception des travaux
Cette action comporte une présence physique et la révision sur le terrain de l’état
des travaux reçus de l’adjudicataire, dans le but de les mettre à la disposition du
service public. La législation espagnole exige un acte formel préalable à la remise
des infrastructures auquel, outre la société adjudicataire et le maître d’ouvrage,
assistent le contrôleur et l’Inspection des marchés publics. Le but de la présence de
ces experts indépendants de l’exécution des chantiers est de garantir l’existence et
la conformité des travaux avec les projets originaux, dans le but de garantir que les
biens et les services objet de la réception remplissent bien les conditions requises au
départ. L’Inspection générale assiste obligatoirement à la réception de tout chantier
dont le budget soit supérieur à trois millions d’euros et, à titre exceptionnel, à la
réception de chantiers d’un montant inférieur lorsque les circonstances conseillent
Procès-verbaux de reconnaissance et de vérification
La législation espagnole prévoit une procédure spéciale dans les cas des travaux
découlant de situations d’urgence (écroulements, dommages causés par des
catastrophes naturelles telles que des inondations, des sécheresses, des séismes,
etc.). Dans ces cas là, le principe du fait déterminant de l’action déclenche la mise
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Bicentenaire du CGPC
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Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
en route d’actions immédiates face à la situation de danger imminent. La procédure
exceptionnelle représente donc une mitigation des formalités requises en matière
de compétence pour la prise de décisions et d’actions par les organes de contrôle.
Face à ces situations de réduction impérative des paramètres de contrôle exigée par
les circonstances, l’action de l’Inspection générale consiste à vérifier les hypothèses
de fait qui ont donné lieu aux travaux d’urgence, et à mener un examen pour
constater si les actions entamées correspondent bien à l’urgence et aux besoins
découlant de la situation d’urgence. Cette ligne d’activité est documentée par des
procès-verbaux de reconnaissance et de vérification, établis une fois les travaux
correspondants achevés. Pendant l’année 2003, 8 procès-verbaux de ce type ont
été dressés. De janvier à août de l’année en cours, on a formalisé 5 procès-verbaux
de ce type.
leur statut adapté garantissent la qualité et la pertinence de leurs avis ainsi que la
rentabilité fonctionnelle et opérationnelle de leurs interventions.
V. Caractéristiques principales du type de contrôle assuré par l’Inspection
Suite à la description des principales fonctions assignées à l’Inspection générale du
ministère de l’Équipement, il convient de s’arrêter, même brièvement, sur certaines
des caractéristiques de son organisation et son fonctionnement, dans le but de
saisir la nature de son travail.
En premier lieu, l’Inspection générale s’intègre dans la structure organisationnelle et
fonctionnelle du ministère de l’Équipement, et elle est servie par des fonctionnaires
qui proviennent notamment des corps qui prêtent leurs services au sein du
ministère. Il est clair qu’il s’agit d’un organe de contrôle “interne” du ministère
lui-même, dont les effectifs sont des fonctionnaires du ministère. L’indépendance
et l’impartialité nécessaires de leur critère sont garanties par des formules
organisationnelles adaptées.
IV. Domaine d’action
Les actions décrites sont développées dans le domaine des services du ministère
de L’Équipement, et s’étendent également aux organismes qui en dépendent.
Cependant, en raison de leurs particularités organisationnelles et fonctionnelles,
les institutions publiques d’ordre entrepreneurial AENA, RENFE et FEVE restent
en dehors de leur compétence. Ainsi, quasiment l’ensemble des travaux publics
en matière d’infrastructures sont inclus dans le domaine d’action : les routes, les
infrastructures ferroviaires et les ports. Il est important de signaler que l’Inspection
générale intervient dans le cadre du ministère de l’Équipement, et qu’elle élargit
son activité suivant le schéma des compétences du ministère, c’est-à-dire sur les
actions dont la compétence revient à l’état. Dans ce sens, il faut préciser qu’outre
l’état, les gouvernements régionaux (« communautés autonomes ») et les entités
locales ont certaines attributions en matière de construction et de conservation
des infrastructures du transport, qui découlent de leurs chapitres de compétences.
Ainsi, la compétence de l’Inspection générale du ministère de L’Équipement se
limite aux infrastructures de transport du domaine national gérées à travers le
propre ministère ou des organismes ou institutions publiques entrepreneuriales
qui en dépendent, à quelques exceptions près, comme par exemple les aéroports
d’intérêt général gérés par AENA.
Ainsi, l’Inspection générale relève directement du vice-secrétariat du ministère, et
c’est à cet organe que les inspecteurs soumettent leurs rapports. Il faut préciser
que le vice-secrétariat n’est directement engagé ni dans les procédures de
sélection compétitive des maîtres d’ouvrage, ni dans l’exécution des travaux, ni
dans leur direction ou leur pilotage technique. Le vice-secrétariat a cependant les
compétences de contrôle économique et de pilotage de l’efficacité et de l’efficience
dans les tâches d’exécution du Département. Par conséquent, le rattachement de
l’Inspection générale au vice-secrétariat garantit, d’une part, l’indépendance des
inspecteurs par rapport aux organes de gestion, et, d’autre part, la soumission des
rapports aux organes chargés du contrôle de gestion du Département. Dans ce
sens, l’Inspection générale est un organe spécialisé de contrôle et de pilotage des
travaux publics, avec une vocation d’indépendance à l’égard des organes de gestion
directement engagés dans leur exécution.
Cette impartialité, nécessaire à l’évaluation indépendante des résultats des
actions examinées, est complétée par un deuxième trait qui identifie l’Inspection
générale. Il s’agit du professionnalisme des équipes de travail qui la composent.
Les inspecteurs généraux jouissent d’un statut élevé dans l’organisation, et leur
Pour développer ces compétences, les effectifs actuels comprennent huit
inspecteurs généraux, qui constituent le noyau d’une équipe de travail qui affiche
une qualification professionnelle élevée. Leur formation, leur spécialisation et
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L’inspection espagnole spécialisée dans les infrastructures : quel type de contrôle des gestionnaires délégués ?
sélection est effectuée notamment en fonction de leurs mérites professionnels, en
général démontrés tout au long d’une carrière prolongée au service du ministère.
L’expérience accumulée au long de nombreuses années d’exercice de la profession
est particulièrement prise en ligne de compte lorsqu’il s’agit de couvrir un des
postes d’inspecteur général.
En conclusion, l’Inspection générale du ministère de l’Équipement a la mission
importante d’informer, corriger et améliorer le processus complexe d’exécution
des travaux publics relevant de la responsabilité de l’État.
Les inspecteurs généraux disposent d’équipes réduites d’experts professionnels
qui assurent le rôle d’équipes d’audit opérationnel spécialisées dans la gestion
des contrats et de l’investissement public. Le professionnalisme, le savoir-faire
et la spécialisation professionnelle des inspecteurs généraux contribuent donc à
l’indépendance de critère recherchée.
Finalement, il faut également signaler une caractéristique remarquable de l’Inspection
générale : son intégration absolue dans le processus de direction du Département.
Les rapports de l’Inspection générale sont particulièrement pris en ligne de compte
tant dans le processus de révision des résultats d’intervention, au moment de
l’examen du degré d’avancement dans l’exécution des objectifs visés, comme
dans la critique des actions incorrectement planifiées ou exécutées. Ce rôle de
critique constructive permanente sur l’action planifiée du Département contribue
à l’établissement de critères retenus pour la formulation des objectifs des nouvelles
actions, et contribue donc à repérer et corriger les actions erronées.
VI. Objet et utilité de l’Inspection
En résumé, on peut donc affirmer que l’Inspection générale du ministère de
L’Équipement est un organe de contrôle de l’exécution des travaux publics relevant
de la responsabilité de l’État, et qu’il exerce ses compétences de manière spécialisée
et permanente.
L’impartialité des décisions de l’Inspection générale par rapport aux gestionnaires
publics, ainsi que le professionnalisme et la spécialisation de ses titulaires garantissent
dans une forte mesure l’indépendance des avis et l’utilité de leurs rapports et
études. Tout ceci contribue à garantir le contrôle des écarts dans l’exécution des
chantiers publics, et à prolonger prospectivement leurs avis dans le processus de
planification de nouvelles actions.
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Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
Bien qu’elle soit indépendante de l’organisation ministérielle et qu’elle soit, donc,
en position paritaire par rapport au Gouvernement et au Parlement, l’Autorité
n’agit pas dans une condition d’isolement et de séparation par rapport aux
sujets institutionnels qui sont acteurs des choix politiques, mais, au contraire, elle
entretient et engage des rapports de collaboration et des échanges d’informations,
indispensables pour déployer à plein régime sa propre fonction de régulation dans
le marché des travaux publics.
Comment contrôler l’efficience des choix
et modes opératoires des marchés
de travaux publics ?
Alfonso Maria ROSSI BRIGANTE, président de l’Autorité indépendante
italienne de contrôle des marchés de travaux publics
L’Autorité est reliée au Parlement, tout d’abord parce que ses membres sont
désignés par les Présidents de la Chambre et du Sénat d’un commun accord. En
second lieu, elle engage un dialogue institutionnel avec les Chambres, par rapport
auxquelles elle se trouve dans une position auxiliaire, en présentant les analyses
des phénomènes du marché des travaux publics au Parlement pour l’exercice du
contrôle politique et en déférant, même indépendamment du rapport annuel, les
faits relevés et dignes de considération de la part de l’organe législatif national.
La récente directive communautaire 18/2004 du 31 mars 2004, relative à la
«coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services » (qui devra être transposée dans les États membres avant le
31 janvier 2006), a reconnu, dans le cadre européen, l’exigence d’un contrôle sur
les procédures de passation de marchés et la nécessité d’une harmonisation des
systèmes juridiques des États membres en la matière, en prévoyant la faculté de
désigner ou d’établir un organe indépendant qui puisse exercer ces fonctions de
vigilance. [Nous parlons en Italie de vigilance et je crois que vous parlez plutôt en
France de contrôle.]
Sous cet aspect, l’Autorité est un instrument important d’observation permanente
(un oeil attentif) sur un marché qui a une portée stratégique évidente, un instrument
toujours prêt à enregistrer tout changement et toute évolution, y compris, donc,
les anomalies et les déformations possibles, ainsi qu’à fournir une représentation
complète et une mise à jour de la situation réelle du marché en question.
En Italie, dès 1990 on avait déjà saisi la nécessité de créer un tel organisme
indépendant, lorsque l’Autorité garante de la concurrence et du marché, qui avait
reçu mandat de prendre les mesures nécessaires pour rendre la réglementation des
marchés publics de travaux conforme aux principes de la concurrence, avait signalé,
à l’occasion d’un rapport au Président du Conseil des ministres, l’opportunité de
créer une institution nouvelle et indépendante avec des fonctions de contrôle des
marchés de travaux publics.
Enfin, l’Autorité fournit une aide indispensable à l’appui des choix normatifs, en
offrant au Parlement les instruments de connaissance et d’analyse (y compris
l’analyse d’impact) indispensables en vue d’ éclairer les interventions législatives en
la matière. L’interaction avec les Organes politiques ne se produit pas seulement
à travers l’exercice du pouvoir de faire rapport au Parlement, auquel on a fait
allusion jusqu’à présent, mais surtout au moyen de l’exercice du pouvoir principal
de l’Autorité : le pouvoir d’édicter des actes de régulation.
Vu désormais l’urgence d’intervenir à un moment où (les années 1992-1995)
la chronique dénonçait chaque jour des phénomènes de corruption graves et
endémiques dans le domaine des marchés publics, le Législateur promulgua la loicadre 11 février 1994, n.109, qui a prévu l’institution de l’Autorité pour la vigilance
sur les travaux publics.
À cet égard, il faut déterminer les typologies d’actes que l’Autorité peut adopter
dans l’exercice des fonctions de vigilance que la loi lui a assignées, tout en les classant
à l’intérieur des sources normatives qui encadrent le marché des travaux publics.
Comme chacun sans doute le sait, le pouvoir de régulation habilite à la production
de règlements au sens propre, d’actes généraux d’administration et de tout genre
d’acte de nature à diriger et à mettre en conformité les comportements des sujets
réglementés (en l’espèce, les pouvoirs adjudicateurs et les entreprises).
Cette loi configure l’Autorité comme un sujet «tiers» par rapport aux opérateurs
publics et privés qui entretiennent des relations dans le domaine des travaux
publics, un sujet qui agit pour défendre les intérêts publics primaires, tels que la libre
concurrence dans les marchés publics de travaux, la qualité de l’ouvrage, l’efficience,
l’efficacité, la ponctualité, la transparence et la régularité de l’action administrative.
Bicentenaire du CGPC
n 17 novembre 2004 - Ecole
Nationale d’Administration - Paris
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Comment contrôler l’efficience des choix et modes opératoires des marchés de travaux publics ?
Bien qu’elles ne soient pas expressément prévues par la loi-cadre de 1994, ces
formes d’intervention se concrétisent dans l’adoption soit d’actes de régulation
proprement dits, qui décident les éléments de solution par rapport à des problèmes
d’ordre général ou à des questions de principe, soit de décisions qui établissent
des règles communes dans certains domaines ou par rapport à des moments
particuliers de l’activité en la matière, soit encore de délibérations adoptées pour
la solution de cas d’espèce concrets.
administratives impose à l’Autorité de faire un examen attentif de la réglementation
édictée par chaque Région en matière de travaux publics, de sorte que les différences
ne fassent pas obstacle à l’observance des deux principes fondamentaux de notre
système juridique et du système juridique européen : le principe de la concurrence,
qui risque d’être mis à mal par des dispositions normatives discriminantes, et
l’obligation de ne créer aucun obstacle à la libre circulation dans le territoire de
la République des entreprises qui appartiennent aux autres États communautaires
et, évidemment, des entreprises italiennes.
Grâce à ces trois typologies d’actes, l’Autorité intervient donc dans le domaine
propre aux pratiques administratives comme dans celui de l’initiative privée, afin
de pouvoir orienter les opérateurs du marché par rapport auquel elle exerce la
vigilance vers des choix conformes non seulement aux normes primaires et aux
règlements d’exécution mais aussi aux critères d’efficience, d’efficacité, de rationalité
économique de l’action administrative et au principe de la libre concurrence. Pour
simplifier, on peut donc dire que les actes de l’Autorité représentent un quatrième
niveau d’intervention dans la discipline en question, là où les deux premiers niveaux
sont réservés à l’activité normative primaire et secondaire, et le troisième niveau
est réservé aux choix interprétatifs que l’Autorité politique accomplit, par rapport
au contenu des deux précédents niveaux, au moyen d’actes officiels (circulaires,
directives et d’autres actes ayant une valeur générale).
L’Autorité doit, donc, garantir au moyen de ses propres fonctions une forme
particulière de « protection de la concurrence » dans les marchés de travaux
publics.
La matière de la protection de la concurrence, d’ailleurs, est dans la liste du nouvel
article 117 de la Constitution, parmi les matières qui sont remises au pouvoir de
législation exclusif de l’État, puisqu’elle tend à protéger des intérêts non divisibles
sur le territoire et qu’elle présente, donc, des aspects d’autonomies qui touchent
de façon transversale plusieurs matières.
Les principes constitutionnels et communautaires, dont l’Autorité doit garantir
le respect, constituent, du reste, les limites principales au pouvoir de législation
exclusif des régions dans la matière des marchés de travaux publics, aux termes de
l’article 117, alinéa 1, de la Constitution. La vigilance de l’Autorité sur le respect de
ces principes acquiert, donc, une importance nouvelle et fondamentale en fonction
de telles limites.
À ce sujet, l’Autorité n’oublie pas d’apporter une aide qualifiée au Gouvernement, en
proposant la modification des règlements édictés par l’administration aussi bien que
celle des interventions de compétence administrative. En outre, d’autres rapports
fonctionnels avec les administrations qui agissent dans le domaine en question
ont contribué à renforcer ce rapprochement : en particulier, l’exercice d’une
fonction consultative, à caractère facultatif, préalable à l’adoption des dispositions
réglementaires qui sont dans la compétence des mêmes administrations, ainsi que
l’institution de groupes de travail en commun destinés à la proposition de solutions
opératoires aux problèmes qui surgissent.
Pour la protection du principe de la libre concurrence, sans doute l’un des principes
fondamentaux de l’Union européenne, l’Autorité agit en accord et en collaboration
avec la Commission européenne, en signalant les phénomènes nationaux d’altération
par rapport au droit communautaire et en assurant l’accomplissement réel et
uniforme des règles de l’Union européenne dans le système juridique italien.
Dans l’intention de poursuivre les mêmes objectifs qui ont été illustrés jusqu’ici,
l’Autorité a engagé un rattachement stable au système des autorités locales, en
faisant recours à la souscription de protocoles.
Un autre aspect particulier de l’expérience italienne de l’Autorité indépendante
de vigilance sur les marchés de travaux publics, qui peut ici intéresser, concerne
les actions destinées à poursuivre le critère du meilleur choix économique ou de
l’offre économiquement la plus avantageuse. De telles actions n’interviennent pas
exclusivement au moment où les pouvoirs adjudicateurs choisissent au préalable
Il est juste de rappeler ici les modifications qui ont été apportées au titre V de
la Constitution italienne : la nouvelle répartition des compétences législatives et
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Bicentenaire du CGPC
n 17 novembre 2004 - Ecole
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Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
les procédures de passation, mais elles s’appliquent de même aux phases suivantes,
afin de pouvoir vérifier les délais, les coûts et la qualité des ouvrages.
Malgré toutes les significatives et importantes fonctions qui lui sont attribuées par
la loi, l’Autorité ne possède pas un pouvoir d’ingérence sur chaque procédure de
passation en particulier, elle ne peut intenter un contrôle juridictionnel à travers
la contestation autonome des actes d’attribution des marchés retenus illégitimes,
elle n’a pas non plus le pouvoir de régler une contestation par voie extrajudiciaire,
en indiquant la règle qu’il faut suivre dans le cas d’espèce.
Dans la phase initiale de la procédure pour l’attribution des marchés publics de
travaux, phase qui est disciplinée par des règles à caractère public, la fonction de
vigilance s’adresse, donc, surtout aux pouvoirs adjudicateurs et produit, à l’égard du
destinataire, des effets stimulants avec des possibles procédures de reconsidération
administrative et d’auto protection.
De plus, en corrélation fonctionnelle avec ses propres activités institutionnelles,
l’Autorité a des pouvoirs d’instruction assez incisifs, qui peuvent être activés d’office
ou sur la signalisation de quiconque avec un intérêt. De tels pouvoirs d’instruction
sont soutenus par des pouvoirs de sanction qui répriment la violation d’un devoir
serré d’information vers l’Autorité à la charge de tous les opérateurs du secteur.
Toutefois, ces pouvoirs d’instruction si intenses, qui sont d’ailleurs soutenus par des
sanctions significatives du point de vue de leur efficience et efficacité, ne répondent
point à des pouvoirs capables d’avoir une incidence sur les procédures de passation
des travaux publics ou sur les phases d’exécution des contrats correspondants. En
effet, le pouvoir de sanction de l’Autorité est destiné uniquement à sanctionner des
comportements défaillants par rapport au devoir d’information évoqué ci-dessus.
A la suite de l’intervention de l’Autorité dans les procédures de passations en
particulier, une procédure du second degré est engagée qui aboutit à une mesure
motivée de confirmation, de réformation, d’auto annulation ou de révocation de
l’adjudication.
Le même pouvoir de vigilance s’exerce dans les phases relatives à l’exécution
du marché et peut donner lieu à des interventions de l’Autorité non seulement
pour établir les causes et les comportements qui entraînent des déséquilibres
économiques et qui peuvent amener à la formulation de règles générales, mais
aussi pour convenir des correctifs correspondants, dans certains cas d’espèce
concrets, ou encore pour effectuer des inspections afin de constater un éventuel
dommage domanial. En particulier, le pouvoir de vigilance sur l’observance de la
discipline législative et réglementaire en la matière consiste en une constatation de
conformité du comportement des sujets qui agissent dans le secteur en question
aux dispositions de loi, tout en dirigeant l’activité correspondante vers des objectifs
d’intérêt public. On sait, d’ailleurs, qu’il s’agit d’un acte de constatation chaque fois
que l’on est en présence d’une déclaration d’expert destinée à supprimer une
situation d’incertitude objective relative à un cas d’espèce juridique.
Afin de dépasser ces limites et de fournir à l’Autorité pour la vigilance sur les
travaux publics des instruments proportionnés et efficaces pour la poursuite de ses
fonctions propres, l’intervention d’initiatives législatives qui puissent lui reconnaître
des pouvoirs coercitifs à l’égard des opérateurs du secteur et qui puissent la rendre
en mesure d’influencer directement le marché est souhaitable.
À ce propos, il est intéressant de souligner que la Commission européenne, lors
de la Communication du 7 mai 2003, a appuyé l’intention de proposer aux États
membres, dans le cadre de révision de la directive sur les procédures de contestation
dans le domaine des marchés publics, l’attribution à une autorité de vigilance
nationale du pouvoir de recourir de façon autonome aux voies juridictionnelles ;
une telle autorité non seulement doit pouvoir être indépendante par rapport aux
pouvoirs adjudicateurs, mais encore elle doit pouvoir sanctionner de façon efficace
les phénomènes de non exécution graves.
Il est, pourtant, clair que le pouvoir de vigilance de l’Autorité donne lieu à une
multiplicité d’actes parmi lesquels figurent sans doute, outre les actes de régulation
interprétative, les auditions dans les différents cas d’espèce, auditions qui ont
donc une valeur d’actes de référence et qui sont destinés à rappeler aux sujets
responsables l’interprétation correcte des dispositions de loi qui encadrent le
marché en question. Il s’ensuit que les mesures adoptées par l’Autorité dans
l’exercice du pouvoir de vigilance se présentent à l’extérieur non pas comme
déclaration d’illégitimité des dispositions adoptées, mais plutôt comme invitation
à reconsidérer l’opportunité de leur adoption.
Bicentenaire du CGPC
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D’un autre côté, conformément à la directive n.18/2004, il est enfin naturel que les
fonctions de l’Autorité augmentent jusqu’à comprendre la vigilance et le contrôle
sur les marchés publics de services et de fournitures.
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Quel profil pour les experts et les régulateurs de demain ? Quel recrutement et quelle alternance des carrières ?
le besoin d’expertise et ouvre le champ du contrôle du respect des engagements
pris par les maîtres d’ouvrage dans ces procédures.
Quel profil pour les experts
et les régulateurs de demain ?
Quel recrutement et quelle alternance
des carrières ?
Montée des risques (naturels, technologiques)
et parallèlement des risques juridiques
La crainte (et le refus) des risques (naturels ou technologiques) par la société au
moment même où certains paraissent se développer conduit à un besoin croissant
d’expertise (pluraliste et contradictoire) et accroît en même temps le risque
juridique pour les réalisateurs et ceux en charge de contrôler leur activité.
Jean-Pierre GIBLIN, président de section du CGPC
Cet exposé s’appuie principalement sur l’expérience du CGPC dans les activités
d’expertise et de contrôle dans les domaines techniques et principalement
infrastructures et bâtiments.
Responsabilisation des acteurs
I. Evolution du contexte des activités d’expertise
et de contrôle
Les pratiques modernes du management conduisent à développer la culture de
responsabilité à tous les niveaux (Lolf notamment) et à identifier clairement cellesci en général par contrat.
Séparation
Rôle croissant de la norme, démarches qualité
des fonctions, fin des structures intégrées et
centralisées
Tout ce qui précède pousse au développement de démarches qualité et au recours à
des référentiels qui constituent la base même des processus de contrôle (de qualité
ou de respect de règles). Normes, réglementation et même référentiels résultent
de plus en plus d’une élaboration partagée entre professionnels ou acteurs et sont
donc de moins en moins imposées « d’en haut ».
La séparation régulateur/opérateur, infrastructure/services, maîtrise d’ouvrage/
maîtrise d’œuvre accompagne la disparition progressive des structures intégrées en
situation de monopole et l’ouverture de la concurrence. La compétence technique
se segmente et tend à sortir de la sphère de l’administration.
Distinction
corrélative des métiers, professionnalisation,
externalisation
II. Un nouveau positionnement de l’Etat
Cette séparation des fonctions et la crainte des conflits d’intérêts, l’évolution et la
sophistication des techniques, le souci de professionnalisation, la tendance générale
de l’économie à externaliser ce que l’on ne sait pas bien faire ou ce qui n’est pas
le cœur du métier, conduisent à une spécialisation professionnelle. La prolifération
des réglementations (notamment dans le champ environnement et santé) a donné
naissance à de nouvelles activités (contrôleurs techniques, diagnostiqueurs).
Une posture plus en amont
La transformation de son rôle économique et la disparition de situation de
monopoles dans les services en réseaux et leur ouverture à la concurrence amène
la multiplication d’entités juridiques distinctes de l’Etat pour assurer des fonctions de
régulateur, de maître d’ouvrage, d’opérateur. L’indépendance de certaines structures
et le développement de relations contractuelles (avec des concessionnaires ou de
délégataires) au lieu et place d’une tutelle impacte directement le rôle de l’Etat et
de ses structures d’expertise et de contrôle.
Complexification des processus de l’action publique
(décentralisation, débat public)
La décentralisation entraîne un transfert de missions vers les collectivités locales
et modifie aussi les fonctions exercées par l’Etat au niveau territorial ou central
(expertise, contrôle). Elle pose plus précisément la question du contrôle et de
l’évaluation des politiques décentralisées. Concertation et débat public développent
L’Union européenne créatrice de droit et de normes
La construction européenne modifie profondément, sans nécessairement le réduire,
le rôle de l’administration nationale (activité consacrée à la préparation et à la
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Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
discussion de textes européens, transposition en droit français). Mais dans tous
les cas les Etats membres restent responsables devant l’Union de l’application sur
leur territoires des directives européennes.
dans le projet (ou le problème) que donne l’expertise entre en conflit avec la
distance à conserver avec les acteurs dans l’exercice du contrôle. Elles réclament
néanmoins des compétences communes car on ne peut exercer un métier de
contrôle sans une certaine « expertise » du sujet. Bien plus il y a un enrichissement
mutuel à exercer l’une et l’autre. Mais on se situe à l’antithèse de la tragédie
classique: il faut proscrire l’unité de lieu, d’action et de temps.
De nouvelles attentes de la société vis à vis de l’Etat
Simultanément le champ de l’action publique se déplace. La société attend
notamment de l’Etat qu’il assure :
• une solidarité (équité) sociale et territoriale ;
• une protection contre les risques naturels technologiques ou sociaux en
anticipant si possible les problèmes ;
• un contrôle plus strict de l’application des lois et règlements ainsi que de
la mise en œuvre des politiques publiques.
L’expertise devient plurielle (indépendance, diversité)
Pour faire à la complexité des problèmes et aux exigences démocratiques du
débat public, le dire d’un seul expert apparaît insuffisant surtout s’il relève d’une
institution considérée, à tort ou à raison, comme partisane.
Le besoin croissant d’expertise
Une volonté renforcée de rigueur de gestion
Elle se caractérise notamment par la Lolf déjà largement évoquée, mais on peut
trouver d’autres exemples ou indice de cette volonté (sécurité routière et respect
de la règle, développement de pratiques d’évaluation).
La présence dans l’administration (ou ses établissements publics) d’experts formés
en général par un parcours scientifique ou technique est capitale : pour jouer
eux-mêmes le rôle d’expert, pour organiser une expertise pluraliste grâce à leur
connaissance de leurs pairs, pour capitaliser les acquis (retour d’expérience). Mais
ce profil professionnel est encore plus précieux pour assurer l’interface entre
connaissance scientifique, expertise et décision ou pour élaborer sur des bases
incontestables des normes (françaises ou européennes).
Un certain flou concernant le « contrôle » de l’action
publique décentralisée
La décentralisation ne s’est pas accompagnée de dispositions lisibles de contrôle et
d’évaluation des politiques publiques nationales mises en œuvre par les collectivités
territoriales et des réglementations nationales ou européennes sans doute par
crainte d’un restriction au principe de leur libre administration. Inversement
celles-ci apparaissent plutôt demanderesses d’un potentiel d’expertise mutualisé
au niveau national.
Intérêt d’une mutualisation
La décentralisation, et d’une certaine manière le développement de la délégation
de services publics, ne change pas les besoins pour la nation de mobiliser des
compétences scientifiques et techniques au service des politiques publiques. Elle en
déplace « le lieu » d’exercice. Les modalités d’intervention des institutions relevant
de l’Etat restent encore à préciser. Cela vaut surtout pour l’expertise.
III. Impacts sur les activités d’expertise
et de contrôle dans l’administration
Le contrôle au sens des démarches qualité prend
Sous le vocable expertise on entend ici une compétence (technique) reconnue
appliquée à des missions d’avis ou de conseils (au maîtres d’ouvrage notamment).
Sous celui de contrôle on entendra les missions (identifiées par André BARILARI)
consistant à vérifier, certifier, contrôler (les résultats), évaluer.
une place croissante
Contrôle intérieur de production à l’initiative des différents acteurs (maîtres
d’œuvre, entreprises), contrôle extérieur mis en place par les maîtres d’ouvrage,
font partie des bonnes pratiques. Ils visent la qualité de l’ouvrage, fonctionnelle et
technique. Le respect des règles de l’art en est un des aspects. Cette évolution qui
va dans le sens de la responsabilisation des acteurs déplace le champ du contrôle
« administratif ».
Séparer clairement l’exercice de ces deux fonctions
Elles ne peuvent en effet s’exercer simultanément sur le même objet car l’implication
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ne peut être totalement
externalisé
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Quel profil pour les experts et les régulateurs de demain ? Quel recrutement et quelle alternance des carrières ?
Le contrôle du contrôle va continuer à se développer
V. Conclusion
selon deux modalités très distinctes
Conséquence de ce qui précède, il conduit les corps de contrôle à s’assurer
que les dispositions de contrôle de la production (intérieur et extérieur) ont
été mises en place et fonctionnent correctement, soit sur un projet précis , soit
d’une manière plus générale lors de l’inspection des services relevant de leur
autorité. Parallèlement on assiste à une externalisation du contrôle de certaines
réglementations (surtout dans le domaine du bâtiment) que l’administration n’est
plus en mesure d’assurer directement. Elle reporte ses efforts sur l’élaboration de
référentiels et sur les processus d’agrément et de certification des professionnels
chargés de ces missions. Les corps de contrôle se trouvent mobilisés sur ces
tâches nouvelles.
Les métiers de l’expertise et du contrôle dans le champ technique sont en pleine
évolution. Il faut de toute évidence sortir de schémas anciens mais avec quatre
précautions essentielles :
• Eviter une parcellisation des compétences. Il nous faut des « sachants »
à champ suffisamment large face à la complexité des problèmes et des
décisions publiques.
• Professionnaliser la maîtrise d’ouvrage et de la maîtrise d’œuvre est la
condition d’un allègement relatif des contrôles à caractère technique. Cela
suppose qu’elles puissent et sachent mobiliser l’expertise nécessaire sur
des projets difficiles.
• Faire en sorte que le « contrôle du contrôle » permette une garantie des
résultats et pas seulement de procédure, notamment dans sa variante
« délégation », et surtout lorsqu’il existe des enjeux de sécurité.
• Réexaminer la manière dont nous alimentons le vivier de nos institutions,
en n’hésitant pas à faire preuve d’audace.
IV. Profils professionnels et carrières
La formation scientifique et technique et les métiers
d’expertise et de contrôle
Les nouveaux métiers de régulation au sein de l’Etat ou d’instances ad hoc exigent
une capacité d’expertise technique et économique d’un nouveau type face à des
opérateurs (concessionnaires, délégataires) disposant de puissants moyens. La
formation scientifique et technique (et de plus en plus économique) donne une
aptitude à prendre en compte dans les décisions publiques des exigences multiples,
de synthétiser des points de vue d’experts, des évaluations technico-économiques,
avec si besoin la vision critique de ces points de vue. Organiser l’expertise, exercer
le contrôle du contrôle ne sont pas des métiers de « généraliste ».
Nécessité de carrières diversifiées donnant
les compétences nécessaires
Mais se pose alors la question de l’acquisition des compétences qui n’est pas l’affaire
seulement de formation initiale ou continue. Il y aura une nécessité croissante
de diversifier le recrutement dans les corps de contrôle. Des profils variés sont
nécessaires, par exemple des chercheurs ayant consacré une partie de leur parcours
professionnel à l’expertise, des personnes ayant exercés des fonctions de maîtrise
d’ouvrage, de maîtrise d’œuvre (dans des entités publiques mais aussi privées) ou
de conception et conduite de projet dans des entreprises.
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Bicentenaire du CGPC
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Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
Table ronde déploie une activité particulière, dédiée à la définition de la discipline des travaux
de reconstruction, et, en même temps, il conduit, en pionnier, l’expérimentation
du béton armé et, successivement, de la technique du béton armé précontraint. La
conjonction de la structure en béton armé et de la maçonnerie, comme critère de
base des structures antisismiques, prend son origine dans cet évènement tragique
et produit, immédiatement après le séisme, la première norme antisismique de
l’Etat national unitaire.
Faut-il spécialiser les métiers
de l’inspection ? Comment organiser
la fertilisation croisée des expériences
techniques et opérationnelles ?
Comment tenir compte des nouvelles
répartitions de compétences entre Etat
et collectivités territoriales ?
Le Conseil supérieur affirme successivement et jusqu’aux années soixante, son
rôle d’organisme majeur de contrôle technique, initialement dans la réalisation
des grands ouvrages d’infrastructure de l’époque et, ensuite, dans les programmes
et les projets de reconstruction après les évènements de guerre. Les besoins de
la situation d’après guerre conduisent à restaurer plus de 30.000 Km de routes, à
aménager ou réaliser environ 15.000 Km de nouvelles infrastructures et à restaurer
une grande partie des ouvrages maritimes et fluviaux.
Giuseppe RICCERI, président du Conseil supérieur italien des Travaux publics
C’est bien à partir de cette prestigieuse institution, dont nous célébrons aujourd’hui
le bicentenaire, que le « Consiglio Superiore dei Lavori Pubblici » (Conseil supérieur
des Travaux Publics), créé par décret royal du 20 novembre 1859, sous la présidence
du ministre des Travaux Publics, prend ses origines en Italie.
Pour ce qui a trait à la sauvegarde du patrimoine artistique, le Conseil supérieur agit
en coordination étroite avec l’administration des Beaux Arts, pour la restauration
des monuments endommagés ou à moitié détruits par la guerre.
La loi qui régit la composition du Conseil supérieur des Travaux Publics est
actuellement celle du 18 octobre 1948, n°1460 ; cette loi a été soumise, dans les
années suivantes à quelques modifications d’importance mineure ; en particulier
il faut rappeler, en particulier, la loi du 20 avril 1952, qui prévoit l’institution de six
sections et établit à deux ans la durée de la composition du Conseil supérieur.
S’agissant de l’aménagement territorial et urbain, le Conseil supérieur exerce une
activité d’examen et de conseil sur les plans directeurs généraux des communes,
sur les plans intercommunaux et les plans territoriaux de coordination, qui
constituent les premiers instruments de planification urbaine concernant le
domaine des nouvelles extensions urbaines et de la protection de l’environnement.
C’est à cette occasion que, d’accord avec la direction générale des Beaux Arts, le
Conseil élabore des principes directeurs de grand intérêt pour la sauvegarde et
le réaménagement urbain d’agglomérations ayant une importance particulière du
point de vue historique, artistique et environnemental.
Le Conseil supérieur, depuis sa constitution jusqu’à aujourd’hui, a émis plusieurs
centaines de milliers d’avis concernant tous les domaines des ouvrages publics, et,
en même temps, il a contribué à la solution de problèmes de grande envergure
technique à travers une action concrète d’études et de conseil, ainsi qu’une action
normative.
Dans la première période qui s’étend de sa naissance jusqu’à la fin du dix-neuvième
siècle, l’activité du Conseil est surtout concentrée sur la construction des bâtiments
qui serviront de sièges pour la nouvelle administration de l’Etat, à l’aménagement
des rivières, à la réalisation d’un réseau de chemin de fer, et, dans le sud du Pays, à
la construction d’un réseau routier et ferroviaire, d’aqueducs et d’égouts. De la fin
du dix-neuvième siècle jusqu’aux premières années du vingtième siècle, le Conseil
supérieur va donner son avis sur les plans directeurs urbains les plus importants de
l’époque, en contribuant ainsi à la définition des premières stratégies d’aménagement
urbain. Après le tremblement de terre de Messine du 28 décembre 1908, le Conseil
Bicentenaire du CGPC
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La décennie 1950-1960 est aussi caractérisée par l’engagement de programmes
de grande envergure pour la réalisation d’ouvrages totalement ou partiellement
subventionnés par l’Etat et concernant la construction de milliers de logements et la
création des quartiers dénommés « quartiers coordonnés » dans 28 villes italiennes
sur la base de critères et d’orientations émanant aussi du Conseil Supérieur.
Dans les années «60» l’action de contrôle et d’orientation du Conseil
supérieur s’affirme principalement dans les secteurs des ouvrages hydrauliques,
68
table ronde
: Faut-il spécialiser les métiers de l’inspection ? Comment organiser la fertilisation croisée des expériences techniques et opérationnelles ?
d’assainissement et d’aménagement des bassins fluviaux ainsi que pour d’importants
ouvrages d’extension et de modernisation des structures portuaires.
a repéré, dans les matières de “législation concourante” (entre l’état et les régions),
celles relatives à l’ « aménagement du territoire » et a également établi que dans ces
mêmes matières « le pouvoir législatif appartient aux régions, sauf pour la détermination
des principes fondamentaux , qui reste réservée à la législation de l’Etat ».
Les années «70» se caractérisent par une perte progressive de compétences dans
les secteurs de l’aménagement urbain et de la construction de certaines types
d’ouvrages, comme les bâtiments d’habitation et les bâtiments scolaires.
Par contre l’activité du Conseil supérieur reste constante ou prend une importance
majeure dans les secteurs des ouvrages publics, des infrastructures, des ouvrages
maritimes et hydrauliques et de la sécurité des constructions. Des normes
fondamentales concernant ce dernier domaine, comme la loi 1086 de 1971 et la
loi 64 de 1974, sont promulguées. C’est également dans ces années qu’on assiste
à la diffusion d’un intérêt renouvelé pour le patrimoine historique et artistique et
pour des aspects même mineurs de constructions historiques. Dans cette même
période le Conseil supérieur s’est aussi intéressé en particulier aux problèmes
statiques et à la restauration de la Tour de Pise. Faisant suite à un avis du Conseil,
on décide de la fermeture de la Tour et de la mise en oeuvre des travaux de
consolidation ; travaux qui s’achèvent à la fin des années «90» et qui représentent
un modèle exemplaire à niveau international.
Pour ce qui a trait aux compétences de l’Etat en matière de législation courante, la
loi successive du 5 juin 2003 N° 131, « dispositions pour l’adaptation du règlement de
la République à la loi constitutionnelle 18 octobre 2001, N°3 », précise que « dans les
matières faisant partie de la Législation courante, les régions exercent le pouvoir législatif
dans les limites des principes fondamentaux expressément déterminés par l’Etat ou, en
défaut, ceux que l’on peut déduire des lois de l’Etat en vigueur ».
En ce moment même le Parlement discute une loi qui accentue ce processus de
transformation. Les conséquences qui en dérivent consistent dans la persistance
d’une vaste zone de compétences législatives courantes qui sont à l’origine
d’incertitudes d’interprétation et, par conséquent, de conflits déférés à la Cour
Constitutionnelle. Il s’agit d’un problème que, à mon avis personnel, est voué
à atteindre un degré élevé de criticité au cas où on devait approuver le projet
fédéral actuellement à l’examen du Parlement sans des corrections visant à une
réorganisation claire et définitive en matière de compétences Etat-régions.
La fin du siècle dernier est aussi caractérisée, pour le Conseil supérieur, par l’activité
d’examen d’un certain nombre de projets ayant une importance toute particulière
du point de vue technique aussi bien que symbolique et peuvent être considérés
comme l’emblème du passage de l’ancien au nouveau millénaire. Il s’agit du Pont
sur le détroit de Messine, du MOSE de Venise pour protéger la ville des marées de
la lagune, de la variante du col des Apennins, de l’autoroute du Soleil, et aussi, en
matière urbaine, de l’auditorium de Rome, de l’institut Italien de culture de Tokyo,
du Palahockey pour les jeux olympiques d’hiver de Turin en 2006.
Un autre aspect important concernant la vie du Conseil supérieur est celui qui
dérive de la loi cadre des travaux publics (loi 11 février 1994). Cette loi définit en
premier lieu les compétences du Conseil Supérieur qui « exprime son avis obligatoire
sur les projets définitifs de compétence de l’Etat, ou en tout cas financés pour 50%
au moins par l’Etat, ayant une valeur supérieur à 25 millions d’ECU, et un avis sur les
projets d’autres administrations publiques, d’une valeur supérieur au même montant, au
cas où ces dernières le demandent ».
J’ai voulu jusqu’ici vous donner un aperçu sommaire de l’activité, fondamentale et
intense, que le Conseil Supérieur a exercé depuis sa naissance jusqu’à aujourd’hui,
pour faire comprendre l’importance et le rôle du Conseil en qualité d’organe
technique – consultatif dans l’organisation de l’Etat, après son unification.
Dans ces dernières années l’activité du Conseil supérieur a été influencée par
une série de mesures législatives qui ont subi une accélération remarquable suite
à la reforme constitutionnelle dont à la loi du 18 octobre 2001 n°3, concernant la
transformation fédéraliste de l’ordre républicain.
Cette loi, en modifiant le Titre V de la Constitution et, en particulier l’article 117,
La loi sus mentionnée prévoit aussi la « modification de l’organisation et des
compétences du Conseil Supérieur des Travaux Publics ». Le ministre des Infrastructures
et des Transports a nommé en 2003 une Commission, que j’ai eu l’honneur de
présider, qui a récemment soumis la proposition de réforme demandée. Cette
proposition réaffirme et confirme le rôle du Conseil supérieur des Travaux Publics
auquel on garantit l’indépendance d’avis et d’évaluation, l’autonomie fonctionnelle,
d’organisation, technique et scientifique dans sa qualité d’« organe technique
– consultatif majeur de l’Etat en matière d’ouvrages publics, d’infrastructures de transport,
de sécurité publique, de sécurité des bâtiments, des infrastructures et des transports ».
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Bicentenaire du CGPC
n 17 novembre 2004 - Ecole
Nationale d’Administration - Paris
Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
La nouvelle organisation proposée pour le Conseil supérieur apparaît, en conclusion,
en mesure d’atteindre les objectifs qu’elle se propose et qui consistent à restituer
au Conseil supérieur des Travaux Publics sa nature d’organisme de synthèse
institutionnelle et disciplinaire, tel qu’il avait été conçu à l’heure de son institution,
tout en protégeant son essence traditionnelle d’organe spécifiquement technique
au service de la collectivité.
Dans cette optique le Conseil supérieur a adapté, avec le projet de réorganisation
en examen, sa propre organisation à l’évolution de la réalité institutionnelle, tout
en continuant à jouer son rôle de point de référence technique non seulement
pour les structures centrales de l’Etat, mais éventuellement, si requis, des diverses
administrations qui opèrent sur le territoire, dans le respect des principes de
subsidiarité et de disponibilité.
qui demande un suivi très personalisé de chacun des collègues. Donc des missions
très diverses, analogues à ce qui peut se faire au sein du CGPC.
Deuxième caractéristique : nous avons des missions qui peuvent faire appel à des
compétences que nous avons ou que nous n’avons pas, ni totalement en interne, ni
totalement en externe. J’ai l’exemple d’une mission qui est en train de démarrer : le
chlordécone. C’est un phytosanitaire utilisé sur les bananes, dans les zones antillaises
notamment, qui a comme propriété d’être une molécule encore plus résistante à
toute dégradation que la molécule de benzène. Elle perdure des dizaines d’années,
elle pollue les sols. Les mesures d’interdiction ont été prises, mais le mal était déjà
fait, et la question actuelle est de savoir ce qu’il faut faire contre cette pollution
des sols, de la faune, de la flore, des ignames ou des patates douces que l’on fait
pousser dans les sols. La bonne réponse est de faire appel à des experts extérieurs
au CGGREF mais aussi à des managers du CGGREF pour voir comment organiser
les mesures de politique publique.
Le Conseil supérieur enfin, avec le projet de réorganisation en examen, se donne
l’objectif d’adapter son organisation aux nouvelles conditions et aux nouveaux
contextes sociaux dans lesquels il est tenu d’opérer. Seulement ainsi le Conseil
supérieur, appelé à participer à l’activité administrative de l’Etat, pourra intervenir
dans la manière la plus efficace non seulement dans les questions relevant de la
compétence de l’Etat, mais aussi, si requis, dans les thèmes de compétence des
régions et des autres administrations locales.
Troisième type d’inspections : celles qui sont communes à plusieurs conseils
généraux ou inspections générales. Par exemple les retours d’expérience, qu’il
s’agisse des crues ou d’incendies de forêt. Nous les avons faites ensemble, CGPCCGGREF, avec l’appui de l’inspection générale de l’administration ou de l’inspection
générale de l’environnement, qui se sont poursuivies par des avis délibérés : 2002
pour les crues, 2004 pour les incendies de forêt.
Paul VIALLE, vice-président du conseil général du Génie rural,
L’intérêt est d’avoir des regards différents, des vécus différents, des compétences
techniques, des attributions juridiques différentes, et d’avoir un regard très complet.
C’est un plaidoyer pour un cadre large : mixité des cultures, des expériences, mélange
des générations, diversification des activités. Nous ne pouvons être cloisonnés : je suis
en accord très large avec Jean-Pierre GIBLIN : faut-il spécialiser les métiers de l’inspection, les professionnaliser à tout coup ? C’est sûr pour la rigueur de l’instruction, les
procédures contradictoires, à cause de la judiciarisation de la société, il faut être très
professionnel, donc de facto avec une certaine spécialisation. Faut-il un enfermement
? Nous y perdrions tous et il faut savoir faire dans le temps et dans l’espace, et éviter
les conflits d’intérêt : on doit pouvoir y arriver. Je crois également que l’intérêt de
mêler les expériences techniques et professionnelles est tout à fait grand.
Au service de qui effectuer ce type de travail ? Au service de l’Etat, de l’exécutif,
certainement il me semble évident que nous devons le faire également au service
des collectivités territoriales : je souscris tout à fait à la formule qui consiste en
des Eaux et des Forêts
Sur l’expertise et le contrôle au sein des services de l’Etat je voudrais évoquer très
rapidement les missions que nous pouvons avoir et qui sont en nombre croissant :
sur quatre ou cinq ans, cette augmentation est de l’ordre de 50%. Ces missions sont
classiques : de contrôle, d’analyse des politiques publiques, d’appui et de conseil qui
portent aussi bien sur la réorganisation de services, de directions, d’organisations
de toutes sortes, ou sur un appui technique puisque nous avons une mission d’appui
technique relative à l’ingénierie publique. Cela porte aussi sur l’appui à l’orientation
et au suivi des personnels qui est un point très important puisqu’en notre sein
nous avons un certain nombre de collègues qui suivent chacun 150 ingénieurs des
corps du ministère de l’Agriculture, soit 5000 ingénieurs suivis au total, sur le plan
des conseils, orientations de carrière, jusqu’à la fourniture d’un nombre d’éléments
pour la préparation du tableau d’avancement. C’est quelque chose de très précis,
Bicentenaire du CGPC
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table ronde
: Faut-il spécialiser les métiers de l’inspection ? Comment organiser la fertilisation croisée des expériences techniques et opérationnelles ?
une demande locale relayée par le Préfet et approuvée par le Ministre, ce qui évite
de se trouver en position de porte-à-faux. Il faut bien l’institutionnaliser. Se pose
une autre question : nous avons énormément de compétences, mais l’exécutif et le
législatif sont constitutionnellement séparés, comment mettre cette compétence
également au service du législatif ?
Tout ceci veut dire évidemment qu’à l’avenir, les modes de recrutement seront
certainement modifiés par rapport à l’histoire que nous avons connue jusqu’à
présent et qui ne sera plus la même.
bien gérer, par exemple une direction ou un établissement public, lorsque vous ne
savez pas au mois de mars combien vous aurez, à quelques dizaines voire centaines
de millions d’euros près, la masse de crédits que vous aurez à gérer ?
Il n’est pas possible d’avoir une démarche qualité dans ce type de situation : dès
lors on ne peut demander à un gestionnaire des comptes sur sa gestion. Si l’on veut
mettre en place la logique nouvelle de la Lolf, il faudra casser ce type de mécanisme.
Il faudra aussi demeurer ferme dans la mise en œuvre d’une logique qui n’est pas
assez développée et qui fasse que l’on définisse des objectifs -ce qui fait partie du
dispositif prévu- et qu’on vérifie le respect de ces objectifs. Tout au long de ma
carrière professionnelle, je n’ai jamais reçu une seule lettre d’objectifs !
Olivier JAY
Faut-il aller jusqu’à rapprocher certains corps d’inspection ?
Paul VIALLE, vice-président du CGPC
Nous travaillons déjà ensemble sur de nombreuses missions. Faut-il aller plus
loin ? Cela mérite une réflexion dans laquelle je ne souhaite pas m’engager
aujourd’hui.
J’ai été directeur au ministère de l’Equipement pendant sept ans et durant cette
période, je n’ai jamais participé à une seule réunion avec le ministre et l’ensemble
de ses directeurs. Imagine-t-on une entreprise dans laquelle le comité exécutif ne
se réunit jamais collectivement ? Evidemment, j’ai rencontré le ministre autant de
fois que nécessaire, mais sur les affaires qui me concernaient directement.
Jean-Pierre DUPORT, président de Réseau Ferré de France
Dernier point général : je crois qu’il faudra repenser la politique de l’évaluation.
Sa mise en place me paraît être une bonne chose. Les rapports de l’instance
d’évaluation des universités et des grandes écoles sont passionnants. J’ai toujours
trouvé que cette instance faisait un travail très intéressant : les rapports, qui
n’étaient pas historiques, qui n’étaient pas pour les archives, avaient une véritable
vie, permettaient d’avoir un regard extérieur et portaient un vrai regard d’évaluateur
sur le respect d’unucertain nombre d’objectifs.
Je ne suis pas contrôleur, je ne suis pas expert ; par contre je suis contrôlé. Première
chose importante : avant d’engager une action sur l’expertise et le contrôle, il faut
mettre en œuvre, dans les administrations publiques et les établissements publics
qui en dépendent, des démarches de qualité. Cela me paraît être une condition
essentielle pour mettre en perspective la démarche d’expertise et de contrôle. Je
crois que nous en sommes encore aux balbutiements. Je me demande aujourd’hui,
alors que nous développons à RFF des activités d’audit interne et de contrôle de
gestion : pourquoi tardons-nous tant à mettre en place, dans les administrations
de gestion, des dispositifs de contrôle interne et d’audit interne ? Ce serait un
fondement et un bon préalable à des activités d’expertise et de contrôle qui soient
bien maîtrisées. Le travail reste à faire.
En complément, je voudrais faire quelques remarques rapides sur ce que, en fonction
de mon expérience administrative, j’ai retenu comme leçon : je pense que c’est bien
d’avoir une alternance des carrières et des métiers, entre des activités d’audit et de
contrôle et des activités de gestion, comme il est bien d’avoir une alternance entre
des activités d’inspection et des responsabilités opérationnelles, qu’elles soient dans
ou en dehors de l’administration. Ce n’est pas à moi de trancher entre le modèle
IGA-IGF ou CGGREF-CGPC, mais quelle que soit la forme, l’alternance est une
bonne chose. Je pense que ce que fait le ministère des Affaires étrangères en matière
d’évaluation des hommes est une leçon intéressante. Ils n’ont pas l’IGA mais ont
un mécanisme que l’on a ensuite retenu au ministère de l’Intérieur en créant un
poste de préfet évaluateur aujourd’hui tenu par Michel BESSE : avoir des systèmes
Nous mettons beaucoup d’espoir dans la Lolf. Son application peut être une bonne
occasion, à partir du moment où l’on définira bien les programmes et les missions,
de mettre en place des démarches de qualité avec tout ce que ceci implique. Ceci
étant, on ne pourra le faire que si l’on change drastiquement un certain nombre
de méthodes. Par exemple : le mécanisme de régulation. Comment voulez-vous
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Bicentenaire du CGPC
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Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
Jean-Loup JOLIVET, directeur des services du Comité national d’évaluation des
universités et des écoles d’ingénieurs
Il n’a pas été possible, dans le cadre de la Lolf, d’imaginer une mission interministérielle
regroupant toutes les missions d’expertise et d’évaluation. Cela vous semble-t-il
envisageable à terme ?
d’évaluation des hommes et des équipes – au quai d’Orsay, à partir du vivier des
diplomates ont été constituées des équipes d’évaluateurs. Il est important de noter
que pour ces évaluateurs, cette mission n’est pas la dernière. Loin de là !
Dernier point : en matière d’expertise, j’ai toujours été amené à faire appel à des
corps d’inspection générale et à des regards extérieurs. On doit avoir la capacité
de toujours faire appel à des expertises soit extérieures, soit internes selon les
circonstances, d’autant plus que nous sommes très en retard dans l’administration en
matière de politiques de gestion de la qualité. Par ailleurs, je plaide fortement pour
qu’au moment où la décentralisation reçoit un coup d’accélérateur supplémentaire,
l’ensemble des corps d’inspection, dans des conditions à déterminer, soit mobilisé
avec plus de souplesse qu’actuellement: il peut y avoir des instances intermédiaires
qui veillent à la discipline interne aux systèmes de contrôle. Il serait extrêmement
regrettable de ne pas utiliser la compétence de l’ensemble des corps d’inspection qui
existent et de réinventer des corps d’inspection multiples au sein des collectivités
territoriales. Cela ne pourra se faire que si, du côté du ministère, on accepte un
peu plus de souplesse. Je ne crois pas personnellement -je n’ai pas d’expérience
d’élu- que les élus puissent accepter que seule la décision du ministre leur permette
de faire appel aux corps d’inspection. Il faudra trouver une instance “paritaire” qui
permette de gérer l’ensemble du dispositif. Cela ne me paraît pas impensable. Il
faudra dépasser les clivages politiques du moment.
u
René URIEN, délégué à l’évaluation et à la qualité du Centre national du machinisme
agricole, du génie rural des Eaux et des Forêts
Il existe une norme française homologuée sur la qualité en expertise. Les
normes homologuées sont obligatoires pour l’Etat. Si l’Etat ou ses fonctionnaires
interviennent dans une expertise, à la demande d’une collectivité locale par exemple,
et qu’ils n’appliquent pas cette norme, la collectivité peut donc le leur reprocher.
Jean-Pierre GIBLIN, président de section du CGPC
Concernant l’organisation des inspections et des conseils généraux, aucune
modification institutionnelle n’est en cours mais nous commençons à faire évoluer
nos pratiques. Deux jeunes ingénieurs sont par exemple affectés au CGPC et
sont utilisés comme des « juniors » dans nos missions. Nous allons poursuivre et
développer cette expérience, mais je ne pense pas que cela justifie une modification
de nos statuts.
Pour ce qui concerne la question de Marc PREVOT, je crois avoir longuement
parlé d’assurance qualité dans mon intervention, en rappelant qu’elle s’appliquait
prioritairement aux maîtres d’ouvrage et aux maîtres d’œuvre. Si cette question
impliquait que nous devrions nous l’appliquer à nous-mêmes, nous sommes en
mesure de le faire. Pour prendre l’exemple du service technique chargé du contrôle
des remontées mécaniques et des transports guidés, il est aujourd’hui labellisé par
les normes ISO 9000 et vient d’être habilité à inspecter des sites industriels. De
nombreux services se sont engagés dans cette direction, notamment les organismes
scientifiques ainsi que certaines directions départementales.
Débat
Serge VALLEMONT, Ingénieur général des ponts et chaussées honoraire
Jean-Pierre Duport vient d’évoquer la configuration des inspections générales et
des Conseils généraux. Pour faire vivre la compétence d’expertise et de contrôle
de l’Etat, est-il envisagé, à l’instar de l’Inspection générale des finances, d’alimenter
le CGPC en jeunes ingénieurs qui pourraient alterner fonctions de contrôle et
fonctions opérationnelles ?
Olivier JAY
Comment-nous situons-nous par rapport aux autres pays européens ?
Marc PREVOT, CGPC
Je suis un peu surpris que l’on n’ait pas évoqué l’assurance qualité. Celle-ci présente
en effet l’intérêt d’associer volonté interne et regard externe. Ce thème me
semble donc intéressant. Ne devrait-il pas être ajouté à ceux dont nous venons
de débattre ?
Bicentenaire du CGPC
n 17 novembre 2004 - Ecole
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Jean-Pierre GIBLIN, président de section du CGPC
Je crois que nous ne sommes pas en avance. Si la qualité a rapidement pénétré
les entreprises privées, cela s’avère plus difficile dans les administrations et les
établissements publics.
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table ronde
: Faut-il spécialiser les métiers de l’inspection ? Comment organiser la fertilisation croisée des expériences techniques et opérationnelles ?
Olivier JAY
Ma question s’adresse à Jean-Pierre DUPORT : en décentralisant certaines missions,
cela ne reviendra-t-il pas à les soumettre au seul contrôle du suffrage universel ?
Paul VIALLE, vice-président du CGGREF
Pour ce qui concerne la question de l’habilitation, je vous indique que le conseil
général du Génie rural, des Eaux et des Forêts (CGGREF) dispose d’un service
d’audit compétent pour les audits communautaires. La Commission a ses propres
systèmes d’examen mais nous sommes habilités. Concernant par ailleurs la norme
de qualité en expertise, nous sommes encore loin de sa généralisation mais je pense
que nous pouvons y parvenir. Quant à une éventuelle mission interministérielle
d’expertise, je rappelle que l’expertise a besoin d’experts provenant de tous les
horizons. Quelle que soit sa composition, il faudra donc organiser sa porosité.
Même en regroupant toutes les compétences dont dispose l’Etat, cela ne serait
en effet encore pas suffisant.
Jean-Pierre DUPORT, président de RFF
Mon idée n’était pas de dire qu’il faut décentraliser les missions. Il existe aujourd’hui
un système d’expertise et de contrôle basé sur des compétences techniques
reconnues et suffisantes. Il ne faudrait donc pas que la décentralisation se traduise
par un émiettement de ce système. Il serait tout aussi regrettable que ces
compétences ne soient pas mises à disposition des conseils régionaux. Je pense
d’ailleurs qu’il est possible de faire intervenir conjointement certains corps pour
examiner des problèmes communs. Nous l’avons déjà fait avec l’IGA et l’Inspection
des services du Conseil régional d’Ile-de-France et je pense que nous pourrions
aller plus loin dans ce sens.
Bernard PERRET, chargé de mission pour l’évaluation au CGPC
Dans son intervention, André BARILARI a dit que « les programmes fournissent
aux politiques publiques un cadre de formalisation obligeant à expliciter la stratégie, les
priorités, les objectifs et les leviers d’action », sous-entendu dans le cadre de la Lolf.
Je pense que la situation est très différente et que la logique de prise de décision
publique restera durablement autonome du cadre défini par la Lolf. J’en tire donc
la conclusion que les corps d’inspection et d’expertise devront conserver une
mission d’analyse et d’évaluation des politiques publiques distincte de la mission
d’audit et d’évaluation des programmes de la Lolf.
Sylvie TROSA, chargée de mission, ministère de la Santé et des Affaires sociales
Je souhaiterais revenir sur les propos de Bernard PERRET concernant la Lolf. Si les
programmes sont basés sur des objectifs qui ne mobilisent personne, des indicateurs
technocratiques et des systèmes d’information qui ne fonctionnent pas, je crains
nous ne fassions pire que la rationalisation des choix budgétaires. A l’origine, la
Lolf devait permettre une spirale vertueuse, avec plus de retours sur ce qui se
passe sur le terrain, pour que nous puissions présenter des conseils de politique
publique au Ministre. C’est cette spirale vertueuse qui est au cœur de la Lolf, plus
qu’une simple réforme budgétaire. Il faut donc faire très attention à ce que nous
disons, sous peine de mettre en place une machine extraordinairement lourde dont
personne ne voudra. Pour éviter d’en arriver là, il faudra résoudre deux questions.
Pour que cette démarche soit efficace, elle ne pourra se résumer au seul budget
de l’Etat mais devra être appliquée à l’ensemble des politiques publiques (FSS et
collectivités locales comprises). Il faudra ensuite instaurer un dialogue serein entre
les Ministres et les services.
Marie-Caroline BONNET-GALZY, chef du service de l’Inspection générale
des Affaires sociales
Gilles CARREZ a parlé ce matin du contrôle des politiques décentralisées. Quelle
est la position du Conseil général des ponts et chaussées sur cette question,
sachant que certaines politiques relevant actuellement de ses compétences seront
décentralisées ? Nous avons par ailleurs évoqué l’éventuelle création d’une mission
interministérielle d’expertise. Sur ce point, je crois que nous avons déjà beaucoup
progressé dans nos missions conjointes. Il existe des modes de coordination
permettant d’exploiter des compétences très diversifiées et je privilégie nettement
cette orientation.
Enfin, je suis d’accord pour dire que si la Lolf est un élément majeur, elle ne pourra
pas définir l’ensemble du cadre d’évaluation des politiques publiques. Je rappellerai
surtout que nous devons aussi faire une LOLF pour le financement de la Sécurité
Sociale et des collectivités locales si nous voulons évaluer l’efficacité, voire la
pertinence, des politiques publiques.
Claude GRESSIER, président de section du CGPC
Notre pays a une longue tradition de centralisation et je pense que les élus locaux
verraient d’un mauvais œil l’Etat chercher à rétablir sa tutelle sous prétexte d’une
inspection des compétences décentralisées. Il faudra donc trouver des systèmes de
contrôle qui n’apparaîtront pas comme une volonté de l’Etat de rétablir sa tutelle
sur les collectivités publiques.
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Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
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publiez” : on n’a pas le droit de garder une information au moment où le Parlement
va décider et de la cacher. Je ne précise pas les réactions d’un certain nombre de
lobbies que vous identifierez facilement. J’ai eu un courrier assez abondant à ce
moment-là.
Pourquoi l’AFSSA maintenant ? Nous avons des crises à répétition, je n’insisterai pas.
Risques chimiques : vous allez en voir quelques-uns dans l’alimentation. Pourquoi
“nitrates” est-il suivi dans le diaporama par un point d’interrogation ? : c’est parce
que l’on n’a jamais vu dans toute la littérature scientifique un bébé mourir d’un
excès de nitrate dans son biberon, contrairement à une rumeur persistante. En
revanche, les nitrates peuvent être un indice de pollution organique dans les nappes
par les lisiers d’animaux, etc. d’où mon point d’interrogation.
Quelles autorités techniques
pour le service des habitants
et la protection des consommateurs
et du cadre de vie ?
Quelle expertise l’Agence française de
sécurité sanitaire des aliments mobilise-t-elle
pour exercer son rôle ?
Il peut y avoir des carences, par exemple calcium et ostéoporose, les hormones
– chacun se rappelle le poulet aux hormones – et la BST (béta somato tropine)
nous a posé des problèmes sur les importations de viandes bovines avec les EtatsUnis qui traitent leurs animaux avec cette hormone viande que nous refusons
pour des raisons sanitaires.
Paul VIALLE, président de l’AFSSA
Je voudrais parler du risque au coeur des politiques publiques avec un exemple,
celui de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA). Avant de
brosser la manière de procéder, je vais partir de deux cas concrets :
• En automne 2002 se pose le problème de la réouverture des frontières françaises
aux importations de viandes bovines anglaises. Problème extraordinairement
sensible : que fait le Gouvernement, comment doit-il le faire ? Il demande son avis
à l’AFSSA, laquelle, face à ce problème, travaille pendant plusieurs mois et rend un
avis, grosso modo sur la base suivante : “comparer les risques sur la viande, nous
ne savons pas faire, en revanche sur les animaux – car pour passer de l’animal à la
viande, il faut procéder à un certain nombre d’opérations précises – on sait faire
et le risque en France n’est pas nul (un par million d’animaux abattus risque d’être
contaminé et de passer dans la chaîne alimentaire). En Grande Bretagne, c’est de
l’ordre de sept mais c’est le haut de la fourchette statistique qui est en train de
descendre. Le risque ne paraît pas significativement différent”. L’avis a été établi
un jeudi soir, et les médias ont tous relaté au journal de 20h00 “l’AFSSA a dit...,
il n’y a donc pas de problèmes”. Le Gouvernement a pris ses mesures, personne
n’en a entendu parler.
• Eté 2004 : rapport sur les glucides. Est en discussion au Parlement la loi sur la
santé : les problèmes d’obésité croissent, lobbies contre lobbies se déchaînent, et
l’AFSSA avait un rapport en cours qui n’avait pas été publié. La question se pose,
quelques jours avant le vote du Parlement : qu’en fait-on ? La réaction a été “vous
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Il y a toujours des crises : en micro-biologie, n’oublions pas que dans les banlieues
du XIXe siècle, on trayait un animal tuberculeux jusqu’à ce qu’il tombe par terre,
et l’on donnait le lait à boire pour redonner des forces aux populations, est
maintenant un terme connu, salmonelles aussi. Lors de la récente crise de la dioxine,
la commercialisation des poulets a été interdite en Belgique pendant quelques
temps, et pendant cette même durée, les taux d’infection par salmonellose ont
été divisés par deux. Sous le terme barbare “d’Escherichia coli O157H7”, c’est un
mutant qui s’est révélé un jour et a fait de nombreuses victimes : n’importe quel
micro-organisme “calme” peut, à un moment donné et pour une petite modification,
changer de forme et devenir extraordinairement aggressif. Allergies, toxines
biologiques, coquillages paralysants, etc. sont en train d’apparaître. Grande crise de
l’ESB en 1989 : en 1996 c’est le transfert à l’homme, 2000, c’est la nouvelle crise
de l’ESB, et en 2004, on vient d’avoir une suspicion, il y a très peu de temps, d’une
chèvre atteinte par l’ESB bovine. On se pose donc des questions : un test “souris”
demande plusieurs mois. Subsistent donc encore de nombreux problèmes.
Tout ceci engendre des peurs et des mesures publiques : au Moyen Âge,
l’organisation du contrôle des viandes, pour les historiens, est une petite merveille.
Les bouchers et vendeurs de viandes étaient encadrés de tous les côtés pour des
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Quelles autorités techniques pour le service des habitants et la protection des consommateurs et du cadre de vie
raisons sanitaires, et souvent avec des interdits et contrôles religieux. Au XVIIIe
siècle, un exemple amusant : Turgot, à Limoges, a interdit en 1750 la culture de la
pomme de terre car elle “donnait la lèpre”. La pomme de terre est une solanacée
qui est assez proche botaniquement de la morelle noire, laquelle entrait dans les
“bouillons de onze heures” et donc – principe de précaution, déjà – il fallait être
prudent. Au XIXe siècle, les grands réseaux d’eau potable et d’assainissement ont
généré des progrès énormes.Au début du XXe, les crises - tuberculose notamment
– sont transmises par les espèces bovines alors que l’on croyait à la barrière des
espèces totale en cette époque post-pasteurienne : on s’aperçoit que ce n’est pas
vrai.A ce moment-là, dans le monde entier, on met en place des services de contrôle
alimentaire : services vétérinaires en France, food and drug administration (FDA)
aux Etats-Unis. Une crise déclenche une mesure et la fermeture des frontières à
chaque fois car “le mal vient d’ailleurs”, jamais de chez soi, c’est bien connu. Fin
du XXe siècle, crises de santé, crises alimentaires, d’où la création des agences
sanitaires en France, en Europe, et donc celle de l’AFSSA.
informations et résultats des contrôles, ce qui n’est jamais simple puisqu’il faut
aller exiger ces informations de sa tutelle et donner un avis sur ce que fait cette
tutelle, ce qui est quelquefois délicat ! Les ministères de tutelle sont en relation
avec les organisations professionnelles, l’AFSSA l’est avec les associations de
consommateurs, les autres agences sanitaires en France, les organismes publics de
recherche, l’autorité européenne de sécurité sanitaire des aliments,...
L’évaluation des risques sanitaires et nutritionnels – il s’agit de voir les équilibres
globaux – concerne les produits animaux, végétaux et l’eau, de la production jusqu’à
la consommation. La déontologie pour ce faire est le point le plus important et
repose sur un tryptique “compétence”, “indépendance”, “transparence” :
Compétence parce qu’actuellement la science reste entre les nations et à
l’intérieur de chaque nation l’arbitre des conflits (chaque fois qu’un conflit est porté
à l’OMC, ce sont des panels de scientifiques sur les entraves à la libre circulation
qui tranchent, la science est le dernier recours devant lequel chacun s’incline, c’est
un consensus entre les nations, d’autant plus entre les nations développées qu’elles
ont un avantage sur celles qui n’ont pas d’experts scientifiques),
Comment cela se passait-il avant la loi de 1998 ? En France, c’est un système éclaté
qui repose sur plusieurs ministères, un début de responsabilité professionnelle (les
dates limites sont affichées sous la responsabilité des opérateurs), une expertise
scientifique complètement émiettée et l’évaluation du risque confondue avec la
gestion du risque. A ce moment-là, on a bien un ministère pilote (agriculture) et
deux autres impliqués : finances (consommation et répression des fraudes) et
santé (problèmes de l’eau). Arrive alors la loi du 1er juillet 1998, dans un contexte
d’hyper-sensibilisation liée aux crises sanitaires avec recherche des responsabilités
des politiques, puisqu’il faut en France qu’il y ait toujours des responsables ; sont
renforcés la veille et la sécurité sanitaire et le principe de séparation entre évaluation
et gestion du risque qui n’est pas universel mais français est adopté. La FDA aux
USA par exemple ne connaît pas cette séparation. L’AFSSA a été mise en place en
1999 sous la direction de Martin HIRSCH, sous la forme d’un établissement public
administratif avec une séparation entre l’évaluation qui est le fait de l’AFSSA et la
gestion du risque qui revient aux trois ministères de tutelle.
Indépendance : chaque expert doit faire une déclaration d’intérêts, cette
déclaration est publique, tous les membres de l’AFSSA font une déclaration
d’intérêts qui peut être consultée, car il y a une forte demande d’absence de liens
avec les pouvoirs, quels qu’ils soient. Pour le citoyen, les pouvoirs économiques
ou politiques “cachent la vérité”. L’évidence elle-même n’arrive pas à percer :
rappelons-nous les inondations de la Somme et les rumeurs qui ont pu courir sur
les transferts d’eau d’un bassin versant à l’autre : c’était une évidence et pourtant
personne n’avait confiance. L’indépendance est individuelle mais aussi celle de
l’organisation : à l’AFSSA nous avons évité tous les financements privés, tous ceux
qui pouvaient amener un conflit d’intérêts, de manière à n’être dépendants que
du financement public, à rebours de tout ce qui peut se faire ailleurs, sinon nous
aurions été suspectés d’être entre les mains de telle ou telle firme.
Transparence : tous les avis sont intégralement publiés, immédiatement sur
internet, et je dois dire que les ministères de tutelle les ont deux heures avant
pour les lire mais sans possibilité d’interférer. On s’est aperçu que, lorsqu’ils
les avaient trois jours avant, il y avait souvent risques d’instrumentalisation et
des fuites partielles. Les experts étaient interrogés et avaient, eux, un devoir
de réserve puisque l’avis n’était pas public, d’où une information complètement
Les compétences des ministères sont le pouvoir réglementaire, les négociations
communautaires et le contrôle. Les compétences de l’AFSSA sont l’organisation de
l’expertise “scientifique” en matière d’évaluation des risques, certains travaux de
recherche et un appui technique aux ministères. L’AFSSA rend des avis uniquement
consultatifs – elle n’a pas de pouvoir de police – et doit avoir accès à toutes les
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Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
déséquilibrée. D’où une transparence maintenant totale et des avis immédiatement
et intégralement publiés.
tout à côté avec le risque de conflits des expertises et donc de dégradation de
l’image de l’expertise scientifique, ce qui serait un problème très grave. Perspectives
françaises : une réévaluation de la loi de 1998 est en cours - c’est une très bonne
chose que la loi ait prévu d’être elle-même réévaluée au bout de cinq ans, la
séparation “évaluation / gestion des risques” me semble totalement acquise dans
tous les esprits, la géométrie et les interfaces entre AFSSA, santé au travail, veille
sanitaire sont en discussion, c’est normal et probablement faut-il qu’il n’y ait pas
trop de frontières afin de limiter les risques de non-cohérence du système, soit
de duplication, soit -plus grave- de “trous”, et une réflexion me semble devoir être
menée pour d’autres types de risques comme les risques naturels où les notions
d’évaluation et de gestion du risque ne sont pas séparées, ou les mêmes -qu’il
s’agisse de l’Etat ou des élus locaux- risquent d’être juges et parties, dans un climat
de sensibilité montante aux risques naturels.
J’insiste sur ce tryptique qui me paraît extrêmement important.
Les particularités de l’AFSSA : flux d’inter-relations, évaluations, recherches et
un volet “nutrition”. L’évaluation des risques se fait avec dix comités d’experts
spécialisés qui ont été mis en place en 2000 et renouvelés en 2003 : nutrition
humaine, micro-biologie, biotechnologies (OGM par exemple), ESST, résidus et
contaminants (exemple des produits cancérigènes dans les petits pots pour bébé
ce printemps et générant une crise en Grande-Bretagne alors qu’il n’y a rien eu
en France : le couvercle et la matière plastique polymérisaient et migraient un
peu dans le contenu du pot). Ces experts sont des scientifiques (appel public à
candidatures) de très haut niveau qui doivent conserver leurs missions de recherche
par ailleurs (ils ne sont pas “sortis” de la science, ils sont “dedans”), ce n’est pas du
tout la même notion que “l’expert judiciaire”, beaucoup d’entre eux sont habilités
à diriger des recherches.
La sélection a permis de retenir 226 experts sur 486 candidats (probablement
parce que quelques milliers d’autres n’ont pas osé se présenter) et une déclaration
publique d’intérêts. Qui saisit l’Agence ? Les associations de consommateurs, ainsi
que des auto-saisines, sans pour l’instant de possibilité ouverte aux opérateurs
économiques. Je serais favorable à ce que cela le soit en “bordant” de manière à
ne pas instrumentaliser l’Agence dans des procédures juridiques épouvantables
que l’on peut imaginer sans trop de difficulté.
Il y a environ 350 à 400 saisines de l’Agence par an avec autant d’avis donnés, soit
sur des demandes d’autorisation de tel produit ou ingrédient (66%), des textes
réglementaires (20%), et diverses saisines : les associations de consommateurs,
curieusement, ne nous saisissent presque pas. L’AFSSA effectue de la recherche et
de l’appui scientifique et technique et regroupe un certain nombre de laboratoires
implantés en France (anciens laboratoires vétérinaires). Les sources de financement
sont les suivantes : 85% de l’Etat, 2% des collectivités locales et subventions
communautaires, et 8% de ressources privées en faisant extrêmement attention
aux conflits d’intérêts.
Pour conclure, les perspectives européennes : il existe une autorité européenne
l’AESA. Elle s’est constituée comme 16ème agence, en subsidiarité nulle, on refait
Bicentenaire du CGPC
n 17 novembre 2004 - Ecole
Nationale d’Administration - Paris
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Sur quels indicateurs l’Agence pour le contrôle et la qualité des services publics locaux de la ville de Rome s’appuie-t-elle pour apprécier le service rendu ?
Je voudrais limiter, ici, ces observations de caractère général à certains aspects
essentiels du contrôle qui offrent des caractéristiques (et donc des solutions)
diverses en fonction de l’action que le contrôle en soi est appelé à exercer et qui
échappent à une répartition claire et nette de compétences. Je me réfère tout
spécialement aux typologies de contrôle suivantes :
• le contrôle relatif à la prestation de service public qui doit s’exercer
indépendamment du statut juridique ou du propriétaire de la société qui
est appelée à fournir le service ;
• le contrôle qui peut être exercé par le sujet propriétaire de la société.
Sur quels indicateurs l’Agence pour
le contrôle et la qualité des services publics
locaux de la ville de Rome s’appuie-t-elle
pour apprécier le service rendu ?
Federico COLOSI, vice-président de l’Agence
I. Aspects généraux de la fonction de contrôle
C’est à la première typologie qu’il est le plus simple de faire face car elle prévoit
de façon concrète la séparation la plus absolue entre les fonctions de gestion et les
fonctions d’orientation et de contrôle. Dans ce cas d’espèce, l’instrument qui est
mis à la disposition de la collectivité locale pour exercer ses fonctions de contrôle
est, en tout premier lieu, un instrument de nature contractuelle, accompagné, dans
les secteurs pour lesquels cela est du domaine du possible (comme par exemple
l’hygiène urbaine) d’un deuxième instrument inhérent au pouvoir de réglementation
générale de la collectivité territoriale.
La commune de Rome est propriétaire de façon directe ou indirecte, de plus de
quatre vingt cinq sociétés qui constituent un univers très ample et à multiples facettes.
Les dites sociétés œuvrent dans la plupart des domaines pris en considération
par les services publics (Acea S.p.a pour la fourniture de l’eau et de l’électricité;
Ama S.p.a pour l’hygiène urbaine et les services relatifs aux cimetières ; Farmacap:
l’agence spéciale qui s’occupe de la gestion des 36 pharmacies de la commune).
Elles peuvent également exercer des fonctions d’études et de planification qui
sont le propre de l’Administration et qui, auparavant, étaient directement gérées
par elle ( Atac S.p.a e Sta S.p.A.dans le secteur des déplacements). Elles peuvent
encore remplir des fonctions d’agence (Risorse per Roma S.p.A, pour le marketing
du territoire et les aliénations immobilières; Le Assicurazioni di Roma) ; ou, enfin ,
des fonctions faisant partie de la catégorie générale des loisirs et de la culture et qui
sont représentées par la Fondation Musique pour Rome qui s’occupe de la gestion
du nouvel Auditorium, par la Fondation Bioparc qui gère le jardin zoologique, par
l’agence spéciale Palaexpò - Ecuries du Quirinal en ce qui concerne les activités
d’exposition. En plus de ces filières principales d’intervention, au travers de parts
d’actionnariat, la Commune de Rome participe totalement ou partiellement au
contrôle de nombreuses autres sociétés oeuvrant dans les secteurs les plus divers.
A leur tour, parmi ces sociétés qui sont toutes des personnes de droit privé,
nombreuses sont celles qui sont partenaires à divers degrés d’autres sociétés
jouant un rôle secondaire. Ces sociétés dans leur ensemble sont au nombre de
quatre vingt cinq (85).
Dans ce cadre, le contrat de service est placé au centre même du système de
réglementation locale et, en conséquence, il est indispensable de prêter une
attention toute particulière à sa forme, au contenu et aux procédures régissant son
approbation ainsi que les éventuelles modifications et adjonctions pouvant s’avérer
nécessaires au cours de la période durant laquelle il est en vigueur.
En règle générale, lors de la stipulation du contrat, l’institution d’une commission
mixte est explicitement prévue. La dite commission est composée de représentants
de la collectivité territoriale d’une part, de représentants de la société de l’autre et
les fonctions de présidence sont la plupart du temps confiées à une personne ne
relevant ni de l’une ni de l’autre. Le Président exerce une fonction de monitorage et
de contrôle relativement aux paramètres et aux objectifs quantitatifs et qualitatifs
du service mentionnés par le contrat. Dans certains cas, une hypothèse a été
émise selon laquelle cette commission pourrait exercer également un pouvoir de
sanction, mais une telle solution engendre des problèmes quasiment insolubles
de conflits d’intérêt pour le représentant de la société et, de ce fait, elle apparaît
peu efficace.
Compte tenu de l’envergure du «Groupe Commune de Rome», le problème du
contrôle en termes de réglementation, de gestion, de production et de fourniture
du service se présente sous une forme des plus complexes.
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Bicentenaire du CGPC
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Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
Un autre instrument très important quant à la fonction de monitorage et de contrôle
sur la teneur en qualité du service résulte de l’institution d’Agences et d’Autorités
indépendantes qui, dans les villes où cette expérience a été menée, représentent le
principal véhicule de connaissances et de production de données et analyses pour
le Conseil Municipal auquel est ainsi garantie une activité administrative mieux
informée et orientée du point de vue technique. Dans quelques instants, j’insisterai
de façon plus détaillée sur l’expérience de la ville de Rome à cet égard.
Il s’agit donc, de placer parallèlement aux instruments du contrôle externe
précédemment décrit dans le cadre de l’hypothèse d’une société ne relevant pas de
la collectivité territoriale (contrat de service, agences indépendantes, commissions
de gestion du contrat) qui devront de toute façon continuer à œuvrer tout en
prêtant davantage attention aux exigences des usagers (la tutelle des exigences de
la propriété s’exerçant de diverses façons) d’autres instruments caractéristiques
cette fois du contrôle interne.
Dans cette catégorie entrent "in primis» les pouvoirs et les fonctions d’orientation
et de contrôle attribués au Conseil Municipal en tant qu’assemblée des élus au
sein de laquelle est représenté tout le corps social et électoral et, de ce fait, la
propriété.
Toutefois, il est indispensable de tenir compte du fait que lorsque la collectivité
territoriale est également propriétaire de la société qui fournit le service, un
élément ultérieur de complexité dans le fonctionnement du service entre en jeu.
Cet élément comporte à la fois des avantages et des inconvénients. Un avantage
incontestable concerne précisément la fonction du contrôle. En effet, le contrôle
pouvant être exercé par le sujet propriétaire sur une société est, tant en termes
d’efficacité que de rapidité d’accès, de qualité infiniment supérieure à celui qui peut
être effectué par un sujet externe, par un sujet tiers.
Un autre instrument important est constitué par les statuts des sociétés contrôlées
par la collectivité territoriale ainsi que par l’introduction de comités spécifiques
pouvant, entre autres fonctions, jouer également le rôle d’information et de contrôle
au nom et pour le compte du conseil municipal.
Les activités de monitorage et de contrôle qui sont habituellement exercées par
les autorités de réglementation, par les sociétés locales ou par les comités et
commissions nommés présentent, pour le moins, deux traits communs qui en
constituent la caractéristique principale et unificatrice: à savoir, le fait qu’elles
interviennent «de l’extérieur» et «en retard». J’estime qu’il est opportun d’insister
sur ces deux concepts qui sont inhérents aux notions essentielles d’espace et
de temps : «de l’extérieur» et «en retard». Il s’agit en effet de caractéristiques
intrinsèques.
Il existe ensuite un autre modèle, moins bien défini, tenant à la possibilité d’indiquer
les critères de nomination des administrateurs. Il s’agit d’une attribution d’ordre
général mais qui peut se révéler extrêmement utile pour délimiter le périmètre à
l’intérieur duquel peuvent être choisis les administrateurs élus par le syndicat et
notamment pour définir de la façon la plus précise qui soit les notions de conflits
d’intérêt éventuels ou potentiels.
Il existe une ample littérature concernant les formes et les modalités pouvant être
adoptées par les activités de contrôle en fonction du rapport de dotation de service
que la collectivité territoriale concède à la société, ainsi que de la complexité de
fourniture du service à laquelle toute collectivité territoriale doit spécifiquement
faire face. En dépit de cela, un trait caractéristique et uniforme sur le fond de
l’expérience du gouvernement local en Italie demeure. Il s’agit de la difficulté à
laquelle se heurte une fonction effective de contrôle (fonction qui se distingue donc
du contrôle traditionnel de légitimité exercé par l’Administration).
En outre, lorsque le sujet tiers est également doté de pouvoirs propres de
réglementation, son activité est -à juste titre- soumise au contentieux administratif
et donc aux délais nécessaires que la mise en fonction d’une telle procédure
comporte.Tous ces aspects dans leur ensemble tendent à disparaître dès lors que
le contrôle est exercé directement par la société.
L’inconvénient est représenté par le conflit d’intérêt touchant le sujet propriétaire
qui, d’une part est directement intéressé au bénéfice de la société en tant
qu’actionnaire, d’autre part constitue le sujet directement responsable de la
fourniture aux usagers de services publics de qualité. Il n’est pas sûr que ce deuxième
aspect l’emporte de façon systématique sur le premier.
Bicentenaire du CGPC
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Sur quels indicateurs l’Agence pour le contrôle et la qualité des services publics locaux de la ville de Rome s’appuie-t-elle pour apprécier le service rendu ?
II. L’expérience de la Mairie de Rome
contenus minimum et les procédures d’approbation et de modification des Contrats
de Service qui définira de façon organique et univoque l’ensemble du système de
réglementation se basant sur cet instrument est en cours d’achèvement.
Dans le cadre de cet état de choses, depuis quelques années, la Mairie de Rome a
lancé une opération complexe de institutional building prévoyant l’utilisation intensive
d’instruments de contrôle interne et externe. En particulier, en ce qui concerne les
instruments de contrôle externe, au cours du mois d’avril 2002, la Mairie de Rome
a créé l’Agence pour le contrôle et la qualité des services publics locaux modifiant
la dénomination de la précédente Autorità et lui assignant de multiples devoirs et
de nouvelles fonctions parmi lesquelles les activités de Monitorage des niveaux de
qualité des services publics locaux sont de la plus haute importance.
De même, en ce qui concerne le contrôle interne, l’expérience de la commune
de Rome se caractérise par une effervescence innovatrice toute particulière: au
début de l’année, le conseil municipal a approuvé à l’unanimité une délibération
par laquelle deux principes tendent à être affirmés:
• d’une part celui de la garantie d’un flux d’informations adéquat arrivant
au conseil municipal relativement aux principales décisions à caractère
stratégique prises par le système des sociétés qui, de façon directe ou
indirecte, sont du ressort de la Mairie de Rome.
• d’autre part, celui de préciser les droits décisionnels du sujet propriétaire
relativement dans des domaines importants tels que la prise de parts
d’actionnariat ou, au contraire, comme la loi le prévoit, le renoncement
à de telles participations.
L’activité de monitorage qui s’est développée au cours des dix-huit derniers mois,
a donné lieu à la production et à la transmission au conseil municipal de vingttrois rapports de monitorage à des rythmes préalablement fixés (mensuels ou
trimestriels selon les cas), dont neuf concernent l’illumination de la voie publique,
six l’hygiène urbaine, cinq les parkings payants et trois le service du métro. Par
la suite, au moyen d’actes spécifiques et complémentaires, le conseil municipal a
chargé l’Agence de mettre au point et de réaliser un système de monitorage de la
qualité des services d’assistance à domicile basé sur des indicateurs de performance
spécifiques, dont les résultats constitueront un élément d’évaluation de la part de
l’Administration relativement à la permanence ou non des sujets procédant à la
fourniture des services dans les listes d’accréditation et feront l’objet d’un rapport
annuel spécifique au conseil municipal. Des initiatives analogues sont en cours de
définition pour l’évaluation et le monitorage concernant les service reliés aux
cimetières. Dans la suite de cet exposé, deux exemples d’activités de monitorage
ainsi que des méthodes respectivement adoptées pour l’obtention des données
seront présentés.
Relativement au thème de la "corporate governance» des sociétés et de la
tutelle de l’épargne, le professeur Guido Rossi a récemment affirmé qu’un bon
ordonnancement juridique et réglementaire ne suffit pas en soi pour que cette
tutelle puisse avoir plein effet et que la loi doit donc être accompagnée de l’épée qui
la défend. En d’autres termes, il a posé le problème de la crédibilité et de l’efficacité
de la sanction en tant qu’élément indispensable à toute forme de tutelle.
En l’absence de sanction, aucun contrôle ne peut résulter réellement efficace et il
rappelle qu’un tel passage est garanti «également et surtout par la combinaison de
la loi et de l’activité de l’Agence indépendante de contrôle et grâce à l’intervention
d’une magistrature dotée de pouvoirs efficaces».
En outre, au cours de son activité, l’Agence a émis cinq avis relativement à des
contrats spécifiques de service et a réalisé sept autres études de secteur parmi
lesquelles il faut signaler celle qui concerne les contenus minimum des contrat de
service, la proposition de réforme du service taxi, les modèles d’organisation et
d’évaluation de l’assistance à domicile.
Le contrôle et la sanction peuvent prendre diverses formes et atteindre des
niveaux d’intensité et de sévérité pouvant être progressivement accentués. Dans
le domaine spécifique des services publics locaux, il est donc indispensable de
réfléchir et d’envisager des formes appropriées de contrôle ; il faut également se
demander quelles peuvent être les sanctions adéquates pouvant inciter à atteindre
des standard plus élevés de qualité sans que pour autant elles ne comportent un
caractère inutilement punitif, voire un vice d’élaboration les rendant inefficaces.
Toujours dans le domaine des contrôles externe, les comités de gestion prévus
par les principaux Contrats de Service (transports et hygiène de la ville) ont été
mis en fonction. En outre, le travail de définition d’une délibération-cadre sur les
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Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
Il faut mettre sur pied une sorte de «marketing du contrôle et de la sanction»,
une «personnalisation» qui soit en mesure de faire la différence entre les divers
sujets. Ainsi par exemple, l’introduction de sanctions exclusivement quantitatives,
telles que des prestations supplémentaires devant être fournies aux usagers en cas
de non respect ou de respect uniquement partiel des engagements pris dans le
contrat de service -comme cela se passe parfois dans le cadre du contrat pour les
services d’hygiène de la ville de Rome- peut ne pas aboutir à un résultat adéquat si
la société est entièrement contrôlée (de façon directe ou indirecte) par la Mairie
de Rome, tandis qu’elle peut être extrêmement efficace en présence de sujets
gérants constituant des personnes de droit privé.
service de monitorage - qualité des services a été institué au sein de l’Agence. Il
est directement responsable de :
• exercer des activités de vérification quant aux modalités de fourniture des
services y compris au travers de l’organisation de relevés sur le terrain;
• se procurer la documentation et des informations utiles auprès des sujets
gérant le service public ;
• effectuer le monitorage rendant compte de la situation des Contrats de
service ;
• prévoir des rapports périodiques sur l’état de fourniture des services
publics.
La sanction pécuniaire constitue l’instrument le plus classique se trouvant
à la disposition de l’Administration lorsqu’elle doit tenter de corriger des
comportements ne correspondant pas pleinement aux objectifs prévus. Toutefois,
y compris dans ce cas, il faut tenir compte du fait que tant le management que
l’actionnaire s’il s’agit d’une société publique, pourraient ne pas être excessivement
sensibles à des mesures de caractère monétaire. Cependant, en ligne générale, plus
grande est la sensibilité de l’actionnaire pour une gestion économiquement correcte,
plus le management ressentira cette pression et plus grande sera l’efficacité de
ladite sanction pécuniaire.
Les activités de monitorage relatifs à la qualité des services se sont développées
au travers de trois lignes de comportement principales:
• la vérification de l’efficacité des contrats de service (et des éventuelles
cartes d’engagement pour service qui en découlent) au travers de la
définition des paramètres qualitatifs/quantitatifs caractéristiques du
service ainsi que des systèmes de monitorage qui y sont prévus (qualité
précédemment déterminée);
• la vérification des systèmes de gestion de "reporting" pratique des sociétés
tels qu’ils sont prévus dans les Contrats de service afin de contrôler la
solidité des procédures au travers desquelles les informations sur les
niveaux du service sont fournies et exposées en termes répondant à la
vérité, à l’intégrité et inspirant pleinement confiance;
• l’évaluation sur la base d’un échantillon statistiquement défini ou sur la
base d’un recensement des niveaux de qualité relatifs aux indicateurs ainsi
que les objectifs les plus représentatifs des services fournis (qualité de la
fourniture).
Ce dernier point en particulier a donné naissance, dès 2003, à une activité
spécifique de monitorage concernant les services de parkings payants, de transport
métropolitain, d’éclairage de la voie publique et d’hygiène de la ville.
III. Les opérations de monitorage, instrument d’exercice pratique du contrôle
Les services publics locaux ont une très forte incidence sur le sentiment de bienêtre des citoyens et jouent un rôle décisif quant à leur évaluation des activités
exercées par l’Administration.
Si au cours de ces dernières années le Contrat de service est devenu l’instrument
principal de réglementation des services publics locaux, les fonctions de contrôle et
de vérification ou, en d’autres termes, de monitorage sur la qualité du service fourni
revêtent, parmi les instruments dont l’Administration dispose, une importance toute
particulière pour vérifier s’il y a correspondance entre les services fournis d’une
part et les objectifs et standards précédemment fixés d’autre part.
A titre d’exemple, voir ci-dessous l’expérience relative à la présentation des
monitorage relatifs au service d’éclairage de la voie publique (vérification du
respect des délais prévus par le contrat pour la réparation des points d’éclairage
en dysfonctionnement à partir du moment où la panne a été signalée) et du service
de transport métropolitain (évaluation de cinq macro facteurs de qualité au travers
de l’évaluation précise directe de plus de 120 indicateurs de relevés.
Dans le respect de la délibération portant à la création de l’Agence et lui
attribuant les activités de vérification des modalités de fourniture des services
sur la personne des sujets gérants décrits par les divers contrats de service, le
Bicentenaire du CGPC
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Sur quels indicateurs l’Agence pour le contrôle et la qualité des services publics locaux de la ville de Rome s’appuie-t-elle pour apprécier le service rendu ?
IV. Service d’éclairage de la voie publique
V. Service de transport métropolitain
Le contrat de service stipulé entre la ville de Rome et le sujet gérant prévoit, entre
autre, que le délai standard maximum pour la remise en état des divers points
d’illumination est de quinze jours à partir du signalement par les bureaux de la
mairie et prévoit une amende pécuniaire (tableau 1) en cas de non réparation dans
les trente jours à partir de la date du signalement.
Les services de transport métropolitain de la ville de Rome, constitués par les
lignes A et B du métro, par les chemins de fer régionaux et par les chemins de
fer métropolitain, garantissent chaque jour le déplacement sur le territoire de la
commune ou à l’extérieur d’environ un million de passagers. Les lignes A et B en
particulier constituent un des «assets» principaux du système de transport romain.
dans la mesure où il effectue 31 millions de km-wagons chaque année et où il
contribue au transport de 750.000 passagers par jour.
Tableau n° 1
temps
nécessaire
délai
maximum
Amende
2003
jours
retard
rues obscurité
interrupteur
24 heures
24 heures
€ 50,00
48 heures
rues obscurité
panne réseau
5 jours
5 jours
€ 50,00
7 jours
2-4 ampoules éteintes
consécutivement
10 jours
15 jours
€ 100,00
30 jours
15 jours
30 jours
€ 100,00
45 jours
Dysfonctionnement
une seule ampoule
éteinte
Amende
2002
délai
maximum
Le contrat de service stipulé avec la société qui contribue à la fourniture dudit
service prévoit la formulation d’un indice synthétique de qualité fournie relatif
aux stations et aux convois mais qui ne tient compte que de certains aspects du
service.
Dans le cadre de l’exercice de son activité de relevé, l’Agence a voulu au contraire
fournir à l’Administration une vue panoramique plus ample et plus complète du
service, ceci en référence à la norme EN 13816 – avril 2002 relative aux définitions,
aux objectifs et à l’évaluation de la qualité fournie pour le service public du
transport des passagers.Les activités ont démarré au mois de décembre 2003 et
les données relevées (environ 120 indicateurs pour chaque accès, tableau 2) au
cours des enquêtes effectuées mensuellement, tant auprès des 49 stations qu’auprès
des convois ont été successivement regroupées de façon à fournir une évaluation
numérique synthétique sur la base de cinq macro indicateurs de premier plan :
• accès à la station ou à la gare,
• informations et attention prêtées au client,
• confort de l’attente,
• qualité du voyage.
Afin de vérifier de façon indépendante et efficace le service, l’Agence a mis sur
pied et réalisé un projet spécifique de monitorage concernant les délais nécessaires
pour la remise en état des divers points d’illumination.
La méthodologie adoptée prévoit la définition quantitative d’un échantillon
statistiquement représentatif de certains points d’illumination éteints relevés
sur le territoire de la commune, le signalement anonyme de la panne au centre
d’appel du gérant ainsi que le résultat de l’appel et des temps d’attente avant que
l’opérateur ne réponde, la constatation de l’éventuelle remise en fonction du point
d’illumination dans le délai de quinze jours à partir du signalement et, en cas de non
réparation, dans le délai de trente jours. Les résultats obtenus ont mis en évidence
le fait que le service garanti consécutivement à un signalement de panne de la part
d’un usager est largement inférieur par rapport à ce qui se passe lorsque ce sont
les bureaux de la mairie qui procèdent au signalement.
La publication des résultats de ce monitorage a donné lieu à une rapide amélioration
de la qualité de comportement de la part de la société.
Un tel regroupement sous le chapeau de macro indicateurs a permis à la
complexité du système de l’expertise de trouver une forme de représentation
externe compréhensible et efficace en ce qu’elle fournit ainsi au pouvoir politique
décisionnel des indications parfaitement orientées du point de vue technique.
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Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
Tableau 2
Premier niveau
ACCES À LA GARE
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Deuxième niveau
Troisième niveau
Voies d’accès externe
Présence d’arrêts/terminus lignes TP(bus)
Nombre lignes TP (bus)
Distance entre arrêts/terminus TP et métro
Facilité d’accès de TP à métro
Présence de parkings non payants
Distance entre parkings et métro
Voies d’accès interne
Distance entrée /quais
Distance quais / sortie
Présence changements ligne Métro
Distance de Métro à Métro
Points changement ligne avec FS
Distance entre Métro et FS
Présence d’ascenseurs
Fonctionnement ascenseurs
Entretien ascenseurs
Présence escaliers roulants
Fonctionnement escaliers roulants
Entretien escaliers roulants
Présence d’escaliers
Voies d’accès aux escaliers
Entretien escaliers (caoutchouc rampes couloirs)
Présence guichets billets
Guichet avec présence personnel
Efficience guichet présence personnel
Distributeurs automatiques billets
Fonctionnement correct distributeurs automatiques
Billets disponibles dans distributeurs automatiques
Présence points de vente interne
Horaires ouverture points vente
Billets disponibles points vente internes
Vidimateurs automatiques
Fonctionnement vidimateurs automatiques
Fonctionnement correct vidimateurs
automatiques
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Sur quels indicateurs l’Agence pour le contrôle et la qualité des services publics locaux de la ville de Rome s’appuie-t-elle pour apprécier le service rendu ?
Premier niveau
Deuxième niveau
Troisième niveau
INFORMATION ET
ATTENTION PRÊTÉE
À L’USAGER
Informations d’ordre général
Sur la sécurité
Sur l’attention prêtée au client
Informations relatives au voyage en
conditions normales
Sur indications routières
Sur identification points départ/arrivée
Sur signaux de direction des véhicules
Sur trajets
Sur horaires
Sur tarifs
Sur typologie billets
Informations voyageurs en conditions anormales
Sur remboursements / réclamations / suggestions / objets perdus
Contact clients
Présence de personnel
Personnel
Aspect
Attention prêtée à l’usager
Compétences
Accueil
Aptitude usage langues étrangères
Option guichet billets
Types guichets billets
Facilité utilisation structures passagers
Places assises/espace disponible
Atmosphère de l’environnement
Présence espace quais, escaliers roulants
Sur les quais
Aspect agréable des espaces
Propreté
Luminosité
Qualité de l’air
Bruit
Présence situations indésirables
Services supplémentaires
Présence services hygiéniques
Facilité utilisation Services hygiéniques
Présence espaces commerciaux
Présence téléphones publics
Autres services
CONFORT DE
L’ATTENTE
83
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n 17 novembre 2004 - Ecole
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Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
Premier niveau
Deuxième niveau
Troisième niveau
QUALITÉ DU
VOYAGE
Places assises et espace disponible
Confort de la course
A bord
Commodité
Facilités d’accès entrée – sortie
Conditions espace voyage
Atmosphère agréable
Propreté
Luminosité
Qualité de l’air
Bruit
Présence situations indésirables
Lutte préventive
criminalité
Illumination
Présence de caméras visibles
Présence personnel sécurité
Prévention accidents
Signalisation adéquate
Sur la sécurité
SÉCURITÉ DU
SERVICE
Bicentenaire du CGPC
n 17 novembre 2004 - Ecole
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84
Quel apport du Conseil général des ponts et chaussées de demain sur les deux thèmes de l’expertise et du contrôle ?
logique de résultats et de responsabilisation, que cela implique. André BARILARI a
fait un exposé introductif magistral à cet égard et nous éclaire sur l’évolution de nos
missions d’audit ou d’inspection. Les thèmes ont été illustrés par Antony WRIGHT,
directeur général de l’audit à la Commission européenne, Patrick STAES, expert de
l’Institut d’administration publique de Maastricht, Daniel LIMODIN, mon collègue,
chef de l’inspection générale de l’Administration, Gilles CARREZ, le rapporteur
général du budget de l’Assemblée Nationale, un ancien collègue du ministère, avec
qui nous avons une grande proximité et une fructueuse complicité.
Naturellement, la question du management public ou de la modernisation de
l’action administrative a été revisitée par Michael WHITEHOUSE, auditeur général,
au National Audit Office, Pierre VERKAREN, le président du Comité de direction
du Service Public Fédéral Belge et Jean-François BENARD, président de la 7ème
Chambre de la Cour des Comptes.
La question de la qualité de l’expertise pour garantir la fiabilité des analyses et
des choix ou la pertinence des outils, notamment des indicateurs de performance
ou l’explicitation des finalités des politiques publiques, a été illustrée par Odile
SALLARD, directeur de la gouvernance publique et du développement territorial à
l’OCDE et notre collègue Heinz Jörg BORKENTEIN du ministère fédéral allemand
des Transports et de la Construction.
André ROSSINOT a tracé des pistes pour renforcer le partenariat entre l’Etat et
les collectivités territoriales, afin d’échanger et de capitaliser les expériences dans
nos métiers, communs avant l’allocution de notre ministre Gilles de ROBIEN qui
préside le CGPC, je le rappelle, même si c’est devenu rare.
La question de l’expertise interne ou externe dont l’Etat paraît devoir disposer
a été débattue avec Claude GRESSIER, président de la 4ème section du CGPC,
Gérard MASSIN, président du groupe d’ingénierie SETEC et l’ancien Recteur Alain
BOUVIER, qui a beaucoup publié sur le pilotage par les résultats en évitant de
chercher à « rentrer dans les boites noires ».
Quel apport
du Conseil général des ponts et chaussées
de demain sur les deux thèmes de l’expertise
et du contrôle ?
Claude MARTINAND, vice-président du CGPC
Les organisateurs des colloques du bicentenaire m’ont confié la redoutable mission
d’intervenir pour rassembler à chaque fois les principales idées énoncées et de
tirer, à chaud, après avoir écouté attentivement tous les intervenants, les quelques
idées directrices que le Conseil pourra en tirer dans les mois qui viennent.
Permettez-moi de dire que la qualité des intervenants du colloque organisé par
Agnès de FLEURIEU, avec l’appui de Jacques CARTIGNY, ici à l’ENA, grâce à
l’hospitalité de son directeur Antoine DURRELEMAN et animé par Olivier Jay,
m’a vivement impressionné et c’est à tête reposée qu’il faudra analyser toutes ces
riches contributions et les débats qui ont eu lieu tout au long de la journée. Je
félicite et je remercie donc tous ces intervenants, français et européens.
Je dois, à la vérité, de dire que le bicentenaire nous a, en partie, servi de point
de départ, de prétexte même, pour éclairer les évolutions de notre institution,
rendues particulièrement nécessaires du fait des profondes transformations en
cours de notre ministère : deuxième étape de la décentralisation et, en réalité,
pleine application de la 1ère étape pour le domaine des routes, réforme de l’Etat
avec la réforme budgétaire et la stratégie ministérielle de réforme, emprise
croissante sur nos activités de la construction européenne, de l’élargissement
de l’Union européenne et de la mondialisation, notamment dans les transports,
possibilités nouvelles ouvertes par les technologies de l’information, irruption de
la société civile et de ses attentes dans notre champ dans une perspective claire de
développement durable et de débat démocratique sur des questions « techniques,
territoires et société ».
Après cette matinée fort dense, ont été illustrées et débattues cet après-midi,
différentes manières de faire vivre les compétences, complémentaires à mon
sens, d’expertises et de contrôle au sein des services de l’Etat, que ce soit dans
l’inspection générale espagnole spécialisée dans les infrastructures avec Fernando
Rojas URTASUN, le directeur général de la Programmation économique au
ministère du FOMENTO, ou dans l’autorité indépendante du contrôle des marchés
de travaux publics italiens avec son Président Alfonso ROSSI BRIGANTE, puis avec
un exposé de Jean-Pierre GIBLIN, président de la 3ème section et membre du groupe
Tout ceci va conduire à des réorganisations profondes, à une véritable «refondation»
du ministère, à une réorganisation de notre administration centrale, Gilles de
ROBIEN y a fait allusion, et de nos services déconcentrés autour de la mise en
œuvre de la Lolf et de son exigence de transparence et de compte-rendu et de la
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Bicentenaire du CGPC
n 17 novembre 2004 - Ecole
Nationale d’Administration - Paris
Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
de travail de SILGUY qui a réfléchi sur l’avenir des corps de hauts-fonctionnaires,
les profils, les recrutements, les formations et les déroulements de carrière avec
deux profils principaux pour les ingénieurs : expert et chef de projet.
Le débat entre mon collègue Paul VIALLE, vice-président du CGGREF, mon
équivalent italien Giuseppe RICCERI, président du conseil supérieur italien des
Travaux Publics et Jean-Pierre DUPORT, président de RFF et ancien préfet de
la région Ile-de-France, a permis de s’interroger sur le croisement des cultures
techniques, opérationnelles, économiques, juridiques et sensibles, utiles aux
métiers de l’inspection et aux évolutions rendues nécessaires par les processus
de décentralisation ou de délégation de l’Etat aux pouvoirs locaux.
Pour caractériser cette réforme, je dirai que nous devons être encore plus
professionnels et plus rigoureux, en étant plus sélectifs dans le choix de nos nouveaux
membres et en leur apportant une formation lourde à la prise de poste.
Nous devons travailler de manière plus collective y compris au niveau interministériel,
valoriser les cultures complémentaires que nous pouvons assembler pour mieux
répondre à nos commanditaires, et délibérer plus souvent et de manière collégiale
et traçable. Notre organisation doit donc devenir plus flexible, plus lisible et
mettre l’accent sur des champs de préoccupations émergents dans une démarche
d’anticipation prospective et de vision stratégique.
La dernière séquence, avant les conclusions que tirera Jean-Paul DELEVOYE,
médiateur de la République, mais aussi ancien ministre de la Fonction Publique et
de la Réforme de l’Etat et ancien président de l’Association des Maires de France,
a ouvert la réflexion sur les finalités du service public, tant pour l’habitant, l’usager,
le citoyen que sur la protection du consommateur et du cadre de vie. D’une part,
Frederico COLOSI aurait du décrire le rôle de l’Agence pour le contrôle de la
qualité des services publics locaux de la ville de Rome et les indicateurs sur laquelle
elle s’appuie et, d’autre part, le président de l’Agence française de sécurité sanitaire
des aliments (Afssa), Paul VIALLE, a précisé l’expertise qu’elle mobilise pour exercer
son rôle d’autorité indépendante.
La question des conflits d’intérêt, un des aspects d’une véritable charte
déontologique à venir doit être mieux prise en compte. Nos textes vont être
réécrits, après examen attentif des textes institutifs des autres formations voisines
ou semblables (inspections générales ou conseils généraux). Nous allons jouer un
rôle accru dans la détection et l’orientation du vivier des cadres à haut potentiel.
Nous souhaitons examiner dans quelle mesure nous pourrions contribuer à
l’évaluation des politiques publiques partagées entre l’Etat et les collectivités locales.
Nous étudions comment nous mettre au service du Parlement sans méconnaître
la séparation des pouvoirs ou plutôt comment faire profiter le Parlement de
nos travaux .Nous souhaitons enfin informer et communiquer sur l’ensemble de
nos productions, car cela est le plus souvent nécessaire pour nourrir le débat et
accentuer notre utilité sociale.
Il est frappant de repérer de larges similitudes dans les problématiques mais
des réponses différenciées qui sont apportées aujourd’hui dans différents pays
d’Europe à ces importantes questions. Toute approche comparative est donc très
enrichissante. L’ancienneté de notre institution nous oblige sans cesse à rechercher
des améliorations dans l’exercice de nos missions qui sont d’ailleurs relativement
semblables formellement à celles fixées en 1804.
Par contre, la méthodologie, les référentiels, les priorités de contrôle ou d’expertise
ont sensiblement évolué et vont encore évoluer dans le cadre de la réforme du
CGPC, à laquelle nous a invité le ministre et qui est déjà bien avancée. Le champ
de nos activités s’est également élargi au fil du temps, puisque centrées à l’origine
sur les infrastructures principalement de transports, le CGPC, depuis la création
de notre nouveau ministère en 1966, s’intéresse aux territoires, à l’habitat, à
l’aménagement, à la dialectique des réseaux et des territoires et aux services autant
qu’aux infrastructures. Ces réseaux sont devenus transeuropéens d’une part et
locaux ou régionaux d’autre part, le niveau national en assurant l’articulation.
En définitive, sans être des magistrats, nous souhaitons exercer notre « magistère
technique, économique et moral », au service des attentes de la société et des
pouvoirs publics, avec efficacité et discernement. Quelle ambition, me direz-vous,
mais quand on a déjà 200 ans et qu’on veut manifester son dynamisme pour encore
de nombreuses décennies, il en faut à l’évidence ! Le triangle constitué par le corps
des Ponts et Chaussées, enrichi des autres corps, le ministère et le Conseil général,
auquel il faut ajouter l’Ecole nationale des Ponts et Chaussées, reste la base solide
de nos fondamentaux. Naturellement, « il faut que tout change, non pas, pour que
rien ne change » comme aurait dit Giuseppe de LAMPEDUSA, mais au contraire,
pour évoluer avec son temps et s’adapter aux défis de l’avenir. Merci à tous de nous
avoir aidé à nourrir cette ambition, à enrichir notre culture et notre sentiment
d’apporter à la communauté des organisations similaires à la notre en Europe des
sujets de coopération et de réflexion.
Bicentenaire du CGPC
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Clôture du colloque
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qui vit en même temps un inconfort du quotidien et une incertitude de l’avenir,
faire en sorte que ces angoisses, qui d’ailleurs semblent donner plus de puissance
au pouvoir politique qu’il n’en a jamais eu, ne fassent pas de l’expertise un facteur
d’alimentation de ces doutes et incertitudes, mais bien au contraire, un facteur de
sécurisation et de réduction de ces derniers.
Clôture du colloque
Le deuxième élément -je le dis souvent- est que je suis extrêmement frappé de
voir que les miracles de la technologie ont aussi fait de nous des habitués d’une
banalisation des technologies. Je suis très frappé par cette acceptation, que nous
avons tous les uns et les autres, des prouesses qui ne suscitent plus la curiosité,
l’enchantement et le rêve chez nos jeunes qui trouvent normal que l’on roule à
330 km par heure sur les TGV, que l’on puisse téléphoner à l’autre bout du monde,
etc. Mais qui, paradoxalement, plus il y a une maîtrise technologique, scientifique,
une maîtrise des risques mêmes, cohabitent avec une explosion de peurs et
d’inquiétudes.
Jean-Paul DELEVOYE, médiateur de la République
J’ai en tout cas été très interpellé par l’exposé de Paul VIALLE sur la santé. C’est
peut-être là où j’essaierai de croiser un peu ce que sont mes réflexions tirées de
mon passage à l’association des maires de France, au Gouvernement et actuellement
à la Médiature et mes relations avec quelques collègues internationaux.
En fin de compte, l’expertise pour l’expertise ne signifie rien : quelles sont ces
expertises, au service de quoi sont-elles, et quels sont les défis que nous devons
relever ? Je suis en même temps extrêmement préoccupé et extrêmement
optimiste.
Dans le domaine des ordures ménagères : jamais il n’y a eu autant de capacités
à maîtriser les risques. Jamais il n’y a eu un tel refus profond d’une population
d’accepter de vivre à côté d’une décharge d’ordures ménagères. Moi qui ne suis
pas expert, je voulais avoir une vision sur la politique nucléaire.
Je n’ai jamais vu une telle maîtrise des risques des déchets nucléaires par leur
vitrification dans le centre de Cadarache, puisque j’avais demandé d’y passer
quelques jours. En même temps, on voit bien aujourd’hui la capacité d’enflammer
une population sur cette inquiétude.
Nous sommes en train de changer complètement de société, je parle sur le plan
mondial. Avant nous n’avions pas besoin d’expertises car il y avait des vérités
toutes faites qui nous tombaient d’en haut, qu’elles soient de caractère religieux ou
philosophique, et chaque individu devait accepter cette réalité sans même imaginer
un seul instant de la contester.
Nous avons en même temps cette banalisation des techniques et cette explosion des
peurs, et cette banalisation de la violence, ce désenchantement et cette explosion
des doutes et des incertitudes. Et là, je pense que vous avez là un défi extrêmement
important pour vous, que vous allez relever. Ce que vous avez évoqué, c’est
comment éviter que vous ne soyez les instruments d’une manipulation collective.
Nous sommes aujourd’hui dans un recul de plus en plus rapide des convictions et,
au moment où nous avons une explosion des choix, la capacité de chaque individu
à gérer ses propres choix n’a jamais été aussi faible.
Je vois bien qu’aujourd’hui nous avons une réflexion à mener par rapport à la vérité
et par rapport au pouvoir : nous venons de basculer assez rapidement dans un
monde de désenchantement par rapport aux idéologies politiques ou religieuses,
avec l’acceptation d’une banalisation de la violence mais qui est en même temps un
monde en train de faire exploser tous les doutes et incertitudes avec une facilité
qui fait que quelquefois un mensonge bien médiatisé est plus puissant qu’une vérité
bien analysée.
Cela pose d’ailleurs un premier problème à l’expertise : comment concilier le
temps extrêmement fugace d’une émotion fabriquée par des médias avec le
recul nécessaire d’un temps scientifique qui doit conforter une analyse ou une
expertise? Nous avons un énorme défi devant nous : comment, dans un monde
Nous avons donc des émotions, des opinions à fond plat, où les démocraties
d’émotion créent quelquefois des pulsions bien plus redoutables que les démocraties
de conviction qui étaient beaucoup plus stables parce que c’était plus difficile de
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Bicentenaire du CGPC
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Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
basculer un camp de droite, de gauche, religieux ou pas. Aujourd’hui on voit bien
que, en Espagne, une heure de mauvais discours et un attentat bouleversent les
hommes politiques et on voit bien aujourd’hui ce qui s’est passé aux Etats-Unis.
Derrière chaque affirmation politique, il y a l’utilisation acceptée ou non acceptée
d’une expertise. La valeur de l’expertise aujourd’hui doit être analysée au critère
de sa valeur éthique et déontologique. Je crois que nous devrons être attentifs à
ce que la banalisation des experts ne tue pas l’expertise. Nous avons des experts
partout : chaque journaliste invite sur son plateau un expert tous les jours même si,
aux yeux des vrais experts, cette personne n’y connaît pas grand-chose, elle affiche
des opinions qui canalisent l’opinion (publique) et la fossilisent ou la mettent dans
un courant de pensée qu’il est extrêmement difficile de combattre. Ce que vous
évoquiez sur les inondations en baie de Somme était tout à fait évident, même si
j’y rajouterais le bémol que l’opinion adhérait à certaines thèses, en fonction de
considérations liées aux conséquences positives ou négatives sur sa capacité à faire
jouer les assurances ou pas.
La bonne respiration démocratique est une respiration à quatre temps : pédagogie
des enjeux, organisation des débats, choix politiques, adhésion aux choix
politiques. L’exigence de la réactivité, celle du temps, fait que souvent le pouvoir
politique gomme ces deux premières étapes pour aller au choix politique qui est
immédiatement contesté, pour donner lieu à un débat qui lui-même est contesté
s’il n’est pas assis sur une pédagogie des enjeux.
La préparation à la décision politique qui, me semble-t-il, doit être le rôle majeur d’un
expert, conduit probablement à une inversion des primautés et des priorités ; et au
lieu d’avoir une capacité rapide d’exécution, il vaut mieux aujourd’hui s’interroger
sur cette capacité de préparer la décision, de préparer l’opinion et de faire en sorte
de maîtriser ces vagues émotionnelles qui peuvent remettre en cause quelquefois
les plus belles théories scientifiques, les plus grands progrès. Regardez aujourd’hui le
débat sur les OGM : est-ce un moyen de réduire la famine dans le monde entier au
moment où on dit que le défi de la démographie va créer des besoins énergétiques
et des besoins alimentaires deux ou trois fois plus importants qu’actuellement? Eh
bien ! ce débat ne peut pas aujourd’hui être abordé d’une façon saine et stable car,
probablement, nous avons laissé échappé la pédagogie des enjeux comme celui de
la capacité d’alimentation d’une population croissante, etc.
On voit bien qu’aujourd’hui nous sommes à un moment extrêmement important
sur le plan politique. On estime qu’une institution comme la justice est bonne
ou non, en fonction de la capacité qu’elle a de vous donner raison ou pas et on
analyse une expertise en fonction du soutien qu’elle apporte à votre thèse ou pas.
Par exemple lorsque vous contestez une infrastructure, on appelle un expert qui
conteste l’analyse acoustique d’un passage de TGV.
J’ai entendu quelqu’un parler tout à l’heure d’une problématique de division
d’expertise. Je crois effectivement que nous devons réfléchir à cette relation
entre l’expertise et le pouvoir, éviter l’instrumentalisation, éviter la complaisance,
et surtout éviter le procès souvent fait que, par peur de la vérité, vous soyez
plutôt à la recherche d’une justification de ce qui existe et que, quelquefois, vous
soyez vous-même prisonnier de la complaisance de vos propres corps. Défendre
injustement vos amis lorsqu’ils ont tort est certes un facteur de camaraderie, mais
est suicidaire pour l’histoire de l’institution elle-même.Aujourd’hui un politique qui
a peur de la vérité, qui a peur de la transparence, est un politique qui va fragiliser
son action politique.
L’’homme politique est alors obligé de reconnaître brutalement qu’il n’est pas le
plus compétent, ce qui le conduit à rechercher un transfert de ses incompétences
sur les compétences des autres. Or cela nécessite un partage du savoir, qui, pour
beaucoup de responsables politiques, est considéré comme une fragilisation de
leur pouvoir. Il y a donc un problème, que vous évoquiez tout à l’heure, du rapport
entre l’expertise et le pouvoir politique.
Autre élément : on voit bien que le politique est aujourd’hui extrêmement perturbé
car il avait l’impression d’être un peu le chef sur un territoire et qu’aujourd’hui ce
territoire lui échappe et que les problématiques sont internationales, européennes
ou territorialisées à une échelle différente. A l’évidence, cette capacité de limiter
territorialement son pouvoir lui pose un vrai problème. Nous voyons bien que la
relation binaire est aujourd’hui plus facteur d’alimentation d’une confrontation que
d’une adhésion. L’acteur tiers - l’expert - devient alors un élément très important.
Bicentenaire du CGPC
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Si nous devons faire une recherche dans laquelle la valeur éthique de l’expertise
sera peut-être quelquefois plus importante que la valeur des analyses, la question
suivante se pose : sommes-nous capables lorsque nous revendiquons notre
indépendance, d’aller jusqu’au bout de l’indépendance la plus difficile à avoir ?
Est-ce l’indépendance par rapport à nous-mêmes, par rapport à nos propres
convictions, par rapport à notre propre corporatisme ? Sommes-nous capables
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Clôture du colloque
d’avoir une impertinence qui ne soit pas sanctionnée par un bris de carrière ou
par une complaisance hiérarchique ?.
qu’aujourd’hui, nos opinions vont se rendre compte qu’elles peuvent être manipulées
par des grandes puissances industrielles : je connais de grands scientifiques qui
appuient des thèses dont dépendent d’énormes enjeux industriels. Je ne vous parle
pas des firmes agroalimentaires ou des médicaments... mais il y a tellement de
milliards de dollars en jeu qu’à l’évidence on peut comprendre quelquefois qu’un
certain nombre d’experts soutiennent certaines thèses consuméristes qui sont
quelquefois une interprétation un peu limitée de la vérité scientifique.
Il y a là une vraie difficulté dans la gestion de l’administration française qui gère plus
des carrières que des compétences et dans laquelle la promotion est quelquefois
plus la sanction d’une ancienneté ou d’une complaisance que la sanction d’une
compétence. Nous ne sommes souvent pas capables de mettre la compétence au bon
endroit, au bon moment, car la mobilité qui serait importante et utile, par rapport au
défi que nous devons relever, est généralement coupable par rapport à une gestion
de carrière. Et là nous devons être extrêmement attentifs au fait que l’expertise
publique, non pas parce qu’elle a le statut public, mais parce qu’elle est détachée des
intérêts particuliers mêmes légitimes, doit avoir toute son importance.
C’est un sujet lourd parce que le poids de l’émotion médiatique s’appuie quelquefois
sur des thèses peu crédibles scientifiquement, mais très acceptées émotionnellement
par l’opinion. L’expertise publique doit échapper à ces forces émotionnelles comme
aux intérêts privés légitimes. Elle doit être capable de prendre ses distances par
rapport à l’événement, par rapport au lobby politique, et cela pose d’une façon
très claire - et je suis tout à fait d’accord avec vous -l’indépendance de l’expertise
par rapport à un pouvoir politique.
J’attire votre attention sur le fait que, revenant d’un congrès des ombudsmans
internationaux où j’y allais «petit garçon» car je viens d’être nommé médiateur, j’étais
extrêmement frappé de voir que, sur l’ensemble des continents, le débat politique
juridique était le débat entre les droits collectifs et les droits individuels.
Pour éviter un monde sens dessus-dessous, avec une incapacité de réguler des
politiques publiques, il faut se garder de vouloir que l’expert soit un instrument de
pouvoir, car sinon nous tuons l’expertise et nous tuons le pouvoir.
A l’évidence nous sommes aujourd’hui non plus dans une politique de droite ou de
gauche, mais par rapport aux forces politiques, financières, sociales, démographiques
qui sont en train de se mettre en place, nous sommes dans l’obligation de mettre
en place des outils de régulation, outils qui doivent redonner la perception de la
puissance du pouvoir politique, appuyée sur des expertises indépendantes et non
instrumentalisées au profit d’intérêts financiers et boursiers .
Nous avons là un grand débat devant nous, avec aussi peut-être, effectivement,
une différenciation entre les experts. Je crois que nous sommes devant un certain
nombre d’interrogations : vous, experts, devez interpeller le pouvoir qui doit
accepter le partage du savoir, mais cela pose un problème, comme celui sur lequel
nous avons travaillé avec Claude MARTINAND : lorsqu’un homme politique doit
décider ce qui est de son ressort, comment faire en sorte qu’il ne se sente pas trop
dépendant, dans ces équilibres d’influence, d’une puissance d’expertise qui créerait
une influence ou une dépendance intellectuelle, scientifique, trop lourde par rapport
à ce que l’on peut considérer comme ses faiblesses d’analyse ? Comment parvenir
à ce que le déséquilibre, non pas de l’expertise, mais de la capacité d’analyse des
thèses et antithèses soit un élément de stabilisation de la prise de décision politique
par rapport à l’influence que doit avoir légitimement un expert ?
Il faut que le pouvoir accepte d’être remis en cause par l’expert. En tant que
politique, je n’ai cessé de cultiver le devoir d’impertinence de la part de mes
collaborateurs ou de mes fonctionnaires. Rien n’est pire que de vivre dans un
océan de complaisances : nous sommes dans un monde où l’on saura de plus
en plus de choses et où l’on se posera en réalité de plus en plus de questions.
Je me souviens toujours du détournement des valeurs du PDG de Mercedes qui
me disait : «dans les entreprises il y a les collaborateurs qui partagent les valeurs de
l’entreprise et qui sont performants. Puis il y a ceux qui ne les partagent pas et qui
sont performants. Il faut les virer». Pourquoi ? Je reviens sur la notion d’expertise
et de primauté. La sortie de la classe A était programmée pour les actionnaires. Un
des responsables les plus importants, expert, a estimé que le respect du calendrier
boursier était plus important que le respect de l’expertise technique. On a anticipé
la sortie du véhicule classe A, ce qui a entraîné ce que vous connaissez comme
conséquences.
Ce qui veut donc dire qu’aujourd’hui la déontologie de l’expertise doit être un outil
permettant de prendre des décisions par rapport à des valeurs. Je suis convaincu
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Bicentenaire du CGPC
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Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
Il faut être extrêmement prudent vis-à-vis de celles et ceux qui détiennent la vérité,
ce qui pose d’ailleurs le problème de la non-stabilisation de vos parcours car au
bout de quinze ans d’expertise, vous risquez quelquefois d’être enfermé dans vos
propres certitudes avec des conflits scientifiques bien plus redoutables quelquefois
pour les luttes de pouvoirs que les conflits politiques.
Comment faire en sorte de développer le pouvoir d’analyse dans cette bataille
d’experts ? Nous sommes là autour de l’homme politique en train d’imaginer un
nouveau métier de synthèse de toutes les expertises permettant d’établir une
synthèse responsable par rapport aux thèses et aux antithèses.
Souvent l’homme politique est très frileux lorsqu’il se sent dépendant d’une
mono-thèse, d’une mono-expertise et cette angoisse de la mauvaise décision,
soit lui interdit de prendre la décision, soit le pousse à fuir ses responsabilités ou
à se défausser sur l’expert, ce qui est la pire des choses. Nous devons donc être
attentifs, au moment où la déresponsabilisation individuelle cohabite avec une
prise de conscience d’une responsabilité collective en matière de destruction de
l’environnement et de fragilisation des liens sociaux, avec une prise de conscience
de l’utopie du collectivisme et d’une absence générale de sens et d’humanité. Un
champ nouveau semble s’offrir à vous, experts : vous allez raviver notre intérêt
pour la philosophie politique. En effet, de votre constat d’expertises scientifiques
déshumanisées, naîtront des questions relatives au sens de la vie et des débats
politiques majeurs. La prolongation de la vie va poser une question à un moment
donné -on pourra très naturellement prolonger la vie jusqu’à cent-dix, cent-vingt
ans- , mais pourra-t-on prolonger de la même façon le plaisir de vouloir continuer
à vivre si c’est dans des conditions dégradées ?
Il faut accepter de se remettre en cause car vous mettez parfois plus d’intelligence à
défendre vos structures qu’à défendre les analyses que vous devriez accepter pour
modifier vos structures. Donc, nous ne devons pas nous imputer des défauts en
justifiant des vertus que nous n’avons pas. C’est là aussi un débat difficile parce que,
si l’expertise montre que l’on est inutile, est-ce que l’on accepte de se remettre
en cause en tant que pouvoir politique ? Est-ce que l’on accepte de se remettre
en cause en terme de pouvoir d’administration ? C’est ce que vous évoquiez tout
à l’heure sur la présence des agences qui ont du mal à imaginer de fusionner, de
disparaître, parce que tout simplement elles existent et que, derrière, il y a une
carrière, etc.
Deuxième élément : c’est aussi le droit à l’erreur et à la prise de risques. Comment
faire en sorte que, dans une société, la gestion des risques, l’analyse des risques, ne
neutralisent pas la prise de décision, mais au contraire la sécurisent ? Nous allons
avoir ainsi un pouvoir d’influence de plus en plus fort - je crois à la montée rapide
du pouvoir consumériste - qu’il ne faut pas craindre, car il a poussé à la qualité des
produits. Je voudrais simplement vous dire que nous sommes en train de changer
de perception collective de la société par rapport à l’époque où notre société, par
l’extraordinaire progrès technologique des XIXe et XXe siècles, a pu croire que la
puissance de l’homme se manifestait par sa capacité de domination, de la nature.
Aujourd’hui, brutalement, nous sommes en train de découvrir un sentiment de
finitude et de fragilisation par rapport à cette nature que l’on exploitait. Il faut
revenir à la vertu de la nature matrice, nous ne devons pas mettre notre intelligence
au service de la domination mais à celui de la protection, de la gestion, etc. Ce qui
renforce totalement le besoin d’expertise et va engendrer de formidables batailles
d’experts. Nous allons assister à des conflits armés : ceux qui s’annoncent au XXIe
siècle seront des conflits d’expertise avec ce que vous évoquiez pour la régulation
de l’OMC. Regardez les batailles des experts du FMI, des scientifiques de la santé, la
problématique de l’environnement.A partir du moment où les questions juridiques
et la régulation par le droit vont s’imposer au XXIe siècle, ce droit sera nourri par
des capacités d’expertise.
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On voit bien que nous sommes là, non pas sur une expertise unique, mais sur tout
un champ d’expertise nouvelle, sur lequel il faudra mettre en place des formations
nouvelles. L’expert doit avoir une vocation pour les uns de pédagogie des enjeux,
pour d’autres de validation des différentes thèses qui organisent le débat, pour
d’autres encore de contrôle de l’exécution de la prise de décision politique, et
pour d’autres enfin de mise en place des contre-expertises. Un certain nombre
de débats politiques lourds qui émaneront de l’expertise scientifique mais plutôt
en matière de sciences humaines et morales seront à ouvrir. Je crois que le champ
de l’expertise publique n’a jamais été aussi ouvert à condition effectivement qu’il
réponde, anticipe, accompagne une interrogation lourde que peuvent ressentir,
aujourd’hui, les décideurs politiques par rapport à un champ d’incertitude,
d’inquiétude où les condamnations de justice ont tendance à freiner les ardeurs
les plus grandes.
Comment arriver à transformer l’expertise non pas comme une contrainte, mais de
façon positive ? Je suis convaincu que, en matière d’indicateurs de performances, il
va y avoir de nouveaux indicateurs à côté des indicateurs classiques des politiques
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Clôture du colloque
publiques : imaginons des indicateurs territoriaux, quelle est leur signification ? Je
suis persuadé que, demain, les forces financières seront attentives à la sécurisation
des investissements en matière de santé et voudront savoir si la Drire a pu, en
participant à l’élaboration de l’usine et à l’examen des plans de construction,
sécuriser l’investissement par rapport aux contentieux de demain. Nous sommes
dans un monde de contentieux : quand les grands experts que vous êtes arrivez
à la retraite, certains d’entre vous prennent un malin plaisir à créer des procès
contre leurs anciens collègues. Il y a une espèce de frustration rentrée.
Grâce à cela - ne prenons pas ça comme un mal - les associations d’environnement
du Var ont permis de corriger un certain nombre d’erreurs manifestes en matière
d’urbanisme. Pourquoi ne pas essayer de positiver ce que l’on considère comme
une contrainte ? La puissance du pouvoir associatif appuyé sur des experts ne peut
que nous amener à la qualité de la décision politique. L’exigence de la Drire peut
être considérée comme un facteur de prévention des contentieux futurs pour
permettre la stabilisation financière et le retour d’investissements financiers pour
un certain nombre d’établissements de caractère industriel.
Nous pouvons avoir la même démarche en matière de risques naturels comme
le montre un débat très intéressant en matière d’urbanisme dans une région
proche d’Avignon : faut-il considérer que la maîtrise des digues permet de réduire
l’étalement des crues et donc de redonner de l’espace à la construction ou au
contraire doit-on estimer que la maîtrise des digues est imparfaite et qu’on connaîtra
forcément un jour ou l’autre une rupture des digues et donc qu’il faut interdire
toute construction sur l’espace convoité ? Vrai débat qui pose le problème de la
confiance faite aux experts. On voit bien là que, à un moment donné, le choix
politique devra permettre la confrontation entre expertise et contre-expertise.
Je crois donc que, plus que jamais, vous ne devez pas craindre l’expertise privée qui
s’exprimera de plus en plus fort, par rapport à des intérêts de plus en plus lourds.
Il y aura besoin d’un espace de recueillement, de distanciation par rapport à tous
les intérêts en présence, pour que la capacité de maîtrise du temps et de maîtrise
de la décision aide à la prise de décision commune.
C’est pour cela que je crois que l’expertise doit être reconsidérée, doit être
sectorisée par domaines de prises de décision pour permettre de pouvoir servir
l’intérêt général. Ce que vous indiquiez, c’est que quand on doit réfléchir à ce que
doit être l’expertise publique, on doit réfléchir aussi à ce qu’elle ne doit pas être.
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de la recherche au Ministère fédéral des Transports, de la Construction et du Logement
Ancien fonctionnaire au Ministère de l’Economie, des classes moyennes et des transports
du Land de Rhénanie-du-Nord/Westphalie
Ancien sous-directeur des services centraux et sous-directeur de la construction
au Ministère fédéral de l’aménagement du territoire, de la construction et de l’urbanisme Ancien sous-directeur de la circulation et des transports routiers Biographies des intervenants
Alain BOUVIER
Professeur des universités, Docteur d’Etat Es-Sciences Mathématiques
Chercheur au LAREQUOI
Chargé de mission à l’Institut National de Recherche Pédagogique (INRP)
Ancien Recteur de l’académie de Clermont-Ferrand
Ancien directeur de l’Institut Universitaire de Formation de Maîtres (I.U.F.M.)
de l’académie de LYON,
André BARILARI
Ancien élève de l’Ecole nationale d’administration (ENA)
Inspecteur général des finances
Président du comité interministériel d’audit des programmes
Membre du conseil des impôts
Président du conseil d’administration de l’établissement public d’aménagement de la
défense
Ancien directeur général des impôts
Charges électives :
Membre de différents conseils universitaires de plusieurs universités et du Conseil National
des Universités
Ancien président de la conférence des directeurs d’IUFM, de la Conférence des Chefs
de MAFPEN et de l’ADMEE-Europe
Auteur des ouvrages suivants :
« Le consentement à l’impôt» Presses de sciences po 2000
«Animer une organisation déconcentrée» Editions d’organisation ; 2002
«Les contrôles financiers, comptables, administratifs et juridictionnels des finances publiques»
LGDJ 2003 Auteur de nombreuses publications:
17 livres (traités de mathématiques, ouvrages de vulgarisation scientifique, dictionnaire
des mathématiques, ouvrage de didactique, traité sur le management des établissements
scolaires, ouvrages sur la vie scolaire, etc.), dont certains traduits en Japonais, Allemand,
Espagnol, Portugais, Arabe, Serbe,…
Plusieurs polycopiés et monographies en France et à l’étranger, en Français et en Anglais.
31 articles de Recherche en Mathématiques dans des revues internationales avec «referees»
80 articles sur la Formation, la Recherche en Didactique et sur le management
Jean-François BENARD
Ancien élève de l’école polytechnique et de l’Ecole nationale d’administration (ENA)
Président de la septième chambre de la Cour des comptes (ministères chargés de
l’équipement, des transports, de l’urbanisme, de l’aménagement du territoire, du
tourisme, de la mer, de l’environnement et de l’agriculture).
Ancien Directeur général de la SNCF
Ancien Directeur général de Réseau ferré de France
Gilles CARREZ
Ancien élève de l’Ecole des Hautes Etudes Commerciales (HEC) et de l’Ecole Nationale
d’administration (ENA)
Député-maire du Perreux-sur-Marne
Rapporteur Général de la commission des finances de l’Assemblée Nationale
Ancien secrétaire général de l’Etablissement Public d’Aménagement de Marne la Vallée
Ancien secrétaire Général du Groupe Central des Villes Nouvelles (GCVN)
Ancien adjoint au Délégué interministériel à Euro Disneyland
Ancien conseiller général du Val-de-Marne
Activités associatives :
Ancien président de l’association des magistrats de la Cour des comptes.
Ancien président de JCLT (association d’aide sociale à l’enfance)
Ancien président de la Colline aux enfants (association d’aide sociale à l’enfance)
Membre du bureau de l’ACAT (ONG de défense des droits de l’homme)
Dr. Heinz-Jörg BORKENSTEIN
Docteur en Droit
Ministerialdirigent
Sous-directeur des données structurelles, de la protection de l’environnement et
Bicentenaire du CGPC
n 17 novembre 2004 - Ecole
Nationale d’Administration - Paris
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Biographies des intervenants
Federico COLOSI
Titulaire d’une maîtrise d’histoire
Vice-président de l’Agence de contrôle et de qualité des services publics locaux
de la commune de Rome
Directeur de Praxis – scuola di politica e territorio en collaboration avec l’Université
Pontifica Gregoriana
Professeur d’Université et collaborateur de divers instituts romains
Ancien directeur des programmes communaux de Rome pour la création de nouvelles
entreprises dans les zones défavorisées.
Ancien fonctionnaire
Jean-Pierre GIBLIN
Ancien élève de l’Ecole Polytechnique et de l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées
Ancien élève de l’Université de Yale (U.S.A)
Ingénieur Général des Ponts et Chaussées
Président de la section des Affaires scientifiques et techniques du CGPC
Ancien directeur de la Recherche et des Affaires Scientifiques et Techniques au Ministère
de l’Equipement, des Transports et du Logement.
Ancien directeur régional de l’Equipement du Languedoc-Roussillon
Ancien directeur de l’Institut de Recherche des Transports (aujourd’hui INRETS)
Claude GRESSIER
Ancien élève de l’Ecole Polytechnique et de l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées
Président de la section des Affaires Economiques du CGPC
Ancien directeur du Transport Maritime, des Ports et du Littoral
Ancien président-fondateur de GEODIS (groupe SNCF)
Ancien directeur des Transports Terrestres au Ministère de l’Equipement et des
Transports
Ancien directeur des Transports et de la Circulation au Conseil Régional d’Ile de France
Jean-Paul DELEVOYE
Ancien Ministre
Médiateur de la République
Maire de Bapaume, Président de la Communauté de Communes de Bapaume
Ancien Ministre de la fonction publique, de la réforme de l’État et de l’aménagement du
territoire
Ancien Député du Pas de Calais
Ancien Sénateur du Pas de Calais
Ancien Conseiller Général du Pas de Calais
Ancien Président de l’Association des Maires de France
Ancien directeur de sociétés agroalimentaires
Olivier JAY
Diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris et du Centre de Formation des Journalistes
de Paris
Membre de l’équipe de direction de Bayard, chroniqueur au quotidien La Croix et éditorialiste
à LCI (chronique de week-end centrée sur l’économie et les faits de société)
Ancien rédacteur en chef du mensuel économique Enjeux-Les Echos
Jean-Pierre DUPORT
Ancien élève de l’Ecole nationale d’administration (ENA)
Président du conseil d’administration de Réseau Ferré de France
Membre du Conseil Economique et Social, en qualité de représentant des entreprises
publiques
Ancien Préfet de la région d’Ile-de-France, Préfet de Paris
Ancien directeur du cabinet du Ministre de l’Intérieur
Ancien Préfet de la Seine-Saint-Denis
Ancien Délégué à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale
Ancien directeur de l’architecture au ministère de l’Urbanisme et du Logement
Ancien président du conseil d’administration de l’agence foncière et technique de la région
parisienne
Ancien directeur de l’architecture et de l’urbanisme au ministère de l’Equipement, du
logement, de l’aménagement du territoire et des transports
Auteur des ouvrages suivants :
«Nos chers privilèges» (Grasset, 1998), une réflexion sur les acquis sociaux et, avec le sociologue
Dominique Wolton, «Internet, petit manuel de survie» (Flammarion, 2000).
Daniel LIMODIN
Ancien élève de l’E.N.A., Inspecteur général de l’administration
Chef de corps de l’inspection générale de l’administration
Membre titulaire du comité d’enquête sur le coût et rendement des services publics
Vice-président du comité interministériel de coordination et de contrôle des fonds
structurels européens (FEDER).
Président du conseil d’administration de l’IRA de Lille
Membre du conseil d’administration de l’Institut de démographie de l’université de Paris
Ancien Préfet, secrétaire général de la préfecture de Paris
Ancien Préfet, représentant du Gouvernement à Mayotte
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Bicentenaire du CGPC
n 17 novembre 2004 - Ecole
Nationale d’Administration - Paris
Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
Giuseppe RICCERI
Ingénieur en travaux publics
Diplômé de l’Université de Padoue spécialiste en constructions souterraines
Président du Conseil supérieur des travaux publics du Ministère italien des infrastructures
et des transports
Membre de l’International Society for Soil Mechanics and Foundation Engineering
Membre du groupe de travail “Tunnels” de la Commission intergouvernementale francoitalienne pour la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin
Expert pour un grand nombre de projets routiers et ferroviaires en Italie
Professeur de géotechnique à l’Université de Padoue et à l’Université de Florence
Ancien directeur des personnels, de la formation et de l’action sociale au ministère de
l’Intérieur
Ancien conseiller technique au cabinet du ministre de l’intérieur
Ancien rapporteur général de la mission de réforme des administrations centrales
Claude MARTINAND
Ancien élève de l’Ecole Polytechnique et de l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées
Vice-Président du CGPC
Président d’honneur, fondateur de RFF
Président de l’Institut de la Gestion Déléguée
Administrateur d’Aéroports de Paris
Ancien Conseiller Economique et Social (1999-2004)
Ancien Directeur des Affaires Economiques et Internationales du ministère de l’Equipement,
des Transports et du Logement
Ancien Directeur Général de l’IGN
Ancien Directeur de Cabinet du Ministre des Transports
Fernando ROJAS URTASUN
Licencié en droit et en sciences économiques et de l’entreprise
Membre du corps des inspecteurs des finances de l’Etat des Contrôleurs et Auditeurs de
l’Etat et des Techniciens des Finances
Directeur général de la Programmation Economique au Ministère du FOMENTO
Ancien sous-directeur général d’information et d’assistance fiscale de l’agence d’Etat de
l’administration fiscale
Ancien sous-directeur général des achats
Ancien collaborateur de la Banco de Madrid (15 ans)
Auteur de nombreux ouvrages :
Le génie urbain – La Documentation française (1986)
Divers articles sur le service public, les réseaux et les territoires
L’avenir du transport ferroviaire – Rapport introductif au débat national (1996)
Le financement privé des équipements publics - Economica (1993)
La maîtrise des services publics urbain organisés en réseaux – Avis présenté au CES – Edition des
journaux officiels (2001)
Environnement et Développement Durable. L’indispensable mobilisation des acteurs économiques
et sociaux – Avis présenté au CES – Editions des journaux officiels (2003)
Alfonso ROSSI BRIGANTE
Diplômé en droit
Président de l’Autorité de surveillance des travaux publics
Magistrat de la Cour des Comptes italienne (gestion du Ministère des travaux publics
et de l’ANAS, l’agence des routes nationales)
Ancien directeur de cabinet de plusieurs ministres (Environnement, Marine marchande,
Travaux publics, transports et navigation et enfin, Santé)
Ancien secrétaire général de la Cour des comptes et ancien président de section
Ancien fonctionnaire du Ministère des travaux publics
Gérard MASSIN
Ancien élève de l’Ecole Polytechnique et de l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées
Président du groupe SETEC Ancien conseiller technique au cabinet du Premier Ministre (secteur équipement, logement,
transports, mer, aménagement du territoire, environnement)
Ancien président-directeur général de la Société Auxiliaire de Chauffage (SAC)
Ancien directeur technique de l’Etablissement Public d’Aménagement de la Ville Nouvelle
de Cergy-Pontoise
Ancien directeur de l’Agence d’Urbanisme pour l’Agglomération Strasbourgeoise
Bicentenaire du CGPC
n 17 novembre 2004 - Ecole
Nationale d’Administration - Paris
André ROSSINOT
Ancien Ministre
Docteur en médecine, spécialiste ORL
Maire de Nancy – Président de la Communauté Urbaine du Grand Nancy
Président du Centre National de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT)
Président de la Fédération Nationale des Agences d’Urbanisme (FNAU)
Secrétaire Général de l’Association des Maires de Grandes Villes de France
Ancien Ministre de la Fonction Publique
Ancien député de Meurthe-et-Moselle
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Biographies des intervenants
Ancien Président de l’Association des Villes Européennes TGV et Président d’honneur de
l’association «Les Villes Européennes de la Grande Vitesse»
Ancien administrateur délégué membre du Comité de direction de la Banque de LA
POSTE
Ancien Chef de cabinet du Ministre du Budget et des Finances (Région wallonne)
Ancien Directeur de cabinet du Ministre bruxellois de la Communauté française
Ancien Conseiller au cabinet du Ministre du Budget (Etat fédéral)
Ancien administrateur et président de différentes cliniques du secteur libre bruxellois et
d’une fédération hospitalière
Odile SALLARD
Diplômée d’économie, de gestion et de comptabilité de l’Université de Paris et de l’Institut
d’Etudes Politiques de Paris
Directeur de la direction de la gouvernance publique et du développement territorial à
l’OCDE
Ancien chef d’une Division des études nationales au Département des affaires économiques
(OCDE)
Ancien directeur du Service du développement territorial (OCDE)
Ancien chef du Cabinet du Secrétaire général (OCDE)
Ancien directeur adjoint de la direction de l’éducation, de l’emploi, du travail et des affaires
sociales (OCDE)
Ancien Directeur du Service de la gestion publique (OCDE)
Ancienne collaboratrice de la Direction de la prévision du Ministère français des Finances
Auteur de diverses publications sur les finances publiques
Paul VIALLE
Ancien élève de l’Ecole polytechnique
Ingénieur général du génie rural, des eaux et des forêts
Vice-président du conseil général du Génie rural, des eaux et des forêts
Président du conseil d’administration de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments
(AFSSA)
Président du Comité permanent de coordination des inspections (COPERCI)
Président du Comité technique permanent de la sélection végétale
Président-fondateur de Génoplante
Ancien président de l’Observatoire des missions et des métiers
Ancien directeur général de l’INRA
Ancien directeur adjoint du cabinet du, ministre de l’Agriculture et de la Forêt
Ancien directeur de l’Institut National Agronomique de Paris Grignon
Patrick STAES
MA History, Catholic University of Louvain
MA Public Management and Public Administration, Catholic University of Louvain
General Advisor - National Expert Seconded to European Institute for Public
Administration
(Maastricht)
Member of the Board of the Belgian Institute of Public Administration
Member of the European Group of Public Administration (EGPA)
Representative for Belgian in the Innovative Public Service Group (IPSG), a group of European
experts under the authority of the group of Director Generals of the member states of
the EU, in charge of Public Services.
Member of the EFQM Community of Practice: Public Sector.
Trainer in many national and international seminars on public management
Past Secretary-general of the Flemish Association for Public Management
Michael WHITEHOUSE
Assistant Auditor General in National Audit Office
(in charge of the audit of the Department of Work and Pensions, the Department for
Education and Skill, the Office of the Deputy Prime Minister and Regional Development
Agencies) .
Responsible for the overall quality and technical development of the NAO’s value for
money reports.
Leader at board level on the NAO’s finances and corporate governance
Reporter to Parliament on the impact of the Government’s initiatives to modernise and
improve public services
Past appointment in New Zealand with the Office of the Auditor General.
Past UK Audit Commissioner for the European Space Agency
Pierre VERKAEREN
Licence en droit UCL
Inspecteur des finances
Président du Comité de direction du Service public fédéral Budget et Contrôle de la
Gestion
Commissaire du gouvernement et délégué du Ministre du budget dans différents organismes
publics
Chargé de cours dans plusieurs établissements
Published reports:
Modernising Procurement, Better Policy Making, Joining up to improve public services, Modern
Electronic Government including the management of IT projects, Modernising Construction,
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Bicentenaire du CGPC
n 17 novembre 2004 - Ecole
Nationale d’Administration - Paris
Expertise et contrôle : dialogues sans frontières
Supporting Innovation – risk management by departments, Purchasing Professional services, the
Invest to Save programme, Call Centres and Better Public Service through e-government.
Antony WRIGHT
Agricultural economist and statistician,
Acting Director General and Internal Auditor in the European Commission’s Internal Audit
Service
Responsible for setting up the Commission’s newly created Internal Audit Service,
Past career in the European Commission in the area of budgeting, audit management and
resource management
Contact
Conseil général des Ponts et Chaussées : [email protected]
Site internet
http://rp.equipement.gouv.fr/bicentenaire-cgpc/home.htm
Bicentenaire du CGPC
n 17 novembre 2004 - Ecole
Nationale d’Administration - Paris
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