Plusieurs ont vu dans ces trois mentions, une progression : Pharaon aurait d’abord décidé d’endurcir son cœur,
donc une décision. Plus tard, son cœur a été endurci (il était trop méchant et il était trop tard!), et conséquemment,
Dieu aurait décidé de l’endurcir comme acte de jugement! Mais une lecture attentive des textes nous fait remarquer
qu’il n’y a pas de progression. Avant même le début des plaies, Dieu annonce à Moïse qu’il va endurcir le cœur de
Pharaon. Affirmer que l’endurcissement par Dieu n’est qu’une réponse à l’endurcissement du cœur par Pharaon,
c’est de faire dire au texte ce qu’il ne dit pas. Il n’est pas dit non plus : Dieu a endurci son cœur, donc son cœur a
été endurci et par conséquent, le Pharaon a endurci son cœur! Au contraire, Pharaon était coupable et responsable
de ses péchés, rebelle et incrédule. Dieu demeure souverain en maintenant son cœur dans un état
de rébellion et en l’alourdissant. Dieu l’a condamné et c’était selon son choix souverain! Paul utilise l’exemple de
Pharaon pour démontrer que, comme l’endurcissement du cœur de Pharaon par Dieu a permis le salut, la sortie et la
délivrance du peuple d’Israël, l’endurcissement d’Israël a rendu possible le salut des païens, des non-juifs. Une
action de Dieu que nous qualifions de « négative » a des effets très positifs, la gloire de Dieu et le salut de son
peuple. Comme nous tous, ses créatures ne sont pas moralement neutres et ce n’est pas Dieu qui les transforme en
pécheurs et pécheresses! Elles méritent son jugement. Tous les êtres humains sont coupables sinon, la miséricorde
ne tient pas! L’endurcissement est un acte judiciaire de Dieu! Il est parfaitement juste et comme il a tous les droits,
il endurcit qui il veut et fait grâce à qui il veut. Ainsi, la conclusion à en tirer est que certains Juifs ont cru par grâce
et d’autres ont été endurcis par Dieu.
C. Un Dieu avec qui on ne « discute » pas (v. 20-22)
Nous pourrions être tentés de blâmer Dieu avec de tels propos : « Tu me diras donc : Qu'a-t-il encore à blâmer?
Car qui résiste à sa volonté ? » C’est une question difficile. Pourquoi Dieu ne sauve-t-il pas tout le monde?
Quelqu’un peut-il dire : « si je ne suis pas sauvé, ce n’est pas de ma faute parce que Dieu ne m’a pas choisi? »
Paul pose la question à notre place! On ne peut l’accuser d’éviter les questions difficiles! La logique est la
suivante : si c’est Dieu qui endurcit les cœurs et qui tient les êtres humains responsables des leurs actions, comment
peut-il le faire selon son plan souverain? Quelle est la réponse de Paul? « Toi plutôt, qui es-tu pour discuter avec
Dieu? Le vase modelé dira-t-il au modeleur: Pourquoi m'as-tu fait ainsi ? Le potier n'est-il pas maître de l'argile,
pour faire avec la même pâte un vase destiné à l'honneur et un vase destiné au mépris ? » (v. 20, 21). Cette image
du vase et du potier, nous la retrouvons chez les prophètes (voir Jé 18 et Es 45: 9; 29: 16). L’argile est une masse
informe qui ne peut rien dire au potier! Après tout, que sommes-nous? Très peu de chose. Pourquoi Paul emploie-t-
il cette image comme réponse à la question? Une des manifestations de notre culpabilité et de notre rébellion, c’est
notre « droit » de pouvoir remettre en question ce que Dieu fait et que nous avons de plus, le culot de le blâmer: (v.
20). La racine du péché n’est-elle pas de nous prendre pour Dieu et de remettre en question ses choix? Nous
voulons déterminer ce qui est bien ou mal! Pourtant, il n’a aucun compte à nous rendre, à nous ses créatures.
Depuis quand devrait-il nous demander la permission pour que sa volonté s’accomplisse? Par ces paroles, Paul ne
nie pas la responsabilité humaine, comme nous pouvons lire ailleurs dans les Écritures. Jamais il n’insinue dans
toutes ses lettres que la souveraineté de Dieu annule ou diminue la responsabilité humaine! Dans toute la Bible,
nous trouvons plusieurs exemples de ce qui est appelé en théologie, le « compatibilisme » (deux vérités qui nous
semblent contradictoires ou paradoxales, mais présentées comme compatibles). Un des plus grands exemples de
compatibilisme se trouve dans le discours de Pierre dans Ac 2 : 23. Au sujet de Jésus, il affirme: « cet homme, livré
selon le dessein arrêté et selon la prescience de Dieu, vous l'avez fait mourir en le clouant à la croix par la main
des impies ». Lorsque Christ a été livré aux mains des pécheurs, Dieu ne dormait pas, n’était pas distrait ou
incommodé. Certains croient que le diable serait venu et aurait déjoué Dieu, mais Dieu sortant de sa passivité
comme un joueur d’échecs très habile aurait transformé rapidement la croix en un triomphe inattendu. Au contraire,
la croix était son plan avant la fondation du monde (Jn 3 : 16). Christ a été prophétisé comme le serviteur souffrant,
l’Agneau immolé, notre souverain sacrificateur. Nous ne pouvons affirmer que, parce que Dieu a tout prévu de
toute éternité, ces hommes ne sont pas responsables de l’avoir crucifié (voir Actes 4 : 27, 28). Si les hommes ne
sont pas responsables d’avoir crucifié Jésus, de quoi sont-ils responsables alors? Si la souveraineté enlève la
responsabilité dans ce cas, elle l’enlèverait donc dans tous les cas! Donc n’étant pas coupables, nous n’aurions pas
besoin de la croix? Tout cela signifie qu’il y a une saine tension. La souveraineté de Dieu et la responsabilité
humaine sont toutes les deux compatibles et simultanées. Dieu est totalement souverain, mais sa souveraineté ne
réduit jamais la responsabilité humaine. Les êtres humains sont des créatures responsables, coupables et redevables
à Dieu. Dieu ne réagit pas aux péchés humains.