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ABD-AL-LATIF CONTI
éloignée de l’inspiration qui anime des hommes participant
profondément au dépôt sacral d’une Révélation spécifique, comme
celle qui a pu se manifester lors de la rencontre entre saint François
d’Assise et le sultan Malik al-Kâmil, à Damiette, ou lors de certains
contacts qui se sont maintenus, durant tout le Moyen Age, entre
les élites intellectuelles d’Orient et d’Occident. Les historiographes
modernes ont malheureusement tendance à méconnaître ces
signes de convergence spirituelle et de reconnaissance réciproque.
La perte de cette perspective de vérité, en Occident comme en
Orient, est telle que l’incapacité à dépasser le plan des formes
nous précipite dans un exclusivisme aveugle qui nie la validité
salvatrice des autres formes religieuses en refusant de fait à Dieu
la possibilité de Se révéler pleinement sous des formes différentes.
Du coté chrétien, on reconnaît tout au plus aux autres religions un
caractère de « semences du Verbe » (semina verbi) ou de
«préparation au Christ » (propedeutica Christi), dans une sorte
de positivité morale qui devient alors la base effective du dialogue
inter-religieux et qui permet même d’élargir le terrain du dialogue,
au-delà des religions dites historiques, en l’étendant à toutes les
formes pseudo-religieuses et au déferlement des sectes. Le salut
serait alors accordé à tous les hommes grâce à la manifestation
du Verbe dans une seule et unique forme complète, celle du Christ
historique. Du coté musulman, on demeure prisonnier d’une
conception progressiste des religions, dans laquelle l’islam, dernière
Révélation, devient la seule religion, rationnelle et sans mystère,
d’un Dieu unique qui est hélas réduit à une abstraction. Le salut
serait alors accordé à tous les hommes par le seul fait de leur
appartenance à cette dernière forme religieuse. Les uns comme les
autres oublient que l’aspect vraiment essentiel des religions est
la participation aux rites, qui permet, si elle est vécue avec
l’intention droite, de bénéficier des influences spirituelles qui
peuvent opérer une transformation réelle de tout l’être. Ces
influences spirituelles sont rattachées aux formes rituelles par