Supplément de
la Gazette
n°47 – mai 2006
v
i e a s s o c i a t i v e
réf. : 47/06
F n a r s - F é d é r a t i o n n a t i o n a l e d e s a s s o c i a t i o n s d ' a c c u e i l e t d e r é i n s e r t i o n s o c i a l e
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Le choix de lassociation
dans le champ de laction sociale
Il y a un an, la Fnars ouvrait le débat en conseil d’administration relatif au choix de la forme
associative dans le portage des établissements et services sociaux.
En effet dans notre champ d’intervention, celui de la lutte contre l’exclusion, comme dans tous les
champs de l’intervention sociale, le repérage des acteurs se réalise de plus en plus en fonction des
services rendus. Ainsi se développent indifféremment des services sociaux dans le cadre
d’entreprises publiques, d’entreprises privées non lucratives et plus cemment d’entreprises pri-
vées lucratives.
La question se pose alors de savoir quelle est la spécificité de chacun des modèles d’entreprises,
faut-il fendre le modèle d’entreprise dominant à la Fnars, à savoir le modèle associatif et si oui
pourquoi, et quels sont ses critères repérables de fonctionnement à développer ou valoriser dans
cette manière d’entreprendre.
l
association pourquoi ? _____________________________
La mondialisation des rapports économiques
et sociaux, la sur-valorisation d’une économie
marchande et monopolistique au détriment
d’une économie non monétaire (don, récipro-
cité, entraide…) est venue renforcer l’urgence
du débat et de la prise de position sur la dé-
fense, les bienfaits de l’économie sociale et
solidaire pour le développement d’une éco-
nomie plurielle.
Rappelons à cet endroit que l’économie so-
ciale regroupe les associations, coopératives
et mutuelles. Ce qui distingue les acteurs de
ce secteur réside dans le fait que le pouvoir
des associés n’est pas lié au capital apporté
par ceux-ci au fonctionnement de l’entreprise,
mais à leur participation, à l’engagement de la
personne, un Homme égal une voix, quel que
soit son statut social, sa richesse.
L’économie solidaire quant à elle fait réfé-
rence à des pratiques plus qu’à un statut, pra-
tiques de réciprocité, de mixité des ressources
(marchandes, non marchandes, non monétai-
res), participation des acteurs les plus concer-
nés par les actions développées par l’entre-
prise…
De plus en plus la construction européenne
met en évidence la notion d’intérêt général,
visant à différencier les organisations servant
l’intérêt général des autres organisations.
Ce faisant elle intègre toutes nos interventions
en action sociale dans l’économie des services.
Cette approche, qui n’est plus à discuter au-
jourd’hui, est celle retenue dans la construc-
tion des SSIEG (Services sociaux d’intérêts
économiques généraux), qui, grâce au combat
mené par la Fnars notamment, sont repérés
comme des SIG (Services d’intérêt général)
particuliers. Ainsi il n’est plus fait de distinction
entre les supports gestionnaires des services,
les spécificités des services publics, des ser-
vices privés non lucratifs, les services privés
lucratifs.
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Nous sommes donc face à deux défis ma-
jeurs :
Celui de voir l’ensemble des services, y
compris les services sociaux et médico-
sociaux soumis aux règles du marché, analy-
sés dans le registre exclusif de l’économie des
services (économie monétaire).
Celui de ne voir pris en compte que la no-
tion de service et non pas la manière dont il
est porté. Sachant que le mode de portage fait
référence à une conception différente des
rapports entre politique, économie et social.
- Les services privés lucratifs se centrent sur
la dimension des services qu’ils vendent se
référant à la seule économie marchande.
- Les services publics se centrent également
sur la dimension des services qu’ils distribuent
pour une recherche d’égalité de traitement
entre les citoyens. Les services publics relè-
vent de l’économie non marchande.
- Enfin les services portés par des acteurs de
l’économie sociale (associations, mutuelles,
coopératives) s’ils s’inscrivent également dans
le cadre de services vendus ou distribués,
ajoutent à leur intervention des modalités
d’organisation visant la participation citoyenne
(un homme, une voix), une construction basée
sur l’échange et la réciprocité (économie non
monétaire).
L’association parce que…
La conséquence de la réduction des asso-
ciations de l’action sociale et médico-
sociale à la dimension de services réside-
rait dans le fait que la question sociale se-
rait renvoyée à un traitement d’experts, elle
échapperait à la citoyenneté.
Elle ne serait plus la question de tout un
chacun, elle ne serait plus politique, c’est à
dire qu’elle ne concernerait plus la vie de
la cité, elle serait exclusivement technique.
Au départ, cantonné dans la sphère de la cha-
rité, de la bienveillance, en marge d’un fonc-
tionnement sociétal dont les associations et
congrégations se chargeaient de réparer les
effets néfastes, leur travail sera peu à peu pris
en compte par les pouvoirs publics dans une
période de forte industrialisation, dite "des
trente glorieuses".
Dans cette période les pouvoirs publics (Etat
providence) reconnaissent le savoir faire des
associations et congrégations dans la cons-
truction de projets et de services d’action so-
ciale et médico-sociale et prennent cons-
cience du rôle qu’elles jouent dans le cadre de
la solidarité nationale.
Cette reconnaissance passe par une forte
professionnalisation du secteur conduisant à
une diminution de l’engagement bénévole,
que ce soit le bénévolat d’intervention - les
bénévoles sont remplacés par des salariés
qualifiés - ou que ce soit les bénévoles des
instances dirigeantes de l’association - le pro-
jet est moins citoyen (perte de régulation dé-
mocratique) que professionnel.
Cette période va se formaliser par un premier
cadrage législatif du secteur social et médico-
social (loi de 75 et ses décrets d’application).
La France entre alors en crise économique
venant interroger le lien du social à l’écono-
mique. L’Etat définit ses politiques publiques,
choisit les opérateurs et les contrôles.
Nous en sommes là aujourd’hui, dans une cons-
truction du social qui s’est inversée, les établis-
sements sociaux et médico-sociaux sont deve-
nus des orationnels des politiques publiques,
choisis de plus en plus par appel d’offres ou
appel à projets, avec qui les relations sont en-
cadrées par des conventions fixant les attendus
et les moyens affectés pour le faire.
De la régulation (ou construction) citoyenne,
nous sommes passés à une régulation pro-
fessionnelle, pour arriver aujourd’hui à une
régulation par les politiques publiques.
Plus récemment une nouvelle loi rénovant
l’action sociale et médico-sociale (2002.02) et
la Lolf (Loi organique relative à la loi de finan-
ces) viennent donner un autre cadre au secteur
social, ces principales nouveautés portent sur :
L’affirmation du droit de l’usager. Désormais
les établissements sociaux et médico-sociaux
sont tenus d’associer les usagers à leur pro-
pre projet et au fonctionnement des établis-
sements et ce, quel que soit leur mode de
gestion.
L’évaluation des prestations servies pour
une transparence et meilleure lisibilité de
l’utilisation des fonds publics.
Une rationalisation par type d’établis-
sements ou services sociaux avec une har-
monisation des dépenses publiques par servi-
ces du même type.
Il se confirme donc le passage d’une logique
de subvention à une logique de rémunération
de prestations, voire à une solvabilisation de
la demande (aide financière directe aux
usagers qui s’adressent aux services de
leur choix).
La logique de mise en concurrence des opéra-
teurs que cette approche entraîne, est por-
teuse de dérives.
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L’association parce que…
La recherche de mise en œuvre d’actions
de qualité passe par la nécessaire capacité
d’un ensemble d’acteurs sur un territoire à
travailler en synergie. C’est pourquoi les
organisations de l’économie sociale pré-
sentent un réel intérêt car elles s’inscrivent
dans une logique de constructions collec-
tives.
Enfin les associations de solidarités sont les
seules qui ont la possibilité de développer un
autre rapport à la personne bénéficiaire de
ses services en lui offrant la possibilité d’exer-
cer sa citoyenneté au sein même de cette or-
ganisation.
L’association parce que…
L’association est une organisation qui en
son sein permet l’exercice de la citoyenne-
té pour ses acteurs, peut assurer la promo-
tion de la personne d’un statut d’usager à
celui de citoyen.
La séparation entre des organisations produc-
tives des services, réduites à leur dimension
gestionnaire, d’un côté, et celles d’organi-
sations dites citoyennes chargées de porter
des revendications, de l’autre (notamment des
usagers des premières), conduirait au déve-
loppement de rapports consuméristes, peu
compatibles avec l’intervention et/ou l’accom-
pagnement social.
l
association comment ? _____________________________
La loi 1901 relative à l’association est une rè-
gle de liberté publique et non pas comme les
réglementations relatives aux sociétés ano-
nymes (SA [Société anonyme] ou SARL [So-
ciété à responsabilité limitée]) une réglemen-
tation visant à organiser la production de
biens ou de services, cependant la liberté
qu’elle offre permet aux citoyens à la fois de
penser un projet et de le mettre en œuvre.
Aussi, la première question relative au fonc-
tionnement associatif est celle de l’organi-
sation des débats et échanges au sein de
l’association pour faire émerger le projet des
associés, le projet associatif.
L’instance repérée et souveraine pour ce
faire est l’assemblée générale. Lieu des dé-
bats et de la construction des orientations et
actions à mener.
Les orientations votées, il convient de les dé-
velopper, d’administrer l’association et de diri-
ger la mise en œuvre des actions qui dans
notre champ d’action sociale vont souvent
prendre la forme d’établissements et/ou de
services sociaux.
Gestionnaire de ces établissements et servi-
ces, l’association se trouve en situation de
mettre en œuvre, au-delà de son propre projet
définit en assemblée générale, le projet des
politiques publiques, fruit des choix de la dé-
mocratie représentative nationale.
L’enjeu consiste alors pour l’association à ne
pas se laisser instrumentaliser, à veiller en
permanence à ce que le projet des politiques
publiques auquel elle contribue participe tou-
jours de la mise en œuvre de son propre pro-
jet et de sa capacité à privilégier ce dernier, à
pouvoir s’opposer, à velopper des alternati-
ves.
1 - L’association d’action sociale répond
à un mode de gouvernance citoyen et
bénévole.
Elle est le fruit de personnes qui se sont asso-
ciées pour construire un projet commun
qu’elles vont mettre en œuvre, parfois en em-
bauchant du personnel. Le projet mis en œu-
vre ne se réduit pas à la mise en œuvre des
politiques publiques.
La construction de ce projet portera sur un
engagement dont la contrepartie est d’abord
l’exercice de la citoyenneté (et non pas un
salaire), cet engagement est donc bénévole.
Plus les adhérents, bénévoles, seront impor-
tants, plus l’exercice de cette citoyenneté sera
réalité.
2 - L’association d’action sociale est por-
teuse d’un projet de transformation so-
ciale.
Le projet vise une transformation des rapports
économiques et sociaux, vise une autre ma-
nière de vivre ensemble, et propose, à son
niveau, un fonctionnement alternatif qu’il va
jusqu’à expérimenter, mettre en oeuvre.
Une autre manière d’entreprendre, un autre
modèle économique de référence (économie
sociale et solidaire).
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3 - L’association d’action sociale est un
lieu intermédiaire entre l’espace privé et
l’espace public.
Les associés construisent leur engagement
sur des questions qui se posent d’abord dans
une sphère privée (famille, communauté res-
treinte…) et portent cette question dans
l’espace public.
L’association est le lieu où, d’individuelle, une
question, un problème, se transforme en ac-
tion collective. L’associé, l’adhérent est ci-
toyen, porteur de valeurs, de conceptions qu’il
va partager avec d’autres individus pour cons-
truire une action collective.
En ce sens l’association loi 1901 est un outil
fondamental de la liberd’initiative, de la li-
berté d’entreprendre.
4 - L’association d’action sociale est un
lieu de socialisation, une école de la ci-
toyenneté.
L’association est un lieu de vie collective qui
va transmettre l’état de ses réflexions de ses
points de vue de son projet au nouvel adhé-
rent, par un travail spécifique dans sa direc-
tion, par la convivialité, qui le conduira à pren-
dre une place dans la construction et la mise
en œuvre du projet.
Ainsi plutôt que de "recruter des administra-
teurs", l’association s’ouvrira le plus largement
possible à l’adhésion et puisera des candidats
administrateurs parmi ses adhérents qui se-
ront élus pour ce mandat.
5 - La relation qui spécifie les liens entre
les personnes au sein de l’association
est la réciprocité, l’entraide.
La construction d’une action collective telle
que celle portée par l’association, la fonction
de lieu de socialisation de cette organisation
suppose une relation de type "horizontale"
entre les personnes, construite autour de la
réciprocité, de l’entraide.
Ce type de relation se distingue de la relation
d’aide ou d’assistance qui va exister entre un
établissement d’action sociale et un usager,
de la relation marchande qui peut exister entre
un service et celui qui l’achète, entre le salarié
et son employeur.
6 - L’association d’action sociale, c’est la
possibilité d’un projet indépendant fi-
nancièrement.
L’association d’action sociale peut bénéficier
de plusieurs sources de financement, dons,
mécénat, argent public. L’association recher-
chera son indépendance financière dans la
mixité de ses ressources.
7 - Une implication effective sur son terri-
toire de proximité.
L’association porteuse d’un réel projet de
transformation se doit d’essaimer ses idées,
points de vue, de les confronter à la réalité
des expériences. Elle doit mettre en œuvre un
lien étroit entre son projet et celui du territoire
sur lequel elle est implantée. Elle associe au
maximum les personnes de son territoire
d’intervention pour ne pas faire de la question
sociale une seule question d’experts.
8 - L’association d’action sociale, une
organisation co-construite.
L’association d’action sociale possède en son
sein plusieurs acteurs ;
Des personnes accueillies qu’il est souhai-
table de voir accéder au statut de citoyen ac-
teur au sein de l’association.
Des professionnels salariés qu’il est souhai-
table de voir participer à l’élaboration du projet
de l’association.
Des adhérents et/ou névoles porteurs
d’une expression citoyenne.
La particularité et la force de l’association
d’action sociale réside dans sa capacité à
pouvoir porter un projet politique qui soit issu
de cette confrontation de points de vue et
d’approches que sont ceux de la personne la
plus concernée (expérience), ceux d’une ap-
proche plus professionnelle (expertise), et
ceux de l’approche citoyenne ("Polis", c'est à
dire, la ville, la cité en grec).
Ces 8 axes constituent une forme de référentiel
de la bonne gouvernance associative, qui, s’ils
ne pouvaient être mis en œuvre par déficit
d’acteurs ou d’engagements de ceux-ci, vien-
draient interroger le choix de la forme associa-
tive comme support juridique pour la gestion
d’établissements sociaux et médico-sociaux.
Document réalisé par le groupe d'appui "Stratégies associatives"…
dans le cadre de la préparation du congrès de Strasbourg.
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