Supplément de
la Gazette
–
mai 2006
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Nous sommes donc face à deux défis ma-
jeurs :
Celui de voir l’ensemble des services, y
compris les services sociaux et médico-
sociaux soumis aux règles du marché, analy-
sés dans le registre exclusif de l’économie des
services (économie monétaire).
Celui de ne voir pris en compte que la no-
tion de service et non pas la manière dont il
est porté. Sachant que le mode de portage fait
référence à une conception différente des
rapports entre politique, économie et social.
- Les services privés lucratifs se centrent sur
la dimension des services qu’ils vendent se
référant à la seule économie marchande.
- Les services publics se centrent également
sur la dimension des services qu’ils distribuent
pour une recherche d’égalité de traitement
entre les citoyens. Les services publics relè-
vent de l’économie non marchande.
- Enfin les services portés par des acteurs de
l’économie sociale (associations, mutuelles,
coopératives) s’ils s’inscrivent également dans
le cadre de services vendus ou distribués,
ajoutent à leur intervention des modalités
d’organisation visant la participation citoyenne
(un homme, une voix), une construction basée
sur l’échange et la réciprocité (économie non
monétaire).
L’association parce que…
La conséquence de la réduction des asso-
ciations de l’action sociale et médico-
sociale à la dimension de services réside-
rait dans le fait que la question sociale se-
rait renvoyée à un traitement d’experts, elle
échapperait à la citoyenneté.
Elle ne serait plus la question de tout un
chacun, elle ne serait plus politique, c’est à
dire qu’elle ne concernerait plus la vie de
la cité, elle serait exclusivement technique.
Au départ, cantonné dans la sphère de la cha-
rité, de la bienveillance, en marge d’un fonc-
tionnement sociétal dont les associations et
congrégations se chargeaient de réparer les
effets néfastes, leur travail sera peu à peu pris
en compte par les pouvoirs publics dans une
période de forte industrialisation, dite "des
trente glorieuses".
Dans cette période les pouvoirs publics (Etat
providence) reconnaissent le savoir faire des
associations et congrégations dans la cons-
truction de projets et de services d’action so-
ciale et médico-sociale et prennent cons-
cience du rôle qu’elles jouent dans le cadre de
la solidarité nationale.
Cette reconnaissance passe par une forte
professionnalisation du secteur conduisant à
une diminution de l’engagement bénévole,
que ce soit le bénévolat d’intervention - les
bénévoles sont remplacés par des salariés
qualifiés - ou que ce soit les bénévoles des
instances dirigeantes de l’association - le pro-
jet est moins citoyen (perte de régulation dé-
mocratique) que professionnel.
Cette période va se formaliser par un premier
cadrage législatif du secteur social et médico-
social (loi de 75 et ses décrets d’application).
La France entre alors en crise économique
venant interroger le lien du social à l’écono-
mique. L’Etat définit ses politiques publiques,
choisit les opérateurs et les contrôles.
Nous en sommes là aujourd’hui, dans une cons-
truction du social qui s’est inversée, les établis-
sements sociaux et médico-sociaux sont deve-
nus des opérationnels des politiques publiques,
choisis de plus en plus par appel d’offres ou
appel à projets, avec qui les relations sont en-
cadrées par des conventions fixant les attendus
et les moyens affectés pour le faire.
De la régulation (ou construction) citoyenne,
nous sommes passés à une régulation pro-
fessionnelle, pour arriver aujourd’hui à une
régulation par les politiques publiques.
Plus récemment une nouvelle loi rénovant
l’action sociale et médico-sociale (2002.02) et
la Lolf (Loi organique relative à la loi de finan-
ces) viennent donner un autre cadre au secteur
social, ces principales nouveautés portent sur :
L’affirmation du droit de l’usager. Désormais
les établissements sociaux et médico-sociaux
sont tenus d’associer les usagers à leur pro-
pre projet et au fonctionnement des établis-
sements et ce, quel que soit leur mode de
gestion.
L’évaluation des prestations servies pour
une transparence et meilleure lisibilité de
l’utilisation des fonds publics.
Une rationalisation par type d’établis-
sements ou services sociaux avec une har-
monisation des dépenses publiques par servi-
ces du même type.
Il se confirme donc le passage d’une logique
de subvention à une logique de rémunération
de prestations, voire à une solvabilisation de
la demande (aide financière directe aux
usagers qui s’adressent aux services de
leur choix).
La logique de mise en concurrence des opéra-
teurs que cette approche entraîne, est por-
teuse de dérives.