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Premier ensemble de notions :
Le sujet,
la conscience et l’inconscient.
Notion au centre de plusieurs notions du programme : placez
au centre et voyez ce qui pourrait s’y rattacher.
N.B. A partir du sujet nous verrons deux autres notions du
programme : la conscience et l’inconscient.
Nous allons traiter du sujet, notion complexe et sinueuse qui est au
cœur de toute une série de débats.
Tout d’abord, remarquez que l’on parle de « sujet » dans différents
contextes :
- en grammaire, le sujet d’une phrase (ou d’une proposition) est le
terme qui commande le verbe principal, cela dont on dit quelque chose
dans l’énoncé.
- plus couramment, le sujet de discussion, du film, du tableau, du
bac., du tableau, etc. désigne ce dont on parle.
Ces quelques sens et usages proviennent de toute une élaboration
philosophique : le sujet ancien, le sujet moderne.
SUJET
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a – Le sujet ancien : une nécessité ontologique et logique.
D’une manière très générale, la question du sujet revient à se demander
ce qui reste inchangé dans quelque chose, en-deçà de toutes les
déterminations qui peuvent venir s´ajouter à cette chose.
Le mot « sujet » contient l’idée de quelque chose (ontologie) de
sous-jacent, qui se tient au fond comme un support ou un suppôt
permanent (voyez l’expression « suppôt de Satan »). Cf. la racine
latine : sub-jectum = ce qui est jeté sous : notion voisine de celle
de sub-stance (qui se tient desous). « Sujet » : le terme que l´on
utilise ainsi s´énonçait en grec : hypo-keimenon, et signifiait
littéralement : le « sous-jacent » - ce qu´on a donc traduit ensuite
en latin par sub-jectum (jeté sous). De vient notre « sujet » : ce
qui subsiste en quelque chose et qui constitue, en ce sens, sa sub-
stance.
D’un point de vue logique l´accident désigne toujours « le prédicat
d´un sujet » (Aristote): ce qui est toujours sujet de la prédication,
sans être jamais lui-même prédicat correspond à la substance de
quelque chose, au sens de ce qui est constitutif du fait que ce
quelque chose soit. Ici, sujet = ce dont le reste s´affirme et qui
n´est lui-même jamais affirmé d´autre chose. Le sujet désigne,
dans une chose quelconque, ce dont on affirme, par les énoncés
de type prédicatif les diverses propriétés : S (sujet) est P (prédicat)
Exemple :
Socrate est chauve.
Le sujet est ce dont il faut poser la subs(is)stance pour
comprendre ensuite que la chose puisse être telle ou
telle (prédicats). On parle alors de sujet logique auquel, dans la
proposition prédicative (A est B), on attribue chacun des prédicats
(par lesquels on en explicite les déterminations : le sujet Socrate
est chauve, costaud, philosophe, fils d’un sculpteur et d’une sage-
femme, etc.).
C´est encore la question du sujet substantiel et non pas
accidentel que pose Descartes dans la deuxième de ses Méditations
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métaphysiques (1641) quand, pour expliquer comment il faut «
détacher l´esprit des sens » afin de saisir la vérité d´un objet, il prend
l´exemple d´un morceau de cire :
Ce qu´est cette « cire », c´est-à-dire sa « substance », c´est « ce
qui reste » quand, « éloignant toutes les choses qui
n´appartiennent point à la cire (comme substance)», à savoir son
odeur, sa couleur, sa forme, le son qu’elle rend quand on la
frappe, toutes choses qui vont changer quand on va la rapprocher
du poêle), on retient seulement qu´elle est « quelque chose
d´étendu, de flexible et de muable ». Une fois qu’on a discerné
dans la cire ce qu´elle est toujours savoir quelque chose qui
occupe un certain espace et est susceptible de subir des
changements), on peut bien lui attribuer telle ou telle propriété
qu´elle présente aux sens mais elles lui sont tout aussi
inessentielles que ses cheveux l´était à Socrate.
b – Le sujet moderne
Le sujet moderne peut être défini par 2 principes :
- a- d’attribution (ou d’imputation) :
Le sujet est ce à quoi un acte peut être attribué ou ce à qui
un acte peut être imputé (étymol. de emputer « accuser,
attribuer quelqu'un) une chose digne de blâme » ; «
attribuer (quelque chose) à quelqu'un, sans idée de blâme ou
avec éloge » (Malherbe, Traité des bienfaits à Sénèque, II,
23). La possibilité d’imputation d’une action A à un agent x
présuppose l’attribution de A à x comme sujet). L’imputation
est faite de l’extérieur mais elle suppose le sujet.
- b- d’appropriation :
Il s’agit de l’auto-attribution (au présent) de l’imputable (du
passé) : l’agent lui-même s’attribue ses actes comme à un
sujet, il se reconnait comme propriétaire de ses actes, se les
approprie en ses les attribuant comme siens. La personne,
appropriant ses actions, prend intérêt à ses actes passés, en
devient responsables, parce qu’elle les reconnait comme
siens et se les impute.
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On devine que cette vieille notion a été l’enjeu d’un singulier
déplacement (dont il faudra saisir les raisons et les conséquences) :
- le sujet ne désignera plus la substance en général mais le
« sujet » tel qu´il est capable de dire « Je » en parlant de lui-même
et d´être conscient de lui-même comme d’un « Moi ».
Par exemple selon Leibniz (en 1710), certaines dispositions
portant à telle ou telle action peuvent venir des objets mais « il
y en a aussi qui viennent autrement, a subjecto ou de l´âme
même ». A subjecto = à partir du sujet : le « sujet » dont il s´agit
ne correspond plus à une substance quelconque mais à la
substance pensante qui est un agent.
Dans la philosophie moderne telle que Kant en donne la
formule, la notion de sujet renvoie à ce qui, dans l’être humain,
constitue le fond de ses rapports avec la réalité : dire que l’homme
est sujet, c’est affirmer qu’il est au fondement de ses actions
(l’action est le fondement ?) et de ses représentations, de sa relation
au passé et à l’avenir, aux autres et à lui-même.
L’homme sera donc cet être possèdant deux propriétés (dont
la première détermine la seconde) :
- « posséder le « je » dans sa représentation »,
- « être une personne ».
Voici le texte phare du sujet moderne :
« Posséder le Je dans sa représentation : ce pouvoir élève l’homme infiniment
au-dessus de tous les autres êtres vivants sur la terre. Par là, il est une personne
; et grâce à l’unité de la conscience dans tous les changements qui peuvent lui
survenir, il est une seule et même personne »
Kant, Anthropologie d’un point de vue pragmatique (cours de 1797)
Retenons le sens moderne de la « subjectivité » = la capacité, se situe
l´humanité de l´homme, d’être l´auteur conscient et responsable de ses
pensées et de ses actes ; être sujet = être l’agent fondamental.
Problématique : une notion aussi nécessaire que problématique.
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Nous devons prendre la mesure de ce qu'a de particulier la
situation où nous nous trouvons aujourd´hui à l´égard d´une telle
notion :
- d´un côté, nous ne pouvons pas nous passer de cette notion de sujet.
Par exemple, quand nous dénonçons une quelconque forme de
dépossession de soi (par l'univers médiatico-culturel ou par
n´importe quelle autre forme d´aliénation) nous nous rendons bien
compte qu’une telle dénonciation est adossée à la valorisation de
l'identité à soi et de la personne. Nous sentons bien que l’univers
moderne est travaillé par l’idée de sujet aussi bien en morale
(responsabilité) qu’en politique (le retrait du sujet vis-à-vis du
pouvoir).
- d´un autre côté, nous excluons un pur et simple retour à la
perspective d´un sujet transparent à lui-même et auteur souverain de
toutes ses actions (c’est un apport de la psychanalyse).
Question
L’homme, en tant qu’il est, qu’il connait, qu’il aime et se souvient,
l’homme en tant qu’il est présent à lui-même (= conscient), est-il un sujet
entièrement autonome ? Pour autant, peut-on se passer, même à titre
d’hypothèse, de l’affirmation d’un sujet ?
D’où le parcours suivant :
1- Mettre en évidence l’apparition du sujet moderne
2- Montrer comme le sujet s’approfondit par la réflexion et se
détache finalement de la substance.
3- A travers différentes figures de sa dépossession montrer
comment « le sujet » ne se fonde pas lui-même : serait-il une
figure de l’illusion ?
En conclusion, insister sur sa nécessité problématique (morale et
métaphysique).
I Comment la substance devint sujet.
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