Islam et modernité
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Islam et modernité
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Date de mise en ligne : mercredi 29 juin 2011
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Islam et modernité
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Par Hamadi Redissi, Professeur à la Faculté de Droit et de Sciences Politiques de Tunis.
La question du rapport entre islam et modernité remonte au XIXe siècle. Près de deux siècles après, elle demeure
d'une actualité telle que les attentats du 11 septembre 2001 et la seconde guerre du Golfe, loin d'en atténuer les
effets, n'ont fait que lui donner plus de reliefs, rendant ainsi plus urgente la tâche d'en repenser les fondements :
pourquoi l'islam a-t-il échoué là où d'autres, l'Asie par exemple, à se moderniser et se démocratise. Pour preuve,
plus d'un siècle après, les essais contrastés qui ont été consacrés à l'islam n'ont fait que reprendre les thèmes qui
travaillent la pensée islamique depuis le trauma occasionné par la rencontre douloureuse d'un islam paresseux avec
ce qu'il avait découvert d'un trait et en vrac, en une même famille sémantique, l'Occident et ses inventions, son
histoire et ses valeurs, ses Dieux et ses hommes, sa technique et sa métaphysique, à savoir : le rapport à l'Europe,
le statut de l'étranger, celui des femmes, le problème de la sécularisation et des choses semblables (1).
Ceci étant, la question pose une double mise au point. La première est relative à la nature de la comparaison. Elle
met en rapport une culture qui s'étale dans le temps sur près de quinze siècle avec une notion, la modernité, portée
par les Temps Modernes. La seconde a trait à l'islam lui-même dont le sens varie selon qu'il est pris comme une
religion, une civilisation, une histoire, une aire culturelle ou un ensemble de pays ayant l'islam pour identité. Ce
décalage historique peut être surmonté si on adopte la perspective historico-théorique, celle qui prend la précaution
de ne pas figer l'islam dans une essence atemporelle et de considérer, par là-même, la modernité elle-même comme
un phénomène soumis à l'épreuve du temps qui en examine le sens et en critique l'apport. A la limite, la posture
ayant été adoptée par Aziz Al-Azmeh, on peut conjuguer l'islam et la modernité au pluriel (2). Mais, la pluralité des
sens de la modernité et de l'islam, ne fait pas évanouir pour autant le nécessaire travail d'éclairement des termes de
la comparaison. Je mettrai donc la relation dans son cadre historique et sémantique. Je considérerai l'islam comme
une société historique en transition, mais également comme une aire culturelle. En tant qu'aire culturelle, l'islam est
un type culturel ou anthropologique au sens où Jaspers a parlé de civilisations axiales, Weber, de religions
mondiales (Kulturreligion) ou d'aires culturelles (Kulturkreise) et les historiens des civilisations, de civilisation vivante,
globale, soit distincte, soit partie intégrante d'une civilisation centrale qui transcende les spécificités (des premières
civilisationnistes, Arnold Toynbee et Oswald Spengler aux contemporains, Mathew Melko, David Wilkinson, Stephen
K. Sanderson...). Ceci étant, le type s'articule aux autres unités concrètes, les groupements, les attitudes, les
sphères et les pays notamment les pays arabes, tout en reconnaissant qu'en la matière le jeu des
exclusions-inclusions dans la sélection des cas peut aussi bien être arbitraire qu'incomplet. C'est à ce prix que le
type se construit et qu'il est confronté à la réalité empirique. Quand à la modernité, en dépit du fait qu'elle ait revêtu
plusieurs sens, elle a été assimilée à une procédure, un procès, un rite de passage. Si on devait synthétiser à la fois
le corpus théorique de la philosophie et des sciences humaines, on pourrait définir la modernité par les traits suivants
: religieusement, elle est un passage du catholicisme au protestantisme ou de la religion historique ou naturelle à la
religion civile (Rousseau) ou à la "foi réfléchissante" d'une croyance privée (Kant) ; intellectuellement, de la tutelle de
la tradition aux Lumières de la raison universelle ; socialement, de la communauté hiérarchique à la société
d'individus libres et égaux ; politiquement, de l'État autoritaire à l'État de droit et la démocratie ; esthétiquement, de
l'art encore compromis avec les idées du bien (éthique) et du vrai (science) à l'autonomie du beau (esthétique) par
rapport à la science et à l'éthique ; matériellement, de l'économie domestique et agricole au capitalisme industriel ;
culturellement, du particularisme propre à un peuple à la civilisation universelle et planétaire. C'est ce bloc de
positivité que l'islam a désigné par couple, voire un même concept : l'Occident moderne ou la modernité occidentale.
Il se fait que l'Occident est une structure historique, et la modernité elle-même a subi les foudres de la critique
relativisé l'apport et en a déconstruit les présupposés. Jusqu'à quel point faut-il les déconnecter, voire se laisser
séduire par ce que d'aucuns ont appelé par un cliché fétiche, le postmoderne ? La question est ouverte. Mais elle
nous éloigne de notre propos. Plutôt que de se perdre eu conjectures théoriques sur les figures de l'Europe et les
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limites de la modernité, il est préférable de voir comment l'islam a concrètement composé avec la modernité
occidentale. Je pense que la modernité a déstructuré la belle totalité de l'islam médiéval (I), sans que l'islam ne soit
arrivé jusqu'à ce jour à retrouver une unité substantielle qui le réconcilie avec lui-même et avec les Temps Modernes
(II).
I. La totalité désunie
1. Le choc : la découverte de l'autre
S'il faut absolument une date à valeur symbolique pour marquer l'irruption de la modernité dans le champ discursif
de la pensée musulmane, c'est 1798 lorsque Bonaparte débarqua en Égypte fort d'un corps militaire et accompagné
de nombreux savants venus explorer le pays. Cette expédition ne suscita chez les musulmans qu'étonnement,
admiration naïve et vive et curiosité. Aveugles et incrédules, ils ne savaient pas pourquoi les français étaient venus,
et « personne ne s'en souciait ni cherchait à le savoir » (3). Non, Napoléon n'était pas "l'âme du monde sur un cheval
" comme s'était exclamé Hegel quand il vit Napoléon marcher sur Iéna en 1807 ! Il n'y avait donc aucun Kant pour
sublimer de loin une révolution qui réalise l'idée de droit, et nul Hegel pour s'en réjouir. Le seul médiateur autochtone
pour décrire un tel événement fut un chroniqueur du nom de Jabarti (m. 1825). Pourtant, cette apparition, de
Bonaparte dans ce qui pourrait être considéré comme la « Iéna arabe », Alexandrie, va tout de même signifier la « fin
de l'histoire », c'est-à-dire la fin de la culture musulmane classique, clôturée sur elle-même, inévitablement
dogmatique, théo-centrique et auto-référentielle. En effet, comme le rappelle B. Lewis, « pour la première fois depuis
les croisades, fut entreprise l'invasion d'une terre centrale de l'islam » ; ce qui « permit la diffusion en terre
musulmane des principes nouveaux de la Révolution française, premier mouvement d'idées européen à enfoncer la
barrière qui se dressait entre le monde des infidèles et le monde de l'islam » (4). Aujourd'hui encore, les Arabes sont
hantés par le colonialisme.
C'est dire, dès l'abord, que la modernité a été perçue comme allogène, compromise par le fait colonial. Elle n'est pas,
culturellement parlant, le temps où une société, salutairement, se remet en question pour se régénérer, ni, non plus
en termes philosophiques, l'époque où le savoir se prend pour objet sa propre actualité après avoir épuisé le
questionnement des transcendantaux. Ce qu'on appelle en arabe « sadmat alhadâha » (le choc de la modernité)
provient de la découverte de l'autre. Mais l'autre n'est pas celui qu'exalte la philosophie, l'autre qui se meut dans
l'horizon du sens du même (le revers du même, le prochain, l'autre que moi-même) ou le « grand autre », l'autre
symbolique par rapport à l'autre réel. Non ! L'autre, n'est pas non plus le non musulman de l'âge classique,
intra-muros (les gens du livre, juifs, chrétiens et assimilés) et extra-muros (territoires et peuples non islamiques). Oui,
l'autre, c'est désormais, Occident, l'unique, présent massivement avec ce qu'il a de négatif et de répulsif (ses armes,
ses Dieux, sa domination...) et simultanément de positif et d'attractif (son administration rationalisée, ses sciences et
techniques, sa culture et ses arts...).
On l'aura deviné sans doute, la question de la modernité dans le discours musulman s'inscrit directement dans la
faille que pourrait laisser entr'ouverte l'opposition husserlienne entre l'Occident-Universel d'une part, et d'autre part,
les autres "mondes vécus", relevant de ce que Husserl appelle les "spécimens empiriques ou anthropologiques", ces
"humanités non européennes" vouées à l'occidentalisation et qui ont pour nom Chine, Inde... Husserl ne cite pas
l'islam, mais on pourrait, sans trahir sa pensée, l'ajouter. Modernité exogène, opposition Universel/type
anthropologique, sont deux paramètres clefs pour une éventuelle compréhension des nouveaux enjeux de la pensée
musulmane. Ceux-ci ne peuvent être dégagés que si l'on passe en revue les profondes déchirures occasionnées par
le choc de la modernité.
2. La crise de la culture
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La rencontre entre l'Islam en tant que type empirique et l'Occident se déclinant sous le mode de l'universel a
provoqué un séisme sans précèdent dans l'espace fermé du savoir classique musulman. La culture rentre dans une
crise tragique, au sens où l'entend Simmel : faille entre l'objectif et le subjectif, procès de réification des objets
culturels désormais autonomes des sujets créateurs et aliénation de l'homme. Cependant, avec cette différence
capitale : les forces de destruction de la culture ne proviennent pas de ce tragique de la vie et du vouloir vivre d'une
existence qui agit contre elle-même, sa nature et sa valeur, bref son destin (5), mais elles viennent du dehors de
l'islam, de l'Occident. Du coup, la culture vacille : le savoir musulman perd son autorité, sa normativité et sa
prétention à la validité. Le rapport entre savoir, société et pouvoir se délite : la belle totalité médiévale est traversée
par de nouvelles scissions jusque là insoupçonnées. La crise est triple.
D'abord, le savoir institutionnel fondé sur la prééminence d'une religion qui structure l'espace du pensable, à peine
corrigée par une raison servante et domestiquée, ce savoir éclate. La science ('ilam) et la raison ('aql) devaient subir
l'épreuve d'une remise en cause qui les déconnecte pour les recomposer sur de nouvelles bases. Le savoir arabe
scientifique et technique, hérité du moyen âge, était rudimentaire. Les quelques percées et inventions scientifiques
ont été acquises à l'ombre de Dieu et n'ont jamais pu bousculer le Coran.La véritable science est la science du
Coran dont on disait qu'elle est la « mère des sciences » en ce sens qu'elle permet l'accès à toute autre science.
Quand au XIIIe siècle, elle a fini par déclasser les sciences rivales, le polygraphe Suyûti pouvait, avec certitude,
écrire : « toute perfection divine et profane, présente ou future, nécessite les sciences de la Loi et les connaissances
religieuses. Celles ci sont suspendues (mutawaqifa) à la science du Livre divin ». Et voilà qu'on découverte la
primauté des sciences « profanes » modernes. Plus exactement, on les re-découvre en tant que disciplines
obéissant à de nouvelles normes dont on ignorait le secret. C'est dire que le statut de science ex officio par lequel on
gratifiait les sciences de la religion est contesté. Un exemple suffit : le chroniqueur Jabarti raconte comment le
gouverneur turc, Ahmed Pacha, homme éclairé, envoyé par le Sultan ottoman pour administrer l'Égypte en 1749, eut
une conversation avec les jurisconsultes de l'école théologique d'Al-Azhar (Égypte) sur les mathématiques. De la
discussion, il en ressort qu'ils ignoraient littéralement cette science qu'ils assimilaient à des connaissances
facultatives et connexes, seulement nécessaires pour le calcul judicieux du bon accomplissement des obligations
religieuses de jeûne et de prières (le mois, l'année, l'apparition du croissant...). Par où on voit le défi évident.
Qu'est-ce que c'est que cette science nouvelle, venant du dehors, et qui concurrence le Coran ? Les musulmans
depuis sont confrontés à la science et ce, sous trois modes. Le premier portant sur le statut théorique de la science
comme connaissance objective, universelle et valide selon des procédés techniques et des protocoles
conventionnels. Le second sous la forme des découvertes naturelles et physiques qui ont envahi l'espace musulman,
allant du train à la fusée. Le troisième enfin, sous le mode plutôt idéologique, à savoir le scientisme ou ce qu'appelle
Habermas la technique et la science comme « idéologie », celles qui poussent la croyance en la supériorité de la
science au delà de son champ naturel au point que tout devient susceptible d'explications scientifiques. La science
comme connaissance de la nature (Naturwissenschaft), comme technique (Technik) et comme valeur (Wert).
Il en va de même de la raison. Autant que la science, on l'exaltait à l'âge médiéval. Mais dans les Temps Modernes,
l'opposition ressurgit sous la forme tranchée d'un antagonisme entre la raison purement humaine, première source
de vérité et les autres formes de savoir traditionnel. C'est l'opposition entre la raison de « l'Aufklärung » (les
Lumières) et la "Kultur" (la culture), l'universalité et les particularismes. Et donc, la question du rapport entre foi et
raison, étouffée, à l'âge médiéval, jusqu'à Averroès dans une concordance inévitable, va refaire surface sous la
forme d'une question : va t-on accorder la primauté à la raison, une, universelle et indivisible, au détriment de la foi ;
et quelle est l'ultime source de vérité : la tradition ou la raison ? C'est cette raison théo-juridique qui va subir l'assaut
du positivisme et de l'Aufklärung que les arabes viennent de connaître, en même temps et non pas, comme il en était
en Occident, l'un (le positivisme) après l'autre (l'Aufklärung). Le statut de la raison est, dès lors, soumis à discussion :
est-elle une faculté autonome, supérieure et souveraine ou bien un sens inné et une faculté confiés aux hommes par
Dieu pour un bon emploi ici bas ? Une polémique houleuse s'ouvre sur le thème au titre qui n'est pas sans rappeler
le livre de Russel « science et religion », aiguillonnée par l'introduction du darwinisme, le matérialisme et l'athéisme,
très en vogue au XIXe siècle. Deux moments forts de cette polémique. Le premier oppose Sayyed Ahmed Khan
(1817-1898) à Jamel eddine Al-Afghani (1839-1897). S. A. Khan, après une visite en Angleterre, revient en Inde pour
défendre un Coran « naturaliste », c'est-à-dire qui établit la préséance de la Nature sur la Révélation, un peu comme
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l'avait fait Spinoza. J. E. Al-Afghani lui répond fermement dans son opuscule « Réfutations des matérialistes » (6). Le
débat se poursuit, en terre arabe cette fois, notamment suite à la défense des idées de Darwin, par Chibli Chmeil
(1860-1917). Une seconde polémique oppose Farah Anton (1874-1922) à Mohamed Abdoh (1849-1905). F. Anton
est un libanais de confession chrétienne, établi au Caire. Il défend un scientisme et un laïcisme, nécessaires au
progrès. La réplique lui vient du disciple de Al-Afghani, M. Abdoh, et dans des termes similaires a ceux du maître.
Aujourd'hui encore, l'un des débats qui agite les Musulmans, est le rapport entre foi, raison et science.
Ensuite, la société, disons plutôt la communauté, perd son unité. Certes, jusqu'à l'avènement du colonialisme la
société était divisée, selon les paradigmes du grand philosophe de l'histoire Ibn Khaldun, en société bédouine et
société urbaine (7). Ou encore, selon le paradigme de Gellner, l'islam était scindé en deux islams : l'islam bédouin et
populaire, extatique et magique, marqué par les confréries, le culte des saints, l'allégeance aux marabouts, mais
aussi de la révolte permanente contre le pouvoir central ; et l'islam urbain et officiel, rationnel individualiste,
représenté par des ulémas, consacrés au fiqh et adeptes de l'obéissance au prince. Cet islam connaissait aussi la
hiérarchie de facto entre les nobles et la masse ; et au sein même des élites, selon les époques et les dynasties,
l'ordre social se nourrissait de subdivision s : l'appartenance familiale ou tribale, l'aristocratie militaire, les gens du
savoir, les ulémas, les propriétaires terriens et les gens de métier. Cependant, l'unité l'emportait à travers la
construction d'un lien social saturé par l'effet unificateur de la religion, aussi bien que par l'unité fonctionnelle des
forces solidaires (les assabiya) qui unissaient l'élite du pouvoir à celle du savoir. Mais encore, la religion dessinait les
frontières communautaires et sociales. A l'intérieur de la communauté islamique, l'Umma (la communauté religieuse)
ne réunissait que les Musulmans, tous tenus égaux devant Dieu. Quand aux non Musulmans (juifs, chrétiens et
assimilés), ils jouissaient du statut légal de « protégés » : ils étaient des dhimmis, sous la tutelle de l'islam, un statu
d'infériorité marquée par une triple règle : l'autonomie de leur organisation religieuse interne, la soumission et le
payement de la taxe de capitation. Entre Musulmans, les hommes libres étaient également supérieurs aux esclaves
et les hommes, aux femmes. Le fait colonial, d'une part, érode l'unité et approfondit les dualismes : l'État patrimonial
est relié ou supplanté par le pouvoir colonial ; le secteur traditionnel est menacé par le secteur capitaliste ; les élites
passéistes rentrent en concurrence avec les élites modernistes, aux écoles coraniques se superposent les écoles
laïques, etc. Du coup la représentation de soi et le rapport au monde se modifient : apparition de la catégorie
d'individu, désormais moins subordonné à l'unité ethno-religieuse du clan, de la tribu et de l'Umma ; apparition du
paradigme de productivité dans la mesure où l'homme idéal n'est plus automatiquement le Cheikh ou l'homme
d'origine nobiliaire mais peut être aussi le travailleur, le créateur de richesses, le médecin, l'avocat, le technicien ;
apparition de la notion de progrès (taqadûm) et le fait de se civiliser (tamadûn) qui vont servir de base à un
reclassement des civilisations en fonction de leur niveau de progrès. La communauté de l'islam, cet espace informe
de la religion, éclate au profit de la notion de patrie (al-watan), aux frontières plus précises, dont on commence à
faire l'éloge en Turquie, en Égypte, en Tunisie, en Syrie et ailleurs. On apprend que l'idée de watan (patrie) peut
reposer sur des éléments, tels que la terre, la langue et les moeurs que chaque contrée de l'islam commence à
creuser pour elle-même. Ce qui relativise le lien sacral de l'Umma tenu jusque là pour fondamental. La supériorité de
l'homme libre sur l'esclave est abolie, en Tunisie et en Turquie, bien avant la France et les États-Unis, vraiment sans
grande résistance, du fait que l'islam ne connaissait que l'esclavage domestique, contrairement à l'Occident où
l'esclavage était une institution économique. La supériorité du musulman sur le non musulman subit une blessure
narcissique lorsqu'il eut fallu déclarer que tous les habitants d'une contrée sont égaux devant la loi, l'impôt, le service
militaire et les mêmes droits à la sécurité et à la liberté, sans discrimination de religion ou de confessions. Ce qui fut
fait par les Réformes, les Tanzimat turques (1839 et 1854) et le pacte fondamental en Tunisie en 1857. Le pacte de
tolérance résiduelle classique qui régissait ce qu'on appelait le régime des Millet (confessions ou ethnies) devait, ce
faisant, céder la place au pacte de citoyenneté moderne. Il n'est pas jusqu'au statut intangible de la femme qui n'ait
pas été atteint par la contestation : est-elle la couche de l'homme ou son alter ego ? Jusqu'où peut aller son
émancipation souhaitée ? A-t-elle le droit à un statut égal et universel de conjoint ? A t-elle le droit libre et égal au
divorce, ou seulement à l'instruction et au travail ? Peut-elle sortir dans la rue et où se situe la limite de la décence ?
Et que dit la Loi ou qu'est-ce que l'homme lui a fait dire ? (8).Cela est désormais clair : la société est prise dans sa
positivité et traversée par de nouveaux partages insoupçonnés à l'âge médiéval.
Enfin, le pouvoir perd sa théorie. La pensée politique, léguée par le savoir classique, perd sa rationalité. A l'âge
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