préparait les esprits à l'ivresse hitlérienne avec son irrationalisme profond, son exaltation de
l'instinct et du mythe, l'expression la plus aigûe de ce désarroi se trouve chez Heidegger : «
Entre un ciel vide et une terre en désordre, la vie de l'homme apparaît sans perspective et
sans issue ». Ainsi, selon l'islam et les théologiens classiques il s'agira de développer deux
voies dans les valeurs de la connaissance :
- La science pratique ('lm al muâmala) qui dépend de la grâce mais aussi de la
volonté de l'Homme. Ces sciences ont un objet pratique, de progrès, sans lequel est-il dit, «
leur absence est préférable à leur présence ».
- La seconde connaissance ('lm al mukâsha-fa) désigne la lumière, qui se produit
dans le cœur de l'élu lorsqu'il s'est libéré de ses qualités blâmables. Cette voie de connais-
sance illuminative, prônée par Avicenne, Al Ghazali et les plus grands mystiques, consiste
en un « lever du voile de l'âme, de sorte que la connaissance réelle des idées et des choses
se révèle de manière claire et "indubitable" ». C'est aussi une connaissance du cœur.
- "Il faut dit Ghazali, distinguer l'essence des choses et la présence de celles-ci dans
le cœur. Lorsque le voile est levé l'homme a connaissance de la forme du monde physique
et surnaturel".
C'est par cette "vision du cœur" qu'apparaissent les vérités suprêmes du monde limité du
Ciel et de la Terre, mais aussi du monde infini des connaissances surnaturelles. Ceci
suppose une clarification appropriée de l'âme elle-même, car, comme dit Spinoza : « Notre
âme étant une partie de l'entendement de Dieu il est nécessaire que les idées claires et
distinctes de notre âme soient vraies comme celles de Dieu ! ». Dans cet ordre d'idée la foi
(Iman) va se constituer en trois étapes de certitude :
- 'lm al Yaqîn : la connaissance de certitude
- Ayn al Yaqîn : La vue de la certitude
- Haqq al Yaqîn : la vérité de certitude, qui est la connaissance suprême de l'âme
dans son objet d'adoration (inaccessible sans l'élection de Dieu).
Qui peut atteindre la science de Dieu ? « C'est Lui qui connaît le connaissable et
l'inconnaissable » (Cor. VI, 73 Al An'am) et : « Ils n'embrassent de sa science que ce qu'il
veut » (Cor. Il, 14 - versets du Trône). La pensée religieuse contemporaine de l'islam tend
vers une véritable reviviscence du rapport de la science et de la foi un peu oublié au cours
des siècles de stagnation (après Ibn-Khaldun).
Les réformistes modernes s'inscrivent à la suite de Muhammad ABDOUH qui, insistant sur
la primauté de la raison en matière de tradition religieuse, désire libérer le jugement de
l'argument d'autorité : le TAQLID. Dans sa Risalat at-Tawhid M. Abdu tout en respectant les
dogmes fondamentaux ne déviant pas de la Shari'ah, prône le retour à la Saine Tradition
par la connaissance approfondie de la doctrine à la lumière de la pensée scientifique et
technique actuelle. D'où cette association complémentaire et nécessaire pour lui et son
Ecole, d'étudier les sciences religieuses ainsi que les sciences modernes afin de mieux
engager les sociétés musulmanes dans le Progrès : La religion, ainsi conçue, est en parfaite
harmonie avec la science : « la destinée du monde ne sera accomplie que lorsque la
science et la religion fraterniseront, comme le veut le Coran et la sagesse, et c'est alors que
Dieu aura complété sa lumière... En comprenant la religion de cette façon, celle-ci devient
un ami sincère de la science, un stimulant pour approfondir les mystères de l'univers, un
appel au respect des vérités bien établies ».
« En lançant cet appel, écrit le Cheikh Abdou, je m'éloignais tout aussi bien du parti qui
voulait que seules les sciences religieuses fussent enseignées, que de celui qui ne
s'intéressait plus qu'aux sciences modernes ». N'est-ce pas la Wasatiya prônée dans le Cor.
11-143. Il est ainsi prescrit aux musulmans de faire confiance à la science positive, de ne
jamais voir dans ses progrès une menace pour la foi. La plupart des théologiens de l'islam
sont tenus d'avoir une base scientifique suffisante afin de se tenir au courant du mouvement
intellectuel et scientifique du monde dont ils doivent être des témoins actifs : Les temps
modernes ont fait apparaître de plus en plus aux savants de l'islam la nécessité d'allier
science et foi non dans une dogmatique théologique et technique figées par les chaines de
l'imitation qui sont les signes avérés de la stagnation intellectuelle. Citons dans ce domaine
M.Arkoun : « La pensée religieuse ne peut plus rester le monopole des théologiens » mais
fournir toujours des réponses vivantes aux questions vivantes et évolutives de notre temps.
Le mouvement étant le signe de la vie (biologique). L'islam reste et doit rester une religion
vivante pour tous les temps, tous les lieux et dans tous les domaines.
Cette exigence de la foi vivante et éclairée par la connaissance est particulièrement
nécessaire devant les débordements scientifiques et techniques étonnants où la pensée
religieuse est sans cesse sollicitée en vue d'un Ijtihad permanent. Ceci est particulièrement
vrai dans le domaine des sciences médicales et biotechnologiques où une véritable
bioéthique religieuse vient de naître. L'islam tend à fournir des réponses humanistes, se
fondant sur le respect de la dignité de la personne humaine, le respect du sacré de la vie et