DOSSIER PEDAGOGIQUE
Comment accompagner les textes contemporains ?
à partir des spectacles de la saison 13-14 : Les Particules élémentaires, Orphelins,
Les entretiens de Majorque, La Nuit juste avant les forêts et La Chanson
Dossier réalisé par Géraldine Serbourdin
Professeur déléguée par la Délégation Académique aux Arts et à la Culture
Contact relations avec le public scolaire:
Anne Coiseur
03 20 24 14 15
« Le théâtre est la passion du présent »
« Le théâtre, c’est rendre le monde habitable »
Olivier Py, Les mille et une définitions du théâtre, Actes Sud, Le temps du théâtre p.33 et 53
Introduction :
Comment expliquer, appréhender et accompagner les élèves vers les écritures textuelles et
les écritures scéniques contemporaines. Comment définir la notion de classique ? S’oppose-
t-il au théâtre contemporain ? Ces écritures sont classiques par rapport à qui ? à quoi ? Et
contemporain de qui ? De quoi ?
En tant qu’enseignants, nous sommes aux premières loges pour apprécier (déplorer plus
souvent que nous réjouir) la distance qui sépare les élèves des textes, de la langue, de la
syntaxe, de la norme, et évaluer les endroits où ils savourent, goûtent le plaisir des mots, des
textes, des situations.
La langue de Racine est devenue illisible selon certains enseignants, les imprécations de
Camille leur sont étrangères, les contemporains sont trop vulgaires pour d’autres, Sarah
Kane est trop crue, Pommerat grossier, reste Molière… mais surgit le comique qui ne fait rire
aucun élève de Seconde en dépit des gloses du prof ! Alors ?
Alors qui peut devenir notre contemporain en classe, c'est-à-dire celui qui saura nous parler,
nous toucher, qui fera écho du fond de son XVIIème autant que l’auteur vivant en 2013 ?
A nous, professeurs, revient la tâche de faire entendre ces textes pour la scène, qu’ils soient
d’ici ou d’ailleurs d’avant ou d’aujourd‘hui avec autant de force pour qu’ils soient perçus par
la jeune génération.
Or, il se trouve que plus que les classiques, ce sont les écritures contemporaines qui nous
effraient : nous n’aurions pas les codes, les outils pour les étudier, les entrées pour les
transmettre. A en croire les théâtres, nous serions frileux face aux auteurs émergents, et
nous n’assumerions donc pas notre rôle de passeurs de ces textes et ces propositions
artistiques par crainte de ne savoir nous y retrouver nous-mêmes.
Ces textes qui nous disent le monde resteraient-ils alors et malheureusement exclus de
l’école ?
Les différents dossiers pédagogiques que nous avons réalisés autour de ces textes plus
précisément avaient pour objectif d’établir une mise en perspective de ces créations, mais il
nous appartenait aussi de proposer une réflexion plus générale.
Stuart Seide, qui nous a proposé ses lectures de Shakespeare autant que celles de Pinter ou
récemment Linda McLean avec Fractures, nous aide et nous accompagne dans notre
réflexion en nous livrant sa parole de créateur aujourd’hui.
1. Classique ? En quoi ?
A/ Deux exemples de la saison 2013/ 2014 du Théâtre du Nord :
a. L’Assommoir dEmile Zola, mise en scène par David Czesienski
Il s’agit d’un classique de la littérature abordé souvent en classe dans le cadre d’une
étude du roman naturaliste. Or, le collectif OS’O, en janvier 2014, nous propose sa
lecture, sa version, sa proposition scénique. Nous sommes face à un « classique »
adapté, une écriture scénique d’un récit du XIXème.
Nous avons à faire avec la classe un travail de redéfinition du processus de lecture et
de mise en scène. En plus d’une initiation, dans ce cas précis, à la transposition d’un
genre dans un autre : du roman du XIXème au théâtre d’aujourd’hui.
b. Oncle Vania d’Anton Tchekhov, mis en scène par Eric Lacascade
Tchekhov classique ou premier moderne ? Pour les élèves, c’est un classique pour
lequel la virtuosité et le travail d’Eric Lacascade va nous rendre la modernité.
L’univers de cette bourgeoisie de la fin du XIXème siècle mis en regard avec notre
époque va-t-il « parler » à nos élèves ? Oui, peut-être à la condition que nous
favorisions leur accès à ces deux époques, à ces deux espaces : la Russie de la fin du
XIXème et la France d’aujourd’hui.
« Le théâtre est éloignement intime »
Olivier Py, Les mille et une définitions du théâtre, Actes Sud, Le temps du théâtre, p.150
2. Contemporains ? Avec qui ? De qui ?
A . Des exemples de la saison 2013/2014 du Théâtre du Nord
1. Les particules élémentaires d’après le roman de Michel Houellebecq, mis en
scène par Julien Gosselin.
L’écriture protéiforme du grand romancier français est ici mise au plateau par un
jeune metteur en scène issu de l’EpsAd. A la diversité de thèmes abordés par le
roman répond sur scène la richesse des tons et tableaux qu’offre le travail
d’adaptation, de mise en scène et d’interprétation. D’une œuvre qui interroge
l’homme dans son siècle, au sein de la modernité, la scène fait entendre avec
jubilation l’actualité de ces questionnements et rend accessible et clair le propos de
l’auteur tout en redoublant le récit d’une lecture personnelle. Pour un public
d’aujourd’hui. Houellebecq dit le monde dans ce roman, Gosselin nous le fait
entendre sur scène.
Exemples de séquences conformes aux Instructions Officielles :
Texte et Représentation du XVIIème Siècle à nos jours :
La proposition de Julien Gosselin nous permet d’aborder le texte du romancier, le
travail d’adaptation pour le genre théâtral, et le passage au plateau du texte ainsi
réécrit :
- analyse du dialogue instauré entre le texte et la scène
- analyse de l’esthétique du spectacle en lien avec l’analyse stylistique de l’écriture
du romancier
- analyse de la construction du roman.
- analyse comparative de la fin du roman et de la fin du spectacle : évaluer l’écart
entre le désespoir de l’épilogue chez Houellebecq et l’euphorie joyeuse portée
par les comédiens dans le dernier tableau, euphorie qui s’est communiquée aux
spectateurs d’Avignon, ovationnant généreusement le spectacle.
Le romancier et ses personnages :
L’incarnation sur scène de la figure du romancier dans le spectacle peut être objet
d’étude et voie d’accès royale à une analyse des personnages dans le récit et les
personnages dans le spectacle.
Les réécritures
Sensibiliser les élèves à la notion de code : l’écriture du roman n’obéit pas aux
mêmes lois que celle de la scène. Il y a nécessaire adaptation et la syntaxe de la scène
impose d’autres règles (étude de passages précis supprimés, modifiés, remplacés par
d’autres effets scéniques, musique, lumière, voix off, vidéo). Les scènes incarnées et
la narration de description face public alternent en direction des spectateurs.
« Le théâtre, c’est se souvenir de l’avenir. »
Olivier Py, Les mille et une définitions du théâtre, Actes Sud, Le temps du théâtre p.17
2. Orphelins de Dennis Kelly mis en scène par Arnaud Anckaert : un auteur né au
nord de Londres en 1970 est joué et traduit en France pour la première fois grâce à
Arnaud Anckaert un metteur en scène de la région qui fonde à 18 ans le théâtre du
Prisme. En 2013, il créé un festival d’écritures contemporaines, Prise Directe.
La pièce est un thriller psychologique, une tragédie moderne, dans un milieu urbain
d’aujourd’hui. Les thèmes qu’elle aborde nous concernent directement et toucheront
la jeune génération (délinquance, racisme, famille, misère).
Est-ce cette frontalité qui n’a pas sa place à l’école ? Faut-il que nous passions par le
détour du temps ou de l’espace pour aborder les problèmes d’aujourd’hui ?
3. Les entretiens de Majorque, entre Thomas Bernhard et Krista Fleishmann,
mis en scène par Eva Vallejo et Bruno Soulier, Interlude T/O.
Une parole à vif qui se transmue en voix portées par trois comédiens : La compagnie
L’Interlude T/O poursuivant son investigation sur les écritures contemporaines nous
propose une mise au plateau d’un entretien que le grand dramaturge autrichien
accorda à la journaliste et réalisatrice Krista Fleischmann en 1981.
Passage d’un genre à un nouveau, de la parole informelle, non destinée à la scène
initialement, qui a à voir avec la confidence ou l’intime, nous sommes emmenés vers
une spectacularisation, une adresse publique, un dialogue, à coup sûr une parole
publique orchestrée au plateau et accompagnée par une musique puisque l’Interlude
en tant que Théâtre/Oratorio conjugue dans ses propositions artistiques voix/
musique et corps.
L’univers de Thomas Bernhard ainsi revu, relu et retravaillé par l’Interlude T/O nous
permettra de définir l’importance de cet artiste, de le remettre en perspective dans
l’Histoire du théâtre et d’en monter la modernité, l’actualité.
Les rapports Homme/Art/Société, Intime/Public peuvent être abordés par le biais de
ce spectacle.
Thomas Bernhard évoque tout autant sa sexualité que le processus de fabrication de
son œuvre : au sein d’une classe, l’occasion de désacraliser la création et rendre
« vivants » les créateurs.
Un travail sur la parole privée médiatisée par la téléréalité par exemple (parole
insignifiante, quotidienne) en opposition avec l’universalité de la parole de l’artiste.
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