Infections nosocomiales en cardiologie
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Chroniques
juridiques 2005 Infections
nosocomiales en
cardiologie
Le Cardiologue n°285
(octobre 2005)
Publié le dimanche 12 février 2006
Modifié le jeudi 6 avril 2006
Fichier PDF créé le lundi 10 avril 2006
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Infections nosocomiales en cardiologie
Si l'infection nosocomiale était insuffisamment prise en considération autrefois, elle fait
aujourd'hui l'objet d'une médiatisation disproportionnée. L'isolement d'une « pauvre » colonie
de staphylocoques est vécu comme la preuve intangible d'un manquement de l'équipe
soignante et suffit à lancer une procédure judiciaire, même en l'absence de conséquences
préjudiciables. Si sa fréquence est faible en cardiologie, les victimes n'en sont pas moins
virulentes à notre égard. Il convient donc d'être vigilant devant certaines situations à risque.
La jurisprudence
Une infection est considérée comme « nosocomiale » si elle apparaît après un délai de 48 heures
après l'admission. De cette définition simpliste, les tribunaux ont alors lourdement et arbitrairement
condamnés "in solidum" praticiens et établissements de soins, en instaurant le principe de
l'obligation de sécurité-résultat, alors que seules 30 % des infections sont évitables. Il a fallu de
nombreuses batailles d'experts pour faire évoluer la jurisprudence et enfin aboutir à un texte de loi
plus juste pour les médecins. En effet, la loi Kouchner (2002) fait désormais uniquement reposer la
responsabilité sur les établissements. En revanche, celle des praticiens est engagée s'ils ont commis
une faute (asepsie, antibioprophylaxie...), ce que ne manquent pas de rechercher activement les
établissements qui souhaitent partager la facture ! Par ailleurs, il est fait obligation à chaque
établissement de disposer d'un Comité de Lutte contre les Infections Nosocomiales (CLIN), mais
aussi de signaler les infections nosocomiales à la DDASS.
Situations cardiologiques à risque et mesures préventives
L'implantation de pacemakers est de loin l'activité cardiologique la plus risquée en fréquence (taux
d'infection allant de 0,13 à 19 %) avec une mortalité élevée (13 à 33 % dans les endocardites). Cela
s'explique possiblement par le recours à une incision plus large et le positionnement extra-vasculaire
du matériel prothétique (boîtier), réduisant l'efficacité des défenses immunitaires et la pénétration des
antibiotiques. L'âge avancé des populations concernées et les hématomes fréquents chez les
patients sous anticoagulants (AC/FA) sont autant de facteurs aggravants. S'apparentant à une
activité chirurgicale, les étapes de la préparation cutanée sont analysées méticuleusement en
expertise : douche antiseptique (veille et matin de l'intervention), rasage proscrit, tonte réalisée le
matin même et non pas la veille (si elle est choisie, car elle n'est pas obligatoire), choix de
l'antiseptique et ses modalités d'application. Même en l'absence d'étude randomisée, le principe
d'une antibioprophylaxie est acquis par la communauté cardiologique, elle doit donc être prescrite
(par écrit). Bien entendu, l'usage unique est la règle dans la très grande majorité des cas. Sur le plan
juridique, il est impératif de pouvoir prouver que les moyens de lutte ont bien été mis en jeu. La
rédaction de protocoles précis (datés, signés) constitue une aide précieuse, répartissant les tâches
de chaque intervenant (médecins, anesthésistes, infirmières, aides-soignants). Un feuillet
pré-imprimé, inclus dans le dossier patient, peut lister chaque étape (cochée et signée par chaque
intervenant) ; il offre ainsi une garantie complémentaire contre les plaintes.
Les praticiens doivent être particulièrement vigilants dans les situations de gestion de complications
(tamponnade, repositionnement, extériorisation...). En effet, en période d'urgence ou de stress,
l'expérience montre que l'antibioprophylaxie ou la préparation cutanée peuvent être oubliées ou non
mentionnées sur le dossier, alors que le risque infectieux est plus important.
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En raison d'un loisir (chasse, golf...), certains patients sont réticents à une implantation du boîtier du
même coté que leur bras dominant. Il est alors important de rester ferme lorsque l'on considère qu'il
existe un risque médical particulier à satisfaire ce choix (infectieux, anatomique...). En effet, un
cardiologue s'est vu poursuivi pour avoir accepté de réimplanter en homolatéral (chez un chasseur)
un boîtier qui s'extériorisait, aboutissant à un choc septique fatal sur endocardite.
Concernant les interventions coronariennes, les infections de stents sont anecdotiques (cinq cas
rapportés !). En revanche, le risque concerne plutôt le point de ponction, et essentiellement l'abord
fémoral. Il convient d'appliquer les mêmes règles de préparation cutanée que celles des
pacemakers. Si les systèmes de fermeture percutanée offrent une réduction du risque d'hématome,
ils augmentent de façon corollaire le risque infectieux (1,9 %), probablement par le positionnement
extra-vasculaire de matériel et sa communication avec l'extérieur par un pertuis. Il convient donc de
tenir compte du rapport bénéfices/risques lors de son utilisation et de renforcer toutes les mesures
d'asepsie.
Bien qu'il ne soit pas possible d'établir de statistiques, un certain nombre de contaminations de
prothèses de hanche a été relevé au décours d'infection de point de ponction, invitant à la prudence
chez ces patients, notamment sur le choix de la voie d'abord et sur l'emploi de fermeture percutanée.
Au cas par cas, outre une asepsie renforcée, il peut se discuter une antibioprophylaxie surtout chez
les patients diabétiques et/ou poly-artériels.
Exceptionnellement, les échographistes peuvent être mis en cause à l'occasion d'échographies
oesophagiennes (médiastinite par perforation oesophagienne). Avant de conclure à un accident
aléatoire, l'expert analyse l'expérience de l'opérateur, les difficultés de l'examen et si une pathologie
oesophagienne a bien été éliminée avant l'examen. La responsabilité du praticien sera écartée après
vérification de la qualité de l'information (dont les consignes de surveillance permettant un dépistage
précoce) et de la gestion de la complication.
Concernant la prophylaxie des endocardites, il existe un partage de responsabilité entre le
cardiologue et le praticien responsable de l'acte contaminant (dentiste, gastro-entérologue...). Le
premier doit au patient un devoir de conseil, alors que le second doit vérifier l'absence de notion de
cardiopathie à risque. Pour limiter le risque d'oubli, il convient de systématiser l'information du patient
requérant une prophylaxie, à chaque fois que l'occasion le suggère : découverte de la valvulopathie,
échographie, après remplacement valvulaire... Une affiche dans la salle d'attente, la remise de
brochures et de la carte de prophylaxie de la Fédération Française de Cardiologie seront autant de
moyens à utiliser, sans oublier de mettre une annotation dans l'observation et un courrier au médecin
traitant (traçabilité). Les prescriptions d'antibiotiques se feront conformément à la dernière
conférence de consensus de 2002 (www.infectiologie.com). Quel que soit le contexte, il est important
d'évoquer avec le patient le risque infectieux de tout acte instrumental et de lui préciser toutes les
mesures prises pour le prévenir (hygiène, désinfection cutanée, antibiotiques...). Outre l'importance
juridique de remplir son devoir d'information, une explication de ce risque permet surtout une
pédagogie sur l'infection qui est le plus souvent endogène (donc liée au patient lui-même !), et que
les moyens de lutte ne sont jamais efficaces à 100 % (résistance des germes).
En conclusion, l'infection nosocomiale est rare en cardiologie, mais ses conséquences sont en
revanche dramatiques, donc coûteuses en cas d'indemnisation. L'objectif est donc d'établir des
protocoles de prévention des infections nosocomiales, en s'assurant parallèlement de la parfaite
traçabilité des mesures effectuées chez le patient, puis d'identifier les personnes à haut risque
d'infection, pour dépister l'infection le plus précocement. L'information du patient permet au médecin
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Infections nosocomiales en cardiologie
de remplir son obligation légale, tout en faisant mieux comprendre au patient la physiopathologie des
infections nosocomiales et donc probablement de réduire le risque de plaintes intempestives.
I N F O F L A S H
Un cardiologue vient d'être condamné pour ne pas avoir déclenché une enquête familiale après la découverte d'un QT long congénital. Cela a privé le frère de son patient d'un traitement par bêtabloquant, qui aurait permis d'éviter une syncope dont il décèdera. Le médecin se doit de convaincre son patient, porteur d'une maladie héréditaire, d'avertir les membres de sa famille, afin qu'ils consultent. Il doit être capable de prouver la délivrance de ce conseil (dossier, courrier au médecin traitant). En revanche, le médecin ne peut en aucun cas s'adresser directement à ces personnes. Si le patient dépisté ne souhaite pas avertir lui-même les personnes potentiellement atteintes, une nouvelle disposition législative permettra de proposer de façon anonyme une consultation à ces personnes (loi du 6 août 2004).
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