Les cathos dans la société - Mouvement Chrétien des Retraités

ANNECY
20èmes JOURNEES FRANCOIS DE SALES
Intervention : Yann Raison du Cleuziou, sociologue
Thème : Les cathos dans la société : affirmation, enfouissement ou
mosaïque ?
Aujourd’hui, en France, 56% des Français se déclarent catholiques contre
82% en1972. Il y a 5% de catholiques pratiquants réguliers contre 25%
en 1961. Entre 1990 et 2010, le nombre des baptêmes, confirmations,
mariages catholiques a décru de plus de 50% et l’année dernière le
nombre des ordinations sacerdotales pour le clergé diocésain a atteint son
chiffre le plus bas avec 65 ordinations. Ces chiffres sont importants pour
penser la situation du catholicisme dans la société contemporaine et voir
surtout, comment les catholiques vont se définir et développer des
stratégies.
En effet, quand les catholiques pensent à la société française, ils sont
confrontés à une certaine image d’eux-mêmes. Parce qu’il ne faut pas
penser les catholiques indépendamment de la société française, ne pas
penser ces deux termes s’opposant l’un l’autre comme deux groupes
extérieurs l’un à l’autre. Les catholiques sont bien sur, membres à part
entière de la société française, ils en sont même un groupe important
majoritaire, et par conséquent quand ils pensent leur rapport à la société,
ils sont confrontés à leur propre histoire, à leur propre image et parfois
cette image est dure puisqu’ils sont confrontés à la folklorisation de
certaines figures capitales pour eux. Je ne résiste pas à la tentation de
vous lire un extrait de la carte et le territoire, prix Goncourt 2010 du
romancier Michel Houellebecq : « Héritiers d’une tradition spirituelle que
plus personne ne comprenait vraiment, autrefois placés au premier rang
de la société, les prêtres étaient aujourd’hui réduits à l’issue d’études
effroyablement longues et difficiles qui impliquaient la maîtrise du latin, du
droit canon, de la théologie rationnelle et d’autres matières presque
incompréhensibles, à subsister dans des conditions matérielles misérables.
Ils prenaient le métro au milieu des autres hommes, allant d’un groupe de
partage de l’évangile à un atelier d’alphabétisation, disant la messe
chaque matin pour une assistance clairsemée et vieillissante. Toute joie
sensuelle leur était interdite, et jusqu’au plaisir élémentaire de la vie de
famille, obligés cependant, par leur fonction, de manifester jour après jour
un optimisme indéfectible. Humbles et désargentés, méprisés de tous,
soumis à tous les tracas de la vie urbaine, sans avoir accès à aucun de ses
plaisirs, les jeunes prêtres urbains constituaient pour qui ne partageait
pas leur croyance un sujet déroutant et inaccessible ».
Alors, c’est là un extrait intéressant qui montre cette folklorisation d’une
figure capitale du catholicisme et, du coup, vous comprenez pourquoi pour
les catholiques, se mesurer à la société, chercher à y transformer leur
place c’est nécessairement affronter l’image de l’Eglise catholique, tenter
de la corriger, de la contrer, de la modifier. Chez les catholiques le rapport
à la société est donc toujours un rapport à l’Eglise. Quand ils réfléchissent
à la manière dont ils doivent exister, aux stratégies qu’ils doivent adopter,
ils sont nécessairement menés à porter un jugement sur ce qu’est l’Eglise
ou sur ce qu’elle fut. Mais, à ce titre, les catholiques sont divisés et ne
portent pas le même diagnostic sur l’état de l’Eglise catholique en France
aujourd’hui. Et par conséquent, ils ne préconisent pas les mêmes solutions
pour sortir de la crise et pour renouer un lien plus chaleureux et plus
fécond avec la société française.
L’enquête dont je vais parler, a été publiée dans « Qui sont les cathos
aujourd’hui ? ». C’est une enquête qualitative, 180 catholiques ont été
interrogés sur leurs rapports à l’Eglise et à la société. Dans cette enquête,
on mesure à quel point les catholiques ont des positions extrêmement
variées à la fois pour définir ce qu’ils sont en tant que catholiques, et par
conséquent pour définir ce qu’ils doivent faire pour exister dans la société.
Mon propos sera structuré en deux temps :
-Les différentes sensibilités catholiques.
-A quelles stratégies ces identités catholiques aboutissent-elles ?
I) Les différentes sensibilités catholiques
Quand on interroge les catholiques, on est face à une pluralité de parcours
et d’attentes, qui peuvent être interprétés à partir de deux grandes
variables : Le rapport à Dieu et la mise en œuvre de la foi. Deux
possibilités du rapport à Dieu. L’inspiration, c'est-à-dire un rapport
informel à Dieu qui passe par une lecture des évangiles, l’écoute de
témoins, la contemplation d’un paysage, une expérience fraternelle. Le
rapport à Dieu peut aussi passer par des formes codifiées, cultuelles, la
messe et les sacrements.
La mise en œuvre de la foi peut être l’altruisme, c'est-à-dire le service
d’autrui, le don d’entraide, les maraudes, ou, peut plutôt passer par la
dévotion, le chapelet, le jeûne, les prières, les pèlerinages. Ces quatre
dimensions ne s’opposent pas, elles ne sont pas exclusives, la dévotion
n’exclue pas l’altruisme, ni le culte, l’inspiration. Mais quand on interroge
les catholiques, on peut au bout d’un moment, surtout si on confronte
leurs propos à leurs pratiques, voir qu’ils vont plus ou moins accentuer
une dimension par rapport à l’autre, ce qui permet de les classer. Bien sur,
vous savez ce qu’est une typologie, un exercice de mise en ordre, de
simplification pour penser le réel qui est toujours plus complexe. A partir
de ces deux variables, le rapport à Dieu et la mise en œuvre de la foi,
apparaissent quatre sous-cultures catholiques.
1) Les « conciliaires revendiqués »
Ils se définissent par le culte et l’altruisme. Quand on les interroge, il y a
une certaine figure de Jésus qui revient. Jésus, c’est celui qui inclut et
exclut, celui qui transgresse l’ordre social de son époque pour manifester
la miséricorde de Dieu. Jésus qui soigne les lépreux, pardonne la femme
adultère et par conséquent pour eux, être fidèles à Jésus c’est également
inclure l’exclu, adopter une posture d’accueil et de compassion, lutter
contre les discriminations, voir dans l’étranger le visage de Dieu. Ces
catholiques sont fidèles à la messe dominicale, ils aiment que ce moment
soit un moment de communion, un temps d’accueil où chacun peut avoir
sa place, homme et femme, pratiquants réguliers ou irréguliers, divorcés
remariés, homosexuels, français et étrangers et ils aiment que la liturgie
manifeste cette communion, cette horizontalité. Ils aiment le fait que les
fidèles se présentent au début de la messe, ils aiment le geste de paix et
que tous se tiennent la main au moment du Notre Père. Ce sont ts
souvent des catholiques retraités, très engagés dans les paroisses
territoriales et les structures diocésaines. C’est le groupe le plus massif
dans le catholicisme actuel car vous savez que la structure pyramidale
démographique du catholicisme est totalement inversée. Ils sont très
engagés au secours catholique, CCFD, ACAT, Banque alimentaire etc…
2) Les « observants »
Ils se définissent par le culte et la dévotion. Quand on les interroge, on a
une autre figure de Jésus qui est mise en avant. Jésus est le fils de Dieu
mort sur la croix et ressuscité des morts pour offrir le salut à l’humanité.
Et par conséquent être fidèle à Jésus, c’est pour eux, chercher à être
digne de ce salut qu’il a offert, en être digne par un effort personnel de
rectification. C’est chercher à toujours mieux se conformer à la voie de la
sainteté telle qu’elle est conseillée dans l’Eglise. La messe et les
sacrements sont centraux pour eux. Ils aiment les messes solennelles où
la transcendance divine est manifestée par un certain hiératisme, encens,
silence profond après la communion, chants et prières en latin. Ils aiment
les prêtres très soigneux de la liturgie et prêchant la doctrine avec
exigence. Ce rapport à Dieu se manifeste aussi dans leurs corps
disciplinés, agenouillés au moment de la consécration et éventuellement
juste avant de communier à la bouche pour beaucoup. Chez eux, l’accès
à Dieu se gagne par des efforts ascétiques. Ils aiment les dévotions et
surtout celles qui introduisent une rupture avec la vie ordinaire, qui
mettent à distance la vie ordinaire : retraites, pèlerinages, temps de
prières silencieux personnels, chapelet. Ces catholiques sont de toutes
générations ; ils se retrouvent dans des paroisses affinitaires souvent dans
les quartiers bourgeois des centres villes. La plupart ont ce que j’appelle
leurs quatre quartiers de noblesse de « bons catholiques ».
1er quartier. Ils appartiennent à des familles où la foi catholique est
intensément vécue et affichée, et au sein desquelles se recrutent des
vocations religieuses.
2em quartier. Ils ont été scolarisés dans des établissements catholiques
réputés et ont fait des études supérieures.
3em quartier. Ils sont passés par les scouts d’Europe ou les scouts
unitaires de France.
4em quartier. Ils fréquentent les congrégations nouvelles nées dans les
années 1970 que ce soit de la mouvance charismatique : Emmanuel,
Béatitudes ou néo-classiques, Frères de St Jean, communauté St Martin,
Fraternité St Pierre. Ces catholiques disposent de circuits d’information et
de mobilisation autonomes des structures diocésaines, ce qui leur donne
une très forte capacité de mobilisation.
3) Les « inspirés »
Ils se définissent par l’inspiration et la dévotion. Une nébuleuse souvent
qualifiée de charismatique. Pour eux, Jésus c’est une personne rencontrée
dans un moment de conversion. Quelqu’un dont ils ont une connaissance
intime et avec lequel ils entretiennent un dialogue quasi perpétuel. Etre
fidèles pour eux c’est toujours plus intégralement se convertir ; faire
entrer Jésus dans toutes les dimensions de sa vie. Leur foi est une histoire
d’amour, un chemin vers Dieu et vers le bonheur. La plupart du temps, ces
inspirés ont grandi dans des familles catholiques mais un jour, ils ont une
expérience, une rencontre avec Jésus après laquelle, leur vie de foi
antérieure leur semble artificielle. Ce sont souvent des ré affiliés et ils se
regroupent en communautés de convertis. On les rencontre
géographiquement surtout dans ces communautés ou au sein de certaines
paroisses lorsqu’elles sont confiées à des communautés d’inspirés. Ils
apprécient les messes communautaires, plus que les messes paroissiales
et dominicales, où les temps de louanges alternent avec des moments de
recueillement solitaire. Disons aussi que leur rapport à Dieu s’observe à
travers un rapport au corps spécifique, un corps très mobile qui balance
collectivement en rythme lors des chants, puis à d’autres moments ils
sont prosternés face à terre dans le recueillement. On y trouve toutes les
classes d’âge et tous les univers sociaux car c’est une nébuleuse
aujourd’hui centrale dans le catholicisme où se croisent toutes les autres
sous-cultures. Il y a bien sur, une communauté de sensibilités entre
l’Emmanuel, le chemin neuf et Fondacio mais aussi des publics très
différents.
4) Les « émancipés »
Ils se définissent par l’inspiration et l’altruisme. Pour eux, Jésus c’est celui
qui libère l’homme de ce qui lui fait perdre sa dignité. Jésus lutte contre
l’injustice et invite les hommes à assumer leur liberté dans le service du
prochain. Etre fidèle pour eux c’est donc être pleinement responsable de
sa vie, être attentif à son prochain, être conscient des conséquences
collectives de ses actes. Etre engagé dans les luttes sociales et politiques
contre les injustices. Ils n’ont aucun goût pour la messe dominicale qu’ils
trouvent déconnectée de la culture contemporaine et assez creuse. Ils
privilégient les messes au sein de leurs Mouvements, lors de grands
rassemblements annuels, lors de temps forts à Lourdes, au FRAT. Pour eux
ce qui se joue dans la messe c’est l’unité au sein du Mouvement, donc
plutôt l’entre-soi que le rapport à Dieu qu’ils vont plutôt chercher dans des
groupes de partage biblique, dans des temps de lecture de l’Evangile,
dans des retraites à Taizé ou dans des cercles de révision de vie. Chez
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