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Livre des sources médiévales:
DROIT FEODAL
Les données qui suivent, en matière féodale, concernent essentiellement les
provinces relevant du Parlement de Toulouse (pays de droit écrit), c'est-à-
dire les généralités de Montpellier et de Toulouse.
A) LE FIEF
On entend par fief toute possession que l'on tient "a foi et hommage", la fidélité
étant à l'origine la seule condition de l'investiture. Cette fidélité est attestée à chaque
mutation de Suzerain et de Vassal par l'hommage ou prestation de serment. Le
terme de Fief s'emploie donc aussi exactement pour un droit de justice que pour un
droit noble quelconque (domaine noble ou directe), ces 2 sortes de possession étant
également sujettes à l'hommage (au Roi ou au Seigneur Suzerain).
Tout possesseur de fief noble a le droit de prendre le titre de Seigneur.
a) La Noblesse : seuls, les Nobles peuvent posséder des fiefs de plein droit et sans
acheter l'autorisation royale. Ils sont seulement dispensés de l'impôt foncier sur les
quelques terres nobles qui restent encore dans leurs seigneuries (encore cette
exemption finissait-elle par être très problématique... Si les biens nobles étaient
exempts de taille, ils étaient assujettis à l'impôt des 2/20 du revenu, plus 4 sols par
livre du chiffre principal).
Ils paient la taille pour tous leurs biens roturiers relevant de la directe d'un autre
Seigneur, ils sont tenus à toutes les obligations des simples tenanciers. En vertu de
l'enchevêtrement des directes, un grand Seigneur peut se trouver ainsi tenancier
d'un marchand...
Les nobles non possesseurs de fiefs n'avaient pas de droits honorifiques, et ces
mêmes droits étaient attribués d'une manière égale au Noble et au Bourgeois
possesseur de fiefs de même qualité.
Les Nobles avaient cependant un autre privilège, celui de "Committimus", en vertu
duquel les procès où ils étaient partis (demandeurs ou défendeurs), ne pouvaient
être jugés que devant la cour du Sénéchal, et non point devant les juges locaux.
Mais si on l'examine bien, ce privilège était accordé bien moins en considération de
l'intérêt du gentilhomme que de celui de son adversaire. En effet, les juges locaux,
nommés en majorité par les Seigneurs, pouvaient être considérés comme suspects
de partialité en faveur des gentilshommes. Les juges de la Sénéchaussée, au
contraire, fonctionnaires royaux et presque tous issus de familles bourgeoises en
évolution (et avides de supplanter la noblesse existante), étaient plutôt portés à la
juger sévèrement.
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A côté d'un certain nombre de vieilles races de Nobles, dont plusieurs subsistent
toujours, on voyait continuellement la noblesse se recruter dans la bourgeoisie,
comme le militaire dans le civil. Une fois enrichies par le commerce, les familles
ambitieuses poussaient leurs enfants dans les carrières de robe, les charges
anoblissantes (Conseillers au Parlement, Secrétaires du Roi,...).
L'accession à la noblesse n'était pas recherchée par toutes les familles, mais
seulement par celles qui étaient assez riches ou assez désintéressées, et de
sentiments assez aristocratiques pour se permettre ce luxe. Luxe en effet, car en
échange des médiocres privilèges que nous avons vu, la noblesse était frappée de
l'interdiction de s'enrichir par le commerce, et les grandes charges, surtout
militaires, qui caractérisaient la noblesse d'épée, étaient généralement une source de
ruine.
Combien de familles aristocratiques trouve-t-on, dont le seul titre de noblesse est de
s'être imposées aux contemporains ? Rien ne distinguait extérieurement du
gentilhomme le roturier possesseur de fiefs. Un fois pourvu d'un titre seigneurial, le
bourgeois riche, et qui savait imposer sa valeur personnelle s'alliait à la noblesse qui
se solidarisait avec lui. Tous n'y réussissaient pas. Mais, en définitive, la consécration
par les pairs restait la seule règle qui permettait, à défaut d'origine, de reconnaître
un gentilhomme d'un usurpateur.
En dehors des fiefs honorés (Duché, Marquisat, Comté, Vicomté et Baronnie), aucun
Seigneur n'aurait dû prendre de titre sans Lettres Patentes du Roi, érigeant sa
seigneurie en fief titré. Mais il pouvait en être autrement pour 3 raisons:
- tout Seigneur qui réunissait sous sa domination, les droits de Justice de plusieurs
paroisses ou terroir, attachait, suivant un usage reçu, le titre de Baronnie à la
seigneurie où il faisait sa résidence principale;
- les seigneuries ainsi rattachées sous le seul lien d'un Seigneur commun, pouvaient
être amenées à se diviser par la suite. On voyait alors souvent chaque Seigneur
possesseur d'une des principales terres de la Baronnie, prétendre au titre de Baron
pour la seigneurie qui composait sa part.
- il y a des titres dont la seule origine est la nécessité que ressentent certaines
familles, considérables par leur ancienneté ou leur fortune, de se mettre au-dessus
du nivellement causé par l'ascension constante des familles bourgeoises. Nous
sommes donc en présence d'un phénomène d'usurpation, mais usurpation acceptée,
favorisée presque; il est en tout cas certain que les contemporains l'ont considérée
comme une chose naturelle...
La règle, en définitive était bien la consécration des pairs, et l'autorité royale
sanctionnait tacitement le jugement de ce tribunal de l'opinion.
b) Le Tiers Etat : théoriquement, ses membres ne peuvent posséder de fiefs sans
la permission du Roi. En fait, cette permission est remplacée par une tolérance, que
l'usage a transformé en règle, et qui se traduit par le paiement d'un impôt spécial, le
"droit de Franc-Fief", généralement assez lourd; c'est l'impôt sur la vanité. Comme
tous les luxes, la noblesse coûtait cher. Les Bourgeois étaient ce qu'ils voulaient
être: riches commerçants, quand les sources de la fortune étaient fermées aux
Nobles; jouissant des bienfaits de la paix, quand les gentilshommes allaient verser
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leur sang dans les guerres; pourvus de tous les moyens d'autorité, grâce aux
charges royales qui les sollicitaient. Et s'ils préféraient à ces moyens réels de
puissance ou de fortune la considération qui entourait l'aristocratie, ils avaient le
choix des moyens pour y pénétrer.
c) Les personnes de Main Morte : ces derniers (c'est-à-dire toute personne
morale, y compris l'église et les fondations religieuses, qui, devenues propriétaires
d'un bien quelconque, l'immobilisent définitivement, autrement dit ne changent plus
de main) n'avaient pas, en principe, le droit de posséder des fiefs. En fait, ils en
possédaient à volonté, à condition d'acheter la permission du Souverain, et de
dédommager le Seigneur Suzerain du fief des avantages que lui faisait perdre son
entrée en main morte. Remarquons que les droits du Seigneur Suzerain et du
Seigneur directe sont exactement les mêmes en cette matière, parce que le
préjudice subi par eux est absolument de même nature.
L'autorisation du Souverain doit s'obtenir au moyen de Lettres Patentes
d'Amortissement, obtenues grâce à un versement en capital une fois payé. Le
Seigneur doit être dédommagé de son côté, de la privation définitive de tous droits
de mutation, et de la possibilité de confisquer le fief sur le Vassal coupable de
félonie. Ce dédommagement se réalise de 2 manières:
- d'une part le personne de main morte fournit au Suzerain un "homme vivant,
mourant et confisquant", c'est-à-dire un prête-nom dont la mort entraînera le
paiement des droits de mutation à cause de décès, et dont la félonie permettrait
éventuellement au Seigneur de confisquer le fief (ce dernier cas ne se présente qu'en
théorie). A chaque décès, le prête-nom doit être renouvelé;
- d'autre part, le Seigneur reçoit un droit d'indemnité destiné à compenser la perte
qu'il fait des droits de mutation par aliénation. L'indemnité se paie soit en capital
(comme l'amortissement), soit à date périodique, soit à l'occasion du décès du prête-
nom.
L'indemnité et le prête-nom sont aussi obligatoires lorsque le Vassal a chargé son
fonds d'une charge perpétuelle qui en diminue la valeur, comme les rentes
obituaires. L'indemnité doit alors être proportionnée à la moins value que subit le
fonds à la suite de l'établissement de cette charge.
B) LA SEIGNEURIE FEODALE
L'inféodation d'un bien ou d'un droit noble consiste à en céder à autrui, à titre
honorifique, la jouissance perpétuelle, en se réservant certains droits de dominité
éminente. Le bailleur prend le titre de Seigneur Suzerain, le preneur celui de
Seigneur Vassal
I) Obligations du vassal
a) Hommage : il est dû à chaque mutation du Suzerain et de Vassal. En principe,
c'est une obligation strictement personnelle et qui ne peut être remplie par procureur
que par autorisation expresse. En fait, dès le XVIIe siècle, ce n'était plus qu'une
formalité sans importance; au XVIIIe siècle, 1 ou 2 procureurs du Bureau des
Finances rendaient les hommages au Roi en nombre massif au nom de leurs clients.
Bien rares ceux qui venaient en personne.
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b) Aveu et Dénombrement : L'Hommage une fois rendu, le Vassal doit fournir son
aveu et dénombrement. Dans cet acte il "avoue" ou reconnaît sa vassalité, et il
"dénombre" ou énumère dans le détail les droits et possessions qui composent son
fief. Par cette énumération, le dénombrement est la source principale qui fasse
connaître les droits seigneuriaux.
Le dénombrement rendu au Roi par son Vassal direct doit être vérifié ("blâmé") par
les Cours des Comptes, les commissaires royaux délégués à cet effet, etc... Le
dénombrement rendu à un Seigneur particulier doit être "blâmé" par celui-ci dans les
40 jours après sa remise; passé ce délai, il ne peut être discuté. Les dénombrements
sont en effet des actes conservatoires de droits beaucoup plus importants pour le
Vassal que pour le Suzerain.
Au reçu du dénombrement, le Suzerain doit seulement s'assurer que le dénombrant
n'a pas énuméré des droits empiétant sur les siens; c'est ainsi que les Commissaires
Royaux poursuivent avec soin, dans l'intérêt public, l'usurpation des droits de
souveraineté (justice), celle de privilèges fiscaux (biens nobles). Mais de son côté, le
dénombrant cherche à maintenir tous ses droits à l'égard de ses inférieurs, un
silence prolongé pouvant être considéré comme un abandon. Aussi, en fait, le
dénombrement est-il surtout la liste des prétentions du Seigneur.
Comme l'acte doit être publié 3 dimanches de suite à l'église paroissiale, les
Communautés font souvent opposition aux dénombrements des Seigneurs, mais les
procès étant interminables, chaque partie continue à énumérer ses prétentions
respectives... Un peu partout, les Seigneurs dénombrent des biens nobles, en
spécifiant qu'ils en paient la taille par provision, à cause des procès qu'ils ont avec
leurs Communautés, toujours promptes à inscrire ces biens dans les Compoix
comme roturiers. Aussi, suivant que l'on prend dans une Communauté donnée la
liste des biens nobles d'après les dénombrements ou d'après le compoix, on la
trouve généralement différente.
On peut conclure en posant ce principe, que les dénombrements énumèrent souvent
des droits que les Seigneurs ne possédaient pas en fait, mais qu'ils n'en oublient
guère qu'ils aient réellement possédés...
II) Droits utiles du Seigneur féodal
Les Seigneurs gémissent presque toujours sur la difficulté de percevoir leurs droits
utiles: le principe en étant maintenue, ils ont tout intérêt à exagérer la modicité de
leurs revenus pour se faire exonérer des charges fiscales qui ne les épargnaient pas.
a) Albergue : c'est l'indemnité payée par le Vassal ou Suzerain en échange de la
renonciation faite par celui-ci a son droit de se faire héberger et nourrir 1 jour par an
avec sa suite (droit d'auberge)...
Dans un sens étendu, il désigne toute redevance payée par les Communautés à leurs
Seigneurs. La raison de cette corruption du terme est qu'anciennement, la plupart
des Seigneurs avaient inféodé aux Communautés des pâturages, des bois, des
maisons (les "communaux"), moyennant le paiement usuel de l'albergue. Plus tard,
on confondit sous ce nom tous les droits en argent que les Seigneurs recevaient des
Communautés...
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Les droits d'albergues se paient à chaque reddition d'hommage, mais il y a des
albergues annuelles qui prennent nettement la forme de redevances pécuniaires.
b) Commis : droit assez théorique, bien que d'une importance considérable à
l'origine. Le Vassal "commet", c'est-à-dire perd son fief dans 2 cas:
- par le "désaveu", lorsqu'il prétend faussement que le fief ne relève pas de son
Suzerain;
- par la "félonie", lorsqu'il offense dans son honneur, dans sa personne ou dans ses
biens.
c) Droit de Leude : La Leude, qui est une imposition sur les grains vendus par les
étrangers au sein de la juridiction du Seigneur, n'est et ne peut être uniforme: il
dépend des charges plus ou moins grandes auxquelles est obligé le Seigneur Leudier
pour la tenue des foires et des marchés. Au surplus, il faut toujours suivre le Tarif
des droits accordés par le Roi (exemple de tarif de la Leude)
Lorsque les habitants du lieu, qui sont exempts de la Leude, font commerce de
grains, c'est une règle générale qu'ils sont obligés, pour les vendre, de les exposer
aux marchés et d'en payer le droit en entier pour plusieurs raisons:
- les jours de foires et de marchés sont au Seigneur, et c'est dans ces jours que son
droit est ouvert;
- s'il était permis à un ou plusieurs particuliers de vendre dans leurs greniers, les
jours sus dits, les marchés seraient moins fournis, ce qui pourrait y procurer une
augmentation;
- enfin, sous prétexte de vendre du blé du crû ou d'user du privilège, ils pourraient
en vendre qu'ils auraient acheté, ce qui serait également préjudiciable à la Police et
au droit de Leude.
Ce droit de Leude était exceptionnel, gênant d'ailleurs. Il était vu d'un très mauvais
œil par l'administration royale qui en poursuivait la destruction. Les titres des
Seigneurs à ce sujet étaient examinés avec une rigueur particulière, et l'on admettait
que 10 ans de non-exercice suffisait pour priver le Seigneur de son droit.
d) Droit de mutation : le Suzerain les prélève dans le cas d'aliénation à titre
onéreux. Ce droit (que le Seigneur Directe prélève aussi sous le nom de "lods") est
appelé "Quint" (cinquième du prix de vente) et "Requint" (cinquième du cinquième
du dit prix), mais ce n'est pas une règle absolue...
e) Droit de Relief ou Rachat : C'est un droit dû au seigneur pour les mutations qui
arrivent de la part du vassal en certains cas, consistant au revenu du fief d'une
année, ou une somme pour une fois offerte de la part du vassal, ou au dire de
prud'hommes, au choix du Seigneur.
Ce droit est appelé rachat parce que le nouveau vassal est obligé de le payer à son
nouveau seigneur en entrant dans le fief, comme pour le racheter de la perte qui est
censée en être faite par la mutation du vassal. Ce droit est aussi appelé relief, pour
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