jeu dans la perversion. La question est en réalité plus subtile. Il ne s’agit pas de dépasser
une limite mais de la « tendre », de la forcer jusqu’aux ultimes conséquences.
Ainsi, le pervers provoque une tension de la limite en quête d’interdiction. Un
exemple de cela apparaît dans un passage de La philosophie dans le boudoir, ou les
instituteurs immoraux, de Sade : pendant qu’elle coud les orifices de sa mère, Madame
de Mistival, et juste avant de l’expulser du boudoir à coups de pieds, Eugénie lui dit :
« Écartez vos cuisses maman, que je vous couse, afin que vous ne me donniez plus ni
frères ni soeurs »
. Pour Lacan, l’acte d’Eugénie indique d’abord un moralisme
exacerbé avant une transgression cruelle, car il condamne la mère à ne plus jamais avoir
de relations sexuelles. Le psychanalyste revient sur cet extrait à la fin de Kant avec Sade
pour observer que la mère, cousue, « reste interdite. Notre verdict est confirmé sur la
soumission de Sade à la loi »
. Karothy observe que la perversion cherche à restituer la
jouissance au corps, à « annuler l’incompatibilité entre jouissance et corps ». En plus de
la haine du féminin et de la différence, l’interdiction de la mère entraîne-t-elle la haine
de l’utérus ? L’impératif catégorique pervers requiert-il la soustraction de la filiation ?
Dans cet ouvrage de Sade, il y a un refus de l’héritage du patrimoine symbolique des
générations qui précèdent le sujet, où tout reste de dette vis-à-vis des parents n’est pas
susceptible d’être reconnu. En outre, il y a un refus de la responsabilité via la
transmission aux nouvelles générations. Cela peut-il aussi être lu dans notre pratique
clinique ?
En affirmant que « la pulsion n’est pas la perversion », Karothy montre combien
la position du sujet est prépondérante par rapport à une idée supposée de satisfaction
« directe » de la pulsion. Cette observation paraît fondamentale parce que même si « le
pervers s’imagine être l’Autre pour assurer sa jouissance [...], cela ne veut pas dire que
chez le pervers l’inconscient soit à ciel ouvert »
. Du point de vue psychanalytique, c’est
la position du sujet qui est essentielle. Négliger ce détail important renvoie facilement à
une approche phénoménologique de la perversion. Quand l’analyste formule
l’hypothèse d’une perversion, il le fait par la lecture du transfert qui lui est adressé.
SADE, M. (1795). A filosofia na alcova, ou, os preceptores imorais. São Paulo, Luminuras, 2008, p.
195.
LACAN, J. (1966). « Kant com Sade ». In : Escritos. Rio de Janeiro, Jorge Zahar, 1998, p. 802.
ROSA JR, N. C. D. Da. Perversão e filiação: o desejo do analista em questão. 321p. Thèse de doctorat
en psychologie sociale et institutionnelle, Instituto de Psicologia, Universidade Federal do Rio Grande do
Sul, Porto Alegre, 2013.
LACAN, J. (1966). « Subversão do sujeito e dialética do desejo no inconsciente freudiano ». In :
Escritos. Rio de Janeiro, Zahar, 1998, p. 839.