Journal Identification = ABC Article Identification = 0619 Date: November 9, 2011 Time: 12:22 pm
706 Ann Biol Clin, vol. 69, n◦6, novembre-décembre 2011
Biologie au quotidien
vomissements. Peu après son admission aux urgences,
il présente des troubles de la vigilance ainsi que des
signes d’hypoperfusion périphérique (marbrures étendues
aux deux membres inférieurs), sans altération de l’état
hémodynamique (pression artérielle = 157/95 mmHg). La
protidémie est de 91 g/L (N : 63-81 g/L) et l’urémie de
22,2 mmol/L (N : 3,2-8,3 mmol/L), confirmant une situa-
tion de déshydratation extracellulaire avec insuffisance
rénale fonctionnelle. La gazométrie artérielle retrouve une
acidose métabolique majeure : pH égal à 6,78 ; PaCO2
inférieur à 10 mmHg ; lactates égaux à 13 mmol/L (N :
0,5-2,2 mmol/L), CO2total égal à 2 mmol/L (N : 23-
25 mmol/L). Le patient est alors transféré en service de
réanimation. Outre une hypothermie à 34,5 ◦C, une tachy-
cardie régulière et une polypnée, il présente des signes
de défaillance neurologique avec un score de Glasgow à
12, une mydriase bilatérale réactive et une obnubilation.
L’examen physique retrouve seulement une sensibilité au
niveau de l’hypochondre droit. Le bilan biologique montre
une hyperglycémie à 110 mmol/L (N : 4,20-5,80 mmol/L),
une hyperkaliémie à 7,3 mmol/L, une insuffisance rénale
avec clairance de la créatinine mesurée à 9 mL/min (valeurs
usuelles : 80 à 120 mL/min), un syndrome inflammatoire
biologique (CRP = 24 mg/L) et des stigmates de pancréa-
tite aiguë : lipasémie à 185 UI/L (N : 13-60 UI/L). Le bilan
toxicologique initial comprenant la recherche d’alcool, de
salicylés, benzodiazépines, phénobarbital et tricycliques,
est négatif, de même que la recherche de corps céto-
niques. La polypnée majeure du patient impose la mise
sous ventilation mécanique. Devant ce tableau clinique
associant état de choc, acidose métabolique majeure et
insuffisance rénale aiguë, un traitement symptomatique
comprenant un remplissage vasculaire avec amines vaso-
pressives et une épuration extrarénale par hémodialyse
conventionnelle est instauré. Dans l’hypothèse d’une sur-
infection pulmonaire, une antibiothérapie probabiliste est
prescrite.
Le lendemain, le patient présente des signes de souf-
france myocardique (augmentation de la troponine Ic sans
manifestation électrocardiographique) avec altération de
la fonction ventriculaire gauche. L’état acidobasique et
les troubles ioniques s’améliorent dès les 48 premières
heures, mais l’insuffisance rénale persiste et le syndrome
inflammatoire biologique s’intensifie. À j3, le sevrage de
la noradrénaline est possible, mais le patient requiert une
assistance respiratoire jusqu’au septième jour et développe
une pneumopathie bilatérale.
À j6 est diagnostiqué un surdosage en metformine sur un
prélèvement réalisé lors de l’admission en réanimation. La
metformine plasmatique est mesurée à 31,3 mg/L (valeurs
thérapeutiques inférieures à 1,34 mg/L) et la metformine
érythrocytaire à 22,3 mg/L (valeurs thérapeutiques infé-
rieures à 1,65 mg/L). L’insuffisance rénale persiste durant
le séjour en réanimation et des séances d’hémodialyse sont
nécessaires jusqu’au dixième jour.
Au cours de son hospitalisation, le patient présente une
agitation psychomotrice importante associée à une déso-
rientation temporelle et de nombreuses hallucinations, en
rapport avec un probable sevrage brutal en benzodiazépines.
Le patient nie toute intention suicidaire.
L’intoxication à la metformine sera considérée comme acci-
dentelle, favorisée par l’insuffisance rénale générée par une
probable déshydratation dans un contexte de préparation
colique la semaine précédente sans apport compensateur
en boissons.
L’observation 2
Monsieur K., âgé de 65 ans est hypertendu et diabé-
tique, traité par metformine, acarbose et gliclazide. Il
présente un syndrome grippal accompagné de vomis-
sements incoercibles, diarrhées et de difficultés pour
s’alimenter depuis quatre jours. L’apparition de troubles
de la conscience et d’une désorientation temporospa-
tiale motivent son transfert médicalisé vers le service des
urgences. À l’arrivée, le patient est polypnéique (fréquence
respiratoire : 32/min). Il présente une acidose lactique (lac-
tates : 10,6 mmol/L) majeure (pH : 6,81) avec hypocapnie
compensatrice (pCO2: 15 mmHg), associée à une hyper-
kaliémie à 7,1 mmol/L et une insuffisance rénale aiguë
(clairance de la créatinine mesurée : 4 mL/min). Le patient
nécessitant une intubation orotrachéale et une épuration
extrarénale en urgence, il est alors transféré en réanimation.
Il bénéficie également d’un remplissage vasculaire, d’un
soutien hémodynamique par noradrénaline, d’un traitement
hypokaliémiant et d’une antibiothérapie probabiliste.
À j3, apparaît une souffrance myocardique (troponine à
9g/L pour des valeurs usuelles inférieures à 0,01 g/L).
Le patient reprend une ventilation spontanée dès le
lendemain.
À j7, une amélioration sur le plan hémodynamique permet
un sevrage des amines vasopressives et à j10, le patient ne
requiert plus d’épuration extrarénale. Il est alors transféré
en service de cardiologie.
Les concentrations plasmatiques et érythrocytaires sont
respectivement mesurées à 113 et 61 mg/L, confirmant
une intoxication accidentelle à ce médicament, potentia-
lisée par une déshydratation : protidémie à 88 g/L (N :
63-81 g/L), urémie à 62,2 mmol/L (N : 3,2-8,3 mmol/L).
L’interrogatoire retrouvera la notion d’un épisode diar-
rhéique aigu à l’origine de cette déshydratation.
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