MEI, nº 28 (« La communication nombre »), 2008
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savoir dont il procède, mais dépend aussi des dynamiques qui assurent
son extension. C’est ici qu’interviennent les machines, à travers l’en-
semble des technologies de l’information et de la communication, de
l’appareillage le plus simple, le clavier d’un téléphone cellulaire, au plus
complexe, les systèmes d’information, parfaitement actualisées par
l’hyper-connectivité et la mise en réseau. Ce mode de communication
obéit non seulement à un codage protocolaire, mais permet aussi une
internationalisation et une accélération des échanges entre organisations,
chacune d’entre-elles parlant la même vulgate techno-planétaire, la
communication passant dès lors par des artefacts non humains.
Précession des simulacres
On voit ici comment se lient un ensemble de pratiques et de discours
dont le rapport s’ordonne autour du chiffre et de son caractère hyperbo-
lique : la mise en chiffre. Dispositif unitaire et extrêmement cohérent, le
chiffre impose sa contrainte dans un jeu quasi simultané de références
communes et de rémanences éparses. On est face à une prolifération,
voire à une dissémination à la Derrida de systèmes multiples (informa-
tiques, statistiques, comptables, managériaux) qui ne semblent renvoyer
d’abord qu’à eux-mêmes. Ces systèmes forment d’emblée une résurrec-
tion artificielle du réel, une substitution au réel des signes du réel, « une
opération de dissuasion de tout processus réel par son double opératoire,
machine signalétique métastasable, programmatique, impeccable, qui offre
tous les signes du réel et en court-circuite toutes les péripéties. » (Baudrillard,
1981) Ce déploiement du simulacre scientifique peut se lire comme
émergence d’un signifiant profane du monde, loin de tout objet originel.
C’est là un élément fondamental, sur lequel insiste Baudrillard (1981) :
« Le territoire ne précède plus la carte, ni ne lui survit. C’est désormais la
carte qui précède le territoire-précession des simulacres, c’est elle qui engendre
le territoire. »
Le chiffre gomme donc, dans un vaste mouvement opératoire, ce que
Baudrillard nomme le territoire pour proposer un empire du simulacre.
Celui-ci, nous allons le voir à présent repose sur deux instances majeures,
la comptabilité et le management. En leur cœur s’organisent des échanges
qui, s’ils ont le nom de “communication” répondent d’une part à une
technicisation, on l’a évoqué, des relations, et d’autre part, à des impéra-
tifs de mobilisation, de mise au travail et de motivation propres à un
épistémè de la conquête et de la lutte.
On ne sera pas surpris de constater que la comptabilité et le management
ont besoin de ces discours mobilisateurs : l’un comme l’autre agissent