Détection de luminosité par tag RFID UHF passif

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Détection de luminosité par tag RFID UHF passif
Yassin Belaizi, Arnaud Vena, Brice Sorli
Institut d‟Electronique et des Systèmes,
860 rue St Priest, 34000 Montpellier
E-mail : [email protected]
Résumé
Ce papier traite de l’implémentation d’un capteur RFID
pour la détection de luminosité fonctionnant en bande
UHF à 867 MHz. Dans ce travail, nous étudions la
possibilité d’exploiter différemment une puce RFID
(EM4324 - MicroElectronic-Marin) normalement
utilisée pour fonctionner en mode passif ou semi-passif
(assistée par une batterie), en la couplant avec une
cellule photovoltaïque de dimension réduite. Cette
association forme ainsi un capteur RFID UHF simple.
Ce dernier se base sur la détection d'une variation de
puissance d'activation de la puce entre ces deux modes
de fonctionnement, à savoir une variation significative de
l'ordre de 20dB. En effet, l'énergie lumineuse perçue par
la cellule photovoltaïque contribue à alimenter la puce
RFID, ce qui a pour effet de faire commuter la puce du
mode passif au mode semi-passif.
1. Introduction
Depuis quelques années, nous voyons apparaître
de nouvelles applications autour des objets connectés
et des réseaux de capteurs dans le but de rendre les
objets de notre entourage « intelligents » et capable
de communiquer des données. Pour un grand
nombre d‟applications tels que la santé, l‟industrie
pharmaceutique et l‟agro-alimentaire, les contraintes
de coût, de consommation énergétique et de
maintenance quasi-nulle sont requises.
Parmi les technologies sans fils pouvant répondre
à ces critères, la technologie d‟identification par
radiofréquences (RFID) s‟avère être très pertinente.
Cette technologie est composée d‟un lecteur et d‟un
tag (qui lui-même est composé d‟une antenne, et
d‟une puce avec un identifiant unique), l‟ensemble
est appelé transpondeur. De plus elle se décline
suivant la fréquence d‟utilisation (Basses Fréquences
: 125 kHz, Hautes Fréquences : 13.56 Mhz, Ultras
Hautes Fréquences : 860 – 960 Mhz (UE), Supra
Hautes Fréquences : 2.45 ou 5.8 Ghz) ainsi que son
mode (passif, semi-passif ou actif).
La RFID active fait appel à un schéma de
communication classique. En effet, le tag actif
embarque un émetteur radio, il a donc besoin d‟une
batterie pour assurer à la fois la communication et
l‟alimentation de la puce. Ainsi ce type de tag, qui a
un coût non négligeable (plusieurs dizaine d‟euros),
communique sur de grandes distances (de 10 à
100m).
A l‟ opposé, les tags RFID passifs et semi-passifs
n‟ont pas d‟émetteurs radio pour transmettre des
données du tag vers le lecteur. Le principe de
communication est basé sur la rétro-modulation
d‟une onde incidente dans le sens tag vers lecteur
[1,2]. On parle alors d‟auto-alimentation. La RFID
passive présente l‟avantage de consommer très peu
d‟énergie pour fonctionner (de l‟ordre de -20dBm
pour les dernières générations de puces RFID). En
contrepartie la portée de lecture est moindre (qq.
mètres au maximum). La différenciation entre passif
et semi-passif provient du fait que le tag RFID semipassif possède une batterie qui lui apporte un
complément d‟énergie lorsque celui-ci est interrogé.
Cela se traduit par une distance de lecture de l‟ordre
de quelques dizaines de mètres.
L‟identification d‟objets à l‟aide de tags RFID
passif/semi-passive est aujourd‟hui une technologie
éprouvée mais limitée. Le fait de pouvoir y ajouter
d‟autres fonctionnalités tel que la lecture d‟un
capteur, permet de concurrencer d‟autres
technologies sans fils, largement utilisés dans le
domaine des réseaux de capteurs et de l‟internet des
objets à courte portée.
Pour assurer cette fonctionnalité capteur, deux
solutions sont envisageables. La première totalement
passive consiste à transformer un tag classique
composé d‟une antenne reliée à une puce RFID, en
capteur-RFID par dépôt d‟un matériau sensible sur
l‟antenne. En effet, les propriétés diélectriques du
matériau déposé varient en fonction d‟un paramètre
physique
ce
qui
modifie
la
réponse
électromagnétique du tag. Nous trouvons dans la
littérature des applications mettant en œuvre des
capteurs d‟ammoniac [3], d‟humidité [4], ou encore
d‟une déformation [5]. La seconde solution, est une
solution semi-passive, pour les puces RFID dédiées
capteurs. Dans ce cas, cette dernière intègre
directement le capteur et/ou possède des bornes
spécifiques pour le branchement d‟un capteur
externe. L‟information capteur est transmise par
échange de données entre la puce et le lecteur RFID
comme par exemple pour la mesure d‟activité
physique [6].
Dans cet article, nous proposons un nouveau
concept de capteur RFID passif fonctionnant en
bande UHF. Contrairement aux solutions alternatives
de capteurs RFID semi-passifs ou actifs nous
utilisons ici une puce RFID EM4324 [7] ne
possédant pas d‟étage d‟acquisition capteur, donc de
coût réduit. Cette dernière est couplée à une cellule
photovoltaïque de taille réduite (4mm×4mm) [8],
l‟ensemble permet la détection du dépassement d‟un
seuil de luminosité pré-réglé par l‟adjonction d‟un
composant passif. La valeur ajoutée de ce système se
trouve d‟une part dans l‟utilisation de la cellule
photovoltaïque en tant que source d‟alimentation
mais également en tant que capteur de luminosité.
Des tags actifs dotés d‟un système de récupération
d‟énergie solaire ont été étudiés [9-10]. Mais ils ont
pour inconvénient la taille de la cellule solaire, ce qui
oblige la présence d‟autres composants pour la
régulation de l‟énergie. Par ailleurs, nous nous
rapprochons dans ce dernier cas des performances
atteintes par les technologies de communications
sans fils les plus utilisées (Bluetooth, Zigbee…) en
termes de consommation d‟énergie.
La suite de cet article est organisée de la manière
suivante. Dans la partie 2, nous introduirons en détail
le concept de capteur RFID ainsi que le prototype
étudié. Avant de conclure, la partie 3 permettra de
valider le concept avec une caractérisation de la
réponse du capteur RFID en fonction de différents
niveaux de luminosité.
2. Etude du capteur RFID
2.1.
Principe de fonctionnement
Le prototype capteur-RFID que nous
proposons, présenté Figure 1 se compose d‟une puce
RFID, d‟une antenne planaire, et d‟une cellule
photovoltaïque. Une résistance supplémentaire peut
également être ajoutée en parallèle de la cellule
solaire pour modifier le seuil de détection de
luminosité. Nous détaillerons ce dernier point dans la
suite de cet article (voir partie 2.5).
Antenne
Cellule Photo voltaïque
EM4324
Figure 1 : prototype capteur RFID UHF passif
La puissance d‟activation de la puce RFID
EM4324 est de -27 dBm lorsqu‟elle est assistée par
une batterie et de -9 dBm sans. Dans cette étude,
nous exploitons cette différence de puissance
significative (18 dB) dans l‟objectif de concevoir un
capteur. La Figure 2 décrit une des applications
(détection de passage d‟une personne) possibles qui
montre le principe de fonctionnement général du
capteur RFID étudié pour la détection de seuil de
luminosité.
Figure 2 : Principe de fonctionnement
2.2.
Banc de test utilisé
La caractérisation du capteur a été effectuée sur
un banc de mesure avec le système de caractérisation
de tags RFID Tagformance (Figure 3). Ce dispositif
permet de caractériser les performances du tag dans
une gamme de fréquences allant de 700 MHz à 1.2
GHz avec un pas minimum de 0,1 MHz. Afin de
connaître la puissance nécessaire pour activer le tag,
ce dispositif augmente graduellement sa puissance de
sortie par pas de 0.1dB, en partant de 0dBm, jusqu‟à
30dBm.
Une caractérisation du capteur RFID décrit
Figure 3, est effectuée en faisant varier l‟exposition
de la cellule solaire. La lumière utilisée pour éclairer
le tag capteur est une lumière artificielle (blanche).
Un contrôle de l‟intensité lumineuse est effectué
avec le luxmètre Bioblock LX101 (Digital LUX
Meter).
Figure 3: Banc de test
2.3.
Etude de l’antenne
Dans cette étude, nous avons modifié un design
d‟antenne existant préconisé par le fabricant de la
puce EM4324 afin d‟y ajouter une connexion avec la
cellule photovoltaïque (CPC1824). L‟antenne
dispose d‟un « T » d‟adaptation (Figure 4 (a)) pour
permettre une adaptation conjuguée avec
l‟impédance complexe de la puce de l‟ordre de 11j155ohms à 915MHz. Le tag est réalisé sur un
substrat FR4 (permittivité
= 4.35 tanδ = 0.02),
une simulation de l‟ensemble a été effectuée sous
CST Microwave Studio (CST MWS) afin d‟estimer
le gain et la portée de lecture théorique dans les deux
modes de fonctionnements de la puce (-9dBm et 27dBm). Le diagramme de rayonnement du tag
associé au gain réalisé, en mode passif, est présenté
Figure 4(b).
directions principales de propagations forment un
tore autour de l‟antenne.
Pour valider le tag réalisé, nous avons mesuré la
distance de lecture théorique sur une plage de
fréquence allant de 700MHz à 1200MHz à l‟aide du
système Voyantic. Les résultats sont présentés
Figure 5 pour plusieurs configurations. Deux tags
ont été utilisés pour cette caractérisation, le premier
sans cellule photo voltaïque et l‟autre avec la cellule,
mais à luminosité ambiante, ce qui explique la faible
différence entre les deux mesures. Les tags sont en
modes passifs. Pour conforter ce résultat de mesure
nous avons également simulé la portée théorique de
l‟antenne à l‟aide de CST (Equation 1), tirée de [1],
le gain réalisé de l‟antenne Gr et le coefficient de
réflexion entre la puce et l‟antenne du tag sont pris
en compte afin de calculer cette portée théorique en
espace libre et sans obstacle. La sensibilité de la puce
est fixée à -9 dBm, ce qui correspond au cas où la
puce est en mode passif.
√
Équation 1
Avec :
-
Pt (W) la puissance délivrée à l'antenne d'émission
Pr (W) la puissance collectée sur l'antenne de
réception
Gt (dBi) est le gain linéaire de l'antenne d'émission
Gr (dBi) est le gain linéaire de l'antenne de réception
R (m) la distance théorique de lecture
C (m/s) célérité
F (Hz) fréquence de travail
(a)
Figure 5 : Portée de lecture théorique du capteur
RFID
(b)
Figure 4 : (a) Géométrie du capteur RFID (b)
Diagramme de rayonnement 3D.
Ce diagramme représente le gain réalisé (1.25
dBi) maximum en échelle linéaire. On note que les
On note qu‟une portée de lecture d‟au moins 2m
est assurée sur toute la bande de fréquence. En effet,
les mesures sont effectuées hors chambre anéchoïque
ce qui en partie explique des écarts de cet ordre de
grandeur (réflexions multiples).
2.4.
Etude de la puce RFID EM4324
D‟après les données constructeurs, lorsque la
puce EM4324 est interrogée par le lecteur en mode
passif, elle consomme un courant de l‟ordre de 1µA,
et en mode actif elle nécessite un courant
d‟activation entre 11 et 25µA pour une tension
comprise entre 1.5 et 3V. Expérimentalement la
tension et le courant minimum pour activer la puce
sont respectivement 1.1V et 10µA. La puissance
d‟activation de la puce est de -27 dBm lorsqu‟elle est
assistée par une source de tension externe. Sans
batterie cette puce est tout de même détectée mais le
seuil d‟activation est plus élevée (-9 dBm).
Le concept de capteur de seuil de luminosité
proposé dans cet article se base sur cette différence
de puissance d‟activation entre les modes passif et
semi-passif facilement détectable côté lecteur. En
effet, la puissance fournie par la cellule solaire est
corrélée avec la luminosité produite par une source
lumineuse. Si la puissance fournie par la cellule
atteint le seuil d‟alimentation minimum, la puce
commute du mode passif au mode semi-passif.
Alors, une variation significative et soudaine de la
puissance d‟activation est détectée côté lecteur
Figure 7.
2.5.
Etude de la cellule photovoltaïque
La cellule photovoltaïque (CPC1824), de 4×4
mm couvert par un enrobage de résine, délivre une
tension en circuit ouvert de 10V et un courant de
court-circuit de 100µA.
Le point de fonctionnement (1.1V, 10µA) qui
permet de fixer le seuil de basculement de la puce
RFID, varie en fonction de la charge mise en
parallèle avec la puce RFID. Le principe est simple,
le courant délivré par la cellule est réparti entre la
puce RFID et le potentiomètre de réglage. Il suffit
donc d‟augmenter ou de diminuer la résistance pour
avoir la même variation de courant dans la puce
RFID, ce qui a pour finalité de décaler le seuil de
détection. Le schéma de l‟ensemble est représenté
Figure 5.
Figure 6 : Caractérisations cellule solaire CPC1824
pour différentes charges
3. Résultats
Cette partie permet de valider le fonctionnement
du capteur RFID. La Figure 7 présente des courbes
tirées du voyantic dans laquelle on voit la variation
du mode passif au mode semi passif du capteur
RFID sous éclairement variable. Il en ressort
principalement la robustesse de détection avec
environ 20dB de différence entre les deux modes, et
également il en ressort qu‟il faut une intensité
lumineuse minimum d‟environ 50000 lx (cette
intensité est dépendante de la source lumineuse et de
la longueur d‟onde utilisée) pour activer la puce.
Puissance transmise
Puissance reçue
Figure 5 : Schéma électronique du capteur RFID
Afin d‟obtenir un détecteur de seuil nous avons
procédé (en Figure 6) à la caractérisation de la cellule
photovoltaïque pour différentes valeurs de charges.
Figure 7 : Puissance minimum transmise et reçue
permettant l’activation du capteur RFID assisté par
cellule solaire.
Le seuil de basculement étant au minimum de
50klx, ces deux courbes représentent la puissance
d‟activation de la puce RFID en fonction de la
fréquence dans les deux modes ; passifs (en dessous
du seuil de basculement, 40klx) et semi-passif (audessus du seuil de basculement, 60klx). On distingue
clairement le basculement de la puce RFID, on
détecte donc facilement le passage du seuil dont les
applications sont nombreuses.
[3] C. Occhiuzzi, A.Rida, G. Marrocco, M. M. Tentzeris
“ Passive Ammonia Sensor: RFID Tag Integrating
Carbon Nanotubes”
[4] Sangkil Kim, Taolan Le and Manos M. Tentzeris “An
RFID-enabled Inkjet-printed Soil Moisture Sensor on
Paper for "Smart" Agricultural Applications”
[5] M. Hasani, A. Vena, L. Sydänheimo,L. Ukkonen, and
M. M. Tentzeris, “Implementation of a DualInterrogation-Mode Embroidered RFID-Enabled Strain
Sensor”
Figure 8 : Courbe de décalage du seuil de détection
Afin de démontrer la réalisation d‟un capteur de
luminosité avec seuil réglable, on commence par
fixer une valeur de luminosité. Par exemple sur la
Figure 8 on a choisi 51000 lx, puis, la valeur de la
résistance est ajustée jusqu‟au basculement de la
puce RFID, du mode semi-passif au mode passif.
Cette valeur de résistance est gardée pour faire
ensuite augmenter l‟intensité lumineuse produite par
la source. Ce qui fait repasser la puce RFID dans le
mode passif, démontrant ainsi que le seuil peut être
réglé simplement avec une résistance bien définie.
4. Conclusion
Nous avons donc démontré la faisabilité de
l‟utilisation d‟une cellule photovoltaïque et d‟une
puce RFID d‟une manière détournée afin de réaliser
un capteur RFID UHF passif. Ce dernier destiné à la
détection de seuils de luminosité, a été conçu,
modélisé et caractérisé. En se basant sur les
puissances d‟activation et re-rayonnée
du tag
capteur-RFID, nous avons pu détecter de manière
robuste (18dB) la variation de ce seuil de luminosité.
Nous pouvons transposer ce système à plusieurs
applications nécessitant un contrôle de l„intensité
lumineuse, par exemple pour l'éclairage public, ou
encore afin de réaliser des inventaires sélectifs.
5. Remerciements
Nous souhaitons remercier l‟université de
Montpellier pour son soutien. Ainsi que la fondation
Macumba
Références
[1] K. Finkenzeller, RFID Handbook: Fundamentals and
Applications in Contactless Smart Cards, Radio
Frequency
Identification
and
Near-field
Communication, Wiley. 2010.
[2] D. M. Dobkin, “The RF in RFID, Passive UHF RFID
in Practice”, Newnes, 2008.
[6] Y.Belaizi, A.Vena, B.Sorli, V.Mongin, “UHF RFID
Anisotropic Magnetoresistance Sensor for Human
Motion Monitoring” International Instrumentation and
Measurement Technology Conference, at pise, may
2015
[7] ELECTRONIQUE-MARIN: 1 kbit Read/Write, ISO
18000-6C / EPC C-1 G-2 Passive / Battery-assisted
Contactless IC
[8] http://www.ixysic.com/home/pdfs.nsf/www/CPC1824.
pdf/$file/CPC1824.pdf
[9] Alanson P. Sample, J.Braun, A.Parks, and Joshua R.
Smith “Photovoltaic Enhanced UHF RFID Tag
Antennas for Dual Purpose Energy Harvesting”
[10]
M.Lehner, A.Ascher, M.Eberhardt, E.Biebl, “An
Autonomous UHF RFID Transponder Concept for
Fawn Saving using Solar Energy Harvesting”, Smart
SysTech, June 16-17, 2015, Germany
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