14 A propos de la thérapie génique Une idée simple avec de premiers succès et une mise en œuvre difficile Prof. Dr Ernst Peter Fischer, Université de Constance, Consultant Gen Re LifeHealth Depuis un demi-siècle bientôt, il est connu que des maladies existent, qui sont dues à des variations dans un gène. A titre de premier exemple, la science a été capable d’identifier l’anémie à cellules falciformes, où la mutation d’un module de la substance héréditaire a pour conséquence une molécule d’hémoglobine modifiée qui, sur la base de sa nouvelle configuration, s’agglutine si spontanément que les cellules sanguines porteuses de cette molécule prennent la forme de faucilles. En rapport direct avec cette découverte, l’idée est apparue de soigner une maladie génétique en remplaçant le gène modifié par la version normale que l’on trouve dans une personne en bonne santé. Au début des années soixante déjà, on a utilisé pour cela le mot «thérapie génique», et même si à l’époque, des connaissances fondamentales sur la structure du matériel génétique faisaient encore défaut et si personne ne savait comment s’y prendre – l’idée d’une thérapie à partir et avec des gènes a eu un effet si convaincant pour une pensée axée sur les causalités qu’il sembla que tôt ou tard, dite thérapie deviendrait réalité et serait offerte aux patients. Mais nous nous demandons encore à l’heure actuelle quand ce temps arrivera – si tant est qu’il vienne une fois – car, en dépit de tous les pronostics audacieux des années 80 et un premier petit succès dans les années 90, les chercheurs qui travaillent de nos jours sur la thérapie génique doivent répondre davantage à des questions suscitée par le scepticisme que par la curiosité. Bien que dans l’intervalle, depuis plus de quinze ans, des thérapies géniques assorties de résultats changeants ont été testées dans des études cliniques, il n’est pas question d’une large application de la procédure établie sous cette notion, au regret général d’ailleurs. Le premier succès, plutôt modeste, qui est mentionné ci-dessus et encore cité aujourd’hui comme cas modèle, remonte à l’an 1990, alors que la faiblesse immunitaire de naissance d’une fillette de quatre ans portant le nom de Ashanti de Silva a été traitée de telle sorte que ses lymphocytes, après prélèvement, ont été modifiés génétiquement au point qu’ils ont pu reprendre ensuite leur fonction normale dans la défense immunitaire du corps. La fillette souffrait de la maladie portant le nom de déficience de l’enzyme adé- 15 nosine désaminase (ADA) et qui signifie précisément qu’un enzyme fait défaut au corps, à savoir l’enzyme dénommé adénosine désaminase. Sur cette toile de fond, l’ADA est apparue indiquée, malgré sa rareté, pour une thérapie génique. Celle-ci a été exécutée dans des cliniques universitaires de la côte Est des Etats-Unis et a probablement réussi puisque la fillette se porte bien aujourd’hui et que tous les signes montrent en outre qu’elle dispose de suffisamment de lymphocytes intacts lui permettant une vie normale. Toutefois, la critique ne se tait toujours pas face à cette allégation car, dès le départ, Ashanti a également reçu (sous une forme spéciale) l’enzyme manquant lui-même; mais que ceci ne soit mentionné ici qu’à titre marginal. Il est notamment clair depuis lors qu’une thérapie génique peut fonctionner sous la forme testée sur Ashanti, puisque chez des patients souffrant de granulomatose chronique, il a été montré à l’évidence durant les années suivantes que, s’agissant de maladies monogènes, un gène qui ne fonctionne pas peut être remplacé par un qui fonctionne et que la maladie peut donc être traitée ainsi à son origine (causale- ment), comme on l’a toujours souhaité. Dans la présentation faite jusqu’à ce point, nous n’avons pas pris en considération la question technique de savoir comment le gène souhaité peut être amené dans les cellules qui en ont besoin et qui doivent le restituer au corps des patients (et en fait de telle manière qu’elles commencent ensuite à s’y établir et à y mener une vie normale avec des partitions de cellules en continu). Dans le cas pionnier exposé, on a choisi la méthode où un virus est utilisé en tant que vecteur de gène, lequel a été isolé auparavant par des moyens du génie génétique et auquel on a ajouté des gènes désirés clonés. Un problème surgit alors immédiatement, car les virus sont avant tout connus pour pouvoir développer leur propre existence dans des environnements appropriés et charger sur le plan toxique l’organisme en voie de guérison. En réalité, chez des patients qui doivent être traités précisément en raison d’une faiblesse immunitaire (SCID X1), des leucémies apparaissent au cours de la thérapie génique. La seule raison autorisant les médecins ou chercheurs à risquer cet effet très dangereux pour le patient réside dans la 16 réalisation que le SCID 1X est une menace pour la vie et que les enfants traités devraient mourir à défaut d’une thérapie génique. En dépit des risques connus, l’immigration à l’aide de virus demeure malheureusement le moyen de l’option, bien qu’il existe de nombreuses méthodes opératoires plus physiques, où les membranes des cellules sont rendues perméables, pour apporter le gène souhaité à l’endroit où il doit agir. Seules des références peuvent être indiquées ici au sujet de cette option et des détails de l’utilisation de virus (davantage de données peuvent être trouvées dans la littérature). Les remarques faites à ce stade montrent clairement que l’idée – considérée comme une simplicité efficace à l’origine – d’un remplacement de gènes, respectivement d’un échange de gènes ne demeure nullement simple lorsqu’il s’agit de la pratique médicale et quiconque désire développer une thérapie génique complète et assurer son admission sur le plan pratique doit étudier en détail plusieurs étapes qui comportent toutes des difficultés et peuvent faire échouer la procédure. D’abord, il faut identifier le transporteur de gène idoine qui est dénommé vec- teur dans le langage spécialisé. Ensuite, il y a lieu de rechercher de surcroît la stratégie adéquate de traitement et le mode optimal d’application. Et pour tout cela, il existe comme auparavant la possibilité de finir par découvrir la variante respectivement correcte (meilleure) des gènes utilisés pour la thérapie. Une entreprise pénible et souvent risquée, qui exige la plus grande prudence et attention ainsi que des contrôles. L’énumération donnée montre nettement que toute thérapie génique doit être testée minutieusement et complètement dans des études cliniques et, l’an dernier, on a pu voir dans la littérature que plus de 1000 études sur des thérapies géniques ont été mandatées et entamées. La majeure partie d’entre elles – plus de 700 expérimentations – se sont focalisées sur des maladies cancéreuses, car leur base génétique est incontestée et comprise dans de nombreux cas. Près de cent études se sont penchées sur des maladies des vaisseaux ou des maladies infectieuses dont les infections HIV font partie. Dans les études examinant le HIV, des lymphocytes sont utilisés qui portent un gène anti-HIV. Dans ces études s’appliquent des 17 critères de choix stricts, ce qui signifie surtout que seules peuvent être inclues dans les expérimentations des personnes qui sont déjà atteintes par le SIDA et pour lesquelles aucune alternative thérapeutique n’est connue. Celui qui s’intéresse à une répartition sous l’angle géographique des études de thérapies géniques en trouvera deux tiers aux USA et moins d’un tiers en Europe. S’agissant de l’Allemagne, la revue des médecins a utilisé pour cela l’expression «un pays plutôt sur la réserve», et elle cite à ce sujet (état: fin sept. 2005) le «Deutsche Register für Somatische Gentransfer-Studien» (DeReG), qui mentionne 40 études dans lesquelles ont participé 361 patients. A l’échelle mondiale, ce sont plus de 1000 études portant sur plus de 6000 patients qui ont été annoncées et entreprises jusqu’ici. (Le registre des thérapies géniques se trouve sur Internet sous l’adresse www.dereg. de). Parmi les plus grands espoirs de la thérapie génique, on compte, hormis l’aide apportée dans le cancer, l’utilisation en cas de mucoviscidose dont la cause est un gène identifié dans l’intervalle. La mucoviscidose est diagnostiquée chaque année en Alle- magne chez 200 personnes environ, et on pensait aider celles-ci sur le plan de la thérapie génique, après la découverte du gène de la maladie, qui est dénommé CFTR. Le gène aide le tissu à se transformer en un canal chloride, et son dysfonctionnement fait sécher la muqueuse qui peut être colonisée ensuite par des bactéries et subit alors une inflammation. C’est ce qui se passe dans le poumon qui est réputé bien accessible, ce qui a encouragé l’espoir d’un succès pour la thérapie génique. Jusqu’à présent, le bilan est demeuré décevant. Environ 30 études cliniques ont été effectuées sans succès durable, ce qui signifie plus précisément que seule une correction provisoire de l’échange de chloride s’est produit chez les patients. A titre de raison de cet échec, on a notamment indiqué l’inefficacité des vecteurs de gène ainsi que de fortes réactions d’inflammation. Entre-temps, de meilleurs vecteurs de gène existent, de type non viral, et avec lesquels une nouvelle étude clinique a été entreprise qui inclut 200 patients; elle est coordonnée par des Britanniques. Les chercheurs espèrent avant tout à ce sujet l’effet complémentaire précieux d’une enzyme nommée Integrase, qui doit 18 stabiliser l’intégration du gène corrigé dans les cellules cibles et procurer ainsi une expression génique durable. Par ailleurs, il y a d’autres nouvelles approches de la thérapie génique pour la mucoviscidose, de sorte qu’il faut admettre, l’un dans l’autre, qu’il sera possible de développer dans un avenir pas trop éloigné une procédure qui fonctionne pour ce cas. Les efforts actuellement entrepris pour lutter contre la mucoviscidose seront encouragés par des moyens de l’UE qui s’efforce en outre d’établir une procédure d’autorisation centralisée pour les thérapies géniques auprès de l’Agence européenne du Médicament (EMEA), afin de rendre accessible la procédure, de manière uniforme, à tous les patients en Europe. Dès 2007, toutes les procédures d’approbation, disséminées jusqu’ici, seront réunies dans un cadre juridique européen. On remarquera que la maladie initialement envisagée, du nom d’anémie à cellules falciformes, n’apparaît plus. En réalité, son développement s’est révélé beaucoup plus compliqué que ne l’avaient pensé les premiers initiants de la thérapie génique. Ils demeurent néanmoins optimistes. 쐽 Une référence au sujet de la littérature Heiko von der Leyen, Claudia Wendt, Hans Armin Dietrich (éd.): Gentherapie und Biotechnologie – Ansätze zu neuen Therapieformen in der Medizin. Wissenschaftliche Verlagsgesellschaft, Stuttgart 2005, 548 pages (ISBN 3-8047-1917-1), 69 Euro.