La signification des mots et le contenu des pensées
Martine Nida-Rümelin
Hiver 05/06
Cours 3 (16.11.05)
Sens et dénotation chez Frege (suite)
1. Un argument contre une solution simple du problème des assertions d’identité informatives
(A1) L’étoile du matin est identique à l’étoile du soir.
(A2) L’étoile du matin est identique à l’étoile du matin.
Le problème : Etant donné que les deux expressions « étoile du matin » et « étoile du soir » sont
coréférentiels, comment peut-on expliquer la différence concernant la valeur cognitive des deux
phrases ?
Une solution simple (et fausse):
On peut paraphraser (A1) par
(A1’) “L’étoile du matin“ et “l’étoile du soir“ réfèrent au même objet.
et on peut paraphraser (A2) par
(A2’) “L’étoile du matin“ et “l’étoile du matin“ réfèrent au même objet.
Solution du problème sur la base de cette analyse :
Le problème s’est posé parce que la seule différence entre (A1) et (A2) et qu’un nom a été remplacé
par un autre nom coréférentiel.
Mais selon l’analyse proposée il s’agit en réalité d’un remplacement de deux noms pour deux
expressions linguistiques et ces deux noms ne sont pas coréférentiels. Donc, le faite que les deux
phrases ont une valeur cognitive différente n’est plus surprenant.
De plus, on peut expliquer la différence cognitive sur la base de l’analyse proposée. La première
phrase est informative parce qu’elle dit de deux expressions différentes qu’elles ont la même
référence. La première, par contre, parlent d’une seule expression et dit de cette expression qu’elle a
la même référence qu’elle-même ce qui est vrai de manière triviale de chaque expression.
Un argument contre cette solution (voir Taylor, 1998, 2-5))
(Basé sur une idée de Church : le test de la traduction)
On considère les traductions des 4 phrases (A1) et (A1’) dans une autre langue :
Traduction de (A1) :
(T1) Der Morgenstern ist identisch mit dem Abendstern.
Traduction de (A1’):
(T1’) “L’étoile du matin“ und “étoile du soir » beziehen sich auf dasselbe Objekt.
Mais: (T1) et (T1’) n’expriment pas la même chose. (T1’) n’est pas une paraphrase adéquate de (T1).
Donc, (A1) et (A1’) n’expriment pas la même chose non plus ; (A1’) n’est pas une paraphrase
adéquate de (A1).
Schéma qui explique ce raisonnement (tableau)
Formulation plus explicite de l’argument :
Principe de paraphrase :
Si P2 est une paraphrase adéquate de P1, alors P1 et P2 exprime la même chose.
Principe de traduction :
Si P2 est une traduction de la phrase P1 dans une autre langue, alors P1 et P2 exprime la même
chose.
Conclusion C :
Si (a) P2 est une paraphrase de P1 et si
(b) P3 est une traduction de P1 dans une autre langue et si
(c) P4 est une traduction de P2 dans une autre langue,
alors P4’ et P3 expriment la même chose.
P1 : A1’ est une paraphrase de A1.
P2 : T1’ est une traduction de A1’.
P3 : T1 est une traduction de A1.
Alors :
T1 et T1’ expriment la même chose. (conséquence de C et de P1 – P3).
Mais : T1 et T1’ n’expriment pas la même chose.
Donc (puisque P2, P3 et C ne peuvent pas être abandonnés) : P1 est faux.
3. Sens et dénotation des phrases
Les phrases expriment des pensées.
Les phrases ont une valeur de vérité.
La notion de la pensée chez Frege
- Les pensées sont abstraites.
- Les pensées peuvent être saisies par différentes personnes.
- Il ne faut pas confondre les pensées avec les représentations qui sont subjectives.
- Saisir une pensée n'est pas la juger vraie.
- Les pensées existent même si personne ne les saisit.
Question: Qu'est-ce que la dénotation d'une phrase?
Première hypothèse: La dénotation d'une phrase est la pensée qu'elle exprime.
Mais cette hypothèse est incompatible avec le principe suivant de substitution qui est accepté par
Frege:
Principe de substitution concernant les dénotations au sens de Frege
Si l'on substitue une expression dans une phrase par une autre expression avec la même dénotation,
alors la dénotation de la phrase entière reste la même.
Ce principe implique que la pensée ne peut pas être la dénotation d'une phrase. Pourquoi?
Un argument (de Frege) contre l’hypothèse que la dénotation d’une phrase et la pensée qu’elle
exprime :
(A3) L’étoile du matin est illuminée par le soleil.
(A4) L’étoile du soir est illuminée par le soleil.
Critère de non-identité de pensées exprimées par une phrase :
Si une personne rationnelle peut croire que la phrase P1 est vraie et la phrase P2 est fausse, alors les
deux phrases expriment deux pensées différentes.
Selon ce critère (A3) et (A4) expriment deux pensées différentes.
Hypothèse :
La dénotation d’une phrase est la pensée qu’elle exprime.
(1) On reçoit (A4) si on remplace « étoile du matin » par « étoile du soir ».
(2) « étoile du matin et « étoile du soir » ont la même dénotation.
Donc :
(3) (A3) et (A4) expriment la même pensée. (conséquence de (1), (2) , du principe de
substitution et de l’hypothèse en question)
Mais (3) est faux !
Donc : Puisque (1) et (2) sont évident et pour Frege il est clair qu’on ne peut pas abandonner son
principe de substitution, l’hypothèse est fausse.
3. Le problème des contextes intentionnels
(A5) Anne croit que l’étoile du matin est illuminée par le soleil.
(A6) Anne croit que l’étoile du soir est illuminée par le soleil.
(A5) n’implique pas (A6). C'est-à-dire : il y a des cas possible dans lesquelles (A5) est vraie alors que
(A6) est fausse.
A discuter :
Ceci est un problème pour Frege. Pourquoi ?
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