DOSSIER
40 ans d’astrophysique spatiale au CEA
M2M : contrôle industriel haut de gamme p.11
Feu vert pour SPIRAL2 à Caen p.12
Un réacteur prototype de 4ème génération pour 2020 p.14
LE JOURNAL
Centre CEA de Saclay
1eTRIMESTRE 2006 > N°31
Éditeur
CEA (Commissariat
à l’énergie atomique)
Centre de Saclay
91191 Gif-sur-Yvette Cedex
Directeur
Yves Caristan
Directrice de la publication
Danièle Imbault
Rédacteur en chef
Christophe Perrin
Rédactrice en chef adjointe
Sophie Astorg
Avec la participation de
Dominique Mazière
Iconographie
Chantal Fuseau
Conception graphique
Mazarine
2, square Villaret de Joyeuse
75017 Paris
Tél. : 01 58 05 49 25
Sommaire n° 31
Éditorial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 2
Dossier : 40 ans d’astrophysique
spatiale au CEA . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 3
M2M : contrôle industriel
haut de gamme . . . . . . . . . . . . . . . . . page 11
Feu vert pour SPIRAL2 à Caen . . . . . . page 12
Nanotube de carbone interrupteur. . . page 13
Un réacteur de 4ème génération . . . . . . page 14
Brèves . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 15
Crédits photos
CEA/Dapnia
NASA
CFHT
CNES
ESA
ESA/A Le Floc’h
Observatoire européen austral
CNRS
CICLOPS Institute, USA
ESA/ D Hardy
ESA/ A. Abergel
CEA/SAp
CEA/ L Godart
CEA/ L Koch
CEA/ C Fuseau
CEA/S Astorg
R Lefevre et al LEM-CEA
E Dujardin et al LEM-CEA
Telescope Canada-France-
Hawaï/ JC Cuillandre/ Coelum
EDF
ESA & the ISOGAL team
CEA Ganil
Photos de couverture : En haut à gauche, simulation numérique du Soleil ;
en bas à gauche, le télescope SIGMA ; à droite, image de Megacam.
Éditorial
Le 21 mai 1965, un
instrument du CEA
enregistrait pour la
première fois un rayon X
cosmique, à bord d’un
ballon situé à près de
quarante kilomètres
d’altitude. Cet événe-
ment signe le début de l’astrophysique
spatiale au CEA.
Depuis l’origine, l’activité du Service
d’astrophysique (SAp) à Saclay se fonde
sur un partenariat fort entre le CEA et le
CNES1, qui financent à parité ces
programmes. Ce service compte égale-
ment une unité mixte de recherche CEA –
CNRS – Université Paris VII.
Les missions du SAp couvrent à la fois le
développement d’instruments au sol ou
embarqués dans des satellites et l’inter-
prétation d’observations de provenances
variées. Pour résumer à grands traits
l’histoire du SAp, on distingue plusieurs
périodes marquées successivement par
la détection de particules cosmiques,
l’astronomie Xet gamma, l’astronomie
infrarouge et la sismologie solaire et stel-
laire (Soho). Le recoupement d’observa-
tions à différentes énergies fournit une
base solide pour l’interprétation. Avec
l’avènement d’ordinateurs massivement
parallèles, la simulation numérique
renforce la compréhension des proces-
sus physiques en jeu. Ce dossier du
Journal de Saclay ne pourra retenir de
cette histoire foisonnante que quelques
événements ou découvertes parmi beau-
coup d’autres. Il est organisé pour l’es-
sentiel par domaines d’énergie.
Spécialiste de détecteurs, le SAp est
l’artisan de nombreuses premières
mondiales en instrumentation dédiée à
l’astrophysique spatiale, souvent en
collaboration avec le Léti2: première
matrice de détecteurs infrarouges (ISO)3,
première matrice de détecteurs gamma
au tellurure de cadmium (Integral) et
demain, première matrice de bolomètres4
pour l’infrarouge lointain (Herschel). Cette
compétence est reconnue au point que
le SAp a été sollicité par un laboratoire
américain pour fournir un instrument
infrarouge pour la sonde Cassini-
Huygens. Au fil du temps, ce service
s’est imposé sur la scène internationale
comme un laboratoire d’astrophysique de
premier plan, tant pour l’instrumentation
que pour l’interprétation. Il est devenu une
force de proposition et un acteur
incontournable pour de nombreux projets
scientifiques, qui se sont concrétisés en de
véritables expériences dédiées à des
problématiques scientifiques spécifiques.
Je profite de ce premier éditorial de l’année
pour vous présenter mes meilleurs vœux
et je suis heureux que 2006 s’annonce
aussi riche pour notre centre CEA que
2005. Cette année verra en effet notam-
ment les démarrages du synchrotron
SOLEIL, de NeuroSpin et du pôle de
compétitivité mondial SYSTEM@TIC
PARIS-RÉGION, qui apporteront de
nouveaux atouts pour renforcer sa visibi-
lité internationale en tant que site de
recherche d’excellence.
Yves Caristan,
Directeur du centre CEA de Saclay.
1 CNES : Centre national d’études spatiales.
2 Léti : Laboratoire d’électronique et de technologie
de l’information, au centre CEA de Grenoble.
3 Les mots imprimés eenn vveerrtt eett eenn ggrraasssont expli-
qués page 10.
4 Bolomètre : thermomètre utilisé pour mesurer
de faibles quantités de chaleur produites par un
rayonnement.
Instruments actuellement en service, conçus
et réalisés avec la participation du SAp :
ill.1 Soho et Ulysse, en orbite autour du Soleil. Cassini-
Huygens en orbite autour de Saturne. ill.2 XMM-Newton
et Integral en orbite autour de la Terre. ill.3 L’équipe
du SAp à Saclay, le Very Large Telescope à Paranal (Chili)
et le CFHT (Canada France Hawaï Telescope) à Hawaï.
1 2
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N° ISSN 1276-2776 - Centre CEA de Saclay
Droits de reproduction, texte et illustrations
réservés pour tous pays
3
40 ans d’astrophysique
spatiale au CEA
A la fin des années 1950, un service de Saclay expert en
détecteurs de rayonnements est chargé de mesurer la
radioactivité de la haute atmosphère induite par les essais
nucléaires aériens. Il faut adapter les appareils pour qu’ils
fonctionnent à bord de fusées. En 1962, la découverte des
rayons X cosmiques aiguise la curiosité des scientifiques.
Ces circonstances favorisent l’émergence au CEA de
l’astrophysique spatiale des hautes énergies. Une discipline
qui impose des mesures hors de l’atmosphère : à bord de
ballons stratosphériques, de fusées puis de satellites car
le rayonnement est arrêté par l’atmosphère.
« Spatialiser » les technologies
La spatialisation de détecteurs, dérivés à l’origine de la
physique nucléaire ou de la scintigraphie médicale, est un
des métiers du SAp, dont le mot d’ordre est « zéro panne »,
dans un environnement hostile et contraint en masse, en
volume et en consommation électrique. Typiquement, une
mission spatiale compte de nombreuses étapes planifiées
sur une vingtaine d’années : le montage du projet avec les
partenaires, la conception et la réalisation d’instruments,
les tests dans des conditions se rapprochant progressive-
ment des conditions spatiales, l’étalonnage, le lancement
et l’exploitation scientifique des résultats. Depuis qu’ils
existent, ces projets sont conduits dans le cadre de colla-
borations1européennes, franco-russes (SIGMA) ou améri-
cano-européennes (HEAO C, Cassini-Huygens, Soho). Les
observatoires spatiaux sont ouverts à la communauté
scientifique : les temps d’observation lui sont alloués
après évaluation par un comité de spécialistes.
Donner du sens aux observations
En parallèle aux activités instrumentales se constitue très
tôt un groupe de théoriciens, parmi lesquels Catherine
Césarsky (actuelle directrice de l’ESO2) et Hubert Reeves.
L’un d’entre eux, Charles Ryter, résume l’activité d’interpré-
tation : « collecter les observations de toutes origines et
chercher à leur donner du sens, de la cohérence ». Ce travail
réalisé à partir de mesures effectuées dans tous les domai-
nes d’énergie (depuis les ondes radio jusqu’aux rayons
gamma) s’est poursuivi sans interruption jusqu’à aujourd’hui.
1 Ces collaborations sont dirigées par l’Agence spatiale européenne
(ESA), Inter-Kosmos en Russie et la NASA (National Aeronautics and
Space Agency) aux Etats-Unis.
2 ESO : European Southern Observatory.
L’ASTROPHYSIQUE AU SAP
Les compétences présentes à Saclay en matière de détecteurs de rayonnements ont trouvé un riche
champ d’applications en astrophysique.
Vols ballon : un ballon auxiliaire sert à décoller la charge utile
du sol avant de l’amarrer au ballon principal, qui est gonflé à part.
Ces vols ont lieu en fin de nuit.
Image de supernova obtenue par la caméra Megacam au CFHT.
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1
2
Les expériences durent quelques minutes à bord d’une
fusée à 150 km d’altitude, une dizaine d’heures en ballon
stratosphérique à 36 km ou quelques mois (jusqu’à 15 ans !)
à bord de satellites.
Le saviez-vous ?
Carte d’identité
Nom : Service d’astrophysique (SAp)
Effectif total : 150 personnes dont 93 permanents CEA,
8 universitaires et 7 CNRS
Nombre de projets instrumentaux en cours :
12 spatiaux et 3 au sol
1
Expériences « tout terrain »
« Le ballon était lancé en fin de nuit. Il fallait attendre le moment le plus favorable où les vents d’altitude se renversent. Le matériel
devait être récupéré pour que les plaques photo puissent être analysées. Il est arrivé que cette quête se transforme en véritable
expédition dans les Alpes, à dos de mulets, dans la neige. Une fois, le matériel est tombé sur le toit d’une porcherie. Il n’y a jamais
eu de blessé, pas même un cochon… »
Lydie Koch-Miramond, astrophysicienne au SAp
4
40 ans d’astrophysique spatiale au CEA
A la différence des rayons X et gamma, les « rayons
cosmiques » sont constitués de particules de matière et
non pas de grains de « lumière ». Ces particules, essentiel-
lement des protons, sont accélérées à des énergies
défiant l’imagination. L’Univers contient de gigantesques
accélérateurs de particules, près de cent mille fois plus
puissants que ne le sera l’accélérateur le plus performant
de la planète, actuellement en construction au CERN1.
Cette matière, composée également d’électrons et d’autres
éléments en quantités infimes, est la seule qui nous
parvienne d’au-delà du système solaire. Pour comprendre
où et comment ces
particules se forment, il
faut mesurer leur énergie
et leur composition.
Ces mesures sont déli-
cates car les particules
cosmiques sont rares.
Par ailleurs, les appareils
doivent être adaptés à
un usage spatial. Par
exemple, les détecteurs
Tcherenkov2de HEAO C
sont astucieusement
allégés en remplaçant
des gaz sous haute
pression par des blocs
d’aérogel de silice, aussi peu denses que le brouillard.
Quelle composition ?
On s’attendait à retrouver dans les rayons cosmiques la
composition des supernovae3, soupçonnées d’être les
sources de ces particules. Or la mesure a révélé une
composition plus proche de celle du milieu interstellaire que
de celle des supernovae. Pourquoi ? Celles-ci apportent
bien l’énergie nécessaire pour accélérer les particules,
mais par l’intermédiaire des ondes de choc, qui, suite à
l’explosion, se propagent dans le milieu interstellaire.
Alors qu’on sait depuis longtemps que les éléments lourds
sont issus du « chaudron » des étoiles, l’origine des
éléments légers est longtemps restée une énigme, qui a été
finalement résolue par Hubert Reeves dans les années 1970.
Il a mis en évidence le mécanisme de formation de certains
éléments chimiques : les collisions entre les particules
cosmiques et les atomes des milieux traversés engendrent
des éléments légers comme le lithium, le béryllium et le bore.
1 CERN : Organisation européenne pour la recherche nucléaire, près de
Genève.
2 Détecteur Tcherenkov : en traversant le liquide ou le gaz à une vitesse
supérieure à celle de la lumière dans ce milieu, les particules cosmiques
induisent une émission de lumière bleutée par les atomes du milieu.
C’est cette lumière qui est détectée.
3 Supernova : étoile massive qui explose au terme de sa «vie » d’étoile
en devenant momentanément très lumineuse.
1
ANALYSER LA MATIÈRE COSMIQUE
Analyser la matière venue du cosmos, c’est la première tâche à laquelle se sont attelés les
astrophysiciens du SAp.
2
À bord du satellite HEAO C lancé en 1979, une expérience de
350 kg seulement mesure la composition des particules
cosmiques qui sillonnent la Galaxie, un résultat inégalé
jusqu’à aujourd’hui.
Ulysse est la première sonde à quitter le plan des planètes
pour aller explorer les pôles du Soleil. A son bord, un instru-
ment mesure pour la première fois les paramètres du vent
solaire et des particules cosmiques.
2
1
5
40 ans d’astrophysique
spatiale au CEA
Au cours de leur propagation dans le milieu interstellaire,
les rayons cosmiques interagissent avec la matière et le
rayonnement et produisent une émission de rayons
gamma. Le signal correspondant a pu être mis en
évidence par COS B à haute énergie puis par le satellite
américain GRO (Gamma Ray Observatory) à basse énergie.
Ce signal apparaît comme
un fond diffus galactique.
Au cours de leur accéléra-
tion initiale, les particules
cosmiques émettent égale-
ment des rayonnements
assez intenses pour être
mesurés : des rayons X ont
été observés par XMM-
Newton dans un reste de
supernova (voir photo 1), des rayons gamma de très haute
énergie ont été détectés par le télescope Hess (situé en
Namibie).
D’autres signaux X et gamma, sans lien avec les rayons
cosmiques, ont pu être attribués à des sources localisées,
dont la nature n’a pas pu être identifiée immédiatement.
« Voir » des rayons invisibles
Pour détecter les rayons gamma, les premiers instruments
(TD1, COS B) utilisent des chambres à étincelles, sensibles
à la fois aux particules et aux photons gamma.
Il faut donc éliminer la contribution prédominante des
particules cosmiques (une surface d’un centimètre carré
en voit passer une par seconde). Heureusement, celles-ci
déposent des traces spécifiques. Pour COS B, les enre-
gistrements ont été analysés manuellement : seul un sur
cent en moyenne était exploitable…
De nombreux dispositifs (SIGMA) intègrent des matériaux
scintillants capables d’absorber complètement l’énergie
incidente et de restituer cette énergie en lumière visible ou
ultraviolette, pour laquelle ils sont transparents. Ces instru-
ments matérialisent les traces fugaces laissées par une
particule ou des rayons X ou gamma. « Voir ces traces
dans les scintillateurs, voir enfin ce qui, jusque-là, était
invisible : c’était une grande émotion ! », raconte Bernard
Agrinier, ancien chercheur au SAp.
Un bijou technologique
Avec Integral est apparue une nouvelle génération de
détecteurs à semi-conducteur (CdTe : tellurure de
cadmium), qui n’exigeait plus de refroidissement poussé
comme auparavant le germanium, et présentait une excel-
lente résolution en énergie. Pour Integral, le SAp a déve-
loppé la technologie CdTe en collaboration avec d’autres
services du Dapnia1et a conçu une électronique de détec-
tion adaptée. La miniaturisation de l’ensemble a été menée
en collaboration avec le Léti et la Direction des applica-
tions militaires. Le résultat de ce travail est la caméra
gamma ISGRI : un véritable bijou technologique de plus
de 16 000 pixels !
Former des images
Détecter ne suffit pas, il faut également concentrer la
lumière pour former une image. C’est réalisable en rayons X
1
5
IMAGES DES HAUTES ÉNERGIES
A partir des développements de détecteurs X et gamma, le SAp s’est forgé une spécialité à la fois
instrumentale et scientifique en astrophysique des hautes énergies.
2
Compter les photons
L’observation en X ou gamma est très différente de l’observation
en visible : les photons sont rares et sont détectés un par un.
L’avantage de cette situation est que le signal détecté mesure
directement l’énergie.
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