islam et democratie - Ben Halima Abderraouf

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BISMILLAH ARRAHMAN ARRAHIM
ISLAM ET DEMOCRATIE
Louange à Allah et prière et paix sur son prophète
En Tunisie (et ailleurs) les islamistes ont pris le pouvoir (en association avec les militants des droits de
l’homme) et doivent maintenant élaborer un concept de politique islamique. Cheikh Qardaoui
qu’Allah le protège est venu en Tunisie et a défendu l’idée de démocratie en Islam. D’autres
(salafites) ont déclaré que la démocratie est étrangère et incompatible avec l’Islam. C’est ainsi qu’on
m’a posé la question. Par ailleurs la France a vécu des élections dans un climat d’islamophobie de
droite et de gauche – sans même parler de l’extrême droite – et certains aussi interdisaient de voter
pour le « Taghout » - le diable idolâtré. J’aimerais apporter ma réflexion à ce sujet.
Je vous invite à examiner les structures et procédures politiques au temps du prophète (s), de ses
califes, puis de la oumma sous les dynasties omeyyade, abbasside et ottomane. Au temps du
prophète (s) les trois pouvoirs : exécutif, législatif et judiciaire étaient réunis en la personne du
prophète (s) par son statut mais dès le premier califat et jusqu’à la fin des empires les pouvoirs
étaient séparés et indépendants, ce qui n’a pas empêché certains rois d’oppresser des savants pour
qu’ils légifèrent en leur faveur et par la grâce d’Allah il y a toujours eu des héritiers du prophète (s)
qui sont restés fermes sur la vérité et n’ont pas cédé comme d’autres à l’appât du gain ou à la
menace et la torture. Comme la loi des musulmans a toujours été la charia, c’étaient les savants qui
déterminaient les lois, donc qui représentaient le corps législatif, tandis que les rois et califes avaient
la latitude de l’organisation de l’état. Les juges sont un autre corps indépendant et comme le montre
l’exemple de Ali, qu’Allah l’agrée, avec le juif, le calife est égal à tout musulman devant le juge ; le
principe d’immunité est inconcevable en Islam : quel être humain n’a pas de comptes à rendre
devant la justice quand le prophète (s) lui-même a demandé avant sa mort qui se plaint d’une
injustice pour la lui rendre ? Qu’Allah nous préserve d’une telle aberration. Par ailleurs, je voudrais
attirer l’attention sur les groupes islamiques, que ce soient des groupes mondiaux comme les frères
musulmans ou le tabligh, ou une simple association qui gère une mosquée : ces groupes
fonctionnent la plupart du temps selon un système pyramidal fermé. Prenons une mosquée, la
plupart du temps les fondateurs sont responsables à vie, les membres du bureau ressemblent plus à
des associés propriétaires d’une entreprise qu’à des délégués de la communauté soumis au contrôle
d’une assemblée générale et obligés de défendre leur bilan et leur programme. On pourra aussi dire
que s’ils ouvrent l’association à tous les fidèles de la mosquée ce sera l’anarchie totale, autant dire
qu’il n’y a que la dictature qui nous convient tellement nous sommes incapables de gérer notre
liberté, de discuter sainement et de privilégier l’intérêt général. Il suffit de voir les disputes de divers
groupes islamiques pour s’en convaincre. Un aspect de la gestion non islamique des groupes
islamiques est la non séparation des pouvoirs : si dans un groupe islamique tu as un différent avec le
responsable, qui va trancher ? Le même responsable. Donc tu as le choix entre te plier ou partir. Et
qui pourra dire au responsable qu’il a tort et le forcer à revenir à la droiture ? Personne. D’où le
phénomène récurrent chez les groupes islamiques de la division amibienne : chaque fois que le
groupe grossit, il se divise en deux et chaque groupe prend son chemin, malheureusement la plupart
du temps dans un esprit d’opposition et de concurrence plus que de complémentarité. Les groupes
qui échappent le plus à cette règle sont ceux qui gèrent le mieux leurs différents en instaurant un
système interne de débat, d’écoute et de règlement de conflits. Voyez-vous qu’avant de parler de la
politique islamique à l’échelle d’un pays, il serait judicieux de parler des règles islamiques de gestion
d’un groupe, et comment un groupe prétend-il défendre la cause de l’islam quand il est incapable
d’appliquer les règles islamiques à sa propre gestion ?
Nous sommes tous d’accord sur le principe de séparation des trois pouvoirs dans un état, ce principe
est islamique et en même temps universel. Il reste à établir des modalités pratiques pour que cette
indépendance soit réelle car il ne suffit pas d’énoncer un principe et de souhaiter que les
gouvernants – le pouvoir exécutif – le respectent, mais il faut créer des institutions et des
mécanismes qui rendent impossible la corruption des juges ou des législateurs pour traduire ce
principe en réalité et que ça ne dépende pas uniquement de la bonne volonté et de la piété des
premiers dirigeants mais que ce soit une structure qui traverse les âges.
Le point suivant est la désignation d’un chef suprême à vie : cela a toujours été le cas chez les califes
puis chez les rois bien sûr, et je ne connais aucun savant de l’islam qui s’y soit opposé. Cela reste le
cas chez de nombreux groupes musulmans, mais je pense que personne ne le souhaite pour un
président, car si le système islamique est le président à vie, Bourguiba et Ben Ali étaient les
champions de la politique islamique. Donc nous sommes d’accord qu’il faut des mandats limités et
éventuellement un nombre limité de mandats. Il n’en reste pas moins qu’en dehors d’un état, pour
un groupe islamique, un émir à vie qui réunit les trois pouvoirs ça peut marcher quand c’est le
fondateur doté d’une grande piété, d’une grande compréhension et d’une grande motivation ; ça ira
un peu moins bien pour son successeur ; ensuite les querelles de pouvoir et les scissions ne
manqueront pas de venir. La conclusion est qu’il ne suffit pas d’avoir une personne exceptionnelle
pour lui confier tous les pouvoirs, mais il faut établir un système de partage et d’équilibre des
pouvoirs pour que la structure puisse continuer à fonctionner après des générations et que les sousstructures (car le groupe est appelé à s’étendre en nombre, en domaines et en nouveaux espaces)
aient un mode de gestion efficace. Je préfère ne pas citer un groupe que je connais où la philosophie
de gestion est complètement absente : aucun contre-pouvoir, aucune remise en cause de l’émir,
refus de la critique, chaque responsable est désigné à vie, aucune formation des dirigeants, le seul
critère quasiment de désignation du responsable est l’ancienneté ; le groupe ne fait que s’enliser
dans ses contradictions et est incapable malgré tous les potentiels qu’il renferme de canaliser ses
énergies pour aller de l’avant. Résultat : les meilleurs ne font que partir et il reste les irréductibles
incritiquables gagnés par la vieillesse les uns après les autres. Heureusement que pour un état tout le
monde est d’accord pour refuser l’idée d’un dirigeant à vie et d’un pouvoir absolu, mais vous
comprenez la difficulté quand les groupes islamiques n’ont pas fait l’effort d’instaurer un tel système
pour eux-mêmes, comment maintenant inventer ce système pour un état ?
Je cite l’exemple de l’empire Ottoman. Ayant tiré les leçons du pouvoir absolu des omeyyades et des
abbassides qui a conduit avec le temps à une mauvaise gestion jusqu’à la chute de ces empires, les
fondateurs de l’état ottoman ont instauré une série de pouvoirs et contre-pouvoirs de façon a avoir
une structure solide et indépendante des personnes qui occupent les postes clés pour garantir la
gestion optimale de l’état à travers les âges. Cela fonctionna et l’état Ottoman fut bien plus efficace
que ces prédécesseurs, sauf qu’il disparut à son tour devant la montée en puissance de l’Europe avec
l’industrialisation et les nouveaux moyens de guerre.
Le point suivant est le mode de désignation du chef d’état. Voyons donc ce qui s’est passé pour les
califes et les rois. Abou Bakr, qu’Allah l’agrée, a été désigné par consensus des sahabas présents, sauf
que Ali, qu’Allah l’agrée, était absent ; il n’a pas été exclus et ne s’est plaint de rien, mais c’est une
absence que les chiites exploiteront pour dire qu’il a été écarté alors qu’il était l’héritier le plus
légitime du prophète (s). En tous cas le consensus est forcément le mode le plus légitime : aucun
concurrent, tous d’accord. Le prophète (s) n’a pas désigné de successeur ni de mode de désignation
d’un successeur, mais un argument qui a joué de façon décisive en faveur d’Abou Bakr, qu’Allah
l’agrée, est que le prophète (s) l’a désigné pour diriger la prière quand il ne pouvait plus le faire, et
comme il appartient à l’émir du groupe de diriger la prière, personne ne peut devancer Abou Bakr
pour être imam à sa place.
Quand Abou Bakr, qu’Allah l’agrée, sentit ses forces le quitter et sa mort venir, il alla à la mosquée et
dit aux musulmans présents : « Vous m’avez choisi comme calife, aujourd’hui je ne suis plus capable
d’assumer cette fonction, donc je vous rends votre engagement, choisissez qui vous voulez
maintenant ». Les musulmans discutèrent et ne purent se mettre d’accord pour désigner un
successeur. Ils revinrent vers Abou Bakr, qu’Allah l’agrée, et dirent : « Nous préférons que tu nous
choisisses un calife ». Il dit : « Mais si je choisis une personne, vous serez tous d’accord pour le
suivre ? » et ils s’engagèrent tous à le suivre. Abou Bakr, qu’Allah l’agrée, consulta alors deux
personnes : Abderrahmane Ibn Awf et Othmane Ibn Affane, qu’Allah les agrée. Abderrahmane était
l’homme qui connaissait le mieux les gens ; grand commerçant, à travers lui Abou Bakr, qu’Allah
l’agrée, pouvait connaître ce que pensaient les gens. Abderrahmane dit : « Tu sais mieux que moi ».
Abou Bakr insista : « dis-moi quand même ». Il dit : « Omar ». Puis Othmane était le concurrent
potentiel de Omar. Quand Abou Bakr lui demanda qui devrait être calife, il répondit : « Tu sais mieux
que moi ». Il insista : « Dis-moi quand même ». Il dit : « Omar ». Donc si Othmane était pour Omar, il
n’y avait plus de concurrent possible. Un musulman sentant qu’Abou Bakr, qu’Allah l’agrée, allait
désigner Omar comme calife, vint le voir et dit : « Que vas-tu dire à ton Seigneur si tu nous laisses
Omar comme calife alors que tu sais combien il est dur envers nous ? » Abou Bakr se fâcha et dit :
« Faites moi assoir ! Vous me dites de craindre Allah ?! Par Allah, je connais Allah et Omar mieux que
vous ! Je Lui dirai que je leur ai laissé comme calife le meilleur de Tes serviteurs ! » Et quand Omar,
qu’Allah l’agrée, devint calife, le premier discours qu’il prononça fut : « Ô gens ! Je sais ce que vous
vous dites ! Vous dites : il était dur envers nous au temps du prophète (s) et d’Abou Bakr alors qu’il
n’était même pas responsable, comment va-t-il nous faire maintenant ? Par Allah ! Cette dureté que
vous connaissez s’est multipliée plusieurs fois contre l’injuste jusqu’à ce que je lui prenne ce qu’il
doit ! Puis je suis plus tendre que le beurre et je pose ma joue par terre pour le faible jusqu’à ce que
je lui obtienne son dû. J’étais dur avec le Prophète (s) et Abou Bakr car ils étaient doux et n’aimaient
pas brutaliser les gens, alors je m’avançais devant eux pour le faire à leur place tout en attendant
qu’ils me disent d’arrêter et j’arrête, autrement je continue. Mais maintenant que je suis seul à
gouverner, je sais quand m’avancer et quand m’arrêter ».
L’exemple de Omar, qu’Allah l’agrée, donne un mode de désignation qui fait l’unanimité chez les
savants : la désignation par le calife précédent, puisqu’il est obligatoire d’obéir à l’émir, donc il
devient obligatoire de suivre l’émir que l’émir a désigné. Là encore, je crois que personne ne souhaite
établir cette règle comme la règle islamique, qui accepte que le président sortant désigne son
successeur ? Sans aucun doute, cette pratique aboutira assez rapidement à une monarchie comme
ce fut le cas avec Mouawiya qu’Allah l’agrée et les Ommeyyades et tout le monde est bien d’accord
pour échapper à ce système.
Nous passons maintenant à Othmane, qu’Allah l’agrée. Quand Omar, qu’Allah l’agrée, fut poignardé,
il désigna un comité composé des restants parmi les dix auxquels le prophète (s) a annoncé le Paradis
pour désigner le calife parmi eux, en l’occurrence : Othmane Ibn Affane, Ali Ibn Abi Talib, Zoubayr Ibn
Alawwam, Talha Ibn Oubaydillah, Saïd Ibn Zayd et Abderrahmane Ibn Awf. Trois étaient déjà morts :
Abou Bakr, Abou Oubayda Ibn Aljarrah, et bientôt Omar, et un était absent : Saad Ibn Abi Waqqas en
jihad en Perse. Les six se sont donc réunis et Abderrahmane, qu’Allah l’agrée, dirigea les séances de
bout en bout. Il dit : « Que ceux qui ne souhaitent pas être califes désignent leurs candidats ! » Trois
désignèrent trois : Zoubayr, Talha et Saïd désignèrent Othmane, Ali et Abderrahmane. Puis
Abderrahmane demanda aux trois non candidats de quitter la maison. Il dit ensuite à Othmane et
Ali : « Je ne veux pas être calife, mais je vais choisir un parmi vous. Je vous donne ma parole de faire
de mon mieux pour l’intérêt de l’islam et des musulmans, et vous me donnez votre parole que
quiconque ne sera pas désigné écoutera et obéira à l’émir ». Tous trois donnèrent leurs paroles et
Abderrahmane, qu’Allah l’agrée, passa trois jours à se concerter avec les mouhajirins, les ansars, les
chefs d’armée, les commerçants etc. puis réunit les musulmans à la mosquée. Il désigna Othmane
comme calife et dit à Ali : « Ne sois pas fâché, je sais que tu le mérites, mais les gens ne sont plus
prêts à subir la rigueur que Omar appliquait », et les gens savaient que Othmane serait plus doux et
préféraient Othmane. Ainsi l’époque a changé et quand les troubles éclatèrent au temps de
Othmane, qu’Allah l’agrée, on lui demanda : « pourquoi au temps d’Abou Bakr et de Omar il n’y avait
pas ceci ? Il dit : parce qu’eux nous gouvernaient et maintenant nous vous gouvernons ». Donc
Othmane n’a pas la carrure d’Abou Bakr et Omar et les gens qu’il dirige ne sont pas comme ceux
d’avant non plus.
Nous avons dans cette procédure plusieurs enseignements. D’abord le principe d’un homme = une
voix, appliqué et accepté dans la procédure dirigée par Abderrahmane. Ensuite la désignation de
l’émir par la choura – consultation – des personnes compétentes. Sauf que les personnes
compétentes étaient celles que le prophète (s) avait désignées comme appartenant au Paradis, de
même que ceux qui ont choisi Abou Bakr, qu’Allah l’agrée, étaient les mouhajirins et ansar dont Allah
avait dit qu’Il était satisfait d’eux, mais quelles sont les personnes compétentes aujourd’hui ? Nous
n’avons d’autre choix que de les choisir nous-mêmes, de les élire, autrement dit d’élire un parlement
qui va décider au nom du peuple. Maintenant il reste à savoir qui est éligible et qui est électeur et
quelles sont les pouvoirs de cette assemblée et autres modalités ; toutes ces questions chaque pays
s’efforce de s’organiser pour le mieux, mais du moment que nous acceptons le principe, les détails
sont de moindre importance. Nous aboutissons ainsi à la démocratie, sachant que ce terme recouvre
plusieurs réalités différentes, puisque le vote des femmes par exemple est récent, certains pays ont
un mode en deux temps : les citoyens désignent les sénateurs qui désignent le président, les
élections législatives peuvent effacer les petits partis, etc.
Ensuite quand Othmane, qu’Allah l’agrée, fut assassiné, les sahabas sont allés voir Ali pour qu’il soit
calife mais il refusa. Puis ils allèrent chez Zoubayr et il refusa. Puis ils allèrent proposer à Talha et il
refusa. Ils revinrent alors à Ali et il accepta pour éviter l’anarchie qui était le pire. On peut parler de
consensus mais il est sûr que c’était dans un grand désordre. Quand Ali, qu’Allah l’agrée, fut tué, ses
adeptes désignèrent Hasan, qu’Allah l’agrée, d’office comme calife et lui prêtèrent serment. C’est
alors que Mouawiya écrivit à Hasan : « Pourquoi nous battre et faire couler le sang des musulmans ?
Laisse-moi la place et tu la récupères après moi », autrement dit : laisse-moi la place ou c’est la
guerre. Hasan, qu’Allah l’agrée, savait que c’était un piège mais a préféré renoncer au califat pour
éviter une nouvelle guerre fratricide car malheureusement Mouawiya disposait de grandes armées :
autant de musulmans faibles en foi et connaissances religieuses et appâtés par le gain, et d’éminents
sahabas qui se sont trompés de bord. Mouawiya qu’Allah l’agrée régna 20 ans, alors qu’Abou Bakr
avait régné 2 ans ½, Omar dix ans, Othmane 12 ans et Ali 6ans. Dès que Hasan céda sa place à
Mouawiya, ce dernier envoya une armée faire le tour du monde musulman avec l’ordre de décapiter
quiconque contestait son autorité. Adieu le temps de la fraternité et du pardon et voici le temps de la
dictature militaire sans quoi le pays allait se disloquer en guerres fratricides interminables.
Pour les chiites, la transmission du pouvoir par succession dans la descendance de Ali était une
évidence, et jusqu’à Hasan et Husein personne ne le contestait chez les sahabas et leurs suiveurs.
Allah a voulu que cette chaîne soit coupée par l’avènement de Mouawiya et seul Allah sait ce que la
oumma serait devenue avec une dynastie des descendants de Ali.
Durant le règne de Mouawiya, Hasan fut assassiné par le poison. Très naturellement, les fidèles de
Hasan prirent Hussein comme émir. Hélas, au moment de mourir, Mouawiya désigna son fils Yazid
comme successeur et trahit son engagement envers Hasan. Il dit : « Abou Bakr avait désigné un
successeur et je vais suivre son exemple ». Un sahabi répliqua : « Abou Bakr chercha le bien de la
oumma, mais vous êtes en train d’en faire une monarchie ! » La oumma se révolta à la désignation
de Yazid, d’abord c’était une trahison à l’accord qui prévoyait Hasan ou éventuellement Hussein,
mais de plus Yazid était un pervers qui buvait l’alcool, commettait l’inceste avec ses sœurs et
l’homosexualité. Hussein était à Médine et prit la route pour l’Irak où se trouvaient ses troupes. Yazid
envoya une armée leur couper la route et leur ordonner de se plier à son autorité. Hussein, qu’Allah
l’agrée, dit : « Yazid boit l’alcool, commet l’inceste avec ses sœurs et l’homosexualité, un homme
comme moi ne peut se plier à l’autorité d’un tel homme ! » Et ils les tuèrent tous, 70 de la famille du
prophète (s) le jour d’Achoura au lieu dit Karbala, seul Ali Ibn Hussein, alors enfant, échappa au
carnage. Les habitants de Médine sous le commandement de Abdallah Ibn Handhala, se révoltèrent
et l’armée de Yazid les anéantit ; ce jour-là 500 filles vierges de Médine tombèrent enceintes des
abus de l’armée de Yazid. Le prophète (s) avait dit qu’un roi de sa oumma terrorisera les habitants de
Médine et portera la moitié du châtiment du monde ; les savants sont unanimes pour le désigner et
le maudire. Ils se dirigèrent ensuite vers la Mecque qui s’était également révoltée avec à sa tête
Abdallah Ibn Zoubayr : ils détruisirent la Kaaba avec des catapultes et tuèrent Abdallah Ibn Zoubayr
qu’Allah les agrée. A partir de là, les savants de la oumma décidèrent qu’il fallait accepter n’importe
quel souverain quelle que soit la façon dont il accédait au pouvoir car la révolte allait anéantir les
meilleurs éléments de la oumma sans rien apporter de bien ; ils se résignèrent donc à accepter Yazid
comme roi et tous les suivants. Mais les fidèles de Ali, Hasan et Hussein refusèrent à jamais de
reconnaître le pouvoir omeyyade et préférèrent la position de Hussein : plutôt mourir que se plier
aux dictateurs éloignés de la religion. Ils se sont donc constitués en groupe rebelle et se coupèrent de
la oumma. A partir de là ils commencèrent à dire que Ali est le meilleur des sahabas et devait être
calife directement après le prophète (s) et développèrent les thèses chiites. Ce qui était au départ un
problème politique d’accession au pouvoir est devenu un problème idéologique et une division dans
la religion. De même, tous ceux qui refusaient de reconnaître le pouvoir en place – notamment les
khawarij – s’isolaient de la oumma et développaient des philosophies et des croyances et pratiques
inconnues jusqu’alors. C’est pour cela que le bloc de la oumma qui s’appelait au début : « ahlaljama’a – les gens du groupe » pour dire qu’ils restent avec le pouvoir quel qu’il soit et ne le
contestent pas, et devenu : « ahl assunna wal-jama’a » pour dire qu’ils restent dans la croyance et la
pratique religieuse sounna, connue et pratiquée depuis le prophète (s) et rejetaient les autres : « ahl
al-bida’i wal-ahwa – adeptes des innovations et des passions » qui suivent des croyances et pratiques
inventées et infondées.
Tout ceci pour vous dire que ce qui importe depuis ce temps-là pour les savants sunnites est la
stabilité du pouvoir et éviter la discorde, la tuerie fratricide, la révolte etc. tandis que les chiites
cultivent l’esprit du martyre et de la rébellion.
Pour récapituler, nous avons établi qu’il est nécessaire de séparer les trois pouvoirs : exécutif,
législatif et judiciaire, mais qu’il reste à établir des règles et des institutions qui assurent leur
indépendance. Ensuite qu’il n’est pas possible d’avoir des chefs à vie, qu’il faut donc désigner des
mandats. Ensuite ce n’est pas le sortant qui désigne son successeur, ni une monarchie que nous
voulons ni accepter toute personne qui s’imposerait par sa force : la seule option qui reste est les
élections, autrement dit la démocratie, quitte à déterminer les diverses modalités. Je voudrais parler
d’un autre aspect de la politique : l’opposition. Personnellement, je n’ai jamais approuvé le principe
de l’opposition. D’abord en Tunisie dans les années 80, j’ai refusé l’idée de l’opposition islamique car
c’était un massacre de cette génération de jeunes musulmans intellectuels sans aucun résultat
positif. On ne peut dire que le changement de régime en Tunisie ou dans les autres pays du
printemps arabe soit dû au travail de l’opposition mais à un ras-le-bol populaire de ces dictateurs qui
considèrent le pays comme leur propriété privée et l’état comme un instrument d’exploitation, puis
les oppositions, notamment islamiques ont été les grands gagnantes du changement. Je préfère
chercher un rôle utile : éventuellement participer à une responsabilité de gestion du pays pour faire
du bon travail de mon côté – et ce sont bien de telles personnes qui ont fait que le pays ne s’est pas
complètement écroulé – ou partir, mais pas passer mon temps en des critiques stériles. Ensuite, j’ai
passé un quart de siècle en France et vu l’alternance des gouvernements et le comportement de
l’opposition. Je le trouve déplorable. Si vous voyez des débats parlementaires, vous voyez
l’opposition systématique, l’absence de respect, une ambiance indigne de personnes respectables, et
je ne vois pas des gens qui recherchent la vérité ou l’intérêt du pays. De même les actions
d’opposition au gouvernement : grèves, blocages, etc. n’ont pas leur place dans une démocratie à
mon sens : si on est d’accord que le peuple a choisi ses dirigeants, qu’on les a acceptés car ils sont
institutionnellement légitimes même si ce ne sont pas ceux qu’on voulait, nous n’avons pas d’autre
choix maintenant que d’accepter la politique du gouvernement – tant qu’il n’y a pas des abus de
pouvoir - et de faire en sorte que tout aille pour le mieux dans le pays, au lieu de se révolter chaque
fois qu’il va appliquer une mesure qu’il avait annoncée dans son programme et que le peuple a
choisie. Aujourd’hui encore, nous entendons l’opposition en Tunisie, alors qu’elle représente moins
de 15% de l’électorat puisque les trois partis arrivés en tête des élections se sont unis pour former le
gouvernement, s’opposer systématiquement et obtenir la parole même dans les médias occidentaux
alors qu’ils représentent une frange marginale de la population.
Il n’y a pas besoin de chercher loin pour voir ce que l’islam pense d’une telle opposition : les sahabas
disent : « Le prophète (s) appréciait le bien et le renforçait et critiquait le mal et l’affaiblissait ». Voilà
ce que nous devons faire devant la politique gouvernementale : dire ce qui est bon et l’aider, et dire
ce qui est mal et s’efforcer de l’affaiblir ; quant à ceux qui sèment la corruption sur terre et qui
gâchent ce que les autres construisent, Allah les a suffisamment maudits dans le Coran. Ceux qui
parlent pour ne rien dire, qui critiquent à tort et à travers, qui cherchent des tournures compliquées
pour tromper les gens, qui ne reconnaissent jamais leurs torts, qui recourent aux formules grossières
et provocatrices ne sont en aucun cas des gens vertueux et sont condamnés par de nombreux
hadiths. A mon avis, on ne doit pas laisser de telles personnes parler en public et on devrait les
qualifier de « fasiq – pervers » et leur interdire toute vie politique, à la façon dont une personne qui a
émis un faux témoignage sera privé de témoignage à l’avenir. Quelle lourdeur de supporter ces
parasites à longueur d’année.
Quelle est donc la bonne attitude quand on n’a pas été élu par le peuple ? Reconnaître sa défaite et
respecter le choix de la majorité, accepter qu’Allah y mettra peut-être un bien et ne pas se fixer sur
sa seule idée comme étant la meilleure, puis proposer ses services au gagnant pour le bien du pays,
ou à défaut écrire chaque fois des conseils et des propositions pour améliorer les choses. C’est
seulement à l’heure du bilan et d’une nouvelle échéance électorale qu’on pourra se démarquer et
défendre ses idées et pointer les carences de l’autre. Et l’attitude du gagnant est de tendre sa main
aux autres pour réunir le maximum de potentiels et gérer le pays pour le mieux, car même si on a
gagné, il y a un grand pourcentage qui a voté pour l’autre et ses idées ne peuvent pas être
complètement fausses, donc il faut essayer de prendre le bien partout et de satisfaire le maximum de
monde et toujours placer l’intérêt du pays avant tout intérêt personnel ou partisan.
Un dernier principe dans la démocratie : les concessions, le dialogue et la progressivité. Voici des
musulmans en France qui interdisent de voter et disent qu’il ne faut pas prendre pour maître le
« taghout » - le diable ou l’idole incarnée – car il se substitue à Allah en gouvernant par ses lois au
lieu des lois d’Allah. Mais le problème n’est pas dans l’action de voter, le problème est dans le fait de
vivre sous une autorité non musulmane, car que tu votes ou non, tu lui es également soumis. En
vivant dans un système non musulman, le musulman doit respecter les obligations religieuses et
éviter de commettre les interdits qui sont normaux dans la société. Là où on n’a pas le choix, on doit
en faire le minimum et faire un maximum d’efforts pour créer des institutions islamiques pour
former un contexte sain pour notre foi. La démocratie est une arme pour nous en tant que minorité
pour faire valoir nos droits, et si le vote nous permet d’obtenir une meilleure situation pour notre
communauté, cela devient un devoir de l’utiliser et de ne pas le négliger, et aussi de l’utiliser au
mieux. S’abstenir de voter c’est donner le bâton à nos adversaires pour nous taper puisque certains
exigent des politiciens de marginaliser les musulmans.
Un autre exemple de cette fermeture d’esprit est un sermon de vendredi que j’entends dans une
mosquée en Tunisie au moment ou certains manifestent pour l’application de la charia et prendre le
Coran comme source de droit et d’autres contre : l’imam explique que la califat et la charia sont bien
plus larges que cette constitution islamique que certains essayent de faire voter, que l’éducation
complète du peuple est nécessaire, et qu’une application partielle de l’islam diminuera la volonté
d’islamiser le pays et la oumma et donc va reculer le retour du califat et donc fera plus de mal que de
bien et donc il faut s’y opposer ! Sobhannah ! S’opposer à appliquer les bouts de charia qu’on peut
appliquer ?! Préférer des lois complètement hors de la charia ?! Qui est l’auteur de cette idée
géniale ? « Hizb attahrir – le parti de la libération », dont l’objectif est d’établir un califat qui couvre
l’ensemble des pays arabes et musulmans et dont un des moyens est de casser toutes autres
initiatives islamiques. Il y a une règle de simple bon sens dans la juridiction islamique : « ce qu’on ne
peut obtenir en totalité ne doit pas être laissé en totalité », on fait ce qu’on peut de ce qu’Allah a
demandé, et si on ne parvient pas à faire certaines choses, cela ne nous empêche nullement de faire
le reste, et on doit s’accrocher à ce qu’on peut indépendamment du fait d’avoir raté le reste.
Qu’Allah nous aide et nous guide et dirige la oumma vers le bien.
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