MEI, nº29 («Communication, organisation, symboles»), 2008
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gestion de la qualité totale, la conduite des projets et le management des
connaissances. Avec cette interrogation constante: comment garantir la
coopération, avec quels mots d’ordre, quelles sortes de règles, quels
objectifs surtout, en regard de la figure polymorphe du client? À chaque
époque, sa croyance en l’efficacité des règles de gestion. La qualité a eu
ses préceptes collectifs, le projet, ses organisations ad hoc, le management
des connaissances, ses outils numériques. La qualité totale, avec ses
chartes, ses normes, ses collectifs et ses indicateurs, a généralisé la relation
client–fournisseur à l’ensemble des fonctions de l’entreprise au prix d’une
idéalisation de l’acteur économique. Le management de projet a recentré
ses méthodes sur la maîtrise de trois facteurs déterminants: les spécifica-
tions du produit, l’estimation des coûts et la planification des délais. De
fait, ce changement aura expurgé le modèle de transaction client–
fournisseur de la symbolique de l’excellence propre à la qualité totale.
Aujourd’hui, se développe ainsi une culture de la menace maintenant
confirmée par l’avènement du cellulaire, autrement dit du management
de crise: la tension informatisée des processus, en inversant la logique
des flux (pénétration des logiques de marché vers les activités de
conception), accroît la charge des responsabilités (surveillance des indi-
cateurs, maintenance des conditions opérationnelles des systèmes). Dans
certaines applications (groupware, workflow), le lien devient pragma-
tique: seules importent la finalité du contact et la pertinence productive
du savoir. Parallèlement, les potentialités nouvelles de l’Internet, en élar-
gissant l’horizon du cellulaire, dispensent l’internaute des contraintes de
la soumission hiérarchique. La qualité se construit sur une symbolique
explicite et générique du succès collectif, le projet cellulaire sacrifie la part
symbolique du social au profit de structures conçues dans l’urgence, le
numérique optimise les échanges de connaissances au point de fournir
des arguments actualisés aux promoteurs d’utopies…
Qualité totale et symbolique de la reconnaissance
La qualification du producteur par la firme cliente est devenue une
garantie préalable de la qualité des produits, en même temps qu’un label
de qualité pour le marché. À partir des années 1980, la convergence du
mouvement de la qualité et des injonctions normatives (normes ISO
9000) aura engendré un système d’évaluation autoritaire particulière-
ment favorable aux donneurs d’ordre. Voilà pour l’esprit. Mais en
matière de management de la qualité, la lettre est première. Sans doute
son juridisme aura-t-il décrété la transparence dans les termes de manuels
de qualité, de chartes et de procédures créant ainsi, sur le terrain et avec
plus ou moins de bonheur, les conditions d’un langage performatif. C’est
cette illusion performative d’une évaluation standardisée des firmes