Les carnivores sont un groupe de plantes fascinant, car il ren-
verse le principe fondamental selon lequel ce sont les animaux
qui mangent les plantes. Quelque 18 genres de carnivores sont
actuellement connus et, par leur aspect extraordinaire, capti-
vent les hommes dans le monde entier. Les carnivores sont des
plantes hautement spécialisées, qui vivent dans des contrées
pauvres en substances nutritives. Elles y profitent de leur apti-
tude à capturer des espèces animales pour se procurer un sup-
plément de substances nutritives telles qu’azote, phosphore et
soufre. Et elles ne se limitent pas au règne des insectes; selon la
grandeur de leur piège, elles peuvent attraper de minuscules
puces aquatiques et même de petits lézards.
Les carnivores font partie des plantes à fleurs, possèdent un
propre système racinaire et, en utilisant la lumière solaire,
fabriquent elles-mêmes des substances nutritives par photo-
synthèse. Ce sont donc des plantes tout à fait «normales», et
la plupart pourraient survivre sans «nourriture d’appoint» ani-
male. Mais on sait que les substances nutritives animales
améliorent leur croissance. Dans leur habitat naturel, elles ont
ainsi un net avantage sur les plantes concurrentes. Plusieurs
espèces se sont acclimatées chez nous aussi.
Pièges collants
Droséra
Le droséra, avec ses feuilles oblongues recouvertes de rouge,
est le plus connu. Il colonise nos hauts-marais et, comme tou-
tes les plantes palustres, il est actuellement gravement mena-
cé par la destruction de son habitat. Sa survie est cependant
assurée grâce à de sévères mesures de protection. Ses paren-
tes tropicales aux feuilles étirées ou fourchues conviennent
comme plante d’intérieur dans de bonnes conditions de lu-
mière.
Le droséra capture les insectes avec ses poils glanduleux à
fortes sécrétions collantes. Ces poils tiennent fermement la
victime pendant que la feuille s’enroule et que des sucs diges-
tifs dissolvent les parties molles des animaux.
Grassette
Il en est de même pour la grassette (Pinguicula).
Des espèces indigènes croissent du Plateau aux Alpes jusqu’à
2500 m d’altitude. Elles forment une rosace de feuilles recou-
vertes de glandes collantes, qui s’étale à plat sur le sol. Grâce
aux «gouttes de rosée», les insectes attirés restent collés et la
feuille s’enroule pour les digérer. Les espèces grassette sont
décoratives et florifères.
Pièges à urne
Singuliers, les népenthès vivent dans les forêts d’Australie et
d’Asie du Sud-Est, sous forme de plantes aériennes (pas para-
sites). Les plantes de ce genre conviennent aussi pour les ap-
partements, où elles aiment un emplacement clair sans enso-
leillement direct, et une humidité de l’air élevée. Des urnes
ventrues, dont la grandeur diffère selon l’espèce, se forment à
l’extrémité de plusieurs feuilles. Ces urnes sont en partie rem-
plies de sucs digestifs. Les bords et l’intérieur des urnes sont
couleur chair et sont dotés d’un nectar attirant. Mais à côté,
elles sont tellement lisses que même une mouche ne peut s’y
tenir.
Les animaux gourmands qui s’y posent, glissent et tombent
dans les sucs, où ils sont digérés. Les pièges en entonnoir du
sarracenia fonctionnent selon le même principe. Les sarrace-
nias existent en espèces aussi bien à port buissonnant qu’à
port érigé. Quelques-unes de ces espèces résistent même à
l’hiver chez nous.
Pièges à mâchoires
Gobe-mouches
Quel enfant ne les connaît pas, ces pièges qui se referment ins-
tantanément? Cette carnivore qui vient d’une région délimitée
d’Amérique du Nord est l’attrape-mouche le plus rapide. Dans
son habitat, elle est terriblement menacée. Mais les plantes
que l’on trouve dans le commerce proviennent de cultures de
serre, où le gobe-mouche (Dionaea muscipula) peut facilement
être multiplié en grandes quantités. Comme plante d’intérieur
ou sur le balcon en été, il est très résistant. L’important est que
son substrat ne se dessèche jamais. Le mieux est que les pots
baignent dans un centimètre d’eau. En hiver, il faut arroser de
façon à ce qu’il n’y ait pas du tout d’eau stagnante. Une humi-
dité de l’air élevée (55–65%) est importante. Les gobe-mouches
fonctionnent à l’aide d’un mécanisme à bascule sophistiqué.
Les feuilles de capture sont en deux parties, et rouge chair. Une
étroite bordure de nectar attire les insectes,le plus souvent des
mouches. Lors de contact répété par un insecte, trois poils sen-
sibles disposés sur chaque feuille déclenchent le mécanisme à
bascule. Les parties molles utilisables de la proie capturée sont
dissoutes par des enzymes dégradant l’albumine, et absorbées
par des glandes spéciales de la feuille. La digestion dure quel-
ques jours, selon la grosseur de la victime. La feuille s’ouvre
ensuite de nouveau en quelques heures, la pluie élimine les
restes, et la feuille est prête pour de nouveaux exploits. Durant
sa vie, une feuille répète l’opération sept à dix fois, participant
ainsi de trois à cinq fois en moyenne aux processus de diges-
tion. Après quoi elle meurt. Le fier propriétaire de la plante
devrait en tenir compte et ne pas la stresser inutilement par de
fréquents claquements.