LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES : Une bataille

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LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES : Une bataille perdue par l'Algérie
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LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES :
Une bataille perdue par l'Algérie
- Tribunes -
Oulala.net
Date de mise en ligne : mercredi 22 février 2012
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LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES : Une bataille perdue par l'Algérie
« Gouverner c'est prévoir. »
Émile de Girardin
Cette boutade d'Emile de Girardin est à méditer car elle explique dans un certaine mesure, ce qui s'est passé
pendant cet épisode de froid qui a bouleversé la vie des citoyens de l'est et du centre du pays. Sans vouloir faire le
procès de quiconque, il faut bien comprendre que « tout le monde « a été pris de court par ce coup de froid sibérien
et cette neige qui n'en finissait pas de tomber. Les BMS n'ont pas été assez sévères dans leurs prévisions.
Ahmed Mesbah nous décrit brièvement la galère des Algériens : « Les hivers ont été plus doux. Il n'y avait donc
aucune raison apparente pour que les pouvoirs publics prévoient des mesures et moyens exceptionnels pour faire
face à une éventuelle dégradation de la situation. Des bonbonnes de gaz à 2000 DA, de la pomme de terre à 140
DA. C'est le triste constat que sont amenés à faire les citoyens dont certains doivent faire face à un manteau neigeux
de deux mètres d'épaisseur. (...) Par-dessus tout, ce sont des vies humaines qui ont été perdues. Aucun bilan
définitif de dix jours d'intempéries n'est encore établi étant donné que les perturbations persistent encore. Mais dès
que la neige fondra, on aura tout le loisir de se pencher sur les conséquences d'une catastrophe humaine »(...). (1)
« Un élan de solidarité a pu être constaté pour sauver ce qui pouvait l'être, notamment en venant au secours des
foyers démunis et des personnes dont l'état de santé ne permettait pas de continuer à vivre sans aide. Peu de
moyens héliportés sont utilisés. Quant aux engins de déneigement, ils ne sont disponibles qu'en petit nombre. Il est
vrai que la vague de froid qui sévit sur la partie nord du pays est exceptionnelle. Nos aînés se rappellent des années
1950 pour évoquer le souvenir d'un hiver polaire. (1)
Djamel Alilat d'El Watan abonde dans le même sens en décrivant l'exemple d'une petite commune qui lutte contre les
éléments de la nature. La route ressemble à un lugubre et froid corridor bordé par des remparts de neige de deux
mètres de hauteur. Le col de Chellata, sis à plus de 1500 m d'altitude, est encore très loin, perdu dans les cimes
laiteuses et brumeuses du Djurdjura. Pourtant, les engins de déneigement ont toutes les peines du monde à
avancer. « Nous avons livré un combat quotidien contre la neige pendant quinze jours. Chaque jour, du matin jusqu'à
20h ou 22h », dit Mahmoud Mimoun, l'un des employés de la mairie de Chellata, sur les hauteurs d'Akbou. (2)
Dans le même ordre, il faut souligner que les éléments de la Protection civile de la wilaya de Annaba n'ont pas lésiné
sur les moyens, humains et matériels, pour prêter main forte aux populations en difficulté de la wilaya voisine de Jijel.
On apprend que les élèves ne vont pas en classe, les routes étant impraticables mais aussi car les salles ne sont
pas chauffées. On apprend aussi que les spéculateurs spéculent sur le prix des bouteilles de gaz et sur les produits
agricoles, mais est-ce exceptionnel en l'absence de confiance dans l'Etat ? Pourtant, sans minimiser le rôle de l'Etat
qui ne peut être compensé par une gestion à l'émotion, il nous faut nuancer les comptes rendus qui, de mon point de
vue, devraient être encore plus neutres.
Les changements climatiques auront des
conséquences sérieuses sur l'Algérie
Il semble que « tout le monde dit-on a été pris de court ». Pourtant, à l'écoute d'un spécialiste de la météo, nous
avons la confirmation que la situation de l'Algérie est des plus précaire du fait que le GIEC (Instance des Nations
unies regroupant plus de 2500 chercheurs qui étudient les changements climatiques) prévoit pour le nord de l'Afrique
des épisodes violents de pluies, de froid mais aussi et c'est le plus grave, une sécheresse qui sera de plus en plus
structurelle. Dans une intervention faite à Oran, Mohamed Senouci, ingénieur en chef à l'Institut
hydrométéorologique de formation et de recherche (IHFR) déclare : « L'Algérie reste une région très vulnérable aux
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changements climatiques et catastrophes naturelles. Il faut s'attendre à l'accentuation de ces phénomènes
météorologiques, qui seront de plus en plus violents et dangereux. « Il faut s'attendre à une réduction de l'ordre de
20% en termes de précipitation dans les prochaines années », a-t-il précisé. Parmi les impacts potentiels en Algérie,
il citera les phénomènes violents (cyclogenèse, vagues de chaleur, tempêtes de sable), les impacts sur les
ressources en eau, sur la production agricole et sur la santé. Pour sa part, Dahmane Boucherf, du centre de
climatologie de l'Office national de météorologie (ONM), a donné quelques projections à l'horizon de 2020, estimant
qu'il pourrait y avoir, dans le futur, un maximum quotidien de précipitations dépassant la moyenne annuelle habituelle
dans le sud du pays. De même que la sécheresse et les vagues de chaleur devraient se multiplier, « il y aura une
diminution des saisons de pluies et une augmentation des températures de l'ordre de 1° à 1,5° à l'horizon 2020 ». (3)
Pour Larbi Bahlouli, de l'Agence nationale des ressources hydriques (ANRH), l'Algérie est appelée à adopter des
mesures dans l'immédiat en matière de gestion de l'eau, du fait qu'elle n'est pas à l'abri face aux risques du
changement climatique. « Les changements climatiques représentent, pour l'Algérie, un risque majeur si des
mesures d'adaptation ne sont pas prises dès maintenant ». (4)
« A l'instar des autres parties du monde où les dégâts dus aux catastrophes naturelles (les grandes catastrophes ont
été multipliées par 3 pour les dix dernières années, particulièrement pour les inondations) qui ont été évaluées à plus
de 100 milliards de dollars, « l'Algérie a vécu le même phénomène où elle a enregistré pendant les trois dernières
années d'importantes inondations, a rappelé l'expert. (...) Dans le même contexte, il a cité, à titre d'exemple, les
précipitations qui ont provoqué les inondations de Bab El Oued les 9 et 10 novembre 2001 sur la côte algéroise. Ce
phénomène a été considéré comme « un événement pluviométrique exceptionnel » de par son caractère orageux, la
quantité de pluie enregistrée (290 mm). Cet événement, qui a eu lieu sur un bassin versant de 10 km², s'est produit «
pendant que tout le territoire vivait une période de sécheresse sévère et que les barrages étaient presque vides », a
fait observer le responsable de l'ANRH, soulignant que « cela dénote l'apparition de phénomène extrême » ». (4)
Par ailleurs, une étude particulièrement intéressante concerne justement l'agriculture en Algérie. On y apprend que
l'agriculture du futur doit inclure des cultures tropicales du fait de l'élévation de température. On lit : « L'Algérie est un
pays essentiellement désertique dont les superficies agricoles n'occupent qu'un faible pourcentage de la superficie
totale : la superficie agricole utile est de l'ordre de 8,1 millions d'ha (...) La pluviométrie faible et irrégulière n'est pas
compensée par une mobilisation suffisante des ressources en eau, et de marquer de grandes fluctuations en
fonction de la variabilité climatique. Les prospectives fondées sur le changement climatique font ainsi estimer des
risques importants sur le système agricole algérien. Le modèle « Magicc » testé sur la région du Maghreb en général
et sur l'Algérie en particulier, estime un réchauffement de l'ordre de 1°C entre l'année 2000, et l'année 2020
accompagné d'une fluctuation de la pluviométrie avec une tendance à la baisse, de l'ordre de 5 à 10% sur le court
terme. Par contre, sur le long terme, on peut envisager une diminution de la pluviométrie qui varie entre 10 à 30%
d'ici 2050 et de 20 à 50% pour l'année 2100, et une augmentation de la température de l'ordre de 3°C pendant
l'année 2050 et de 5°C pour 2100. (5)
« Ces changements de température dont les moyennes sont même faibles incluent un accroissement de la
fréquence des extrêmes climatiques. Suite à ces perturbations climatiques, on peut envisager dans le futur des
conséquences néfastes sur le développement agricole en Algérie, les principaux risques sont l'augmentation de la
température, la concentration des pluies en épisode sur une période qui ne dépasse pas un nombre de jours bien
limité, (...) d'où la nécessité de rationaliser dans l'utilisation des ressources est obligatoire. L'insuffisance de l'eau
ainsi que la gestion de cette perle rare sont des problèmes déjà présents, conditionnent l'avenir du pays du point de
vue sécurité alimentaire. (...) Le déficit hydrique aura un impact direct sur la réduction des rendements du produit de
base du modèle alimentaire du pays (céréale) dont l'Algérie est dépendante à 80% de l'étranger avec une facture
alimentaire qui dépasse 5 milliards par an. Le changement climatique touchera aussi fortement les légumes dont la
productivité diminuerait de 15 à 30% en Algérie d'ici 2030. Les résultats des projections agricoles marquent un déficit
croissant entre les besoins en céréales estimés par les programmes de sécurité alimentaire et les potentiels
agricoles. Les cultures typiquement méditerranéennes comme les olives ou les citrons pourraient progressivement
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s'installer dans de vastes zones d'Europe du Sud et le maraîchage pourrait également s'intensifier, grevant le
développement de l'agriculture d'exportation maghrébine. Le climat pourrait devenir progressivement propice à
certaines cultures tropicales » (5)
Que doit-on alors faire face à la pénurie structurelle
d'eau dans le futur ?
Le développement de stratégies d'adaptation est une voie incontournable pour réduire les dommages attendus dès
le court terme. En ce sens, le changement climatique va fortement intensifier et accélérer des problèmes existants
plus qu'il ne va en créer de nouveaux. Face à cette charge potentiellement lourde, la problématique de réponse
consiste en deux stratégies d'adaptation capables de limiter les impacts des difficultés croissantes de l'agriculture :
d'un côté, résister aux modifications du climat et adapter les systèmes culturaux par des semences résistantes à la
sécheresse et au stress hydrique par une gestion de l'eau ; de l'autre, organiser le retrait progressif de l'agriculture,
ou de certaines cultures exigeantes en eau, face à l'inadaptabilité croissante à l'environnement bioclimatique.
L'importation de produits intensifs en eau permet d'importer de « l'eau virtuelle », définie par Allan comme les
volumes nécessaires à la production des biens importés et ainsi incorporés dans les échanges internationaux. (..)Il
faut que l'Algérie oriente ces stratégies vers les cultures moins exigeantes en eau à avantage comparatif important et
oriente cette eau vers des secteurs comme le tourisme qui peut dégager une forte valeur ajoutée. (...) (5)
Que faut-il faire ?
Peut-on dire que l'on ne savait pas ? Que nous avons été pris de court par la neige ? Qu'on le veuille ou non,
l'Algérien malgré tous les efforts montrés en boucle à la télé jusqu'à saturation, a perdu l'habitude de se battre. Pour
rappel et sans faire le procès de quiconque, au contraire il faut louer çà et là l'abnégation des services publics tels
que Sonelgaz, Naftal, la Protection civile et naturellement l'Armée, l'apparition des walis en première ligne dans cette
bataille est une nouvelle démarche qu'il nous faut humblement saluer. Nous devons aussi saluer les initiatives des
citoyens entre eux redécouvrant les vertus ancestrales de solidarité, tout en dénonçant l'instrumentalisation de la
détresse par les marchands du temple...
Pour autant et au risque de mettre les pieds dans le plat, l'Algérien s'habitue - rente aidant - à devenir assisté étant
pris de court et ayant oublié le reflexe de l'autonomie. Je rappelle que nos parents dans les villages en altitude
étaient autosuffisants, on préparait en été - nous étions alors des fourmis- les provisions d'hiver et les routes étaient
bloquées, il n'y avait ni engins Case, ni halftrack, il y avait la solidarité ; Il n'y avait ni bonbonne d'huile sans goût
mais de la bonne huile d'olive. Il n'y avait pas de bonbonne de gaz mais bien à l'avance on préparait les stères de
bois. Savons-nous que l'Algérie produit 3 millions de tonnes de bois par an, soit l'équivalent de 2 millions de tonnes
de pétrole, que deviennent-ils ?
Nous ne savons plus rien faire et nous sommes désemparés face à Dame Nature. Je me souviens que nous allions
à l'école, qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il neige, le poêle de la classe se chauffait au bois et chacun de nous devait
ramener un bout de bois. Qu'est devenu ce savoir-faire qui fait que maintenant on est indexé sur une bonbonne de
gaz, sur le pain du boulanger, l'huile sans goût ? Non, nous avons perdu non seulement cette nouvelle bataille mais
nous avons perdu cette rage de vivre qui fait actuellement de nous des consommateurs qui ont décidé de s'en
remettre à l'Etat pour leur survie, ceci sans naturellement oublier de citer les exemples remarquables de ceux qui se
battent, comptent avant tout sur eux-mêmes et n'ont pas besoin de « cellules psychologiques » pour affronter la
neige qui les a accompagnés depuis la nuit des temps...
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Quand on voit à la télé des Algériens en détresse, et s'en prendre au beyleck, c'est poignant, et quelque part l'Etat a
été dépassé mais les citoyens ont leur part de responsabilité. Qu'on se le dise ! Nous travaillons encore à l'émotion
sachant bien qu'elle ne remplacera jamais le professionnalisme. Il me vient à l'esprit les excuses du gouvernement
japonais après un nième tremblement de terre dépassant 7, où il y eut quelques dégâts matériels... Bacon disait
qu'on commandait à la nature en lui obéissant, ce paradoxe signifie qu'il nous faut connaître à fond les problèmes et
les dangers pour pouvoir les maîtriser. Nous nous en remettons à la fatalité malgré un verset du Coran qui nous
incite à nous préparer « Oua Khoudhou hidrakoum »
Sans qu'on le sache, l'Algérie a traversé un épisode qui sera de plus en plus récurrent d'attaque climatique. N'ayant
pas de stratégie énergétique, on continue la fuite en avant et on pense à tort que la bouteille de gaz réglera les
problèmes. Il n'en sera rien ! C'est un tonneau des Danaïdes en l'absence d'une moralisation réelle de la
consommation d'énergie notamment par le prix - on a remarqué que l'Algérien était prêt à payer une bouteille de gaz
5 fois plus cher. Il est temps de mettre tout à plat, que chaque département ministériel, que chaque citoyen prenne
sa part de responsabilité, il y va de l'avenir des générations futures
Dans cette stratégie énergétique, la notion vitale de l'eau est consacrée, chaque calorie est consommée à bon
escient, l'agriculture devra être en phase avec la réalité climatique, l'aménagement du territoire ne sera pas un vain
mot et la politique tarifaire qui ne fait pas dans le populisme. En définitive, il nous faut, passer de la gestion des
crises à la gestion des risques, intégrer toutes les causes, les politiques sectorielles, les savoirs locaux et les
indicateurs de suivi des stratégies. La sentence d'Emile de Girardin n'a pas pris une ride, elle est plus que jamais
d'actualité. Nous avons perdu une bataille, ne perdons pas la guerre !
Professeur Chems Eddine Chitour
École Polytechnique enp-edu.dz
Post-scriptum :
1. Ahmed Mesbah http://www.lexpressiondz.com/actual...
2. http://www.elwatan.com//actualite/b...
3. www.algerie-dz.com El Watanhttp: //www.algerie-dz.com/article15...
4. http://www.elmoudjahid.com/fr/actua...
5. Hakima Lakhdari, Atmane Ayad : Développement de l'agriculture en Algérie : Quelles stratégies d'adaptation face à la rareté de l'eau ? 5e
colloque international : Énergie, changements climatiques et développement durable, Hammamet 15-17 Juin 2009.
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