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PROSPECTIVES MARINE
Mais c’est principalement après le découpage et le partage de l’Afrique entre les
puissances européennes, lors de la conférence de Berlin en 1885, que la France
déploie son influence dans l’archipel des Comores. En 1886, la Grande Comore,
Anjouan et Mohéli deviennent des protectorats, placés sous l’autorité du gouverneur
de Mayotte qui conserve, elle, son statut de colonie. La loi du 25 juillet 1912
confirme l’unité des quatre îles en officialisant la colonisation des Comores. A la
veille de la 1ère Guerre mondiale, un décret de février 1914 rattache les quatre îles à
Madagascar, les transformant en « dépendances » : les Comores perdent du même
coup leur autonomie administrative, ce qui aura des conséquences inattendues dans
la méconnaissance, voire l’ignorance de l’histoire des Tirailleurs comoriens.
Il faut attendre 1946, date de la réintégration des Comores dans l’Union française
avec le statut de Territoire d’Outre-Mer pour que l’archipel commence à renouer
avec sa mémoire. En effet, les soldats d’origine comorienne n’ont pas été engagés
dans des unités propres mais ont été versés soit dans le 12ème Bataillon de Tirailleurs
Malgaches, soit dans le 1er Bataillon de Tirailleurs Somalis. C’est ainsi que l’histoire
singulière, les destins individuels de ces hommes se brouillent, s’estompent et
disparaissent dans l’histoire englobante de ces glorieux bataillons.
La constitution du Bataillon de Tirailleurs Somalis
Ce bataillon est constitué en deux temps et avec deux composantes :
- un premier bataillon, le 6ème Bataillon de Marche Somali est formé le 11 mai 1916 à
Majunga à Madagascar à partir d’éléments recrutés sur la Côte française des Somalis,
aux Comores et sur la Corne de l’Afrique, appartenant aux 7ème et 8ème compagnies
du Bataillon Sénégalais de Madagascar. Placée sous le commandement du chef de
bataillon Fortin, l’unité embarque pour la France le 12 mai pour Fréjus où elle
cantonne.
- Le 18 mai, les 5ème et 6ème compagnies du Bataillon Sénégalais de Madagascar,
basées à Diégo-Suarez, sont intégrées à leur tour dans le 6ème Bataillon de Marche
Somalis pour y former la 1ère et 2ème compagnies et rejoignent aussi Fréjus.
Le 10 juin 1916, ce bataillon prend le nom de 1er Bataillon de Tirailleurs Somalis
sous le commandement du capitaine Depuy. Il compte 8 officiers, 36 sous-officiers,
13 caporaux et soldats européens et 1194 sergents, caporaux et tirailleurs indigènes.
Après une période d’instruction, ces soldats rejoignent le front sur la Meuse près de
Verdun en juillet 1916. D’abord constitué en bataillon d’étapes, c’est à dire en
soutien des troupes de première ligne, leur principale occupation consiste à
entretenir les routes, les voies de chemin de fer, à ravitailler le front, à évacuer les
blessés. Les tirailleurs apprécient peu ces tâches : ils veulent combattre.
Cette revendication portée dans de nombreux rapports transmis par les chefs de
corps aboutit en octobre 1916 à la constitution d’une unité de marche rattachée au
Régiment d’Infanterie Coloniale du Maroc, le prestigieux RICM. L’affectation de
soldats coloniaux dans une unité combattante a surpris, compte tenu de leur relatif
sous-entraînement au combat et de la difficulté d’adaptation au climat. Cette
conception dite de « deuxième ligne de défense » était celle du colonel Mangin dans
l’emploi de la Force noire. Les soldats coloniaux auront à cœur de démontrer leurs
qualités au combat. Ces obstacles sont levés lors de l’hivernage entre novembre
1916 et le printemps 1917 à Saint-Raphaël, lieu de leur cantonnement où le
bataillon va s’entrainer de façon intensive et percevoir du matériel et des armes
appropriées aux combats de première ligne.