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La
jeunesse
d’Alexandre
revoyait Alexandre depuis
son
enfance et il lui vouait une adoration, égale
à
celle qu’il avait eue pour son père.
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avait été aussi indigné que lui en
apprenant le mauvais tour que leur jouait Démosthène et dont la
notification avait été faite
à
Alexandre la veille au soir, quand il était arrivé.
Or, les chevaux de Philippe étaient, selon la règle, entraînés
à
Olympie
depuis un mois.
La
manigance avait été préparée
à
l’insu de tous et le
résultat en avait été différé au dernier moment pour le rendre public devant
la Grèce réunie. Jaloux de la fortune de Cléotime, les juges lui avaient gardé
le secret. Alexandre avait voulu leur répliquer sans le secours de personne,
afin de montrer que, dans un lieu
où
il n’était jamais venu, il n’avait besoin
que de son nom et de la gloire de son père.
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avait même refusé d’être
accompagné de son ancien précepteur Léonidas, cousin de sa mère, lequel
lui servait de guide dans ce voyage. Celui qu’Alexandre et Ephestion
affublaient de l’épithète de
((
grave
»,
comme celles des héros d’Homère,
était resté chez Cléotime avec les soldats de l’escorte.
Tout courant, Epaphos et Polybe arrivaient. ils retirèrent
à
leurs
maîtres les tuniques de couleur. Selon son usage, Epaphos s’exclamait avec
admiration devant une nudité qu’il pouvait cependant contempler plu-
sieurs fois par jour.
((
Que tu es beau, mon maître
!
disait-il. Tu descends
d’un dieu, tu es un dieu et tu seras un dieu.
))
A
quelque distance, le comité
olympique, qui attendait, pour sa propre cérémonie, le départ
d’
Alexan-
dre, regardait cette scène avec intérêt. Ce qui plaisait
à
Alexandre et
à
Ephestion, c’est qu’ils étaient solides comme des athlètes et qu’on pouvait
les appeler beaux sans les faire rougir. Epaphos et Polybe avaient apporté
aussi des sandales
à
lacets blancs.
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leur fallut un moment pour nouer ces
lacets, puisqu’ils faisaient le nœud d’Hercule. C’est l’ancêtre d’Alexandre
qui en était l’inventeur
:
il
y
avait deux boucles, dont l’une passait en
dessus et l’autre en dessous du cordon. Ephestion avait procédé plus
sommairement pour le lacet rouge d’Alexandre
;
mais la différence, c’est
qu’Epaphos ne prenait pas la liberté de lui baiser le mollet.
Ils sortirent.
((
Tes cent bœufs, dit Ephestion
à
Alexandre, ont mis en
déroute l’armée athénienne. Je crois que ce qui a le plus humilié
Démosthène, c’est ton allusion
à
l’imposture des hécatombes.
-
Voilà ce
que c’est d’avoir pour précepteur Aristote, dit Alexandre
:
nous sommes
bien renseignés sur les Athéniens. Quelle chance que mon père leur ait
enlevé le plus grand de leurs philosophes, pour le restituer
à
la Macédoine
dont il est originaire!
))
L’allée
où
ils marchaient d’un pas léger bordée de chênes, de
peupliers et de statues, menait au temple de Jupiter. C’est là, au bas des
marches, que les trois grands prêtres en exercice, avertis de la célébration
demandée par Alexandre, l’attendaient pour le conduire
à
l’autel. Malgré
l’heure matinale, il
y
avait déjà beaucoup de monde. Les jeux ne devaient
commencer que dans quelques jours, le lendemain de la pleine lune de