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La fabrique d’un guide grammatical pour les enseignants du primaire
Corinne Delhay
Langue française / Volume 2012 / Issue 176 / January 2013, pp 101 - 119
DOI: 10.3917/lf.176.0101, Published online: 23 January 2013
Link to this article: http://www.necplus.eu/abstract_S0023836812176074
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Corinne Delhay (2013). La fabrique d’un guide grammatical pour les enseignants du primaire. Langue française, 2012, pp
101-119 doi:10.3917/lf.176.0101
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Corinne Delhay
Université de Strasbourg & LiLPa / Didactique des langues (EA 1339)
Jean-Paul Meyer
Université de Strasbourg & LiLPa / Didactique des langues (EA 1339)
La fabrique dun guide grammatical pour les
enseignants du primaire
Comment enseigner la grammaire à l’École primaire ? La grammaire à l’école, d’accord
mais pour en faire quoi ?... Quelle grammaire enseigner ? Autant de questions que ne
laisse pas de se poser tout enseignant du premier degré confronté à la nécessité
de satisfaire aux exigences des Instructions Officielles tout en souhaitant donner
du sens à sa pratique professionnelle. C’est pour répondre à ces interrogations
que notre équipe a conçu le guide grammatical paru en 2009 chez Hatier et
réédité en 2011 sous le titre Quelle grammaire enseigner ? (Pellat et al. ([2009]
2011) – désormais QGE). Réalisé par une équipe de formateurs et d’enseignants-
chercheurs
1
, l’ouvrage est destiné aux professeurs d’école et à leurs formateurs.
Il se conçoit autant comme un instrument de réflexion théorique sur les notions
abordées que comme un outil de transposition didactique, en appui à la mise en
œuvre des apprentissages.
La « fabrique » de ce guide a été pour ses artisans l’occasion d’un débat
permanent sur les différentes dimensions complémentaires de la transposition
des savoirs. Le souci constant des auteurs a été d’aider les enseignants tout
d’abord à comprendre les enjeux théoriques qui sous-tendent les diverses notions
qui figurent dans les Programmes pour pouvoir mettre en place des démarches
d’acquisition de celles-ci. Il nous est apparu essentiel de donner aux enseignants
les moyens de maitriser un certain nombre de rudiments linguistiques afin
qu’ils ne soient pas prisonniers des programmes et de la terminologie qu’ils
véhiculent, mais qu’au contraire ils puissent les aborder avec suffisamment de
recul pour être capables d’anticiper sur des évolutions à venir. En d’autres termes,
1.
Les auteurs sont membres de l’équipe « Didactique des langues » de l’UR LiLPA (Linguistique, Langues,
Parole).
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Comment écrire une grammaire du français ?
l’ambition de ce « guide grammatical » est d’être un outil d’auto-formation
pour les enseignants de l’École Primaire qui sont issus de toutes les disciplines
universitaires, mais qui doivent devenir, quelle que soit leur formation initiale,
des spécialistes de la maitrise de la langue.
Le but de cet article est de mettre au jour les vicissitudes qui président à la
réalisation d’un ouvrage qui se veut profondément et totalement didactique.
Dans une première partie, nous exposerons l’ambition éditoriale de notre équipe,
qui n’est autre que de combler un manque dans le paysage didactique. Dans un
second temps, nous reviendrons sur les contraintes qu’impose la transposition
didactique et sur les spécificités d’une rédaction collégiale. Enfin, nous aborde-
rons sans faux-semblants la délicate question de la tension entre savoir savant et
savoir enseigné (ou enseignable).
1. LE PROJET : UN IDÉAL DIDACTIQUE
Le projet de « guide grammatical » est né vers 2006. Dès ses débuts, et malgré les
transformations contextuelles internes (dans l’équipe de conception) et externes
(dans la politique éducative), les auteurs de QGE ont conçu leur démarche
comme une expérimentation didactique : apporter aux enseignants du Premier
degré, dont la plupart n’ont jamais ou presque jamais étudié la linguistique,
les éléments scientifiques et méthodologiques nécessaires à un enseignement
réfléchi de la grammaire.
1.1. L’ambition de combler un manque
Comme c’est le cas pour toute discipline scolaire, l’enseignement de la gram-
maire change au rythme de l’évolution des connaissances et des théories sur son
objet, en l’occurrence la langue. Cette évolution se manifeste aussi bien dans
les ouvrages universitaires de référence que dans les manuels scolaires. L’am-
bition qui a réuni dès le départ les membres de notre équipe était de proposer
à toutes les personnes impliquées de près ou de loin dans l’enseignement du
premier degré (étudiants en IUFM, professeurs des écoles, maitres-formateurs),
une transposition didactique de contenus linguistiques avérés et reconnus de
manière quasi consensuelle. Nous sommes partis du constat qu’il n’existait pas
sur le marché de manuel permettant de former aux enjeux de l’analyse linguis-
tique, mais aussi à la méthodologie de la discipline aussi bien des étudiants en
IUFM que des maitres en activité. Or, les enseignants du premier degré sont issus
d’horizons très divers et n’ont souvent reçu aucune formation en linguistique
dans leur cursus initial, alors même que la maitrise de la langue est au cœur
de leur activité professionnelle. Cette lacune peut expliquer le repli de certains
sur un enseignement revendiqué comme « traditionnel » de la grammaire, fait
de fausses recettes et de réponses théoriques totalement insatisfaisantes. Notre
ouvrage témoigne d’une commune volonté d’éduquer le public visé pour l’ame-
ner à accepter ce que nous considérons comme des progrès, voire des acquis
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La fabrique d’un guide grammatical pour les enseignants du primaire
définitifs apportés par les travaux linguistiques, pour promouvoir une approche
réflexive et lutter contre des pratiques d’enseignement jugées obsolètes.
1.2. La structure adoptée
Conçu comme un guide destiné aussi bien aux enseignants et aux formateurs du
premier degré à la recherche d’un appui méthodologique ou didactique qu’aux
étudiants de master et aux candidats aux concours ayant besoin d’une synthèse
des notions essentielles du programme d’enseignement, l’ouvrage est structuré
en 24 fiches organisées entre elles grâce à des renvois systématiques et un index.
1.2.1. Le choix des fiches
Le regroupement de ces fiches témoigne des choix assumés par l’équipe. Les
trois premières fiches de la série sont consacrées aux fondements de l’enseigne-
ment de la grammaire. L’esprit de cette première partie est de présenter le cadre
théorique dans lequel seront rédigées les autres fiches, autrement dit de don-
ner aux enseignants les outils conceptuels qui leur permettront de comprendre
d’abord, puis de mettre en œuvre avec leurs élèves la démarche scientifique qui
gouverne les analyses présentées dans le manuel. Ainsi « Les domaines de la
linguistique » présente les divers niveaux de l’analyse linguistique et les types
d’unités rencontrés (phonème, morphème, mot, syntagme, phrase) tandis que
le chapitre « Outils linguistiques » expose les opérations heuristiques, les tests,
la méthodologie nécessaires pour conduire une analyse aussi scientifique que
possible. En dehors de ces trois premières fiches qui posent le cadre théorique
et méthodologique utilisé dans l’ouvrage, chacune des fiches s’appuie sur un
document support, le plus souvent un texte littéraire issu des listes de lecture
proposée pour le cycle 3. Ce choix témoigne du fait que le projet a commencé
après la publication des programmes 2002, et que nous avons choisi de ne pas
modifier ce cadre après la publication des programmes 2007, puis 2008. Treize
fiches sont ensuite regroupées sous l’étiquette « Grammaire de phrase », quatre
fiches forment une partie « Grammaire de texte et analyse du discours », les
quatre dernières sont consacrées à l’orthographe, à la ponctuation et au lexique.
1.2.2. Le rôle de l’éditeur
La structure de l’ouvrage actuel est le fruit d’une lente et progressive éla-
boration dans laquelle l’apparition d’un éditeur scolaire, Hatier, a joué un rôle
déterminant. En effet, la maquette proposée par Hatier a permis de clarifier notre
travail en lui donnant une plus grande unité à travers une mise en page des
chapitres commune. Pour chacune des fiches numérotées de 5 à 24, un document
est proposé pour servir de support à l’observation, à l’instar de ce que proposent
les manuels scolaires aux élèves. La majorité des textes proposés sont des extraits
d’œuvres figurant sur les listes de lecture conseillées pour le cycle 3, mais les
documents-supports peuvent aussi être des extraits de manuels scolaires présen-
tant des exemples de consignes courantes. Ainsi, la fiche 5 « Type interrogatif »
est illustrée d’un texte narratif (Hélène Montardre, Un chien contre les loups,
Rageot), mais aussi de « questions » posées dans le manuel Facettes, CM2, Hatier
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Comment écrire une grammaire du français ?
(éd.) pour comprendre un texte et lancer un débat, et enfin de consignes données
pour l’effectuation de problèmes dans le manuel Cap Maths, CM1, Hatier (éd.).
Seules deux fiches dérogent à ce principe : la fiche 19, sur les connecteurs, a pour
support un texte créé de toutes pièces pour les besoins de la démonstration, et
la fiche 23, « Formation des mots », propose des regroupements de « formes »
servant à mettre en lumière les nombreuses acceptions possibles de la notion
de « mot ». Dans les deux cas, c’est donc la difficulté à trouver un texte à la fois
court et exhaustif pour aborder l’ensemble des notions qui explique l’exception.
La « leçon » qui suit procède par clarifications notionnelles permettant des mises
au point théoriques. Ainsi, la fiche 8, « La forme négative », est constituée de
trois parties : A. Qu’est-ce que la négation ?, B. Valeurs et emplois des mots néga-
tifs, C. Approfondissements. La partie A propose une définition de la notion de
« négation », avant d’aborder les moyens linguistiques de son expression pour
se centrer sur la négation syntaxique, en explorant la place et la présence des
marqueurs de la négation dans différents contextes. La partie B traite de la ques-
tion de la portée de la négation, en distinguant la négation totale, la négation
partielle et la négation exceptive (et non restrictive). La partie C est l’occasion
d’initier le lecteur à quelques éléments de pragmatique (négation polémique) et
à la différence entre négation logique et négation linguistique sous une forme
très simple.
À chaque étape de la leçon, des « Procédures de reconnaissance » sont mises
en avant sous forme d’encadrés. Elles ont d’abord pour but d’encourager l’ob-
servation des données, généralement des textes écrits. Ainsi, dans la perspective
du décodage, la phrase interrogative est reconnue par sa ponctuation spécifique.
Les procédures de reconnaissance ont aussi pour but de familiariser le lecteur
à des manipulations linguistiques qui pourront l’aider à résoudre certains pro-
blèmes didactiques. Ainsi, pour distinguer le sujet du prédicat dans la phrase
non verbale, l’utilisation de la négation est conseillée (cf. Pellat et al. 2009 : 92) :
« Pas bon, ce café » et non « *Bon, pas ce café ».
De la même manière, la « leçon » est ponctuée d’encadrés intitulés « Dif-
ficultés rencontrées ». En effet, dans la pratique quotidienne, l’enseignant de
l’École Primaire rencontre une myriade de difficultés qui tiennent au fait que les
définitions données sont incomplètes ou inadaptées. La majorité des ouvrages
existants éludent pudiquement ces « difficultés », alors que les réactions des
élèves sont sources de questionnements auxquels l’enseignant n’est pas toujours
en mesure de répondre. C’est la raison pour laquelle nous avons délibérément
choisi de mettre au jour systématiquement ces « difficultés rencontrées » et de les
expliciter. Il peut s’agir de choses toutes simples comme la définition du déter-
minant. Si l’on se contente d’une définition qui dirait que « le déterminant est
obligatoire devant le nom et le précède immédiatement », il y a fort à parier que
la distinction entre adjectif (qualificatif) et déterminant, voire entre préposition
et déterminant, risque d’être problématique. Il vaut mieux, selon nous, prévenir
l’enseignant de la difficulté que pareille définition pourrait entrainer face à des
contextes comme « un jeune escargot », « une très vieille tortue », « en chemin »
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