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Correspondances en Nerf & Muscle - Vol. III - n° 1 - février 2005
Syndrome du tunnel radial
M. Ebelin*, P. Bouche**
TRANSVERSAL
* Centre chirurgical des Peupliers, Paris.
** Service d’explorations
fonctionnelles neurologiques,
hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris.
Ne représentant que 5 % des causes d’épicondy-
lalgie, le syndrome du tunnel radial entre dans
le cadre des syndromes canalaires du membre
supérieur. C’est en effet l’expression doulou-
reuse de la souffrance de la branche profonde
du nerf radial, décrite initialement par N.C. Roles
et R. Maudsley en 1972 (1).
L
ARÉGION ÉPICONDYLIENNE
:
RAPPEL ANATOMIQUE
À l’exception de l’anconé, qui s’insère isolément
sur la partie postérieure de l’épicondyle, les
muscles épicondyliens s’attachent par un tendon
commun dont la partie superficielle est formée,
d’avant en arrière, par le deuxième radial (extensor
carpi radialis brevis [ECRB]), le plus épais et le
plus sollicité dans les mouvements du poignet),
l’extenseur commun des doigts (extensor digiti
minimi [EDM]) et le cubital postérieur (extensor
carpi ulnaris [ECU]), tandis que la partie profonde
est constituée par le court supinateur (supinator
[S]). Le long supinateur (brachio radialis [BR]) et
le premier radial (extensor carpi radialis longus
[ECRL]) s’insèrent plus haut, sur le bord externe
de l’humérus (figure 1).
Sous le pli de flexion du coude, le groupe mus-
culaire externe, constitué de ces deux derniers
muscles et des épicondyliens, est séparé du
groupe musculaire médian de l’avant-bras par
un interstice qui constitue la gouttière bicipitale
externe. Celle-ci est traversée par le nerf musculo-
cutané et le nerf radial, lequel est accompagné
par l’artère humérale profonde :
– Le nerf musculo-cutané, situé à la face profonde
du biceps à la partie basse du bras, aborde le sillon
bicipital externe en devenant sus-aponévrotique
et superficiel à la hauteur de l’épicondyle.
– Le nerf radial quitte la région brachiale posté-
rieure pour gagner en avant la gouttière bicipi-
tale externe et innerver d’abord les muscles long
supinateur et premier radial. Profond dans la
gouttière bicipitale externe, il se divise au niveau
de la tête du radius en deux branches terminales,
antérieure sensitive et postérieure motrice. La
branche antérieure du nerf radial rejoint l’artère
radiale pour rester en avant de l’avant-bras, alors
que la branche postérieure innerve le deuxième
radial. Puis celle-ci s’engage entre les deux chefs
du court supinateur, dont le bord supérieur du
chef superficiel peut être épaissi et fibreux (2),
qui correspond à l’arcade de Fröhse (figure 2,
p. 20). Elle atteint alors la loge postérieure de
l’avant-bras, aux muscles de laquelle elle donne
les rameaux d’innervation motrice (3). Elle com-
mande ainsi l’extension du poignet, des doigts
longs et du pouce. Puis, considérablement
réduite, elle prend le nom de nerf interosseux
postérieur, pour se terminer à la face dorsale de
l’articulation du poignet.
P
HYSIOPATHOLOGIE ET ÉTIOLOGIE
DES ÉPICONDYLALGIES
Pathologie très fréquente du coude, le terme
général d’épicondylalgie doit désormais rem-
placer celui trop restrictif d’épicondylite (clas-
sique tennis elbow des anglosaxons) (4). En
effet, l’origine de la douleur et son siège ne sont
pas univoques et en font une pathologie abarti-
culaire régionale (5). Quatre causes principales,
Figure 1. Insertions osseuses musculaires.
BR
ECRL
ECRB
ED
EDM
ECU
S
anconé
20
Correspondances en Nerf & Muscle - Vol. III - n° 1 - février 2005
TRANSVERSAL
d’importance inégale, peuvent ainsi entraîner
une douleur de la face externe du coude :
– La douleur projetée d’origine cervicale, à classer
à part et à éliminer en premier, est la conséquence
d’une cervicarthrose C5-C6 plus souvent que C6-
C7, d’un dérangement intervertébral mineur ou
d’un syndrome du défilé thoraco-brachial.
– L’origine tendineuse, correspondant à la souf-
france des muscles épicondyliens à leur insertion
sur l’épicondyle, est de loin la plus fréquente
(80 % des douleurs latérales du coude). Il s’agit
alors d’une entésopathie au sens strict, c’est-à-
dire d’une tendinite d’insertion conséquence de
sollicitations mécaniques répétées comme cela
peut se rencontrer dans la pratique sportive
(tennis, golf, escrime) ou lors de travaux de jar-
dinage, de bricolage et surtout de manutention
(ce qui a fait inscrire cette affection au tableau 57
du régime général des maladies professionnelles
ainsi qu’au tableau 39 du régime agricole).
– L’origine articulaire entraîne des douleurs loca-
lisées de l’interligne huméro-radial situé sous
l’épicondyle ; il peut s’agir soit de lésions carti-
lagineuses de la cupule radiale ou du condyle
huméral, soit exceptionnellement d’une simple
frange synoviale hypertrophique ou d’un ménisque
huméro-radial, responsables de phénomènes
douloureux par incarcération entre condyle
huméral et tête radiale.
– Enfin, l’origine neurologique, par compression
de la branche postérieure du nerf radial, est en
rapport avec la souffrance chronique du nerf dans
les mouvements associés de flexion-extension
et de pronosupination du coude (6). Celle-ci est
majorée ou déclenchée le plus souvent en supi-
nation active au niveau de l’arcade de Fröhse
(épaississement fibreux de la partie proximale
du chef superficiel du court supinateur).
T
ABLEAU CLINIQUE DU SYNDROME DU TUNNEL
RADIAL
Le syndrome du tunnel radial entraîne une dou-
leur spontanée du coude, souvent plus sourde
et moins localisée que dans les épicondylites
d’insertion (7). Pratiquement “maître symptôme”,
cette douleur se situe sous l’épicondyle, à la
face latérale de l’avant-bras, dans la masse mus-
culaire des extenseurs, avec des irradiations
descendant le long du trajet du nerf radial vers
le dos du poignet. La notion de paroxysme noc-
turne, en fait inconstant, est évocatrice d’un syn-
drome canalaire. Cette douleur peut céder à la
mobilisation du coude ou à l’agitation de la main
et, à l’inverse, être exacerbée dans les mouve-
ments répétitifs, en particulier professionnels.
L’impression de perte de force, de lourdeur ou
d’endolorissement de l’avant-bras peut finir
par limiter les gestes banals de la vie courante :
servir de l’eau, donner une poignée de main, etc.
La mobilisation du coude est indolore, alors que
la palpation du trajet du nerf reproduit la dou-
leur spontanée. Au point radial (figure 3), situé
3 à 5 cm (soit environ trois travers de doigt) sous
l’épicondyle, la pression par le pouce de l’exa-
minateur entraîne une douleur “gâchette”, signe
Figure 2. Schéma de l’arcade de Fröhse et du nerf
interosseux postérieur.
nerf radial
branche antérieure
court
supinateur
branche
profonde
Figure 3. Localisation du point douloureux à la
pression dans le syndrome du tunnel radial.
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Correspondances en Nerf & Muscle - Vol. III - n° 1 - février 2005
recherché comparativement au côté opposé, de
préférence en fin d’examen. Au préalable, celui-ci
aura été sensibilisé par des mouvements contra-
riés déclenchant les phénomènes douloureux ;
supination contrariée, d’abord en flexion puis en
extension du coude, pour agir sur un nerf mis en
tension ; enfin, manœuvres d’étirement du supi-
nateur en extension complète du coude et flexion-
pronation forcée du poignet. Un déficit des exten-
seurs est exceptionnellement retrouvé, de même
qu’une hypoesthésie localisée de la face dorsale
du poignet, laquelle témoignerait d’une atteinte
associée de la branche superficielle.
É
LECTRONEUROMYOGRAMME
Celui-ci reste controversé pour le bilan paracli-
nique d’un syndrome du tunnel radial. N.C. Roles
et R. Maudsley constatent une augmentation
significative de la latence motrice du nerf inter-
osseux postérieur (NIP) en stimulant le nerf radial
dans la gouttière humérale et en recueillant la
réponse évoquée sur le muscle extenseur com-
mun des doigts chez 8 de leur 10 patients (1). En
revanche, I. Rosen et C.O. Werner n’observent
que dans 3 cas sur 25 un ralentissement de la
conduction du nerf interosseux postérieur à tra-
vers le muscle court supinateur ; ils retrouvent
dans 8 cas des tracés de type neurogène chro-
nique dans les muscles extenseurs des doigts
(8). G. Raimbeau et al. ont établi un protocole
d’examen électroneuromyographique qui per-
mettrait d’affirmer une lésion du nerf interos-
seux postérieur (9) :
– anomalies de type neurogène dans les muscles
extenseur commun des doigts, long extenseur
du pouce et extenseur propre de l’index, alors
que les autres muscles sont normaux ;
– ralentissement de la vitesse de conduction
motrice : recueil sur l’extenseur de l’index et sti-
mulation à la gouttière humérale, au sillon bra-
chial interne et à l’avant-bras ;
– allongement des latences motrices sur les trois
muscles étudiés par électroneuromyogramme
(ENMG) et stimulation au sillon brachial interne ;
– élimination d’une atteinte C7 ou d’une autre
cause de neuropathie. I. Rosen et C.O. Werner,
sur une série de 28 patients, ne retrouvent pas
d’altération significative de l’ENMG à l’aiguille au
repos, mais ils notent quelques anomalies après
contraction du muscle court supinateur (test
dynamique en supination contrariée), notam-
ment un temps de conduction prolongé et des
altérations des potentiels d’unité motrice dans
les muscles extenseurs des doigts, en compa-
raison avec un groupe contrôle (9).
Que faut-il retenir des techniques ENMG ?
Il ne paraît pas probant d’utiliser la mesure de la
conduction motrice par stimulation proximale et
distale du nerf radial, avec recueil sur l’exten-
seur de l’index, qui, dans notre expérience, n’est
jamais probant, pas plus que la mesure des
latences motrices sur les muscles extenseurs. En
revanche, l’examen électroneuromyographique
à l’aiguille-électrode des muscles extenseurs,
notamment de l’extenseur commun des doigts
et de l’extenseur propre de l’index, semble être
le meilleur test d’atteinte neurogène. Il est rare
cependant qu’un syndrome neurogène patent
soit observé en dehors de formes sévères et
chroniques. Au total, le diagnostic d’atteinte du
NIP dans le tunnel radial est essentiellement
clinique, alors que l’ENMG est rarement contri-
butif, si ce n’est qu’il permet d’écarter d’autres
étiologies, notamment radiculaires.
T
RAITEMENT
Indispensable et obligatoire en première inten-
tion, le traitement médical des épicondylalgies
associe :
– le repos, avec interruption des activités manuelles
agressives” et de tout sport ;
– les médications par voie générale, associant
anti-inflammatoires, antalgiques et myorelaxants ;
– les traitements locaux, qui pour certains n’ont pas
fait la preuve de leur réelle utilité : laser, magnéto-
thérapie, pommades anti-inflammatoires, méso-
thérapie, ultrasons, cryothérapie, ionisation,
ondes de choc, etc. En fait, seuls deux d’entre
eux semblent efficaces dans les formes détec-
tées précocement : les massages transverses
profonds effectués par un kinésithérapeute,
et l’infiltration locale de substance corticoïde
(Altim®ou Diprostène®), imposant une inter-
ruption d’activité d’au moins quinze jours, et qui
peut éventuellement être reproduite après deux
semaines en l’absence d’efficacité complète.
En pratique, le traitement conservateur associe
une mise au repos du coude et une à deux infiltra-
tions, éventuellement complétées par des mas-
sages transverses profonds. Il permet d’obtenir
la guérison ou la nette amélioration de la très
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Correspondances en Nerf & Muscle - Vol. III - n° 1 - février 2005
TRANSVERSAL
grande majorité des cas, autorisant la reprise
progressive des activités sportives ou profes-
sionnelles après trois à six semaines.
Le traitement chirurgical, ultime recours, ne
sera envisagé qu’après l’échec du traitement
médical et sera réalisé en règle générale en
ambulatoire.
– En cas d’épicondylalgie associant épicondylite
et signes irritatifs de la branche postérieure du
nerf radial, la voie d’abord est externe, associant
désinsertion tendineuse de “détente”, pratiquée
en V au ras de l’épicondyle, et neurolyse de la
branche postérieure du nerf radial entre les deux
muscles radiaux jusqu’à l’arcade de Fröhse. À ce
niveau, le nerf en situation profonde est repéré
par son atmosphère périneurale, souvent grais-
seuse, avec un lacis artério-veineux de surface.
Par les manœuvres de pronosupination coude
fléchi, la libération du radial est réalisée en proxi-
mal sous l’arcade du court supinateur, puis suivie
de proche en proche en distal pour sectionner ou
libérer toute bande fibreuse constrictive. Cette
intervention est réalisée au mieux sous moyen
grossissant permettant de constater soit un
simple changement de coloration du nerf, avec
arrêt de la microcirculation de surface, soit une
disparition de ses striations transversales, soit un
véritable aspect névromateux dans les cas les
plus typiques. Les suites opératoires imposent
une immobilisation de deux à trois semaines, à
90° de flexion du coude et 20° d’extension du
poignet, suivie d’une rééducation douce d’assou-
plissement du coude.
– Dans les cas plus exceptionnels de syndrome
du tunnel radial pur sans épicondylite d’inser-
tion satellite, la libération isolée de la branche
postérieure du nerf radial est réalisée plutôt par
une voie d’abord antéro-externe, abordant le
tronc du nerf radial avant sa division puis libé-
rant sa branche postérieure sous l’arcade du
court supinateur, mais cette fois-ci par en avant.
I
NDICATIONS ET RÉSULTATS
Le traitement médical permet d’obtenir la gué-
rison de la grande majorité des épicondylalgies
et d’éviter la chirurgie, qui n’est indiquée qu’en
cas d’échec de celui-ci ou de récidive doulou-
reuse invalidante (10).
Les résultats du traitement chirurgical varient
selon le type de technique utilisé et selon les
publications ; celui-ci permet d’obtenir entre
66 % et 92 % de bons et très bons résultats selon
les séries, mais avec un délai d’extinction des
douleurs très variable, de deux mois en moyenne
mais pouvant atteindre six mois. Parmi les fac-
teurs pronostiques, on retiendra :
– de meilleurs résultats chez les sujets sportifs
et motivés, sachant qu’ils ne reprennent cepen-
dant souvent pas le sport au même niveau, et de
toute façon jamais avant quatre à six mois post-
opératoires ;
– le caractère péjoratif de l’âge, avec des résul-
tats se détériorant après 50 ans ;
– l’ancienneté des lésions, ce qui justifie de ne
pas attendre plus d’un an avant de proposer un
traitement chirurgical ;
– la notion d’accident de travail (rare) et surtout
de maladie professionnelle, qui augmente net-
tement les durées d’arrêt de travail (de quatre
mois en moyenne) et peut conduire à un reclas-
sement ou à un changement de poste ;
– enfin, le type physiopathologique d’épicondy-
lalgie, les résultats étant meilleurs dans les épi-
condylites pures que dans les formes associées
à un syndrome du tunnel radial.
R
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