Note technique
L’environnement électromagnétique
à basse fréquence
FRANÇOIS DESCHAMPS
Réseau de transport
d’électricité (RTE),
Centre national d’expertise
réseaux,
34, rue Henri-Régnault,
La Défense 6,
92068 Paris
La Défense cedex
<francois.deschamps@rte-
france.com>
Tirés à part :
F. Deschamps
Résumé
.Vouloir parler de l’environnement électromagnétique impose en tout premier lieu de
bien poser les notions de base et de bien préciser ce dont on parle. Ainsi, avant toute chose, il
faut définir ce que sont les champs électromagnétiques et, plus difficile encore, rendre cette
définition compréhensible par le plus grand nombre. Tel est l’objectif de cette note technique.
Mots clés :champ électromagnétique ; exposition environnement.
Abstract
. The low-frequency electromagnetic environment
Discussing the electromagnetic environment requires a clear statement of the basic concepts
and precision about the specific topic. Accordingly, we must start by defining electromagnetic
fields and, still more difficult, making this definition generally understandable. That is the
objective of this technical note.
Key words:electromagnetic fields; environmental exposure.
O
n imagine bien que les fameuses équations de Maxwell ne
présentent qu’un intérêt limité dans cet objectif. On trouve
des pistes dans les dictionnaires, même si certaines définitions
proposées restent, par souci de rigueur mathématique, quelque
peu hermétiques. La définition de champ qu’on propose de
retenir est celle, simple et pragmatique, du dictionnaire Larousse
de 1980 : « Espace dans lequel une grandeur est soumise à une
force. »
C’est cette idée de force qu’on propose de garder en
mémoire pour expliquer simplement la notion de champ : pour
le physicien, un champ exprime (avec un certain formalisme
mathématique) l’idée qu’une force existe et agit. L’action de cette
force-champ est ciblée : elle ne s’exerce que dans certaines
conditions particulières et sur certaines propriétés de la matière.
Ainsi, le champ de gravitation s’exprime par une force qui
attire deux corps massifs l’un vers l’autre (figure 1). Le terme
« massif » est ici à prendre au sens que lui donnent les physi-
ciens, c’est-à-dire « qui possède une masse ». Réciproquement,
les éléments sans masse, tels que les photons, ne sont pas
sensibles à la gravitation (même si la relativité a, depuis Newton,
nuancé cette affirmation).
Le champ électrique (figure 2) est créé par les charges élec-
triques et ne s’exerce que sur les particules chargées électrique-
ment ; les particules neutres y sont insensibles.
Le champ magnétique est, quant à lui, produit par les charges
électriques qui se déplacent – autrement dit les courants électri-
ques – et, réciproquement, ne s’exerce que sur des charges en
mouvement.
Cette présentation permet de percevoir la dualité entre
champ électrique et magnétique : ainsi, des charges électriques
créent un champ électrique qui exerce une force sur d’autres
charges électriques. Celles-ci, mises en mouvement par cette
force, constituent alors un courant électrique et génèrent
ipso facto un champ magnétique, susceptible d’agir sur d’autres
courants, etc. C’est cet enchevêtrement de charges, de forces et
de courants qui constitue le cœur de l’électromagnétisme, et que
Maxwell a formalisé en 1873 avec quatre équations fondamen-
tales exprimant les interactions entre charges, courants, champ
électrique et champ magnétique.
P = m.g
Figure 1. Le champ gravitationnel.
E
nvironnement,
R
isques &
S
anté − Vol. 5, n° 1, janvier-février 2006 13
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
Ces mêmes équations montrent également que ces interac-
tions sont d’autant plus fortes que la fréquence est élevée. En
pratique, dans le domaine des très basses fréquences,ces inter-
actions peuvent être négligées :les champs électriques et
magnétiques à 50 Hz peuvent être considérés comme indépen-
dants.
La figure 3 illustre ce phénomène : un appareil sous tension
(branché sur le réseau) accumule des charges électriques et émet
donc du champ électrique. Tant que l’interrupteur reste ouvert, il
n’y a pas de circulation de courant. Une fois l’interrupteur
basculé, le courant passe et il y a donc également émission de
champ magnétique. Ce champ magnétique est indépendant du
niveau de tension (donc du champ électrique) : il est ici lié à la
seule consommation électrique de l’ampoule de la lampe.
L’unité de mesure des champs électriques est le volt par
mètre (notation V/m), illustration directe du lien entre champ
électrique et tension électrique, qui s’exprime, comme chacun
sait, en volts.
L’unité de mesure des champs magnétiques est l’ampère par
mètre (notation A/m), qui exprime tout aussi clairement le lien
entre courants et champs magnétiques. Cependant, on utilise
usuellement le tesla (notation T) et, plus couramment encore, son
sous-multiple le microtesla (notation lT). Formellement, ces
unités correspondent au champ d’induction magnétique. Il
n’entre pas dans les objectifs de cette présentation d’expliquer au
lecteur le détail de la relation entre champ magnétique et induc-
tion magnétique : on se contentera d’indiquer que pour la plupart
des matériaux, les deux sont liés par une relation linéaire, ce qui
justifie largement l’amalgame couramment pratiqué. On retien-
dra donc que l’unité de champ magnétique couramment utilisée
est le microtesla.
Le spectre électromagnétique
Comme on vient de le voir, les champs électromagnétiques
sont intimement liés à la notion même d’électricité. Dès lors, tout
Figure 3. Champs électrique et magnétique générés par un appa-
reil domestique.
50 Hz 1051010 1014 1020 1022
Fréquence
Rayons X
lumière
visible
Champ statique
Figure 4. Le spectre électromagnétique.
EF = q.E
Figure 2. Le champ électrique.
F. Deschamps
E
nvironnement,
R
isques &
S
anté − Vol. 5, n° 1, janvier-février 2006
14
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
appareil produisant, transportant, ou consommant de l’électri-
cité, produit dans son voisinage des champs électriques et
magnétiques dont l’intensité, la fréquence et la répartition dans
l’espace sont directement liées à la source elle-même.
La fréquence la plus répandue est évidemment le 50 Hz
1
,
fréquence de fonctionnement des réseaux électriques. Cepen-
dant un grand nombre d’appareils électriques et d’installations
industrielles transforment l’électricité distribuée à 50 Hz, soit en
courant continu, soit en fréquences plus élevées, telles que les
nombreuses bandes de fréquences utilisées pour les applications
de télécommunications.
Notre civilisation est technologiquement développée et, en
conséquence, nous baignons en permanence dans un environ-
nement électromagnétique très complexe, résultant de l’ensem-
ble de ces utilisations de l’électricité (figure 4). L’exposition nulle
n’y existe donc pas.
La partie haute du spectre électromagnétique est celle des
rayonnements très énergétiques de type rayons X ou gamma. Ces
rayonnements sont dits ionisants car suffisamment énergétiques
pour pouvoir arracher des électrons aux atomes et/ou casser des
molécules (et créer ainsi des ions, d’où le qualificatif ionisants).
C’est ce mécanisme d’altération moléculaire qui explique le
caractère cancérogène de ces rayonnements.
La partie basse du spectre est celle des rayonnements non
ionisants : ils ne sont pas suffisamment énergétiques pour créer
des ions ; ils peuvent néanmoins apporter de l’énergie, comme
en témoignent les micro-ondes utilisées pour la cuisson. Bien
évidemment, plus on descend en fréquence et plus l’énergie est
faible. Celle des rayonnements 50 Hz est ainsi 10
12
fois plus
faible (mille milliards !) que l’énergie minimale nécessaire pour
arracher un électron à un atome.
La frontière entre ces deux domaines est constituée par la
gamme des rayonnements lumineux : en partie haute du spectre
lumineux, on trouve les rayonnements ultraviolets dont la can-
cérogénicité est avérée et, en partie basse, les rayonnements infra-
rouges qui sont associés à l’idée d’un rayonnement thermique.
Voici quelques applications courantes de l’électricité, utili-
sant des fréquences différentes du 50 Hz :
courant continu :
applications domestiques fonctionnant à 12 ou
24 volts, tels que les jouets (trains électriques), les lumi-
naires basse tension ;
tous appareils fonctionnant sur piles ou batteries ;
alimentation de certains trains (dont métro et RER de
Paris) ;
16 Hz 2/3 : fréquence utilisée par de nombreux réseaux
ferrés étrangers : Suisse, Allemagne, Suède... mais non en
France) ;
20 à 50 kHz : cuisson par induction, portiques antivol ;
150 kHz : bande radio des grandes ondes (France Inter
GO : 162 kHz) ;
100 MHz : bande radio FM (France Info : 105,5 MHz) ;
915 MHz et 1 800 MHz : téléphonie mobile ;
2 450 MHz : fours micro-ondes domestiques.
Sources de champs électriques
et magnétiques
Champs naturels
Les champs électriques et magnétiques existent à l’état natu-
rel sur la terre. Le plus connu est le champ magnétique terrestre
(figure 5). Son intensité varie en fonction de la latitude ; il est
minimal à l’équateur (intensité de l’ordre de 30 lT) et maximal au
niveau des pôles magnétiques (60 lT). En France, il atteint une
intensité d’environ 50 lT.Il peut présenter des variations loca-
les, liées à la présence de grandes masses de matériaux métalli-
ques (ex : minerais de fer).
Il est également bien connu que l’atmosphère terrestre a une
activité électrique importante : les nuages orageux sont chargés
d’électricité et, à l’aplomb de tels nuages, le champ électrique
peut atteindre 15 000 à 20 000 V/m. Par beau temps, l’activité
électrique résiduelle de l’atmosphère induit un champ électrique
de l’ordre de 100 V/m (figure 6).
1
60 Hz pour les réseaux nord-américains.
N
S
B =30 µT
B =60 µT
Figure 5. Le champ magnétique terrestre.
E = 100 V/m
Figure 6. Champ électrique induit par l’activité résiduelle de
l’atmosphère.
E
nvironnement,
R
isques &
S
anté − Vol. 5, n° 1, janvier-février 2006 15
L’environnement électromagnétique à basse fréquence
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
Qu’il s’agisse de magnétisme terrestre ou d’électricité atmosphé-
rique, les champs sont statiques
, c’est-à-dire que leur amplitude ne
change que de manière très lente, par exemple lors de la forma-
tion d’un orage. On rencontre cependant des phénomènes élec-
triques naturels présentant des variations très rapides : c’est en
particulier le cas de la foudre qui, physiquement, correspond à
un courant de forte amplitude, venant brutalement décharger au
sol les charges électriques accumulées dans un nuage orageux.
Ainsi, la foudre induit un fort champ magnétique transitoire
qui peut être une source importante de perturbations électro-
magnétiques. En parallèle, la décharge brutale du nuage orageux
fait également varier brutalement la valeur du champ électrique
sous celui-ci (figure 7).
Champs artificiels
Sources de champ électrique basse fréquence
Comme on l’a vu, le champ électrique est lié à l’accumula-
tion des charges et donc à la tension électrique. En pratique, dans
notre environnement quotidien, seules les installations électri-
ques à haute tension (lignes et postes aériens) constituent des
sources significatives de champ électrique.
Notons que le champ électrique est très facilement arrêté par
les matériaux courants, y compris les matériaux de construction.
Le champ électrique à l’intérieur d’un bâtiment est donc presque
toujours négligeable. Les seules situations d’exposition du public
se trouvent donc au voisinage des réseaux haute tension et à
l’extérieur des bâtiments.
Sources de champ magnétique basse fréquence
On peut classer les sources de champ magnétique à très
basse fréquence en trois grandes familles.
La première famille est celle des conducteurs uniques,
parcourus par un courant. La loi d’Ampère (figure 8) nous
apprend que le champ magnétique généré par de telles sources
est proportionnel à l’intensité du courant et inversement propor-
tionnel à la distance au conducteur : tel est le cas des caténaires
d’alimentation des réseaux ferrés électriques.
La deuxième famille est celle des réseaux électriques :il
s’agit de systèmes de grande dimension, constitués de conduc-
teurs parallèles, parcourus par des courants triphasés équilibrés
2
.
Le champ magnétique généré par ces sources décroît comme le
carré de la distance à la source (1/d
2
)(figure 9).
Rentrent dans cette deuxième famille tous les réseaux élec-
triques, quel que soit leur niveau de tension. Il faut cependant
noter une exception : les réseaux torsadés (réseaux isolés 380 V
et câbles 20 kV). Cette forme particulière rend quasiment négli-
geable le champ magnétique émis.
La troisième famille, enfin, est celle des sources localisées,
qui comprend tous les appareils électroménagers et, de manière
générale, toutes les sources industrielles. Pour cette famille, le
champ magnétique décroît comme le cube de la distance (1/d
3
).
Cette décroissance très rapide fait que les champs magnétiques
émis par les sources domestiques deviennent rapidement négli-
geables : on considère habituellement que c’est vrai à partir
d’une distance de 2 mètres.
Attention, cette décroissance rapide ne signifie pas que
l’exposition entraînée par ces sources est négligeable. En effet, les
champs magnétiques émis au contact de certains appareils élec-
triques domestiques peuvent localement dépasser 1 000 lT.
C’est souvent le cas avec les petits appareils à moteurs tels que les
mixeurs, broyeurs, appareils de bricolage, etc.
Il convient également de retenir que, contrairement aux deux
premières familles de sources de champ magnétique, le niveau
d’émission est ici quasiment indépendant du courant consommé
par l’appareil : plutôt que le courant, c’est la technologie du
moteur, du transformateur et des autres sources internes qui
détermine le niveau d’émission.
2
Les courants circulant dans les différentes phases sont alternatifs et
décalés dans le temps. Leur somme est nulle à tout instant.
100 kA
Figure 7. Variations des champs magnétique et électrique induites
par la foudre et la décharge brutale d’un nuage orageux.
B = Cte
I
I
d
Figure 8. Champ magnétique basse fréquence généré par les
conducteurs uniques.
B = Cte
avec Ii = 0
I
d2
I1, I2, I3
Figure 9. Champ magnétique basse fréquence généré par les
réseaux électriques.
F. Deschamps
E
nvironnement,
R
isques &
S
anté − Vol. 5, n° 1, janvier-février 2006
16
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
Les postes de transformation du réseau électrique peuvent
être considérés comme des sources localisées. Le champ émis
par ces postes décroît donc très rapidement. Il s’ensuit que pour
les postes alimentés par des réseaux aériens, les champs émis par
ces postes sont le plus souvent négligeables par rapport à ceux
que génèrent les lignes qui y sont connectées.
Il faut enfin noter que, contrairement à certaines idées reçues,
les transformateurs du réseau génèrent très peu de champ magné-
tique. En tout état de cause, ce sont donc des sources négligea-
bles par rapport aux conducteurs électriques qui les alimentent.
La situation est exactement l’inverse avec les petits moteurs et
transformateurs des appareils domestiques.
Quelques ordres de grandeurs
La figure 10 présente différentes valeurs de champs électri-
ques et magnétiques générées par différents appareils et équipe-
ments de notre environnement quotidien.
Mesures et calculs
de champ électrique et magnétique
Champ électrique
Comme on l’a indiqué précédemment, le champ électrique à
très basse fréquence est très facilement arrêté par toutes sortes de
matériaux, même aussi faiblement conducteurs que les maté-
riaux de construction. Aussi, de nombreux éléments peuvent-ils
perturber localement le champ et ainsi biaiser la mesure. C’est en
particulier le cas avec l’opérateur réalisant la mesure. Pour éviter
cette erreur, il faut éloigner le capteur de l’opérateur, par exemple
en utilisant une perche isolante. Les meilleurs appareils de
mesure du champ électrique sont ainsi constitués d’un capteur
déporté relié à l’électronique de mesure par une fibre optique
(figure 11).
Champs électriques
(en V/m)
Rasoir
Rasoir
Micro-ordinateur
Micro-ordinateur
Grille-pain
Grille-pain
Téléviseur
Téléviseur
Chaîne stéréo
Chaîne stéréo
Réfrigérateur
Réfrigérateur
Lignes à 225 000 volts
(à 100 m de l'axe)
Lignes à 90 000 volts
(à 300 m de l'axe)
Lignes à 400 000 volts
(à 100 m de l'axe)
Couverture
chauffante
Couverture
chauffante
négligeable
négligeable
40
60
90
90
40
100
200
250
0,30
0,80
1,00
Lignes à 225 000 volts
(à 100 m de l'axe)
0,30
Lignes à 90 000 volts
(à 300 m de l'axe)
1,00
Lignes à 400 000 volts
(à 100 m de l'axe)
1,20
1,40
2,00
3,60
500
Champs magnétiques
(en µT)
Figure 10. Ordres de grandeur des champs électrique et magnétique générés dans notre environnement quotidien.
Nota bene : il s’agit de valeurs maximales mesurées à 30 centimètres, sauf pour les appareils qui impliquent une utilisation rapprochée.
E
nvironnement,
R
isques &
S
anté − Vol. 5, n° 1, janvier-février 2006 17
L’environnement électromagnétique à basse fréquence
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
1 / 6 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !