4 Felice Dassetto
ments politiques qui accentuent les traits précédents3 : ils écartent totalement toute négocia-
tion possible, procèdent d’une vision de changement total et alternatif de l’ordre politique et
social et accélèrent le plus possible les temps de l’obtention de leurs résultats.
L’« extrémisation » des groupes Sharia4 utilise méthodiquement les médias et le web
pour se rendre visible. Cela fait partie de sa méthode d’action. Il s’agit d’actions directes, qui
ne passent pas par les canaux habituels de la vie politique. Elles se situent souvent en marge
de l’action légale ; parfois elles peuvent aboutir à des actions violentes. Ce sont des actions
éclatantes destinées à provoquer des réactions. Elles peuvent miser sur l’agitation de mouve-
ments de foule ou bien porter sur des biens et sur des personnes. À l’ère des médias,
l’activisme vise à sa mise en scène dramatisante à l’usage des médias. Ce groupe a quelques
traits des modes d’actions des mouvements anarchistes. Par l’usage des médias comme canal
de propagation de ses idées, ce groupe utilise aussi le style des actions éclatantes d’autres
groupes activistes qui ont compris qu’il vaut mieux être 10 et manifester avec éclat et drama-
tisation devant une caméra qu’être 10.000 (seulement) avec quelques analyses argumentées
ou sans caméra de télévision à portée d’image.
La question est de comprendre si ce petit groupe est une réalité singulière, limitée à
l’influence de l’un ou l’autre leader, ou bien s’il s’agit d’une réalité issue d’une dynamique
intra-islamique plus large. C’est ce que nous essayons d’explorer aux paragraphes 2 et 3. En
conclusion, nous essaierons d’élargir le regard pour voir comment peut-on expliquer, à partir
d’une analyse sociologique, par quel processus des individus adhèrent à ce type de groupes
qui pratiquent l’extrémisation. Au point 4 nous essaierons de proposer quelques éléments
d’une analyse sociologique pour tenter de comprendre par quels processus on arrive à adhé-
rer à des groupes extrémisants. Et au point 5, en tirant les conséquences de ces quelques
analyses et d’un regard plus général sur la réalité de l’islam en Belgique, on essaiera de faire
quelques commentaires libres et de dessiner quelques perspectives.
2. Un double contexte immédiat : le radicalisme et la société britannique
Pour comprendre un peu mieux la réalité de ce groupe, il importe de prendre un peu de
recul par rapport aux événements immédiats et les situer dans un double contexte, celui de la
pensée radicale musulmane et celui du contexte britannique. Ensuite (par. 3), il faudra porter
un regard sur l’évolution de la pensée radicale musulmane après le 11 septembre. Si on fait
référence, ici, au contexte britannique comme matrice de Sharia4Belgium c’est parce que,
idéologiquement, en terme de réseau et d’action Sharia4Belgium est lié à ce contexte. Il n’est
probablement pas dû au hasard que ce groupe soit flamand, connecté aux Pays-Bas, c’est-à-
dire à des contextes où l’influence britannique est plus importante que du côté francophone4.
3 L’extrémisation est une forme politique que l’on rencontre dans divers courants politiques de gauche, de
droite, nationalistes. On peut rappeler par exemple l’ouvrage de Daniel et Gabriel Cohn-Bendit, Le gauchisme,
remède à la maladie sénile du communisme, Paris, Seuil, 1969 qui théorisait le gauchisme extrémisant comme
moyen de sortir les partis communistes de leur torpeur. Le titre est une réponse au texte de Lénine : Le
gauchisme, maladie infantile du communisme.
4 Les analyses qui suivent se fondent sur diverses sources que je ne citerai pas dans les détails. Il s’agit de
sources de synthèses, comme mes propres publications (Islam du nouveau siècle, Bruxelles, Labor, 2004) ou
des ouvrages comme celui de P. Raufer (présenté par), Atlas de l’islam radical, Paris, éd. du CNRS, 2007. Ou
des ouvrages issus de recherches originales comme ceux de G. Kepel, B. Maréchal et bien d’autres. Des articles