De l’Empereur au Libertador : circulations et exils
d’officiers napol´eoniens entre Europe et Am´erique apr`es
1815
Walter Bruyere-Ostells
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Walter Bruyere-Ostells. De l’Empereur au Libertador : circulations et exils d’officiers
napol´eoniens entre Europe et Am´erique apr`es 1815. Delphine Diaz, Jeanne Moisand, Romy
Sanchez et Juan Luis Simal. Exils entre deux mondes : migrations et espaces poli-
tiques atlantiques au XIXe si`ecle, Les Pers´eides, pp.45-61, 2014, <http://lesperseides.fr/exils-
entre-les-deux-mondes-migrations-et-espaces-politiques-atlantiques-au-xixe-siecle/>.<halshs-
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Walter Bruyère-Ostells, « De l’Empereur au Libertador : circulations et exils d’officiers
napoléoniens entre Europe et Amérique après 1815», in Delphine Diaz., Jeanne Moisand,
Exils entre deux mondes : migrations et espaces politiques atlantiques au XIXe siècle,
éditions Les Perséides, 2014, pp 45-61.
De l’Empereur au Libertador : circulations et exils d’officiers napoléoniens entre
Europe et Amérique après 1815
Il s’agit ici d’étudier les circulations d’officiers napoléoniens d’Europe en Amérique
après 1815. En effet, la rupture de la chute de l’Empire et de la mise en place de la
Restauration peut constituer un moment propice aux exils politiques. On entendra ici exil dans
son sens large aujourd’hui le plus communément utilisé, celui du départ contraint.
Le terme désigne plus le constat de la contrainte que le type de cette contrainte. Le
choix de 1815 se fait sur l’opposition avec les migrations de soldats européens, notamment de
la Grande Armée, vers le Nouveau Monde lors des années précédentes qui relèveraient plutôt
du goût de l’aventure. Ainsi, la notion d’exil repose dans ce cas sur le postulat d’une
contrainte de type politique. Parmi les émigrés des années qui suivent 1815, certains groupes
sont plus connus, comme la communauté bonapartiste des Etats-Unis et/ou les hommes du
Champ d’Asile. Leur aventure constitue en tant que tel un projet politique de rupture avec
l’Ancien Monde
1
. Il repose en partie sur le « rêve américain », sur l’idée que le Nouveau
Monde, et plus particulièrement la jeune démocratie états-unienne, offre un espace de liberté
préservée pour les représentants de la période révolutionnaire et impériale. Cet exil n’exclut
pas totalement la séduction d’un espace d’aventure et d’exotisme auquel sont souvent
sensibles les soldats. La présente étude ne retient pas les officiers installés aux Etats-Unis
après 1815. Elle ne retient que des hommes passés en Amérique latine durant la période, soit
de façon directe, soit via les Etats-Unis et les Caraïbes.
Pour cela, un échantillon de 60 officiers a été sélectionné ; il est composé d’hommes
des armées impériales uniquement de terre et disposant d’un dossier dans les archives
européennes (françaises ou italiennes). En effet, cela permet d’avoir le maximum
d’informations sur chacun d’eux. Ainsi, on pourra s’interroger sur la validité de la notion
d’exil dans leur cas. L‘idée d’un retour vers l’Europe n’est-elle pas constamment caressée,
1
Notamment BLAUBARF Rafe, Bonapartists in the Borderlands : French Exilees and Refugees on the Gulf
Coast 1815-1835, Tuscaloosa, University of Alabama Press, 2005, 302 p. et SAUGERA Eric, Reborns in
America : French Exilees and Refugees in the United States and the Vine and Olive Adventure 1815-1865,
Tuscaloosa, University Alabama Press , 2011, 584 p. Même si ce dernier montre aussi que la sociologie réelle de
ce groupe est différente (moins militaire) que ce qu’on a longtemps imaginé.
faisant de l’Amérique un refuge plutôt qu’un exil ? On le mesure à travers les projets de
Joseph de remonter sur le trône espagnol au moment du « trienio liberal » en Espagne en
s’appuyant sur les vétérans exilés à ses côtés
2
. Comment les officiers napoléoniens passés en
Amérique latine perçoivent et envisagent-ils leur nouvelle vie ? Quelles sont les canaux de ces
circulations transatlantiques ? Après avoir défini la nature des séjours des officiers en
Amérique latine, on tâchera de mettre en lumière les filières par lesquelles ils sont passés et
les processus de leur intégration dans cet espace.
Exils, migrations et/ou circulations : les officiers napoléoniens, un groupe difficile à
classer
En s’appuyant sur notre échantillon (qui constitue sans doute entre 0,5 et 1 % du
phénomène), on peut considérer que 36 des exilés ont bel et bien des motivations politiques à
quitter l’Europe. Certains sont très strictement contraints à quitter leur pays d’origine ;
d’autres sont en fuite après des actes d’opposition plus ou violente. D’autres encore sont
persécutés politiquement (ou en expriment le sentiment). Il faut leur adjoindre 9 vétérans,
pour lesquels l’exil politique est de l’ordre du probable (demi-solde réputés bonapartistes en
période de Terreur Blanche par exemple).
En premier lieu, viennent les proscrits de 1815. Compris parmi les personnalités
bonapartistes condamnées à mort de l’ordonnance du 24 juillet 1815, les généraux Brayer et
Fressinet ont des parcours un peu différents. Brayer passe d’abord en Belgique comme de
nombreux partisans de la Révolution et de l’Empire. Il rejoint dans un second temps Joseph à
Philadelphie puis, dans un troisième, s’embarque pour Buenos Aires
3
. En tout cas, son
parcours jusqu’au Rio de la Plata est lié à des mouvances de proscrits. Son passage en
Amérique du sud correspond au transfert organisé par le maréchal Grouchy au sein de la
communauté bonapartiste des Etats-Unis
4
. Pour sa part, Fressinet publie un pamphlet anti-
Bourbon depuis la Suisse où il s’est réfugié après l’ordonnance de proscription. Il est
2
Il l’exprime notamment dans une lettre à son frère Jérôme citée par BOUDON Jacques-Olivier, Le roi Jérôme,
frère prodigue de Napoléon, Paris, Fayard, 2008, 747. Par ailleurs, il envoie Henri Desfossé à Barcelone auprès
de Mina pour financer la constitution du Bataillon Napoléon II (A.N. F7 6663). Cet ancien capitaine de la Garde
se montre un fidèle des Bonaparte (Lucien et Louis en Italie puis Joseph aux Etats-Unis).
3
S.H.D./D.A.T./ 7 Yd 593.
4
GROUCHY Emmanuel, Projet sur l’organisation de la guerre en Amérique du sud écrit à Philadelphie en
septembre 1816.
vraisemblable que la distance n’ait pas été suffisante pour échapper aux persécutions, si bien
que Fressinet s’embarque finalement pour le Rio de la Plata
5
. Il ne part qu’en 1818, ce qui
semble indiquer une réticence première à quitter le Vieux Continent. En réalité, Brayer et
Fressinet sont assez représentatifs des proscrits du 24 juillet 1815. Leur exil forcé les pousse à
rechercher une solution de proximité (Fressinet) ou de confort (communauté bonapartiste pour
Brayer) ; d’autres ont même refusé l’exil hors de France : Ney, Delaborde, Cambronne, Gilly
et Mouton-Duvernet (5 sur 19).
Comme Brayer et Fressinet, sans toutefois être couchés sur des listes de proscrits,
certains officiers doivent finalement quitter l’Europe car ils sont persécutés par les régimes
monarchiques restaurés. Fils de l’homme de Varenne, François Drouet a été mis en retraite en
1812 en raison de problèmes importants de vue, alors qu’il sert dans la cavalerie. Il se voit
supprimer sa pension lors de la seconde Restauration
6
. Sans ressources, il s’embarque pour le
Rio de la Plata et y reprend le métier des armes. D’autres se réfugient outre-Atlantique en
raison de leur implication dans des affaires politiques sous la Restauration. Ainsi, Pierre
Chapuis publie un opuscule « au caractère très prononcé d’hostilité contre le gouvernement de
France » puis devient le rédacteur en chef du journal radical Le régulateur à Madrid à partir
de 1820
7
. Il combat même en Catalogne dans les rangs libéraux espagnols. Une fois le régime
des Cortès tombé, ses activités de propagandiste anti-conservateur le poussent à fuir vers le
Nouveau Monde
8
. Comme lui, certains officiers napoléoniens ont donc d’abord choisi de
poursuivre un combat libéral dans le Vieux Monde. Constatant l’échec de leur cause, risquant
souvent leur tête (condamnation à mort par contumace), ils envisagent dans un second temps
l’exil américain.
Il y a surtout un large nombre d’officiers qui font le choix, souvent en première
intention, du départ pour le Nouveau Monde. La chute de l’Empire et la Restauration
constituent souvent pour eux l’échec de la mission qu’ils croyaient accomplir depuis leur
engagement sous la Révolution. Beauchef écrit : « Après l’Empereur, je ne vois ni salut, ni
honneur, ni patrie. Je ne vois que Cosaques, Prussiens, Allemands, Anglais et douleur de toute
part (…) » et décide de quitter « la belle France, ma chère patrie que je n’oublierai jamais,
5
SIX Gorges, Dictionnaire biographique des généraux et amiraux de la Révolution et de l’Empire, Paris,
Saffroy, 1934, tome 1.
6
S.H.D./D.A.T./ 2 Ye dossier Drouet.
7
A.N. F7 6 663.
8
Ibid.
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