Dossier « Nouveaux » exanthèmes viraux et éruptions paravirales

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Dossier
« Nouveaux »
exanthèmes viraux
et éruptions paravirales
Patrice Plantin
Service de dermatologie, Centre Hospitalier de Cornouaille, BP 29107 Quimper Cedex
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Résumé
Les nouveaux exanthèmes viraux et les exanthèmes paraviraux sont deux sujets
assez proches qui concernent pédiatres, infectiologues et dermatologues. Les
progrès du diagnostic en virologie ont permis de démontrer que le même
exanthème pouvait être dû à des agents viraux différents tandis que de nouveaux exanthèmes ont été individualisés dont l’origine pouvait être infectieuse
ou non : ceux-ci constituent le cadre des éruptions paravirales. Ainsi le syndrome « gants-chaussettes » illustre la pluralité des étiologies virales d’un
même exanthème tandis que des entités aussi anciennes que le pityriasis rosé de
Gibert (PRG) illustre le concept d’exanthème paraviral dans la mesure où il peut
être d’étiologie virale (HHV 7), mais aussi s’observer dans d’autres circonstances (toxidermies médicamenteuses à « type » de PRG).
Mots clés : exanthèmes viraux, éruption paravirale
Nouveaux exanthèmes
viraux
On regroupe sous ce terme un certain nombre d’exanthèmes individualisés ces trente dernières années dont
la description est souvent ancienne,
mais qui ont fait l’objet d’un classement nosologique plus récent. Beaucoup de ces exanthèmes, dont l’étiologie n’est pas uniquement virale,
rentrent dans le cadre des éruptions
paravirales que nous aborderons dans
un deuxième chapitre.
Tirés à part : P. Plantin
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mt pédiatrie, vol. 10, n° 5, septembre-octobre 2007
doi: 10.1684/mtp.2007.0137
mtp
Acrodermatite papuleuse
de Gianotti et Crosti
Décrite par les deux dermatologues italiens qui lui ont donné son
nom en 1955, l’acrodermatite est caractérisée par une éruption symétrique, papuleuse ou papulovésiculeuse
des 4 membres, parfois des joues et/ou
des fesses dont la lésion élémentaire
devient plus nettement lichénoïde
chez l’adolescent et l’adulte (figure 1).
Les premières publications la concernant faisaient état de l’association possible à une primo-infection par le virus
de l’hépatite B. Cette étiologie est
maintenant exceptionnelle et on rapporte actuellement surtout des cas associés au virus d’Epstein Barr, au CMV
ou aux coxsackies [1]. Des cas plus
récents semblent en rapport avec le
parvovirus B 19 ou le virus syncytial
respiratoire. Enfin, des observations
de Gianotti et Crosti au décours de
vaccinations (BCG, rougeole ou
oreillons) ont été rapportées. Dans
près de la moitié des cas, aucune étiologie au syndrome de Gianotti-Crosti
n’est retrouvée [2].
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Figure 2. Syndrome gants-chaussettes : lésions purpuriques des
pieds.
Figure 1. Syndrome de Gianotti-Crosti.
Syndrome gants et chaussettes
Décrit en 1990, ce syndrome est caractérisé par un
érythème purpurique intense touchant préférentiellement
les mains, les pieds (figure 2), les zones convexes et les
muqueuses. Les lésions sont souvent douloureuses et s’accompagnent de signes généraux : fièvre, arthralgies et
anorexie. La guérison est la règle en quelques semaines.
Les premiers cas publiés étaient contemporains d’une
séroconversion pour le parvovirus B 19, d’autres observations ont été rapportées lors de la rougeole, d’infections à
EBV, CMV ou à HHV6 en particulier [3].
Pseudo-angiomatose éruptive
Décrite par N. Prose en 1993 [4], elle a été observée
chez le nourrisson mais aussi chez l’adulte. L’exanthème
est constitué de petites papules angiomateuses (figure 3),
bordées d’un halo anémique, qui disparaissent spontanément en moins de 15 jours. La biopsie des lésions montre
une dilatation des vaisseaux dermiques sans infiltrat inflammatoire. L’origine virale qui a été suspectée d’emblée,
sur la notion de petites épidémies, n’a jamais été prouvée
Figure 3. Lésions angiomateuses de la région scapulaire au cours
d’une pseudo-angiomatose éruptive.
jusqu’à maintenant en dehors de cas rapportés à une
infection à entérovirus (séroconversion).
L’exanthème unilatéral latérothoracique
Plus connu sous l’acronyme d’APEC (Asymetric Periflexural Exanthem of Childhood), il s’agit d’une éruption
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« Nouveaux » exanthèmes viraux et éruptions paravirales
Figure 4. Éruption eczématiforme de la région axillaire au cours de
l’APEC.
siégeant tout d’abord au niveau d’un creux axillaire
qu’elle touche de façon asymétrique (figure 4). L’éruption
peut être morbiliforme, scarlatiniforme ou eczématiforme
et elle tend fréquemment à toucher d’autres plis, toujours
sur un mode asymétrique. L’origine virale de l’APEC a été
soupçonnée sur sa saisonnalité et l’existence inconstante
de prodromes (fébricule, signes respiratoires et adénopathies loco-régionales), mais elle n’a jamais été démontrée
[5].
Papillite linguale familiale
Décrite par J.P. Lacour, la papillite linguale éruptive est
caractérisée par l’apparition brutale de difficultés alimentaires, d’une hypersialorrhée et d’une irritabilité en rapport
avec une inflammation linguale caractérisée par une hypertrophie des papilles fongiformes de la pointe et du dos
de la langue. La papillite est souvent familiale (transmission à d’autres membres de la fratrie ou aux parents dans
plus de 50 % des cas, épidémies en collectivités), s’accompagne fréquemment d’adénopathies cervicales et
guérit en moins de 15 jours. La survenue en petites épidémies familiales atteste de sa probable origine virale [6].
Exanthème de l’infection
par le virus West Nile
Cette infection est une arbovirose dont la sévérité tient
aux atteintes neurologiques (encéphalites). Un exanthème
morbiliforme constitué de macules rosées du tronc peut
être observé au cours de l’infection chez l’adulte comme
chez l’enfant [7, 8].
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Monkeypox
Cette maladie endémique sévit en Afrique [9]. Elle
touche surtout les enfants de la zone tropicale africaine se
traduisant par une éruption assez proche de la variole
associée à une atteinte respiratoire, un syndrome grippal
et des adénopathies cervicales plus marquées qu’au cours
de la variole. Le virus monkeypox est transmis par des
rongeurs infectés. Les cas observés aux États-Unis sont liés
à la transmission du virus par de petits rongeurs (« chiens
des prairies ») contaminés par les rongeurs importés
d’Afrique comme animaux de compagnie. En Afrique, la
mortalité de l’infection est d’environ 11 % liée à la dénutrition, aux surinfections bactériennes et à des coinfections virales comme la varicelle. La vaccination
contre la variole prévient l’infection au virus monckeypox
et cette protection est probablement liée à la parenté
ontogénique de ces virus. D’autres infections à poxvirus
ont été rapportées, liées le plus souvent au contact accidentel avec le virus véhiculé par un animal : infection à
tanapoxvirus transmise par des chimpanzés d’Afrique [10]
responsable d’une éruption papuleuse pouvant faire évoquer un anthrax ou une mycobactériose s’accompagnant
de signes généraux tels que céphalées, fièvre, etc.
Éruptions paravirales
C’est sous ce terme que Saurat et Lipsker [11] ont
regroupé certaines dermatoses dont l’étiologie n’est pas
univoque. Ce concept qui s’applique surtout à des exanthèmes récemment individualisés peut aussi concerner
des entités connues de longue date dont l’étiologie infectieuse reste hypothétique.
– Les dermatoses d’origine virale dont les agents déclenchant sont multiples rentrent dans ce cadre. Ainsi, le
syndrome de Gianotti-Crosti ou le syndrome gantschaussettes correspondent à des dermatoses paravirales
par opposition à certaines maladies virales pour lesquelles
il n’existe qu’un agent responsable (la varicelle par exemple).
– Ce concept peut également s’appliquer à des entités
dont l’étiologie virale est très probable bien que jamais
démontrée jusqu’alors. C’est le cas de l’APEC ou de la
pseudo-angiomatose éruptive.
– Enfin, un certain nombre de dermatoses qui peuvent
relever d’une étiologie infectieuse même si celle-ci n’est
pas la plus fréquente peuvent correspondre à des infections paravirales : c’est le cas de dermatoses aussi différentes que l’érythème polymorphe, l’urticaire, le lichen
striatus, la pustulose aigüe exanthématique ou le pityriasis
lichénoïde pour lequel la responsabilité de Toxoplasma
Gondii, de l’EBV ou de l’herpès virus ont été évoqués [12].
À ce titre, le pityriasis rosé de Gibert est exemplaire car son
étiologie virale est évoquée depuis longtemps (taux élevés
d’interféron a et c chez les malades, taux augmentés des
mt pédiatrie, vol. 10, n° 5, septembre-octobre 2007
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lymphocytes D) et le rôle de virus du groupe herpès a été
suspecté dans sa survenue : HHV 7 [13], tandis que des
toxidermies à type de PRG illustrent d’autres causes de
cette dermatose.
4. Prose N, Tope W, Miller S, Kamino H. Eruptive pseudoangiomatosis : a unique childhood exanthema? J Am Acad Dermatol 1993 ; 29 :
857-9.
Conclusion
6. Roux O, Lacour JP, Pediatricians of the region Var-Côte d’Azur.
Eruptive lingual papillitis with household transmission: a prospective
clinical study. Br J Dermatol 2004 ; 150 : 299-303.
Les progrès de la virologie ont permis d’identifier de
nouveaux agents viraux responsables d’exanthèmes dont
la spécificité clinique est pauvre [14]. Mais, malgré toutes
ces innovations, l’origine virale d’autres exanthèmes reste
à l’état de simples hypothèses. Le goût des voyages ou
l’importation accidentelle ou souhaitée d’animaux dits
exotiques peut aboutir à l’identification de nouveaux
exanthèmes jusque-là inconnus, en particulier, chez l’enfant.
5. Taïeb A, Megraud F, Legrain V, Mortureux P, Maleville J. Asymetrice periflexural exanthem of childhood. J Am Acad Dermatol 1993 ;
29 : 391-3.
7. Del Giudice P, Schuffenecker I, Zeller H, et al. Skin manifestations
of West Nile virus infection. Dermatology 2005 ; 211 : 348-50.
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9. Lewis Jones S. Zoonotic poxvirus infections in humans. Curr Opin
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10. Damian Dhar A, Werchniak AE, Li Y, et al. Tanapox infection in a
college student. N Engl J Med 2004 ; 350 : 361-4.
11. Lipsker D, Saurat JH. A new concept : paraviral eruptions.
Dermatology 2005 ; 211 : 309-11.
Références
1. Taïeb A, Plantin P, du Pasquier P, Guillet G, Maleville J. GianottiCrosti syndrome: a study of 26 cases. Br J Dermatol 1986 ; 115 :
49-59.
2. Bjorge Nelson JS, Seabury Stone M. Update on selected viral exanthems. Curr Opin Pediatr 2000 ; 12 : 359-64.
3. Lycia AS, Seabury Stone M. Viral exanthems. Dermatol Online J
2003 ; 9 : 4.
12. Bowers S, Warshaw EM. Pityriasis lichenoides and its subtypes.
J Am Acad Dermatol 2006 ; 55 : 557-72.
13. Weston WL, Morelli JG. Newly recognized infectious exanthems. Dermatol Nurs 1998 ; 10(191–3) : 197-205.
14. Goodyear HM, Laidler PW, Price EH, Kenny PA, Harpers JI.
Acute infectious erythemas in children: a clinico-microbiological
study. Br J Dermatol 1991 ; 124 : 433-8.
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