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A
U T O M É D I C A T I O N
Facteurs et modalités de l’automédication en clientèle
de médecine générale[1]
" L. Kassabi-Borowiec*, R. Lévy*, P. Atlan*
RÉSUMÉ. L’automédication est une démarche très répandue chez les patients. La thèse de médecine analysée dans cet article confirme cette fréquence dans les clientèles de médecins généralistes de l’Est parisien, précise les principaux symptômes ou pathologies qui la suscitent, les différentes molécules qui donnent lieu à cette automédication, ainsi que les modalités de sa mise en œuvre et les souhaits des patients quant à une politique de santé et à une éducation sanitaire grand public concernant
le médicament. Mots-clés : Automédication - Médecine générale - Éducation sanitaire - Politique du médicament.
ABSTRACT. Self-medication is a widespread behaviour among patients. The thesis of medicine which is analysed in this article confirms this frequency among the practices of the general practitioners in the east end of Paris. It clarifies the main symptoms or pathologies which arouse this self-medication, its mode and means and the
different molecules which are used. It specifies also the patients, wishes about health policy and general public education with regard to medication. Key words : Selfmedication - General practice - Health education - Medication Policy.
S
elon de nombreuses données (1), l’automédication constitue un phénomène courant en médecine en général et en médecine générale en
particulier. Cependant, il s’agit d’un sujet qui est rarement abordé au cours du
cursus universitaire ; les étudiants terminent souvent leur deuxième cycle avec
le certificat de synthèse clinique et thérapeutique sans avoir étudié cet aspect
important de la pratique médicale. Dans le meilleur des cas, ce n’est qu’au
cours du troisième cycle qu’ils aborderont cette question, notamment au cours
du stage chez le praticien.
leur médecin de leur automédication. Ce sont les céphalées (71,6 % des
réponses), le rhume (51,5 %), la toux (43,1 %) et la diarrhée (38 %) qui représentent les principales pathologies soignées en automédication. Enfin, dans les
médicaments consommés, viennent en tête les antalgiques-antipyrétiques
(50 %), et plus particulièrement le paracétamol, suivi par l’acide acétylsalicylique, puis les médicaments ORL et des voies respiratoires (20 % des médicaments cités), puis des médicaments pour la diarrhée ou des antispasmodiques
(9,7 %).
Ce thème a fait l’objet d’une thèse soutenue au CHU Saint-Antoine (2). L’auteur
a d’abord rédigé une revue concernant la définition même du terme automédication, et souligne que les divers groupes professionnels (ministère de la Santé, Direction générale de la santé, Ordre des pharmaciens, Association des spécialités grand
public) ont chacun leur propre définition, sans qu’il y ait un statut consensuel. Puis
elle passe en revue l’historique de l’automédication, ses dangers et son intérêt.
L’auteur relève que 5 % de l’ensemble des médicaments cités paraissent totalement inadaptés à l’automédication, en raison soit de leurs effets secondaires
potentiels, soit de leurs contre-indications.
MÉTHODES
L’étude qui fait l’objet de la thèse a porté sur une enquête réalisée auprès de
vingt médecins généralistes de l’Est parisien entre janvier et mars 2000. Ces
médecins étaient soit maîtres de stage à la faculté de médecine Saint-Antoine
(douze médecins), soit pris au hasard dans l’annuaire (huit médecins). Ces
médecins, contactés d’abord par téléphone, se sont soumis à un entretien au
cours duquel le but du travail leur a été exposé et le questionnaire présenté.
Chaque médecin devait soumettre le questionnaire, remis par la secrétaire, à
trente de ses patients. Ce qui a donné lieu à 600 questionnaires distribués et à
532 questionnaires exploités.
En ce qui concerne leur information sur le médicament, ils se déclarent moyennement informés, mais font confiance essentiellement au médecin et au pharmacien. En effet, les campagnes de la Caisse nationale d’assurance maladie
(CNAM) sur la prévention des méfaits potentiels de l’automédication ont peu
d’impact sur les patients, car elles n’ont incité que 25 % d’entre eux à modifier certains de leurs comportements, 11 % des interrogés les trouvant inutiles,
et 17 % n’en ayant jamais entendu parler. Ainsi, 10 % des patients pensent que
les médicaments vendus sans ordonnance sont sans danger.
RÉSULTATS
Cette enquête a confirmé que l’automédication est largement pratiquée par la
population étudiée (87 %), et plus particulièrement par les femmes, les étudiants et les jeunes non étudiants. Seuls 12 % des patients ont déclaré ne jamais
s’automédiquer. Cette automédication se fait aussi bien à partir des réserves
de l’armoire à pharmacie que de l’achat direct en pharmacie. Parmi les motifs
de l’automédication, 67 % des sondés répondent que c’est parce qu’ils ne se
sentent pas assez malades pour consulter un médecin ou bien qu’ils ne veulent
pas déranger le médecin pour des troubles mineurs (31 %). Par ailleurs, 25 %
des patients qui s’automédiquent invoquent le fait qu’ils savent se soigner tout
seuls et traiter leurs symptômes. Parmi les facteurs influençant la prise de médicaments, les conseils du pharmacien viennent en tête, suivis de la propre initiative du patient (40 %), mais aussi, dans 30 % des cas, de la lecture de la
notice du médicament. Viennent ensuite l’entourage familial, de voisinage ou
professionnel. La notice du médicament joue un rôle notable, puisque, dans
376 des 532 questionnaires exploités, les patients interrogés déclarent la lire
avant de prendre le médicament en automédication. La grande majorité d’entre
eux trouvent la notice compréhensible ; seuls 10 % la considèrent trop technique. Quatre-vingts pour cent des questionnés disent parler spontanément à
[1]
Compte-rendu d’une thèse de médecine générale soutenue à la faculté SaintAntoine.
* Département de médecine générale et service de pharmacologie du
Pr Patrice Jaillon, faculté de médecine Saint-Antoine, 75012 Paris.
La Lettre du Pharmacologue - Volume 16 - n° 2 - mars-avril 2002
Malgré leur propension à l’automédication, les patients interrogés ne souhaitent pas une libéralisation de la vente des médicaments sans ordonnance, que
ce soit en pharmacie ou en supermarché.
Compte tenu des effets néfastes potentiels de l’automédication, cette étude
débouche notamment sur l’évocation de l’intérêt d’une éducation sanitaire
grand public concernant le médicament, afin d’intégrer l’automédication dans
le fonctionnement d’un système de santé de qualité.
CONCLUSION
On peut retenir de cette étude la confirmation du caractère fréquent de l’automédication en pratique ambulatoire avec les antipyrétiques-antialgiques, qui
viennent en tête de la liste des classes médicamenteuses ayant donné lieu à une
automédication, de l’importance attachée aux conseils du pharmacien ainsi
qu’à la notice du médicament, et enfin du peu d’impact des campagnes de la
Caisse nationale d’assurance maladie sur ce sujet. Compte tenu du désir fort
des patients d’informations fiables sur le médicament et la santé, il serait souhaitable que les pouvoirs publics mettent en œuvre des campagnes d’éducation sanitaire dans des lieux diversifiés et avec une méthodologie pertinente.
Une enquête menée auprès de la population tout venant serait un complément
intéressant à cette étude, qui a porté sur la clientèle de médecins généralistes
de l’Est parisien.
!
R
É F É R E N C E S
B I B L I O G R A P H I Q U E S
1. Jean-Jacques Aulas. 87,5 % des individus s'automédiquent. Revue Prescrire 1991 ;
11,109 : 378.
2. Kassabi-Borowiec Laurence. Facteurs et modalités de l’automédication. Enquête auprès
de la patientèle de médecins généralistes de l’Est parisien. Thèse Médecine, Paris-faculté de
médecine Saint-Antoine, 2001 : 153 pages, 53 références. Président du jury : Pr F. Leynadier.
Directeur de thèse : Pr P. Atlan Membres du jury : Pr P. Jaillon, Dr A. Flahaut.
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