La tâche prioritaire est de dépasser le stade féodal et pour y parvenir, il faut
abattre les "latifundistes". Or la bourgeoisie se révèle à cet égard, la force la plus
appropriée : elle aspire à développer et donc à intégrer l’économie, notamment en
libérant une force de travail maintenue dans des rapports patriarcaux par les grands
propriétaires fonciers. Cette bourgeoisie est qualifiée de "nationale" car elle s’oppose
aussi aux intérêts des Nords-américains, soucieux de perpétuer le modèle agro-
exportateur. 10
Dans ce contexte, toujours selon les analystes soviétiques, l’alliance avec la
bourgeoisie nationale s’avère doublement avantageuse. Elle doit permettre
l’établissement puis l’élargissement de la démocratie, en même temps qu’une
diminution de la dépendance économique envers les Etats Unis. 11 Ainsi, seront
créées les conditions indispensables au renforcement du prolétariat et à une
possibilité réelle de prise du pouvoir.
Mais cette alliance a aussi l’énorme avantage de ne pas provoquer
immanquablement une réaction brutale de F impérialisme, réaction qui retarderait
considérablement le processus en rétablissant le pouvoir des "latifundistes". Les
changements doivent donc être opérés en douceur. L’important n’est pas la rapidité
mais l’irréversibilité de l’évolution. 11
7. On nous reprochera peut-être de caricaturer la pensée de la doctrine soviétique.
Il s’est certes trouvé çà et là des auteurs qui ont soutenu l’option révolutionnaire en
Amérique latine, en particulier après le succès de la révolution castriste. 13
Cependant, il est indéniable que, dans l’ensemble, la position des analystes
soviétiques s’est maintenue avec une remarquable constance. Même si elles ont
revêtu des modalités diverses, l’alliance avec la bourgeoisie nationale et la nécessité
d’une longue phase de transition vers le socialisme sont restées les lignes directrices.
14 Preuve en est que, comme nous allons le voir à présent, ces dernières ont été
suivies dans la pratique par l’URSS dans ses relations avec l’Amérique latine.
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