URSS - NICARAGUA : les liaisons dangereuses Olivier

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URSS - NICARAGUA : les liaisons dangereuses
Olivier CORTEN
Chercheur au Centre de droit
international de l’ULB.
Table des Matières
INTRODUCTION
Partie 1
L’URSS ET LE NICARAGUA SANDINISTE ETAIENT
PREDESTINES A ADOPTER UNE ATTITUDE PRUDENTE L’UN
ENVERS L’AUTRE.
Chapitre I Une Union Soviétique traditionnellement opposée aux mouvements
révolutionnaires
Chapitre II Un régime sandiniste en quête d’alliances diversifiées
Partie 2
LA NAISSANCE PUIS L’AMPLIFICATION DE LA GUERRE ONT
POUR CONSEQUENCE UN RESSERREMENT RELATIF DES
LIENS ENTRE L’URSS ET LE NICARAGUA.
Chapitre I Un resserrement des liens économiques qui ne s’opère que dans la mesure
où l’amplification de la guerre l’exige
Chapitre II Des affinités politiques et idéologiques qui restent limitées à une
opposition commune aux Etats-Unis
CONCLUSION
30
1
Tout régime issu d’une révolution est-il amené à tomber systématiquement
sous influence soviétique? La question présente un intérêt particulier lorsqu’elle
concerne un Etat situé dans le bassin des Caraïbes, zone dont on connaît
l’importance, tant économique que militaire, pour les Etats-Unis 1. Et les officiels
nord-américains ne se privent pas de la poser à propos du Nicaragua. Ou plutôt ne se
lassent-ils pas d’y répondre : selon eux, le régime sandiniste ne serait devenu rien de
moins qu’une tête de pont soviétique en Amérique centrale etc., 2.
La plupart des commentateurs, même s’ils considèrent parfois que cette crainte
est injustifiée, s’accordent pour la présenter comme le fondement principal de Ha
politique de force menée par les Etats Unis en Amérique centrale. Une politique dont
le coût s’est révélé énorme : généralisation de la guerre et multiplication des troubles
sociaux dans tout l’isthme centreaméricain^ét, sur un autre pian, condamnation
éclatante par la Cour internationale de justice en 1986.
Mais la subordination du Nicaragua sandiniste serait-elle si flagrante qu’elle
constitue un justificatif crédible à une réaction nord-américaine de cette envergure?
L’objet de cette étude est de répondre par la négative et ce, en démontrant le
caractère tout relatif de cette subordination. Le raisonnement s’opérera en deux
temps :
- dans une première partie, nous verrons que, au moment du triomphe de
la révolution sandiniste, l’URSS et le Nicaragua étaient prédestinés à
maintenir une certaine distance l’un envers l’autre;
- dans une seconde, nous constaterons que leurs relations ne se sont
améliorées que dans la stricte mesure où l’amplification de la guerre
l’exigeait.
Le schéma est donc à la fois analytique et chronologique.
31
PARTIE 1 : L’URSS ET LE NICARAGUA SANDINISTE ETAIENT
PREDESTINES A ADOPTER UNE ATTITUDE PRUDENTE
L’UN ENVERS L’AUTRE.
2.
En 1979, il n’y avait nullement lieu de craindre une quelconque mainmise
soviétique sur le jeune Nicaragua révolutionnaire et ce, eu égard à la position
traditionnelle de l’URSS tant (Chapitre I) qu’à la situation particulière du régime
sandiniste (Chapitre II).
Chapitre I UNE UNION SOVIETIQUE TRADITIONNELLEMENT OPPOSEE
AUX MOUVEMENTS REVOLUTIONNAIRES LATINOAMERICAINS.
3. L’attitude mitigée de l’URSS à l’égard des mouvements révolutionnaires
latino-américains s’explique par la position conservatrice des théoriciens soviétiques
(Section 1), position très largement suivie dans la pratique (Section 2).
Section X Les théoriciens soviétiques rejettent l’option révolutionnaire et
prônent l’aïliance avec la bourgeoisie.
4. Les publicistes soviétiques citent souvent pour expliquer leur position une
déclaration que Lénine aurait émise au 1léme Congrès du Komintern :
"II faudra beaucoup de temps avant qu’une révolution
puisse réussir dans le Nouveau Monde. Les conditions
pourraient mûrir dans un proche avenir. Mais
l’impérialisme américain est sur ses gardes et prêt à
intervenir comme il l’a fait dans le passé"
32
C’est sur cette base que sont dicté! deux lignes politiques complémentaires : le rejet
de ia lutte armée d’une part, l’alliance avec la bourgeoisie, d’autre part.
5, Le rejet de toute option révolutionnaire à court terme dans cette région du
monde se fonde principalement sur deux facteurs.
Le premier est le fruit d’une analyse marxiste orthodoxe. 5 L ’Amérique latine
connaît un faible degré de développement des forces productives. Elle comprend
pour la plupart des pays à économies extrêmement dépendantes de l’étranger,
faiblement intégrées et encore largement rurales, les rapports de production peuvent
en conséquence y être qualifiés de semi-féodaux : la classe des latifundistes domine,
la petite et moyenne bourgeoisie reste faible et la paysannerie, largement majoritaire,
est totalement dépourvue de conscience de classe. Quant au prolétariat, seul apte à
engager le processus révolutionnaire, il demeure à un stade embryonnaire.
; Le second facteur défavorable est d’ordre géopolitique. 6 La proximité de la
puissance impérialiste, conjuguée avec l’importance de sa pénétration économique
dans la région rendent inconcevable un changement radical et accéléré de société.
L ’histoire a démontré que, dès qu’ils se sentent menacés dans leurs intérêts, les Etats
-1
Unis n’hésitent pas à intervenir militairement.
Ces deux facteurs s’observent avec une acuité particulière en Amérique
centrale : le sous-développement et la faiblesse consécutive du prolétariat s’y révèlent
extrêmes et la situation géographique spécialement défavorable. 8 C’est pourquoi,
avant 1979, la majorité des auteurs soviétiques considèrent que le Nicaragua est un
des lieux d’Amérique latine où la domination nord-américaine est la moins menacée.
6. Abandonnent-ils pour autant le projet de l’établissement du socialisme? Non,
car si la lutte armée est rejetée, un autre moyen doit permettre d’atteindre cet objectif,
dont l’accomplissement est seulement reporté à long terme.
33
La tâche prioritaire est de dépasser le stade féodal et pour y parvenir, il faut
abattre les "latifundistes". Or la bourgeoisie se révèle à cet égard, la force la plus
appropriée : elle aspire à développer et donc à intégrer l’économie, notamment en
libérant une force de travail maintenue dans des rapports patriarcaux par les grands
propriétaires fonciers. Cette bourgeoisie est qualifiée de "nationale" car elle s’oppose
aussi aux intérêts des Nords-américains, soucieux de perpétuer le modèle agroexportateur. 10
Dans ce contexte, toujours selon les analystes soviétiques, l’alliance avec la
bourgeoisie nationale s’avère doublement avantageuse. Elle doit permettre
l’établissement puis l’élargissement de la démocratie, en même temps qu’une
diminution de la dépendance économique envers les Etats Unis. 11 Ainsi, seront
créées les conditions indispensables au renforcement du prolétariat et à une
possibilité réelle de prise du pouvoir.
Mais cette alliance a aussi l’énorme avantage de ne pas provoquer
immanquablement une réaction brutale de F impérialisme, réaction qui retarderait
considérablement le processus en rétablissant le pouvoir des "latifundistes". Les
changements doivent donc être opérés en douceur. L’important n’est pas la rapidité
mais l’irréversibilité de l’évolution. 11
7. On nous reprochera peut-être de caricaturer la pensée de la doctrine soviétique.
Il s’est certes trouvé çà et là des auteurs qui ont soutenu l’option révolutionnaire en
Amérique latine, en particulier après le succès de la révolution castriste. 13
Cependant, il est indéniable que, dans l’ensemble, la position des analystes
soviétiques s’est maintenue avec une remarquable constance. Même si elles ont
revêtu des modalités diverses, l’alliance avec la bourgeoisie nationale et la nécessité
d’une longue phase de transition vers le socialisme sont restées les lignes directrices.
14 Preuve en est que, comme nous allons le voir à présent, ces dernières ont été
suivies dans la pratique par l’URSS dans ses relations avec l’Amérique latine.
Section 2 La pratique Ses relations entre l’URSS et l’Amérique latine
confirme largement cette orientation.
8. Pour envisager les relations entre l’URSS et l’Amérique latine, nous
aborderons préalablement à l'analyse de la politique étrangère soviétique elle-même
(§11), le rôle des partis communistes latino-américains (§10). En effet, si ceux-ci ne
peuvent être considérés comme totalement inféodés, force est de constater qu’ils ont
presque toujours suivi les mots d’ordre lancés à Moscou. 15
9. C’est en l’opposant à l’attitude des partis communistes que Fidel Castro parlait
des véritables révolutionnaires :
"Ils ne se sont pas mis à élucubrer des thèses, ni à parler de
conditions objectives d’abord, pour empoigner une arme et
défendre leurs droits. Ils n’ont eu aucun besoin de faire
appel à une philosophie révolutionnaire qui justifie
l’inaction." 16
Cette critique semble amplement justifiée, puisque :
1) Les partis communistes sont presque toujours restés étrangers au développement
des luttes armées. 17 La naissance d’organisations cas tristes dans les années 60 et la
multiplication consécutive des foyers de guérilla ont souligné par contraste
l’attentisme et la passivité de ces "léninistes" qui refusent de faire la révolution,
préférant qualifier les mouvements rebelles de "putschistes", "gauchistes" ou
"aventuristes". 18 Au Nicaragua, le "parti socialiste nicaraguayen" aspirait à
renverser pacifiquement le dictateur Somoza 19. C’est pourquoi il a subi de
nombreuses critiques des dirigeants du front sandiniste. 20 C’est pourquoi
également il n’a joué pratiquement aucun rôle dans le processus révolutionnaire. 21.
35
2) Les partis communistes latino-américains ont préféré l’alliance avec la bourgeoisie
nationale. Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, la prolongation de la
technique du "front populaire” s’est traduite par une participation de communistes à
plusieurs gouvernements, comme à Cuba ou au Chili 22. Au Nicaragua, le PSN
soutient Somoza jusqu ’en 1948 23. Avec la généralisation de la guerre froide, cette
option légaliste devient beaucoup moi ostensible mais n ’en reste pas moins réelle.
En réalité, les partis communistes continuent à appuyer pacifiquement des
mouvements "progressistes" et se contentent souvent d'un travail politique urbain 24.
10. L’examen de la politique étrangère de l’URSS témoigne également du respect
de la double option prônée par les théoriciens soviétiques.
En premier lieu, la prudence de cet Etat envers les mouvements
révolutionnaires a toujours été extrême en Amérique latine.
Particulièrement révélateur à cet égard est l’épisode guatémaltèque de 1954 25.
A cette époque, Moscou refuse tout soutien à un gouvernement engagé dans la voie
de réformes et auquel participent plusieurs communistes. Les relations diplomatiques
ne sont même pas rétablies. Cependant, une livraison d’armes tchèques est prise
comme prétexte par les Etats-Unis pour intervenir et provoquer la chute du régime.
Ainsi, les dirigeants soviétiques se voyaient confortés dans leur optique : il faut éviter
à tout prix de provoquer la puissance impérialiste dans son arrière-cour...
C’est pourquoi la révolution cubaine ne suscite tout d’abord que fort peu
d’enthousiasme en Union Soviétique. 26 Le rapprochement entre les deux Etats
s’opère lentement et il est essentiellement du aux initiatives de Fidel Castro, soucieux
de s’assurer une protection face à l’hostilité marquée des Etats-Unis. Par la suite, la
consolidation du régime renforce l’option réformiste de l’URSS. En effet, Cuba
devient à l’échelle du continent ce qu’était la révolution russe à ses origines pour le
monde : la patrie du socialisme. Dans ce contexte, l’agitation révolutionnaire risque
d’augmenter l’hostilité des gouvernements latino-américains à l’égard de La Havane.
27 La modération est plus que jamais à l’ordre du jour.
36
On comprend donc que Moscou n’ait contribué à aucun titre à la révolution
nicaraguayenne. 28 La chute d’Allende avait certes relancé le débat sur la lutte
armée, désormais acceptée dans certaines circonstances. 29 Tel n’était cependant pas
le cas en Amérique centrale, pour les raisons socio-économiques et géopolitiques déjà
évoquées. C’est pourquoi, le Front sandiniste n’a bénéficié dans sa lutte d’aucune
aide en provenance de FUnion soviétique. Les armes sont fournies principalement
par le Costa Rica, le Vénézuela et Cuba. 30 Quant à la presse soviétique, elle qualifie
dans un premier temps le FSLN d’"aventuriste". 31 Par la suite, l’indifférence
succède à la méfiance : les publications sur le Nicaragua sont rares jusqu’au, milieu de
l’année 1979. 32 On peut affirmer que la révolution sandiniste a pris les dirigeants
soviétiques totalement par surprise.
Nous pouvons à présent examiner la mise en pratique de la deuxième directrice
dégagée par les théoriciens soviétiques : l’alliance avec la bourgeoisie.
Cette alliance a pris la forme au plan interétatique de l’établissement puis
l’intensification des relations économiques avec des régimes latino-américains qui
sont loin d ’être socialistes. Officiellement, cette politique doit favoriser le processus
d’indépendance à l’égard des Etats-Unis. 33 Elle permet aussi à l’URSS de conquérir
des marchés dans une des parties les plus développées du Tiers monde. 34
C’est vers les années 1967-1968 que les premiers accords sont conclus, 35 A
cette époque en effet, certains pays conservateurs désirent démontrer qu’ils ne sont
pas sous la coupe des Etats-Unis; ils espèrent aussi de la sorte accentuer les
divergences entre les guérillas et les partis communistes, d’une part et l’URSS et
Cuba, d’autre part. 36 jj faut souligner enfin les conditions particulièrement
avantageuses offertes par l’Union soviétique, même semble-t-il en comparaison avec
l’Afrique ou l’Asie : facilités de crédit, stabilisation des prix et surtout, mécanismes
de compensation permettant des économies en devise. 37
Ainsi, les deux principaux partenaires commerciaux de l’URSS sur le continent
deviennent le Brésil et l’Argentine. 38 La présence au pouvoir des généraux ne
modifie en rien cet état de fait; pourtant, on aurait bien du mal à voir en ces dictatures
37
militaires des régimes jet ant les bases d’une progression vers le socialisme, même
lointaine...
11. Tout ceci achève de nous convaincre que, en 1979, il n’y avait nullement lieu de
craindre un engagement substantiel de l’URSS au Nicaragua. Nous avons eu
amplement l’occasion de mesurer à quel point la prudence était le leitmotiv des
dirigeants de cet Etat, surtout en Amérique centrale. Quant à l’influence du "parti
socialiste nicaraguayen" sur une révolution dans laquelle il n’a pu et voulu jouer
aucun rôle, elle ne pouvait a priori être considérée que comme insignifiante. Mais
voyons à présent dans quelle mesure le régime sandiniste lui-même souhaitait à sa
naissance resserrer ses liens avec l’Union soviétique.
Chapitre II UN REGIME SANDINISTE EN QUETE D’ALLIANCES
DIVERSIFIEES.
12. En 1979, il est manifeste que le Nicaragua n’aspire pas à entrer dans le camp
socialiste. En effet, l’héritage économique désastreux de la dictature ne le lui
permettrait pas (section 1) et on constate qu’effectivement il développe une politique
basée sur une collaboration avec la bourgeoisie (section 2).
Section 1 L’héritage économique de la dictature rend inconcevable une entrée
du Nicaragua dans le camp socialiste.
13. De l’avis unanime, l’état de l’économie nicaraguayenne peut en juillet 1979
être qualifié de désastreux. 39 L’ampleur et la nature de ce désastre, dû tant à des
facteurs conjoncturels (§15) que structurels (^16), laisse bien percevoir
l’impossibilité pour le nouveau régime de s’engager, à court terme en tout cas, dans le
camp socialiste (£17).
I
38
14. Les dégâts occasionnés par deux ans de guerre populaire sont considérables.
On peut à cet égard distinguer trois facteurs principaux :
1) Le coût direct des destructions s’est élevé à plusieurs centaines de millions de
dollars. Les principales villes du pays bombardées, des quartiers entiers rasés, les
voies de communication endommagées; l’ancien régime a véritablement adopté une
politique de terre brûlée. 40
2). L’appareil productif est presqu'entièrement paralysé. 70 % des terres cultivables
n’ont pas été ensemencées, tandis que plusieurs dizaines d’usines appartenant à la
bourgeoisie antisomoziste ont été réduites en cendres. 41 D’autre part, la force de
travail est totalement désorganisée : la grève générale a duré six semaines, nombre de
cadres expérimentés ont fui le pays et sont remplacés par des guérilleros peu habitués
à la rigueur de la gestion et, enfin, plusieurs régions rurales vivent depuis plusieurs
mois sous un régime de "communisme de guerre". 42
Selon le CEP AL, le revenu national a chuté de 30 % la dernière année de la
dictature et la production atteint celle
d e ... 1962! 43
3) Le facteur le moins important n’est pas la fuite des capitaux, particulièrement
impressionnante durant les mois ayant précédé la chute de Somoza. 44 Ce dernier a
du reste été jusqu’à piller les caisses de l’Etat pour préparer sa fuite. A leur arrivée
au pouvoir, les Sandinistes disposent, en tout et pour tout, de trois millions et demi de
dollars en banque. 45
15. La structure générale de l’économie nicaraguayenne constitue pour le nouveau
pouvoir un héritage bien plus nuisible encore : elle correspond avec une précision
dramatique au modèle de république bananière agro-exportatrice dépendante du
marché mondial et génératrice d’un endettement improductif. 46
39
Le Nicaragua a basé son développement d’une part, sur un secteur
hypertrophié d’exportation de produits de base, et d’autre part, sur un appel constant
aux investissements étrangers! L’économie est donc extrêmement dépendante de
l’extérieur, en particulier des Etats-Unis qui achètént près du tiers de la production
exportée et d ’où proviennent la majeure part des capitaux investis. 47
Le pays est aussi vulnérable à la moindre chute des cours de certaines matières
premières, ou encore aux aléas climatiques influant sur leur production : en 1979,
près de 50 % des recettes d’exportation proviennent de deux produits, la banane et le
coton. 48 H est aussi amené à solliciter une assistance financière qui, loin d’être
réinvestie, ne sert qu’à éponger des déficits chroniques. Cette assistance se chiffre en
moyenne à 350 millions de dollars par an, 450 millions en 1977 et 1978. 49 On ne
s’étonnera donc pas que la dette nicaraguayenne soit en 1979 une des plus lourdes au
monde par habitant. 50 Sur ce point également, les Etats-Unis jouent un rôle
primordial, que ce soit par l’octroi direct de prêts-secteur public ou privé-ou par
l’intermédiaire d’organismes financiers internationaux sur lesquels ils exercent une
influence prépondérante. 51
16. Dans ce contexte, une orientation immédiate du Nicaragua vers le camp
socialiste aurait été suicidaire. En effet, le régime est à sa naissance doublement
dépendant d’une aide financière extérieure : non seulement, nous venons de le voir, il
doit réparer les effets néfastes du passé, mais, en outre, il doit financer une politique
économique ambitieuse (lutte contre l’analphabétisme, amélioration de la santé, mise
en place d’une réforme agraire). 52 Or, se tourner dans ces conditions vers F Union
soviétique eût été totalement inadéquat et ce, pour deux raisons :
1) Le coût global se serait révélé encore plus élevé. Les problèmes de pièces
détachées et l’inadaptation de la technologie et des procédés d’utilisation auraient
signifié l’obligation de réorienter entièrement l’économie. 53
40
2) Un rapprochement sérieux avec l’URSS est évidemment incompatible avec le
maintien du financement occidental. Or, on peut sérieusement douter de la volonté et
de la capacité des autorités de Moscou de payer à eux seuls la facture.5^
Ainsi, iî ne reste qu’une alternative au jeune régime révolutionnaire : solliciter
une aide massive des capitaux occidentaux en vertu desquels toute l’économie est
organisée, afin d’entamer en processus d’accumulation qui permettrait à moyen terme
de réaliser l’indépendance véritable du pays. 55
Section2
Le régime sandiniste développe une politique basée sur une politique
d'alliance avec la bourgeoisie.
17. Cette déclaration d’Humberto Ortega résume on ne peut mieux les
préoccupations du FSLN en 1979 :
"La révolution doit passer par une phase de "reconstruction
nationale" ... La participation de la bourgeoisie devrait nous
permettre de réussir plus facilement dans cette entreprise.
J ’insiste sur le fait que la bourgeoisie, comme le
mouvement révolutionnaire qui aspire au socialisme, sont
tenus d’asseoir d’abord les bases objectives sur lesquelles
ils pourront ensuite développer leur projet." 56
En réalité, il ne s’agit nullement d’une politique nouvelle. Le succès de la lutte armée
a précisément été dû à ce pragmatisme : les sandinistes sont parvenus au pouvoir
grâce à une combinaison inédite des formes de lutte et, parmi ces dernières, la
négociation n’a pas été la moins importante. 57 C’est pourquoi, la'tendance qui
domine le FSLN en 1979 est celle qui a réussi à rallier la bourgeoisie à la révolution.
L’aspiration au maintien de cette coalition ne nous étonnera donc pas. Ainsi, le
41
FSLN a adopté diverses mesures afin de préserver la confiance de la bourgeoisie (§
18 ), politique totalement inconciliable avec un resserrement des liens avec l’URSS
® 9).
18. Le nouveau gouvernement a véritablement multiplié les concessions en faveur
de la bourgeoisie. D’une manière générale, il évite de mettre immédiatement en
oeuvre des réformes profondes de la société. La réforme agraire ne concerne que de
très gros propriétaires, ainsi que ceux qui refusent de maintenir une certaine
production. 58 De même, les nationalisations ne touchent que quelques gros secteurs
de l’économie (banques, assurances, commerce extérieur...). La contribution du
secteur public au PIB reste de 41 % en 1980, alors que le secteur privé emploie
toujours 80 % de la population active. 59 Enfin, sur le plan extérieur, le
gouvernement sandiniste choisit de respecter les engagements du Nicaragua et
négocie le problème de la dette somoziste, 60 n continue dès lors de bénéficier de
divers crédits en provenance des pays capitalistes.
Le FSLN ne peut également que rassurer la bourgeoisie lorsqu’il réprime les
mouvements gauchistes qui revendiquent une radicalisation immédiate de la
révolution (arrestation des principaux dirigeants de Frente Qbrero. fermeture du
journal El Pueblo). D’autant qu’en revanche il n’hésite pas à bloquer les salaires, à
suspendre le droit de grève et à exalter continuellement le productivisme. 62
Enfin, les Sandinistes adoptent des mesures qui avantagent directement la
bourgeoisie et ce, principalement :
1) au plan économique : citons le crédit, abondant et bon marché, un régime
préférentiel pour l’obtention de devises, ainsi que des facilités diverses dans le
domaine fiscal;6S
2) au plan politique : mise en place d’un régime pluraliste, liberté de presse,
perspective d’élections.... 64
42
On mesure à travers l’énoncé de ces mesures toute l’importance qu’attache le FSLN
au maintien de la collaboration de la bourgeoisie.
19. Or, un ress^rement sérieux des liens avec l’URSS était incompatible avec la
réalisation de cel&imbition. La bourgeoisie rechigne déjà à participer à la
reconstruction : les investissements chutent, la fuite des capitaux se poursuit, la
production stagne 65, Et quel meilleur prétexte à invoquer qu’une influence
soviétique excessive? Dès la mi 80, Alfonso RAbelo, une des figures de proue de la
bourgeoisie, lance une croisade contre "l’impérialisme communiste" et dénonce la
"mçnace du KGB contre le Nicaragua" 66 (
En ce domaine plus qu’en tout autre, la prudence s’imposait donc.
20. En définitive, il était évident qu’en 1979 le régime sandiniste ne peut ni ne
veut s’engager dans le camp socialiste. L’obligation dç drainer les capitaux privés
pour relancer l’économie a pour conséquence la nécessité impéralive de maintenir
ses liens avec la bourgeoisie, tant au plan interne qu’au plan international. Un
rapprochement substantiel de PUnion Soviétique aurait tout simplement signifié la
mort du projet politique sandiniste.
43
PARTIE II LA NAISSANCE PUIS L’AMPLIFICATION DE LA GUERRE ONT
POUR CONSEQUENCE UN RESSEF&MENT RELATIF DES LIENS
ENTRE L’URSS ET LE NICARAGUA
Nous venons de constater à quel point îa prudence caractérisait les attitudes de
l’URSS et du Nicaragua l’un envers l’autre en 1979. Cette position s’est-eiîe
maintenue par la suite? Il semble que oui puisque, s’il est vrai que les liens se sont
ressemés entre les deux Etats, cela ne s’est opéré que dans la mesure où le
développement de la guerre au Nicaragua l’a rendu absolument indispensable. La
remarque vaut tant sur le plan économique (chapitre I) que sur le plan politique
(chapitre II)
Chapitre I UNE RESSEÆMENT DES LIENS ECONOMIQUES OUI NE
S’OPERE QUE DANS LA MESURE OU
L’AMPLIFICATIONDE LA GUERRE L’EXIGE
22. Nous allons voir que, malgré l’amplification énorme des besoins de l’économie
nicaraguayenne entraînée par îa guerre (section 1), le commerce avec l’URSS reste à
un niveau raisonnable (section 2).
Section 1 La guerre entraîne une amplification énorme des besoins de
i’économie nicaraguayenne.
23. Dans un premier temps, le comportement de l’économie nicaraguayenne
s’avère encourageant 67. L’année 1984 voit cependant le début d’une longue période
de récession qui co ïncide avec l’amplification de la guerre. Il en résulte une
amplification substantielle des besoins en aide extérieure , amplification résultant non
seulement du facteur économique , mais aussi de ses conséquences sociales.
44
24. Sur le plan économique, la guerre inflige d’abord au gouvernement sandiniste à
la fois une diminution des recettes et une augmentation des dépenses. Envisageons
ces deux phénomènes successsivement :
1) La multiplication des zones de combat se traduit par une réduction des surfaces
cultivées et de la force de travail disponible, ainsi que par une destruction partielle de
l’infrastructure 68. La conséquence immédiate : une chute de îa production, et, donc,
une baisse des revenus tirés de l’exportation 69. o , nous savons que toute
l’économie est basée sur ce secteur.
2) La mobilisation des ressources vers la défense, que ce soit pour combattre la contra
elle-même ou pour se prémunir contre une intervention éventuelle de l’armée nordaméricaine, représente rapidement plus de 50 % du budgetnational. 70 j] faut
également relever le caractère quali tatif des dépenses militaires : d’une part, ce sont
les meilleurs cadres du pays qui travaillent dans ce secteur, d’autre part, les achats
d’armement s’effectuent en devises. 71
Ce déséquilibre deviendra de plus en plus difficile à financer pour le gouvem ement
révolutionnaire. En effet, ce dernier ne peut plus compter sur un apport substan iel
en capitaux privés, dont la venue est décour a.gée par l’augmentation drastique des
•
risques
d’investissements. 72. Par ailleurs, l’embargo établi par les Etats-Unis et les
pressions de ce pays au sein des institutions bancaires internationales rend p l us
laborieuse encore l’obtention de crédit, d’autant que le Nicaragua n’est plus toujours
capable d’honorer certains engagements. 73
Les autorités sandinistes doivent réagir. Elles optent pour une politique
monétaire expansive, c’est-à-dire l’utilisation de la planche à billets : il s’agit
d’obtenir une stimulation de la production qui doit servir à la fois à diminuer les
ruptures d’approvisionnement et à juguler l’inflation. 74
L ’échec de ces mesures est cuisant. Le marché noir s’est généraliséet surtout,
la flambée des prix se poursuit. 75 On comprendra que, dans ce contexte, le régime
est de plus en plus dépendant de l’aide extérieure.
45
25. D’autant que le chaos économique a aussi pour conséquence un certain
effritement de sa base sociale. I! faut cependant nuancer l’affirmation selon les
régions.
Dans les campagnes, le FSLN est peu ou prou parvenu à maintenir son assise.
Faisant suite à la campagne d’alphabétisation, la réforme agraire a pleinement rempli
son objectif : satisfaire la paysannerie afin de priver la contra de toute implantation
sociale. 76 D’autre part, les difficultés d’approvisionnement sont, en région rurale,
fortment atténuées par la possibilité de consommation directe. Enfin, la hausse des
prix profite évidemment aux producteurs.
Toute différente est la situation dans les villes. D’un point de vue général, le
danger de la guerre s’y manifeste de façon peu spectaculaire puisque les combats ne
se déroulent qu’en région rurale. Il en résulte que ni les privations matérielles, ni
l’instauration du service militaire obligatoire, ne sont bien acceptées. 77 Les
différents groupes sociaux réagissent cependant de manière différente. La petite
bourgeoisie supporte d’autant plus mal l’économie de guerre que celle-ci va de pair
avec un système de restrictions des libertés politiques. 78 Quant aux masses
populaires urbaines, elles sont bien plus durement touchées par îa crise, même si un
minimum d’approvisionnement en produits de base est assuré par le rationnement et
si le gouvernement maintient dans une certaine mesure ses dépenses dans le domaine
de la santé ou de l’éducation. 79 C’est pourquoi, les critiques se font de plus en plus
intenses au sein-même de la base sociale du Front sandiniste. 80
26. Le gouvernement subit donc de plein fouet les conséquences de la guerre. Il
f
estimpératif pour lui d’entretenir une base sociale minimum, que ce soit généralement
en maintenant vaille que vaille l’économie à flot, ou en continuant par des mesures
particulières à assurer des conditions de survie aux plus démunis. Or, cette politique
exige un financement de plus en plus difficile à obtenir, non seulement à l’intérieur
du pays, m&is aussi nous l’avons vu auprès de certains Etats et organismes
occidentaux.
Le Nicaragua semblait dès lors devoir se diriger tout droit vers une demande accrue
de soutien au camp socialiste...
Section 2 Les liens économiques entre l’URSS et le Nicaragua ne se resseÆnt
que dans la mesure où l’amplification de la guerre l’exige.
27. L’évolution de la structure du commerce extérieur nicaraguayen peut être
présentée comme suit
NICARAGUA«STRUCTURE
EXPORTATIONS
ET
1977
ANNEE
E x p o r t a t i o n * FDB
KCCA ( 2 >
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CEE ( 4 )
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0.6
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21 . 4
100.0
000.0
47
Une chose frappe immédiatement à la lecture de ces chiffres : le commerce du
Nicaragua avec les pays du CAEM a augmenté à un rythme très rapide. De 1977 à
1986, les exportations passent de 1 à 20,4 % du total, tandis que les importations
augmentent de 0,3 à 48 % pour la même période; l’explication du phénomène semble
a priori tout aussi évidente : il ne se développe significativement qu’à partir du 1984,
année où l’économie nicaraguayenne devient véritablement une économie de guerre.
Mais s’est-il agi là du seul facteur pertinent? Il semble bien qu’il faille répondre
par l’affirmative et ce, eu égard à un examen tant quantitatif (§28) que qualitatif (§
19) des relations commerciales URSS - Nicaragua.
28. Le FSLN a toujours été clair sur son désir de diversifier son commerce
extérieur dans l’optique de s’assurer une indépendance économique. A l’époque de
Somoza, ce sont essentiellement des pays capitalistes occidentaux - et en particulier
les Etats-Unis - qui vendent et achètent au Nicaragua. Les échanges avec les pays
socialistes existent, mais restent à un niveau extrêmement limité : ils servent
seulement à écouler quelques excédents (1% des exportations). L’aspiration à une
modification de cette situation provient aussi des conditions avantageuses offertes par
le camp socialiste ; îe terme atteint parfois 12 ans, le délai de grâce 3, les intérêts
peuvent friser les 2,5% et les paiements par compensation, tout comme les
renégociations éventuelles, restent possibles 82
Cette conjoncture favorable explique en partie la croissance du commerce avec
les pays du CAEM. Mais elle ne peut justifier l’ampleur du phénomène. En réalité,
seule une prise en compte du développement progressif de la guerre est de nature à
nous fournir une explication cohérente.
48
Pendant les premières années du régime sandiniste, le resseÆment des liens
économiques reste limité 83. Effectivement, seules les exportations croissent en
termes relatifs, tout en se maintenant, sauf en 1983, à un niveau de 6-7%. L’attitude
des deux pays est bien compréhensible. Le Nicaragua trouve de nouveaux débouchés
pour ses matières premières, tout en évitant une soudaine réorientation incompatible
avec son projet politique 84. Quant à l’URSS, elle ne fait que mettre en pratique sa
théorie traditionnelle de l’établissement des liens économiques avec des régimes
progressistes 85. Sa prudence extrême se manifeste intensément jusqu’en 198Î,
puisque ce n’est que cette année que la croissance devient substantielle. Ainsi, en
termes absolus, les recettes d’exportation en provenance du CAEM n’augmentent
même pas de 50% entre 1977 et 1980, et cette croissance ne peut être entièrement
attribuée à Î’URSS puisque Cuba intensifie dès 1979 ses relations économiques avec
le régime sandiniste 86.
Il en va certes tout autrement à partir de 1984. Mais comment ne pas y voir
l’obligation du Nicaragua de restruc&er en profondeur son commerce extérieur à la
suite de l’amplification de la guerre?
En ce qui concerne les exportations , on constate que l’embargo décrété en
avril 1985 par Ronald Reagan 87 a pour effet d’obliger le pays à trouver de nouveaux
débouchés pour près de 40% de ses ventes (Etats-Unis, Japon, Canada). Or si la part
du CAEM passe de 6,2% (1984) à 20% (1986), celle de la CEE croît dans le même
temps de 29,3 à 55%. Le Nicaragua a bien eu pour réaction de diversifier autant que
possible ses partenaires.
Les choses sont moins claires en ce qui concerne les importations. De 1983 à
1987, les achats en provenance du MCCA (Amérique Centrale) et des Etats-Unis
passent respectivement de 23,9 à 6,1 % et de 27,5 à 0,6 % du total alors que les
besoins de la défense nicaraguayenne explosent. S’il est vrai que la CEE supplée
49
partiellement cet effondrement (7,9 à 14 %), c’est effectivement le CAEM qui
devient le principal importateur de substitution (0,2 à 48 %). Il faut cependant
remarquer que, pendant cette période, les recettes d’exportation ont chuté (429 à 223
millions de dollars) alors que le coût des importations s’élevait légèrement (806,9 à
880 millions). Le Nicaragua avait donc besoin d’un nouvel importateur offrant des
conditions de financement particulièrement souples. Or, tel n’est pas le cas de îa
CEE. 88
Nous pouvons conclure que seuls les effets de l’amplification de îa guerre
expliquent l’accroissement de la dépendance du Nicaragua à l’égard de î’Union
soviétique. Mais ceci ne vaut que pour les importations. Pour les exportations, le
même phénomène s’observe mais avec la Communauté européenne.
29. Envisageons à présent le problème sous un angle qualitatif, c’est à-dire non
plus s le volume global de marchandises achetées ou vendues par un Etat, mais
selon la composition par produits de ce voîume.
La dépendance du Nicaragua apparaît beaucoup plus dramatique. En effet,
l’URSS fournit la quasi-totalité des approvisionnements, d’une part, en armements,
d’autre part, en pétrole. En période de guerre, ces secteurs sont bien évidemment
vitaux pour une économie. Cependant, force est de constater, une fois encore,que
cette dépendance s’avère exclusivement due à l’amplification de la guerre.
Examinons l’évolution du commerce de ces deux produits.
1. Armements
Dans les mois qui suivent le triomphe de la révolution, le FSLN s’adresse aux
Occidentaux pour obtenir un soutien- militaire, et en particulier au)( Etats-Unis. 89
Eden Pastora, alors dirigeant sandiniste, avdfit Cyrus Vance dès le 10 août 1979 que
le Nicaragua, si les pays occidentaux refusaient de lui fournir des armes^serait obligé
de les chercher auprès du "bloc socialiste ou autre part". 90 Seule la France répond
timidement à cet appel, mais Managua n’obtient qu’un seul contrat. 91
50
Ce n’est donc qu’ensuite, lorsque Faccroissment des activités de la contra rend
urgent un approvisionnement substantiel, que l’URSS est amenée à s’ériger un
fournisseur attitré. D’ailleurs, il est incontestable que les armements acquis sont
restés strictement appropriés aux besoins de la guerre. Particulièrement révélateur à
cet égard est l’exemple du matériel aérien : FUnion soviétique refuse de livrer des
avions à réaction Mig 21, jugés trop provocateurs envers les Etats-Unis, mais accepte
de vendre quelques hélicoptères de combat Mi 24, ceux-ci ne pouvant être considérés
que comme exclusivement destinés à la lutte antiguérilla. 92
2. Pétrole
Le problème présente des aspects similaires. Avec une facture pétrolière
absorbant près de la moitié des recettes d’exportation, le Nicaragua est co_ntraint de
trouver des fournisseurs lui octroyant des facilités de paiement.
Le Vénézuela s’est montré dans un premier temps disposé à jouer un tel rôle.
Mais, dès 1983, il suspend ses livraisons sous prétexte de retards dans le
remboursement. 94 Pourtant, le Nicaragua était loin d’être le seul Etat
latinoaméricain à ne pas respecter scrupuleusement ses échéances. Cette décision
apparaît donc de nature essentiellement politique. 95
Le Mexique a également livré du pétrole au régime sandiniste. 96 Mais il
semble que la situation financière catastrophique de ce pays et les pressions
consécutives d’institutions comme îe FMI aient eu raison de cette relation
commerciale. 97 En 1985, les fournitures sont interrompues.
Depuis cette date, F URSS est devenu le pourvoyeur quasi-exclusif du
Nicaragua en pétrole. 98 u s’agit donc une fois encore, non pas du fruit d’une
volonté réelle, mais du résultat de circonstances de fait consécutives à l’isolement du
55
régime sandiniste. L’Etat soviétique ne s’est d’ailleurs nullement montré disposé à
assurer la continuité de l’approvisionnement en pétrole : à plusieurs reprises, des
demandes nicaraguayennes n’ont pas été satisfaites et le gouvernement s’est vu
obligé de restreindre encore la consommation d’énergie. 99
30. Au terme de ce bref aperçu des relations économiques soviétonicaraguayennes, on peut tirer deux conclusions :
1) En dépit des besoins énormes nés de l’amplification de la guerre, Se resserrement
des liens commerciaux entre les deux Etats est resté comparativement raisonnable.
Cependant, une certaine dépendance en a bel et bien résulté, le Nicaragua étant
devenu presqu’exclusivement tributaire de l’URSS dans certains secteurs cruciaux de
son économie.
2) Cette dépendance ne s’avère toutefois pas alarmante, puisqu’elle paraît tributaire
de la résolution d’un problème conjoncturel : la guerre. Celle-ci n’a pas entraîné une
réorientation structurelle de l’économie nicaraguayenne. Bien entendu, une
prolongation excessive de cette situation serait de nature à modifier cet état de fait.
Chapitre II DES AFFINITES POLITIQUES ET IDEOLOGIQUES OUI RESTENT
LIMITEES A UNE OPPOSITION COMMUNE AUX ETATSUNIS
81. Le réchauffement des relations économiques que nous venons d’observer ne
pouvait manquer d’exercer une influence sur les positions officielles exprimées par
les dirigeants des deux Etats. Les sandinistes, en particulier, seraient bien malvenus
de "cracher dans îa soupe" en critiquant ouvertement la politique du Kremlin.
Toutefois, nous allons voir qu’aucune pression significative ne semble avoir été
exercée sur le FSLN, qui a plus manifesté son opposition aux Etats-Unis que son
52
soutien à l’Union soviétique (section 1). Et la réciproque est pîus vraie encore
(section 2).
Section 1 Le régime sandiniste manifeste plus son opposition aux Etats-Unis
que son soutiers à l’URSS.
32. En réalité, les officiels sandinistes parlent peu de î’Union soviétique. Certains
croient découvrir dans cette attitude un silence complice. MO D’autres sont plus
familiers de la réalité historique nicaraguayenne. Tel est le cas du Père Miguel
d’Escoto, premier ministre des affaires étrangères du gouvernement révolutionnaire,
lorsqu’il explique :
"Nos relations ne sont pas fondées sur des théories, mais sur une
expérience vécue. L’URSS n’a jamais défendu Somoza. Elle n’a jamais
armé ceux qui ont massacré notre peuple". 101
L’histoire du Nicaragua se confond avec celle de l’impérialisme des EtatSUnis
en Amérique centrale. Un impérialisme séculaire; dès 1855, un flibustier nord
américain s’auto-proclame président de ce petit-pays, 102 Un impérialisme arrogant;
Roosevelt déclare à propos de Somoza : "c’est un parfait fils de pute, mais c’est notre
fils de pute". 103 u n impérialisme révoltant; Sandino devient une figure mythique
du nationalisme nicaraguayen en faisant - et en payant - de sa vie un long combat
contre les Etats-Unis. 104
Comment s’étonner dans ces circonstances que le régime sandiniste craigne
davantage, une intervention nord-américaine qu’un éventuel hégémonisme
soviétique? 105
53
33. Le Nicaragua préfère donc consacrer ses efforts à une dénonciation quasiquotidienne de l’impérialisme nord-américian. Mais cela ne signifie nullement une
allégeance envers TUnion soviétique. A cet égard, le forum par excellence de
l’expression des positions officielles, l’Assemblée générale de I’ONU, nous fournit
une excellente perspective pour apprécier le comportement sandiniste. 106
Table 9.1
A Comparative Perspective on Nicaragua's UN Voting, 1979-1985
GENERAI ASSEMBLA SESSION
{t Comnon Votes)
US
USSP.
ir.ajcri ty Latin America
Mexico
Venezuela
Costa Rica
Panama
India
Tanzania
Nicaragua
Average
34
35
36
37
38
39
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0
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82
82
80
90
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E4
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74
76
77
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98
4
87
83
91
83
82
82
96
87
14
67
92 ■
57
92
83
92
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5
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92
78
68
76
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Ü
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14
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84
11
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US
USSR
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71
8
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18
82
11
61
14
82
14
61
11
62
8
58
Venezuela
US
USSR
14
79
4
96
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63
21
74
17
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14
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8
68
14
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Cuba
US
USSR
2
94
0
100
0
100
0
100
Ö
96
8
78
5
89
3
94
Based on a variety of thirty-six votes recorded during the September to December sessions in each of the
seven years; Session 34: September, 1979-December, 1979; Session 40: September to December, 1985. Data
are from the UN Department of Public information, Press Section.
54
A la lecture de ce tableau, deux remarques méritent d’être formulées :
1) On relève au cours de ces 7 sessions une moyenne de 84 % de votes concordant
avec ceux de l’URSS pour seulement 5 % avec ceux des Etats-Unis. Cette proportion
s’observe dès 1979 et ne se modifie guère par la suite. A priori, on pourrait en
conclure non seulement qu’il y a alignement sur le camp socialiste, 107 niais aussi
que la guerre n’a exercé aucune influence sur le phénomène.
2) D’un examen plus approfondi ressort un tout autre enseignement. Si on prend en
compte les habitudes de vote d’autres Etats de la région caraïbe, on constate qu’elles
s’avèrent indéniablement comparables à celles du Nicaragua. 108 fl faut dire que les
Etats-Unis sont intervenus dans cette région plus de 75 fois en un siècle et demi. 109
On pourrait évidemment remettre en question ce point de vue en mettant en
exergue la position sandiniste sur telle ou telle question précise, supposée révélatrice.
Il serait cependant toujours possible de lui en opposer une seconde. Ainsi, si le
Nicaragua s’abstient lors du vote condamnant l’URSS pour son invasion de
l’Afghanistan, il refuse de se joindre au boycott des jeux olympiques de Los Angeles.110
On a aussi souligné l’existence de certains accords. Ainsi, les relations du
FSLN avec le PCUS ont été institutionnalisées en 1980 ... tout comme celles avec
l’internationale socialiste. 111 D’autre part, le Nicaragua a acquis le statut
d’observateur au sein du CAEM ... au même titre que l’Irak, la Finlande ou le
Mexique. H 2
34. En définitive, une seule explication cohérente subsiste : la politique extérieure
sandiniste s’apparente à une participation active au mouvement des non-a!ignés. Plus
particulièrement, elle consiste à développer un bloc anti-impérialiste sur le continent
latino-américain, avec parfois un certain succès comme lors de la crise des Malouines
55
Section 2 L’URSS manifeste beaucoup plus son opposition aux Etats-Unis que
son soutien au Nicaragua.
35. Dès le lendemain de leur prise de pouvoir, Leonid Brejnev envoie un
télégramme de félicitations aux nouveaux dirigeants nicaraguayens. Quant à la
Pravda. elle parle de "victoire sur l'impérialisme aux portes des Etats-Unis".1^
Selon la conception soviétique sur l’Amérique latine, la naissance d’un régime
révolutionnaire doit permettre, en plus de l’établissement d’un climat favorable à
l’émergence d’expériences similaires, un allègement de la menace nord-américaine
sur Cuba. 114 II s’agit donc avant tout d’assurer la survie du nouveau régime. Dans
cette perspective, sensibiliser l’opinion publique mondiale au comportement agressif
des Etats-Unis devrait décourager une intervention de leur part. C’est pourquoi, la
presse soviétique dénonce quotidiennement la guerre larvée que subit le Nicaragua :
exactions des contras, agissements de la CIA, militarisation du Honduras H5 Ainsi,
une pression idéologique est exercée en permanence contre la politique de
Washington 1*6.
Mais le Nicaragua bénéficie-t-il complémentajre^d’un véritable soutien?
Nous allons voir que si un appui soviétique existe effectivement, il présente un
aspect essentiellement relatif (§36) et a encore tendance à s’amenuiser depuis
l’arrivée au pouvoir de Mikhaïl Gorbatchev (§37).
36. La lenteur de l’engagement soviétique au Nicaragua a déjà été révélée au plan
économique. Elle s’est aussi manifestée par ailleurs. Ainsi, c’est seulement trois
mois après le triomphe de la révolution que les deux Etats établissent des relations
diplomatiques, et ce n’est qu’en janvier 1980 que les premiers échanges substantiels
de personnel d’ambassade ont lieu. 117 Moscou semble douter de la survie du
régime. H 8
56
Cependant depuis 1981, les déclarations de soutien se multiplient dans le chef
des officiels soviétiques. Encore faut-il s’entendre sur la signification de ce soutien.
Deux remarques doivent être émises à cet égard :
1) Il faut exclure toute perspective de soutien militaire.
2) Ce soutien paraît subordonné au maintien de la ligne politique modérée des
Sandinistes.
Examinons successivement les deux éléments qui nous font conclure au
caractère relatif de l’appui soviétique.
1. Exclusion de tout soutien militaire
La phraséologie utilisée pour désigner le Nicaragua est révélatrice de la
prudence du Kremlin. En effet, on évoque un "pays qui s’est engagé dans une voie
nouvelle de développement"*^ , une "démocratie populaire anti-impérialiste", 1^0 ou
encore un Etat "à orientation socialiste". 121 Or, ces pirouettes sémantiques n’ont
d’autre signification que le refus d’une promesse de soutien militaire. Cuba, par
exemple, est toujours qualifié purement et simplement de "pays socialiste" ou au
moins de "membre de îa communauté socialiste", ce qui n’était pas le cas au début de
îa révolution castriste. 122
Mais les Soviétiques ont parfois exprimé plus explicitement leurs intentions.
Ainsi, à î’occasion de la visite du président Ortega à Moscou, l’agence TASS câble :
"L’URSS continuera à accorder au Nicaragua son soutien
politique et diplomatique dans la défense de sa
souveraineté". 123
57
D’autre part, un représentant du Ministère des affaires étrangères précise au
cours d’une conférence de presse à Managua quelle serait la réaction de FUnion
soviétique en cas d ’agression directe des Etats-Unis :
"Nous appuierons îe Nicaragua politiquement en toute
circonstance". 124
Pour ceux qui en doutaient encore, l’épisode de îa Grenadea démontré que les
affirmations de passivité des officiels soviétiques ne recouvraient pas des déclarations
d’intention^ 125 Je Front sandiniste ne peut se faire aucune illusion sur ce point.
2.
Subordination du soutien au maintien d’une ligne politique modérée.
L’appui verbal de l’URSS ne semble pas présenter un caractère inconditionnel.
Il s’accompagne , en effet, d'appels pressants à la modération adressés aux dirigeants
sandinistes. Visiblement, Moscou ne tient pas à soutenir un processus
révolutionnaire qui nécessiterait un coût financier dont l’ampleur peut être évaluée
grâce à l’expérience cubaine. 126
En 1981 est publié à Moscou un ouvrage reprenant les réflexions des plus
grands spécialistes soviétiques de l’Amérique latine. 127 Son contenu apparaît
représentatif des déclarations ponctuelles que l’on pourrait relever ci et là. Le
message est limpide. Ainsi, Serge Mikoïan met l’acçent sur le caractère impératif
d’une alliance la plus large, tant sur le plan interne qu’international. Dès lors,
condamnant vigoureusement les "éléments gauchistes" au Nicaragua, il prône une
politique économique raisonnable (assimilable à îa NEP) et une "tolérance à
Fencontre du capital étranger" 128. Quant à Vladimir Davydov, son article, "la base
objective des transformations socio-économiques" est encore plus clair :
58
"En raison de la maturité capitaliste insuffisante,... la durée
prolongée de la transition est une nécessité objective"
(souligné par l’auteur). 129
Si l’expérience sandiniste semble avoir quelque peu bouleversé les théories
soviétiques traditionnelles sur la prise de pouvoir (réhabilitation de la lutte armée),
130 rien n’a changé quant à son exercice : la prudence reste le leitmotiv.
37. L’arrivée au pouvoir de Mikhaïl Gorbatchev et l’instauration d’un processus de
"restructuration" sur le plan interne ne pouvaient manquer d’exercer une influence sur
la politique extérieure soviétique. Inutile d’exposer en détail les objectifs de la
"perestroïka" pour se rendre compte que le soutien soviétique à des régimes comme
le Nicaragua sandiniste est amené à s’amenuiser au cours de son développement.
Contentons-nous d’envisager successivement deux de ses grandes lignes directrices, à
savoir :
1) L’accent mis sur la relance de l’économie, au plan interne
2) La nécessité consécutive du maintien de la détente au plan international.
1. Accent mis sur la relance de l’économie
La nécessité impérieuse du rétablissement de Vefficacité économique remet de
plus en plus en question le soutien aux pays du Tiers monde. Récemment, un député
soviétique s’est indigné des dépenses consacrées à l’aide aux Etats latino-américains,
chiffréS à 7 milliards de dollars :
"Cette seule source nous suffirait pour maintenir le marché
de consommation pendant'-'quelques années nécessaires pour
59
nous tirer d’affaire et nous engager réellement dans ia voie
des réformes". 131
De tels propos ne restent pas sans écho. Ainsi, Alexandre Yanov,
commentateur soviétique, les met en rapport avec ceux d’un autre député :
"J’ai vu les sociétés florissantes ... comme la Suède,
l’Autriche, la Finlande, la Norvège, les Pays-Bavs,
l’Espagne, le Canada. Je ne parle même pas de la Suisse :
c’est idéal! L’ouvrier dans cespays gagne 4 à 5 fois plus
que nos ouvriers à nous ... C’est là le socialisme réel". 132
La conception de ce journaliste, qui pourrait être perçue comme "progressiste"
par certains, est en fait tellement réactionnaire que Lénine la dénonçait déjà au début
du siècle. 11 ne s’agit en effet rien de moins que d’adhérer au vieil ordre économique
qui a permis dans un large mesure à l’Occident de financer son développement par
l’exploitation du Tiers monde.
Certes, telle n ’est pas encore la ligne soviétique officielle. Mais le débat est
lancé. Et on a déjà eu l’occasion de le percevoir au Nicaragua. L’URSS semble en
effet rechigner à maintenir son assistance économique : d’abord, certaines fournitures
sont interrompues, avec des conséquences parfois catastrophiques comme cela a été
le cas pour îe pétrole, 133 ensuite, les critiques portant sur la politique économique
des Sandinistes se font parallèlement plus fréquentes. 134
2. Nécessité consécutive du maintien de la détente.
Le maintien de 1a détente s’avère doublement avantageux dans l’optique du
développement de la "perestroïka" : d’une part, il doit permettre une diminution
drastique du budget de la défense, d’autre part, il est de nature à attirer les
investissements occidentaux en Union soviétique.
60
En Amérique centrale, cette préoccupation se traduit par un soutien accru au
processus de paix. Le Kremlin ne manque évidemment pas de se réjouir
officiellement à chaque succès de l’option diplomatique dans cette région. 135 Mais
il ne se limite pas à une attitude passive. Ainsi, la rupture des livraisons pétrolières
déjà évoquée peut apparaître comme une pression exercée sur les Sandinistes pour
qu’ils acceptent la signature des accords de paix d’août 1987, puisque ces livraisons
sont rétablies peu après. 136 D’autre part, les dirigeants soviétiques multiplient les
gestes de bonne volonté envers les Etats-Unis. En 1988, ils offrent l’arrêt des
fournitures d’armement au Nicaragua contre la fin de l’aide militaire nord-américaine
aux autres pays d’Amérique centrale. 137 Cet appel reste sans succès, le président
Bush exigeant au contraire une réduction unilatérale tout en maintenant son aide à la
contra 138. Pourtant, en octobre 1989, l’Union soviétique convient avec le Nicaragua
d’une suspension "pour une période encore indéterminée" des livraisons d’armes, afin
de créer des conditions les plus favorables au nouveau plan de paix 139 #
Même si cette suspension est assortie de certaines exceptions, elle apparaît
comme révélatrice du désir profond de Moscou d’éviter plus que jamais une
provocation qui serait de nature à menacer le climat de détente actuel.
38. En définitive, îa position de Î’URSS est restée relativement constante depuis
l’accession au pouvoir du FSLN. Elle s’est seulement radicalisée dans la mesure où
la réforme engagée sur le plan interne l’exigeait. Etant donné le développement
actuel de cette dernière, il y a gros à parier que, dès que les conditions locales le
permettront, on assiste à un désengagement soviétique de la scène centraméricaine.
61
CONCLUSION
40. L’objet de cette étude était de répondre à une question : l’invocation par les
Etats-Unis d’une subordination du Nicaragua à l’Union soviétique pour justifier leur
politique en Amérique centrale est-elle crédible?
A son terme ont été exposés tous les éléments qui nous permettent de répondre
par la négative.
Le principal enseignement des pages qui précèdent, c’est le caractère
essentiellement relatif de la subordination du régime sandiniste. Au point de se
demander si on peut parler de subordination : en dépit de îa dépendance qui est née
dans certains de ses secteurs névralgiques, l’économie nicaraguayenne ne s’est pas
structurellement réorientée vers l’URSS. Par ailleurs, personne ne peut soutenir qu’il
existe actuellement une menace militaire soviétique dans cette région du monde.
Enfin, les affinités politiques des deux régimes restent limitas à une opposition
commune aux Etats-Unis : les ennemis de mes ennemis sont mes amis.
Tout ceci n ’a rien d’alarmant. Mais qui s’alarme du rapprochement soviétonicaraguay^en?
Le régime sandiniste îui-même, c’est évident. Chaque pas qu’il franchit en
direction de l’URSS est utilisé comme prétexte par ses adversaires pour accentuer une
pression qui était précisément à l’origine de ce franchissement
L’Etat soviétique, certainement; lui qui rechigne à financer un soutien dont il
tire peu d’avantages et qui apparaît de plus en plus en contradiction avec les objectifs
de sa nouvelle politique économique.
Mais les Etats-Unis eux-mêmes, s’alarment -ils vraiment?
Le deuxième enseignement de cette étude, c’est l’existence d’un lien de causalité
entre l’amplification de la guerre au Nicaragua et le resserrement des liens entre cet
Etat et l’URSS. Sur base d’un tel constat, on peut conclure que c’est Washington qui
provoque ce resserement, car c’est bien Washington qui est à l’origine de la guerre.
62
On pourrait alors considérer que les Etats-Unis ne mesurent pas les
conséquences de leurs actes. C’est inconsciemment qu’ils favoriseraient ce
rapprochement. Toute leur politique serait donc fondée sur une gigantesque et
dramatique erreur de jugement.
Ceci est la thèse la plus communément admise. Ce n ’est pas du tout la nôtre.
Les Etats-Unis représentent la première puissance mondiale. Ils disposent de
ressources extraordinaires et, en tout cas dans une région d’une telle proximité, ils
bénéficient des informations les plus complètes. Des centaines de conseillers, des
spécialistes de toutes disciplines, des envoyés spéciaux travaillent sur cette question.
Or, depuis 1979, la situation évolue avec une rare limpidité. A chaque mesure
supplémentaire d’encerclement du régime sandiniste, un nouveau pas est franchi vers
l’URSS. Le rapprochement ne s’est pas opéré instantanément : il a été lent et
progressif. Il ne fallait pas être grand clerc pour anticiper le sens de l’histoire.
D’autant que l’expérience cubaine a suffisamment été étudiée pour ouvrir les yeux
aux moins perspicaces. Dans ces conditions, considérer que non seulement les
administrations démocrates Kennedy et Johnson, mais aussi les administrations
républicaines Reagan et Bush auraient involontairement favorisé le passage d’un Etat
révolutionnaire du Tiers monde dans le camp socialiste n’a pas grand sens. Il faut
toujours se méfier de l’explication d’un phénomène par 1’"inconscience" de ses
protagonistes : simplicité rime souvent avec facilité.
41. Les Etats-Unis se sont comportés d’une façon parfaitement cohérente face à la
révolution sandiniste. Presqu’immédiatement ils exercent une forte pression
économico-militaire de nature à asphyxier le nouveau régime, en même temps qu’ils
le présentent comme d’ores et déjà le jouet de l’hégémonisme communiste. A partir
de là deux options sont possibles :
soit le gouvernement est renversé, par quelque moyen que ce soit; le succès est
éclatant. La révolution échoue.
63
sok Ie régime devient effectivement dépendant de 5’Union soviétique. Le
succès n’en est pas moins réel.
En effet, dans le contexte de tensions que connaît le Tiers monde - et
particulièrement l'Amérique latine - présenter toute vélléité révolutionnaire comme
vouée indubitablement à une mise sous orbite de l’Union soviétique représente une
politique qui peut s’avérer efficace. Ici encore, îe précédent cubain est révélateur.
Fidel bénéficiait d'une extraordinaire popularité au début des années 60. Tel n’est
plus le cas aujourd’hui. De même, combien d’intellectuels ”de gauche” qui se sont
réjouis de la chute de la dictature somoziste ne qualifient - ils pas actuellement le
régime sandiniste de nouveau "goulag tropical". Grâce à la politique nordaméricaine, la révolution nicaraguayenne a, pour beaucoup, échoué. On conviendra
qu’il n’y a là aucun motif de s’alarmer.
42. Pour le moment en tout cas, car un tel plan est loin d’être sans risques-. Le
Nicaragua est jusqu’à présent parvenu à préserver une partie de sa popularité en
maintenant dans la mesure du possible la diversification de ses alliances. Quant à
l’URSS, elle consent de moins en moins à remplir son rôle.
En définitive, les Etats-Unis se comportent un peu à l’égard du Nicaragua à la
manière d’un mari qui pousse sa femme dans les bras de son pire ennemi pour
justifier le meurtre passionnel. Le problème, c’est que la femme n’accepte de jouer le
jeu que pour parvenir au célibat, tandis que l’ennemi ne le fait que pour nuire au mari.
C’est bien en ce sens qu’on peut considérer que les relations entre l’URSS et le
Nicaragua constituent des "liaisons dangereuses"...
Décembre 1989.
NOTES
64
(1) La moitié du commerce extérieur nord-américain transite par cette région, dont la
plupart des importations pétrolières, mais aussi de nombreux minerais çFimportance
cruciale. TREVERTON (Gregory F.), U.S.. Strategy in Centrai America, Survival.
March -, April 1986, p. 132, DÎ GIOVANNI (Cleto Jr), HARLEY (Mose L.rËnjeux
économiques et enjeux stratégiques, Problèmes politiques et sociaux, 26 juillet 1985,
p. 27, MILZA (Pierre), Washington et 1 Amérique centrale : la tentation
interventionniste. Politique internationale, été 83, p,26-27. D’autre part, la présence
de l’armée nord-américaine dans cette zone absorberait environ 15% du budget
militaire. GOROSTIAGA (Xabier), Origine et diagnostic de la crise, Amérique
Latine, Oct. 1984; p. 35, Mc COLM (Bruce), Central America and the Car bbean :
ÏÏüTLarger Scenario, Strategie Review. Summer 83, p. 29-30.
(2) M. Reagan précise au'fMonde'les objectifs de sa politique extérieure. Le Monde.
sel, hebdo. 15-21 avril 1984, p.3, RAMET (PedroJ), Soviet m roads in Latin America.
USIS Backgrounder, 1984, p.2 et ss; The Soviet - Cuban connection in Central
America âna the Canbbean. ÜSIS OfficiaTText, 22 mars 19H5, 20 p
(3) Pour une analyse des conséquences sociales de l’engagement nord-américain;
CORTEN (Olivier), Pourquoi le Salvador, le Honduras, le Guatémala et le Costa Rica
ont signé les accords de paix d’Amérique centrale, Contradictions. 1989.
(4) Cité par CLISSOD (Stephen), Soviet relations with Latin America 1918-1969,
London, Oxford University Press, 1970, p.3.
(5) Pour un exposé détaillé, voir; LEVESQUE (Jacques), L’URSS et la révolution
cubaine. Montréal, 1976, p. 66 et ss, 90 et ss.
(6) Ibid.
(7) Voir à ce sujet JULIEN (Claude), -L’Empire américain. Paris, Grasset, 1968,
p.89-214, ROUQUIE (Alain), L’Etat militaire en Amérique Latine. Paris, Seuil,
1982, p.148 et ss.
(8) TABARD (Gilles), Pion de Moscou ou champion du non-alignement? in Le
volcan nicaraguayen. Paris, La Découverte, 1985, p.120, VALENT A (Jiri), The
USSR. Cuba "and the Crisis in Central America. Working Papers, ni 98, Latin
American Program, Smithsonian institution building, Washington DC, 1981, p.6-7.
(9) WHELAN (Joseph G.), DIXON (Michael J.), The Soviet Union in the Thirld
World : threat to world peace?. Washington, Pergamon - Brassey’s, 1986, p,318-319.
(10) LEVESQUE (Jacques), op. cit..
(11) LOWY (Michael), Le marxisme en Amérique latine de 1909 à nos jours.
Anthologie, Paris, Maspero, 1980, p!48.
(12) LEVESQUE (Jacques), op. cit.. p.21. VARAS (Augusto), Ideology and Politics
in Latin American-USSR Relations, Problems of Communism, Jan-Feb 1984,p.35 et
ss.
(13) Voir par exemple; SILOBOV (A), Le mouvement paysan en Amérique latine,
Kommunist n° 12, août 1964, p.100-107.
(14) VARAS (Augusto), Ideology and Politics in Latin-American - USSR Relations,
op/cit.. p.35-47.
(15) LEVESQUE (Jacques), op. cit.. p.95.
65
(Î6) CASTRO (Fidel), La voie fondamentale, discours de clôture à la conférence de
TOLAS, août 1967, Paris, Maspero, 1967, p-12.
(17) Exception; la participation du PC vénézuélien à la lutte armée dans les années
60, condamnée d’ailleurs implicitement par les théoriciens soviétiques. Voir :
KUDACKIN (M), MOSTOVEC (N), Le mouvement de libération en Amérique
latine. Kommunist. n ^ ll. juillet 1964, p.121 etss.
(18) Voir par exemple l’article d’un membre du PC uruguayen : RODRIGUEZ (El,
Cuba et la révolution en Amérique latine, Kommunist. n° 16, novembre 1963, p. 100106 et les exemples cités dans LOWY (Michael). Le marxisme en Amérique latine de
1909 à nos jours, op. cit.
(19) EDELMAN (Marc), EEUU, Nicaragua, URSS, un triangulo explosivo, Nueva
Sociedad. marzo-abril de 1987, p.60 et ss, RICARDO (Garcia), Nicaragua, Le peuple
contre la dictature. La Nouvelle Kevue Internationale, déc 1977, n°20
(20) FO SECA (Carlos), Obras, Managua, 1982, p. 13.
(21) EDELMAN (Marc), Lifelines : Nicaragua and the Socialist Countries, NACLA.
Report on the Americas, June 85, p.40 et ss.
(22) JOXE (Alain). Socialisme et crise nucléaire. Paris, L’Heme, 1972, p^56 (à
propos du "Browderisme”).
______
(23) EDELMAN (Marc), EEUU, Nicaragua,URSS .... op. cit.. p.6L
(24) LEVESQUE (Jacques), op. cit., p. 149
(25) Voir à ce sujet; NIEDERGANG (Marcel), Les 20 Amériques latines. Tome 3,
Paris, Seuil, coll. points politiques, 1982, p,71.
(26) LEVESQUE (Jacques), op^cit, p.25 et ss.
(27) Jbid, p 43.
(28) ROTHENBERG (Morris), The Soviets and Central America in Central America
: Anatomy of Conflict, New York, Pergamon Press, 1984, p.133.
(29) KHATCHATOUROV (K), Moscou devant la politique des Etats-Unis en
Amérique latine, Le monde diplomatique, février 197/, p 11, EDELMAN (Marc),
The Orner Super Power : the USSR and Latin America : 1917 - 1987, Nacla. Report
on the Americas. ian/feb 1987. p.26.
(31) WEBER (Henri), La révolution sandiniste. Paris, Maspero, 1981, p* 73,
EDELMAN (Marc), EEUU - Nicaragua - URSS : un trianguio explosivo, op. cit.. p ,
63. Tel avait déjà été le cas de Sandino lui-même; SAUVAGE (Léo), Les Etats-Unis
face à P Amérique Centrale. Paris, Balland, 1985, p.214, VALENTA ( Jiri ), op. cit.,
(réf.note 8), p.l(x
(32) EDELMAN (Marc), EEUU Nicaragua URSS op. cit. p.63.
(33) ROTHENBERG (Morris), Latin America in Soviet Eyes, Problems of
Communism. sept-oct 83, p.15, KHATCHATOUROV (K), op. cit.. p.11.
66
(34) EDELMAN (Marc), The Other Super Power. The USSR and Latin America, op.
cit., p, 29.
(35) ZINOVIEV (N), Les liens économiques de l’URSS avec l’Amérique latine. La
vie internationale. n^L 1981, p. 116 et ss., VARAS (Augusto), Ideology and Pohtics
In Latin America. USSR Relations, op. cit.. p.39.
(36) OSWALD (JG), STROVER (J) eds, The Soviet Union and Latin America. New
York, Proteger, 1970, p.l 86, LEVESQUE (Jacques), op. cit., p.162 et ss.
(37) Ibiil* Ri *64, BERNER (W.W.)^ The Place of Cuba in Soviet Latin America
Strategy in The Soviet Union and Latin America, op. cit., p 98
(38) Ces deux pays représentent 90 % du commerce URSS - Amérique Latine;
ZINOVIEV (N), op.cit„p.l20
(39) Nicaragua, repercusiones de los acontedmientos recientes. CEP AL, dec.1979,
CRUZ (Arturo J.),Nicaragua’s Imperiled Révolution. Foreign Affairs. Summer 83, p.
J 035, ALANIZ, (Jorgej, Le suicide économique des Sancfinîstes, Politique
internationale, printemps 86, p*53
(40) HOUTART (François), NAGELS (Jacques), Nicaragua Révolution et contrerévolution, Bruxelles, Fondation Joseph Jacquemotte et Centre Tricontinental, 1985,
P-12
(41) Près d’un tiers des industries auraient été détruites : GOODSELL (James
Nelson), Nicaragua : an interim assesment, International Journal. Winter 81-82, p.98,
DUBOiS (Alessandro), STAES (Véronique), Le boycott économique et les effets
économiques de l’agression des Etats-Unis au Nicaragua in Tribunal des peuples sur
les interventions américaines au Nicaragua. Bruxelles, ~£d. Contradictions/éd.
Ouvrières/Vie Ouvrière, 1984, p*7î -72
(42) WEBER, (Henri), op. cit.. p.62 et ss: sur les erreurs de gestion commises par les
Sandinistes selon leur ^propre aveu; BORGE (Thomas), Interview : les réserves de
notre peuple sont inépuisables, Solidaire. 2 déc„87, GOROSTIAGA (Xavier),
Intrevista : la historia de opresiôn, de miseria, de dominación de A.C. ha terminado,
Noticias Aliadas. Feb.18, 1988, p.5-6
(43) Nicaragua, repercusiones de los acontedmientos politicos recientes. op.cit..
WEBER (Henri), op.cit. p.82
(44) Evaluée à plus de 330 millions par la CEPAL, cf> tableau reproduit dans
DUBOIS (Alessandro), STAES (Véronique), le boycott économique et les effets
économiques de l ’agression ..., op. cit.. p.68.,
(45) GUZMAN (Fernando), Entretien avec le directeur de la Banque Nationale de
Développement in Nicaragua : un espoir pour l’Amérique latine? Bruxelles, 1980, p.
(46) Pour plus de détails : CORTEN (Olivier), Eléments pour une analyse de la
situation actuelle en Amérique centrale, Contradictions, 1990 (à paraître)
(47) Voir tableau reproduit infra,
(48) EUGENIA GALLARDO (Maria), ROBERTO LOPEZ (José),
Centroamerica : la crisis en cifras. San José, 1986, p .90-91 et TORRES RIVAS
(Edelberto), EightlCevs for Understanding the Central American Crisis. Baltimore,
LARU StuaiesTSept.1982, p.65
67
(49) CONROY (Michael E.), Extemal dependence,extemal assistance and "economic
agression” against Nicaragua, Universitv of Notre Dame, Notre Dame, July 1984, p.
(50) Les chiffres ne sont pas unanimes sur le montant exact de la dette, cf,WEBER
(Henri), op. cit., p.82, EUGENIA GALLARDO (Maria), ROBERTO LOPEZ (José),
op. cit., p.125. Il semble cependant qu’elle tournait autour de 1,6 milliard de $.
(51) IJbid.
(52) GANDOLFI (Alain), Nicaragua. La difficulté d’être libre, Paris, 1983, p.107 et
ss.
(53) EDELMAN (Marc), Lifelines : Nicaragua and the Socialist Countries, op. cit.
(réf. note 21), p.43.
(54) WHELAN (Joseph G), DIXON (Michael J.), The Sovient Union in the Third
World : Threat to world peace? op. cit., réf.note 9, p.334-335, TABARD (Gilles), op.
cit.. réf.note 8, p J 21
(55) Ainsi, le Nicaragua bénéficie dans un premier temps de crédits substantiels •
Sandinista policies Create Nicaraguan economie crisis. USIS Official Text, May 7,^.
3-6, DE SEBASTIAN (Luis), La aeïla externa de Nicaragua, Afers intenacionaf- s. n°
9,1986, p.63-71
(56) ORTEGA (Humberto), La Reconstruction nationale, reproduit dans PISANI
(Francis), Muchachos (Nicaragua : Journal d’un témoin de la révolution sandiniste).
Paris, Encre, 1980, p.203-204.
"
(57) ZIEGLER (Jean), Contre l’ordre du monde. Les_ rebelles. Paris, Seuil. Coll.
Points Pol., 1983, p,219 et ss, DEBRAY (Regis), Nicaragua : une "modération
radicale". Le monde diplomatique, sept. 1979, p,6-9.
(58) HOUTART (François), NAGELS (Jacques), op.cit.. p.13.
(59) WEBER (Henri), op. cit.. p. 87 et ss et HOPKINS (Andrew), The Nicaraguayan
Révolution. A Comparative Perspective, AustraHan Outlook. April 1987, p.32 et ss.
(60) GOODSELL (James Nelson), op. cit.. réf.note 41, p.98
(61) Ibid. p.106, MANDEL (Ernest), (Interview) ]n Imprecor, 3 janv 85, pB26 27.
(62) GONZALES (Mike) Nicaragua : une révolution socialiste?, brochure socialisme
international, p.46 et ss, WEBER (Henri), op cit.. p.94 et ss.
(63) De 1979 à 1981, Le secteur privé a bénéficié de 80 % des crédits publics (taux
d’intérêt de 8 %), 80 % des devises et 88 % des exonérations fiscales du secteur
industriel; VANLANDUYT,opxit., Bruxelles, 1985, p.86.
(64) FERRARI - LOPEZ (Carlos), Des élections, pour quoi faire? in Le volcan
nicaraguayen. Paris,La Découverte, 1985, p.86 et ss. TEX 1ER, (Philippe), Quelles
atteintes aux droits de l’homme?, Ibid ; p,13 et ss, CAROIT (Jean Michel), La presse
: liberté sous surveillance, Ibid. p.25 et ss., DIÀZ ARBELAEZ (Juan), La prensa de
Managua face à la censure in Les contradictions du sandinisme. Paris, Ed. au CNRS,
p.185 et ss.
(65) La fuite des capitaux s’opère par divers jeux d’écriture (sous-facturation des
exportations, sur-facturation des importations ...); VANLANDUYT (Eric), op. cit.. p.
87; WEBER (Henri), p.92-93, GANDOLFI (Alain), op. cit.. p.109 et ss.
68
(66) CAROÎT (Jean Michel), SOULE (Véronique), Le Nicaragua : îe modèle
sandiniste, Paris, Le sycomore 1981, p.86
(67) DUBOIS (Aleiandro), STAES (Véronique), Le boycott économique 9p. cit,, p.
73; rapport de la CEPAL sur le Nicaragua : La guerre comme facteur de distorsion,
DIAL, 5 fév 1987, 6 p.
(68) DUBOIS (Alejandro), STAES (Véronique), op. cit., p.95.
(69) EUGENIA GALLARDO (Maria), ROBERTO LOPEZ (José), Centroamerica :
la crisis en cifras, op. cit.. Tableau 3.17.
(70) CEPAL, La guerre comme facteur de distorsion, op. cit., p.6
(71) WEEKS (John), The_Economies of Central America, New York, Holmes &
Meier, 1985, p.192, TORRES (J)1NAVÀRRôtF);7vSENSlO (A), ZOKALSKÏ (M),
MART1NEZ (A), Nicaragua, hoy y manana, El Pais. 1 feb de 1988
(72) L’inversion des flux de capitaux comprend aussi la fuite des capitaux, difficile à
evaîuer. Le phénomène s’observe à l’échelle de l’Amérique centrale. Voir Corten
(Olivier), Pourquoi le Salvador, le Honduras, le Guatémala et le Costa Rica ont signé
les accords de paix d’Amérique centrale, Contradictions . 1989. De même,
SCHOOLEY (Helen), Conflict in Central America. fiarlow, Ea. Longman, 1987, p.
128.
Agresión economica directe de îos Estados Unidos contra Nicaragua, Encuentro.
S3)ayo-Agosto
1987, p,20,
(74) Elementos comparativos entre la politica economica de Nicaragua y la que
comunmente recomienda el F.M.L, Envm. n* 45, Marzo de 1985, p .17, Nicaragua
prints its way to economic ruin, Financial Times. 8-12-87.
(75) ORTEGA SAAVEDRA (Daniel), Entrevista, Barricada. 31-12:87, p. 2,
MENDOZA (Bayardo), L’inflation au Nicaragua : désordre ou instrument
économique, ANN. bull, hebdo.. 21 -12-87, p.2.
(76) CASTANEDA (Jorge), Comment le Nicaragua a repris l’initiative face aux
Contras? Le Monde diplomatique, mai 1987, p-14-15, B k ANî GIN (William), For
some Contras, a Question of Religion, International Herald Tribune. 12-11-87,
BURIN DES ROZIERS (Philippe), Ënigmes nicaraguayennes. Politiques étrangère.
Eté 1987, p.457-458.
(77) S. MOLOWE (Jim), Sidetracked Révolution, Time. March 31,1986, p,13.
(78) LE MOYNE (James), For Sandinists, Economy may be the worst Ennemy,
International Herald Tribune. 2-12-87, HOUTART (François), Le Nicaragua :
réflexions sur la conjoncture 1987. brochure, 15 oct 1987, p.l et ss.
(79) CEPAL, La guerre comme facteur de distorsion, op. cit. p.6.
(80) HOUTART (François), op. cit. p.4.
(81) Tableau reproduit dans HARRISSON (Pierre), Etats-Unis contra Nicaragua,
Genève, CETIM; 1988, p,237.
(82) ZINOVIEV (N), Les liens économiques de l’URSS avec l’Amérique latine, op.
cit. réf. note 35, p. 117 et ss, EDELMAN (Marc), Lifelines : Nicaragua and the
Socialist Countries, op. cit.. réf.note 21, pA2.
69
(83) Le volume des transactions est à peine supérieur à celui observé lors de îa
période somoziste; ibid. ; p*38-39. Voir d’autre part; KAT_CHANOV (AV, URSSNicaragua : essor de là coopération, Commerce extérieur. n°6, 1986, p.13-15
(84) Voir supra. 1 ère partie, chap II.
(85) Voir supra. 1 ère partie, chap I .
(86) VANDERLAAN (Mary B.), Cuba, the USSR and Eastem Europe in Révolution
and Foreign Policv in Nicaragua, London, Westview Press, 1986, p* 249 et ssj
VALDES PAZ (Juan), Cuba and the Crisis in Central America, Contemporarv
Marxism. 1985, p.38 et ss (à propos du point de vue cubain). Pour un aperçu chiffré;
ACCIÀRIS (Ricardo), Nicaragua-pays socialistes : vers la consolidation des liens
économiques? Problèmes d’Amérique latine. 4 ème trim. 1984, p.110.
(87) Voir à ce sujet; DUBOIS (Alejandro), STAES (Véronique), Le boycott
économique et les effets économiques de l’agression des Etats-Unis au Nicaragua, op.
dt., réf.note 41, p/78 et ss.
(88) CARVA JAL - URRESTIA (Luis), L’Europe occidentale : témoin et complice in
Le volcan nicaraguayen. Paris, La découverte, 1985, p. 130.
(89) EDELMAN (Marc), EEUU Nicaragua URSS, un triangulo explosivo, op. cit..
réf. note 19, p.64 et ss.
(90) Keesing’s Contemporary Archives, 1980, n 1, p 30.027.
(91) CARJAVAL - URRESTIA (Luis), l’Europe occidentale : témoin et complice,
op/cit.. p.131 et ss.
(92) STUHRENBERG Michael) , VENTURINI (Eric), Amérique centrale : la 5ème
frontière. Paris. La découverte, 1986, p,264. Pour le détail des livraisons militaires ;
Révolution ana Foreijm Policv in Nicaragua. London, Westview Press, 1986, p,318.
Voir également Harnsson (Pierre), Etats-Unis contra Nicaragua, op. cit.; tableaux p.
35-37. A noter qu’il n existe pas de traite dfalliance militaire. Pour plus
d’infonnations : FAJGENIA GALLARDO (Maria), ROBERTO LOPEZ (Josej,
Centroamerica, op. cit.. p.252, Militarization in Central America, CETRÎ L/L63/20,
1985,13 p.
(93) EDELMAN (Marc), Lifelines ; Nicaragua and the Socialist Countries, op. cit. réf.
note 21, p,47.
(94) Ibid. SCHOOLEY (Helen), Conflict in Central America, op.cit. p. 136.
(95) EDELMAN (Marc). Lifelines .... op. cit.. p.87
(96)Ibid.
(97) Ibid.
(98) Ibid.
(99) Voir par exemple; Moscü limitera la entrega de petroleo, Informe
latinoamericano. 11 de Jumo de 1987. p 4.
(100) Par exemple; LAZITCH (Brank^, Une future démocratie populaire : le
Nicaragua. Est & Ouest. 31 mai 1981, p.31, ASPATURIAN (Vemon V), Nicaragua
between East and West : the Soviet Perspective in Conflict in Nicaragua. A
multidimensional Perspective. Boston, Allen & Unwin, l5§77p.214.
70
(io n CAROIT (Jean Mich el), SOULE (Véronique),
Le Nicaragua : le modèle sandiniste, Paris, Le Sycomore, 1981, p,202.
(102) NIEDERGÀNG (Marcel). Les 20 Amériques latines. Paris, Seuil, coll. Points
politiques, 1969, p. 12 L
(103) CAROIT (Jean Michel), SOULE (Véronique), op. cit.. p33.
(104) ZIEGLER (Jean), Contre l’ordre du monde. Les rebelles, p,104 et ss.
(105) VALENTA (Jiri), The USSR. Cuba and the Crisis in Central America, op. cit.,
P'3’
(106) A Comparative Perspective on Nicaragua’s UN Voting 1979-1985 in
Révolution and Foreign Policv in Nicaragua, op. cit.. p.322.
(107) En ce sens* L A Z IT C H (Branko), Le "processus révolutionnaire" au Nicaragua,
Est & Ouest. 1 - 30 Nov. 1979, p.15, ULLMAN (Richard H ) At War with Nicaragua,
Foreign AfTairs. Fall 1983. p,43-44.
(108) Voir en ce sens; TABARD (Gilles), Pion de Moscou ou champion du nonalignement, op^dL, p. 116-117.
(109) Voir à ce sujet JULIEN (Claude), L’Empire américain, op. cit., 1ère partie,
CAROIT (Jean-Micheî), SOULE (VéroniqiïëJTojLçiL, P-202(110) TABARD (Gilles), op. cit.. p.117, L’Inde et le Zimbabwe notamment s’étaient
aussi abstenus lors du vote concernant l’invasion de l’Afghanistan, EDELMAN
(Marc). Lifelines .... op. cit.. p.40.
(111) Ibid, p.40
(112) TABARD (Gilles), op. cit., p. 122.
(113) Cité dans LAZITCH (Branko), Une future démocratie populaire : le Nicaragua,
op. cit.. p .. 18, ROTHENBERG Latin America in Soviet Eyes, Problems of
Communism. sept - oct 83, p. 142, ASPATURIAN (Vemon VC), op. cit., p.203- 204.
(114) VANDERLAAN (Mâry BA Cuba, The USSR and Eastem Europe in
Révolution and Foreign Policy in Central America, op. cit.. p251, ROTHENBERG,
Latin America in Soviet eyes, Problems of Communism. sept-oct 83, p. 142,
ASPATURIAN (Vemon V), op. cit.. 203-204.
(115) Voir par exemple DM1TRÎEV (B), Philantropie terroriste, La vie internationale,
août 1985, p. 139-141), TRAVK1NE (V), L’escalade de 1 intervention des Etats-Unis
en Amérique centrale, La vie internationale, avril 1986, p . 118-128, DOLGOV
(Vladimir), Guerre larvée contre le Nicaragua. Temps Nouveaux, juin 1981, p.25-27,
DOLGOV (Vladimir), Nicaragua. Année de la défense et de la production, Temps
nouveaux, nov, 1981, p.l0-13,L)EVINE (l), Israël : homme de main des Etats-Unis en
Amérique latine, La vie internationale, avril 1985, p, 166-168, GVOZDEV (Y),
Amérique centrale. Les USA contre le groupe de Contradora, Temps nouveaux, oct.
1984, p.22-24
(116) Certains mettent en rapport cette guerre idéologique avec la situation connue
lors de la guerre civile espagnole* PHILIP (George), The Nicaraguan Confliçt :
Politics and Propaganda. The World Todav. Dec.85, p.222; The second Spanish civil
war. The Economist. 29 oct. 83,p. 49.
(117) EDELMAN (Marc), Lifelines .... op. cit.. p.38.
71
(.118) ASPATURIAN (Vernon V.), Nicaragua between East and West : the Soviet
Perspective, op. cit.. p,205-206.
(119) ZINOVIEV (N), Les liens économiques de l’URSS avec l’Amérique latine, La
vie internationale. nel, 1981, p. 122. Au aXVI ème congrès du PCUS, L. Brejnev a
mentionné te Nicaragua dans la catégorie des pays où la lutte révolutionnaire des
peuples a été couronnée par la victoire". Cité dans LAZITCH (Br*™^), Une future
démocratie populaire : le Nicaragua, op. cit.. p .l8.
(120) Temps nouveaux. mars 1982. Latinskava Amerika, mars 1982, p, 36-42 cités
dans ROTHENBERG (Morris), LatinT^merica in Soviet Eyes, op. cit.. p.8.
(121) PONOMAREV (Boris), Socialist Orientation in Central America. Kommunist.
Nbv.80, ASPATURIAN (Vemon V), op. c it. p.218 et ss, KOURINE (Constantin),
Nicaragua, la fin d’une dicfoture, Temps nouveaux, juillet 1973,.p<9. L’"Orientation
socialiste" est une expression qui désigne des Etats comme F Angola, le Mozambique
ou le Congo; EDELMAN (Marc), The other Super Power : USSR and Latin America
: 1917-1987, op. c it. réf. note 29, p.27. L’URSS n’a cependant pas signé un traité
d’amitié avec ie Nicaragua, comme il Ta fait avec ces pays; VANDERLAAN (Mary
B.), Cuba, the USSR and Eastem Europe in Révolution and Foreign Policv in
Nicaragua, op. cit.. p.258
(122) Voir à cet égard LEVESQUE (Jacques), L’URSS face à la révolution cubaine,
op. c it. ROTHENBERG (Morris), Latin America in Soviet eyes, op. cit. p.3-4.
(123) STUHRENBERG (Miçhaeî), VENTURINI (Eric), op^cit, p.264.
(124) Ibid. Voir aussi d’autres déclarations similaires; ROTHENBERG (Morris),
The Soviets and Central America ln Central America : Anatomv of Conflict. New
York, 1984, p.140, ASPATURIAN (Vemon V,), o& ^it p330.
(125) TABARD (Gilles), op^eit, p.l 22.
(126) Ibid, p 121, WHELAN (Joseph G), PIXON (Michael J), The Soviet Union in
the Third World : Threat to wórld peace? op. cit.. réf. note 9, p.334^335^
(127) Nicaragua : une longue marche vers la victoire. Recherches des savants
sovietiques, Académie des sciences de l’URSS, Moscou, Sciences sociales
aujourd’hui, 1981.
(128) MIKOIAN (Serge), Traits spécifiques et enseignements de la révolution au
Nicaragua in Nicaragua: une longue^ marche
op. cit.. p -229-240. Pour la
condamnation des -élém ents gauchistes", voir GÏIO ULG O VS KI (Anatoîi),
Evénement d’une grande portée historique in Nicaragua ....Ibid. p. 120, DOLGOV
(Vladimir), op. cit.. p. 11; enfin, voir les citations de la Pravda reproduites dans
LATZICH (Branko), une future o^_cit, p 4 9(129) DAVYDOV (Vladimir), La base des transformations socio-économiques lu
Nicaragua .... op. cit.. p.221-2l8.
(130) Latinskaia Amerika, mars 80, cité dans WHELAN (Joseph G.), DÏXON
(Michael J). op. cit.. p.234. MIKOIAN (Serge), op. c it. p-230.
(131) Citation de N. Chmétev reproduite dans YANOV (Alexander), Du rôle de la
politique extérieure soviétique à l’étape critique de la perestroïka, La vie
internationale, octobre 1989, p46.
( 132) Ibid. citation de Tch. Aïtmatov, p.56.
72
(133) Voir supra, note 99. L’Union soviétique a aussi refusé l’octroi de nouveaux
prêts; WHELAN' (Joseph G), DIXGN (Michael,J), op. cit., p:336.
(134) Elles restent encore le plus souvent officieuses. Voir par exemple * Posible
acuerdo entre EU y là URSS, Informe latinoamericano, 24 de septiembre de 1989.
(135) Voir par exemple : Déclaration du gouvernement soviétique sur les résultats de
la conférence du uuatëmaîaT Moscou, H août .1987, Documents d actualité
internationale, 15 octobre 1987, p,398
r 136) Mesures audacieuses pour désactiver la guerre, Envio, n° 58, septj.987, p. 1319: voir aussi El Pals du 4 nov.87.
V
(137) MAGNUSON (Ed), Is„Peace at Hand?, Time, April 4,= 1.988, p. 4-6;
BRlNKLËYl’Joel), US. Details A Rejected Soviet Offer on Latin Aid, International
Herald Tribune. Feb.5, 1988. ; .
.:
(138) Con apoyo deî Congrese, Bush pide a Moscü qüéreduzca la ayuda a Managua,
Informe latinoamericano. 13 de abril de 1989, p.l,
^
,
(139) Le ministre soviétique des affaires, extérieures à Managua, ANN (Agenda
Nueva Nicaragua1). 5 oct. 1989,
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