Extrait de la publication
Extrait de la publication
CONSIDÉRATIONS
SUR
LA
MYTHOLOGIE
GRECQUE
FRAGMENTS
DU
TRAITÉ
DES
DIOSCURES
I
La
fable
grecque
est
pareille
à
la
cruche
de
Philémon,
qu'aucune
soif
ne
vide,
si
l'on
trinque
avec
Jupiter.
(Oh
j'invite
à
ma
table
le
Dieu
!)
Et
le
lait
que
ma
soif
y
puise
n'est
point
le
même
assurément
que
celui
qu'y
buvait
Montaigne,
je
sais
et
que
la
soif
de
Keats
ou
de
Goethe
n'était
pas
celle
même
de
Racine
ou
de
Chénier.
D'autres
viendront
pareils
à
Nietzsche
et
dont
une
nou-
velle
exigence
impatientera
la
lèvre
enfiévrée.
Mais
celui
qui,
sans
respect
pour
le
Dieu,
brise
la
cruche,
sous
prétexte
d'en
voir
le
fond
et
d'en
éventer
le
miracle,
n'a
bientôt
plus
entre
les
mains
que
des
tessons.
Et
ce
sont
les
tessons
du
mythe
que
le
plus
souvent
les
mythologues
nous
présentent
débris
bizarres
l'on
admire
encore
de-ci,
de-là,
comme
sur
les
fragments
d'un
vase
étrusque,
une
accidentelle
apparence,
un
geste,
un
pied
dansant,
une
main
tendue
vers
l'inconnu,
une
poursuite
ardente
d'on
ne
sait
quel
fuyant
gibier,
un
chaînon
détaché
du
31
Extrait de la publication
LA
NOUVELLE
REVUE
FRANÇAISE
chœur
parfait
des
Muses,
dont
tournait,
encerclant
le
vase
on
suppose,
la
guirlande
ininterrompue.
La
première
condition,
pour
comprendre
le
mythe
grec,
c'est
d'y
croire.
Et
je
ne
veux
point
dire
qu'il
y
faille
une
foi
pareille
à
celle
que
réclame
de
notre
cœur
l'Eglise.
L'assentiment
à
la
religion
grecque
est
de
nature
toute
différente.
Il
est
étrange
qu'un
grand
poète
tel
que
Hugo
l'ait
si
peu
compris;
qu'il
se
soit
plu
comme
tant
d'autres
à
décontenancer
de
tout
sens
les
figures
divines
pour
ne
plus
admirer
que
le
triomphe
sur
elles
de
certaines
forces
élémentaires
et
de
Pan
sur
les
Olympiens.
Ce
n'était
pas
malin,
si
j'ose
dire,
et
son
alexandrin
en souffre
moins
que
notre
raison.
«
Comment
a-t-on
pu
croire
à
cela
?
»
s'écrie
Voltaire.
Et
pourtant
chaque
mythe,
c'est
à
la
raison
d'abord
et
seulement
qu'il
s'adresse,
et
l'on
n'a
rien
compris
à
ce
mythe
tant
que
ne
l'admet
pas
d'abord
la
raison.
La
fable
grecque
est
essentiellement
raisonnable,
et
c'est
pourquoi
l'on
peut,
sans
impiété
chrétienne,
dire
qu'il
est
plus
facile
d'y
croire
qu'à
la
doctrine
de
Saint
Paul,
dont
le
propre
est
précisément
de
soumettre,
sup-
planter,
«
abêtir
»
et
assermenter
la
raison.
C'est
par
défaut
d'intelligence
que
Penthée
se
refuse
à
admettre
Bacchus
tandis
que
c'est
l'intelligence,
au
contraire,
de
Polyeucte
qui
s'interpose.
et
obscurcit
d'abord
sa
triomphante
vision.
Et
je
ne
dis
pas
que
l'intelligence
ne
trouve
pas
dans
le
dogme
chrétien,
en
fin
de
compte,
une
satisfaction
suprême,
ni
que
le
scepticisme
soit
de
plus
grand
profit
pour
la
raison
que
la
foi
mais
cette
foi
chrétienne
pourtant
est
faite
du
renoncement
de
l'intel-
ligence
et
si
peut-être
la
raison
ressort
de
ce
renoncement
magnifiée,
c'est
selon
la
promesse
du
Christ :jTout
ce
que
Extrait de la publication
CONSIDÉRATIONS
SUR
LA
MYTHOLOGIE
GRECQUE
vous
sacrifierez
par
amour
pour
moi,
vous
le
retrouverez
au
centuple
et
parce
qu'au
contraire
celui
qui
veut
ici
sauver
sa
raison,
la
perdra.
La
mystique
païenne,
à
proprement
parler,
n'a
pas
de
mystères,
et
ceux-là
mêmes
d'Eleusis
n'étaient
rien
que
l'enseignement
chuchoté
de
quelques
grandes
lois
natu-
relles.
Mais
l'erreur
c'est
de
ne
consentir
à
reconnaître
dans
le
mythe
que
l'expression
imagée
des
lois
physiques,
et
de ne
voir
dans
tout
le
reste
que
le
jeu
de
la
Fatalité.
Avec
ce
mot
affreux
l'on
fait
au
hasard
la
part
trop
belle
il
sévit
partout
l'on
renonce
à
expliquer.
Or
je
dis
que
plus
on
réduit
dans
la
fable
la
part
du
Fatum,
et
plus
l'enseignement
est
grand.
Au
défaut
de
la
loi
physique
la
vérité
psychologique
se
fait
jour,
qui
me
requiert
bien
davantage.
Que
nous
enseigne
le
Fatum,
chaque
fois
que
nous
le
laissons
reparaître
?
A
nous
soumettre
à
ce
dont
nous
ne
pouvons
point
décider.
Mais
précisément
ces
grandes
âmes
des
héros
légendaires
étaient
des
âmes
insoumises,
et
c'est
les
méconnaître
que
de
laisser
le
hasard
les
mener.
Sans
doute
ils
connaissaient
cet
«
amor
fati
»
qu'admirait
Nietzsche,
mais
la
fatalité
dont
il
s'agit
ici,
c'est
une
fatalité
intérieure.
C'est
en
eux
qu'était
cette
fatalité
ils
la
portaient
en
eux
c'était
une
fatalité
psychologique.
Et
l'on
n'a
rien
compris
au
caractère
de
Thésée,
par
exemple,
si
l'on
admet
que
l'audacieux
héros
Qui
va
du
dieu
des
morts
déshonorer
la
couche,
a
laissé
par
simple
inadvertance
la
voile
noire
au
vaisseau
qui
le
ramène
en
Grèce,
cette
«
fatale
voile
noire
qui,
trompant
son
père
affligé,
l'invite
à
se
précipiter
dans
la
1 / 22 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !