Parcours biblique 2010
Les métamorphoses de l’Agneau
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Les métamorphoses de l’Agneau, ou la royauté du Christ ressuscité
Le Livre de l’Apocalypse est le témoin des premiers balbutiements
de la christologie : une christologie en images et en gures, parmi
lesquelles se distingue celle de l’agneau...
1. L’expression «agneau de Dieu» est une exclusivité johan-
nique : elle gure à deux reprises dans la bouche de Jean-Baptiste
(Jn 1,29.36), pour désigner Jésus dans un contexte «royal» marqué
entre autres par les titres «Fils de Dieu» et «Roi d’Israël» (Jn 1,49)
traditionnellement associés à la gure du Messie (Jn 1,41), attendu
pour libérer le peuple et supprimer le mal dans le monde (Jn 1,29).
Toutefois, l’emploi du mot grec amnos (au lieu de arnion, qui sera de
règle dans l’Apocalypse) suggère un rapprochement avec la gure
de l’agneau pascal (voir 1 Pierre 1,19), ainsi qu’avec le serviteur
souffrant d’Isaïe 52,13 53,12, précisément comparé à un agneau
(Isaïe 53,7 ; voir Actes 8,32). De fait, la suite du quatrième évangile,
notamment dans le récit de la Passion, montrera à quel point la
royauté de Jésus est différente des pouvoirs humains et trouve sa
véritable expression à l’heure de la croix (Jn 18,32-37).
2. Dans l’Apocalypse, le mot «agneau» (arnion) est omnipré-
sent : à 26 reprises, dont 25 fois pour désigner le Christ en person-
ne, constituant ainsi un trait caractéristique de ce livre. Sa première
apparition, au chapitre 5, associe la royauté (proximité du trône)
et le sacrice (égorgé). Surtout son caractère divin est clairement
énoncé (les sept Esprits de Dieu : 5,6). À ce titre, il gure au centre
de la liturgie céleste et fait l’objet d’un véritable culte (5,8-9). Les
trois cantiques successifs (versets 9-10 ; 12 ; 13) célèbrent en lui
le Sauveur universel et la clé de compréhension des Écritures, à
travers l’ouverture des sceaux du livre (accomplie en 6,1). Il s’agit
bien du Christ dans son mystère pascal, certes livré à la mort, mais
exalté à la droite de Dieu : il est le libérateur, accomplissant ainsi la
gure de l’agneau pascal.
3. Les allusions suivantes à l’agneau conrment son carac-
tère royal et sa présence au plus près de Dieu (6,16 ; 7,9). Il est
acclamé au même titre que Dieu (7,9-10 ; 15,3), en tant que Sauveur
des hommes, tant les justes de l’Église (7,14) que les foules des na-
tions (13,8). Il tient la place du Roi Messie, évoqué sous la gure du
pasteur (7,17). Son sang versé est, comme dans le cas de l’agneau
pascal, le signe du salut donné en priorité aux martyrs (12,11). Les
cornes qu’il porte (il s’agit donc plutôt d’un jeune bélier !) sont une
marque royale, au besoin usurpée par la Bête (13,11). Il prend la tête
de l’armée des justes (14,1.4.10) pour un ultime combat contre les
Le titre d’agneau que
l’Apocalypse attribue au Christ, est
une bonne porte d’entrée dans la
théologie de ce livre : théologie de
l’image par excellence. C’est à tra-
vers une histoire racontée et des
images animées que le lecteur est
peu à peu conduit à reconnaître
en celui qui «se tient sur le Mont
Sion» (Ap 14,1), l’égal de Dieu
digne d’une même adoration et
d’une même gloire. La gure de
l’agneau doit être interprétée en
lien avec toutes ses occurrences
bibliques, si on veut ne la priver
d’aucune des ses harmoniques.
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forces du mal, gurées par la Bête (14,10). Au terme du combat, il
reçoit la titulature royale universelle (17,14) et se trouve à la tête
du peuple des dèles, dénitivement vainqueurs de la Bête et de ses
complices terrestres (les sept rois de Rome).
4. La carrière de l’agneau ne se limite pas au registre militaire,
symbole du combat eschatologique contre les forces du mal. Elle
s’accomplit dans un rituel de noces, annoncé dès la n des combats
(19,7.9). De fait, les dernières pages du livre sont consacrées à l’évo-
cation radieuse des noces de l’agneau, dont l’épouse resplendissante,
confondue avec la Cité sainte, la Jérusalem céleste (21,9), gure aussi
bien l’Église des martyrs et des saints que l’humanité elle-même,
sanctiée dans le Christ et unie à lui par le mystère de l’Alliance. Le
Christ Agneau est la gure centrale de cette Cité sainte : il en est
aussi bien le fondement (21,14) que le temple (21,22) ; il éclaire la
Cité (21,23) et veille sur les élus, inscrits au livre de vie (21,27) ; il est
lui-même avec Dieu la source de cette vie nouvelle (22,1).
5. Ainsi l’agneau de l’Apocalypse est-il une gure complète
du Christ, dans toutes les facettes de son être et de sa mission, de-
puis la Croix jusqu’à l’Heure du plein accomplissement, au-delà de
l’histoire. Cette image, remarquablement riche, inspirera largement
les artistes de l’âge roman.
Lire
Apocalypse 13,1-14,4
Ce sont les chapitres 13 et 14 (jusqu’au verset 4 seulement)
qui guideront notre méditation de ce jour. Deux gures s’y affron-
tent : celle de l’Agneau et celle de la Bête.
Pour aller plus loin, voici un texte à consulter pour approfon-
dir l’expression suivante :
La «Bête»
La «bête» est la gure de l’anti-christ. L’univers animal est
mis en scène pour singer le monde des hommes, un peu comme le
font les mythes, les fables ou... certaines émissions de télévision !
< Daniel 7,1-28
Prier
Seigneur, notre Dieu, tu es l’Agneau dont le sang a fécondé les
entrailles de la terre. Toi qui viens nous tirer de l’esclavage de
la mort et du péché, envoie sur moi ton Esprit Saint, an que
je puisse te rencontrer dans cette Parole qui vient de toi et que je
puisse me mettre réellement à ta suite, dans l’espérance et la joie
d’être sauvé. Amen.
666 : le chiffre a beau-
coup suscité l’imagination et les
fantasmes... Il n’a ni histoire ni
symbolique biblique particulière ;
on ne le rencontre que deux fois
dans toute la Bible : au livre d’Es-
dras qui, dénombrant les enfants
d’Israël de retour d’exil, compte
666 ls d’Adoniqam ; et au livre
de l’Apocalypse (13,18). Il s’agit
probablement d’une transposition
chiffrée du nom de César, vérita-
ble anti-christ.
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Méditer
C’est lui l’agneau
Bien des choses ont été annoncées par de nombreux prophè-
tes en vue du mystère de Pâques qui est le Christ : à lui la
gloire dans les siècles. Amen.
Conduit comme un agneau et immolé comme une brebis, il
nous a délivrés de l’idolâtrie du monde comme de la terre d’Égypte ;
il nous a libérés de l’esclavage du démon comme de la puissance de
Pharaon ; il a marqué nos âmes de son propre Esprit, et de son sang
les membres de notre corps.
C’est lui qui nous a fait passer de l’esclavage à la liberté, des
ténèbres à la lumière, de la mort à la vie, de la tyrannie à la royauté
éternelle, lui qui a fait de nous un sacerdoce nouveau, un peuple
choisi, pour toujours. C’est lui qui est la Pâque de notre salut.
C’est lui qui endura bien des épreuves en un grand nombre
de personnages qui le préguraient. C’est lui qui en Abel a été tué ;
en Isaac a été lié sur le bois ; en Jacob a été exilé ; en Joseph a été
vendu ; en Moïse a été exposé à la mort; dans l’agneau a été égorgé ;
en David a été en butte aux persécutions; dans les prophètes a été
méprisé.
C’est lui qui s’est incarné dans une vierge, a été suspendu au
bois, enseveli dans la terre, ressuscité d’entre les morts, élevé dans
les hauteurs des cieux.
C’est lui, l’agneau muet ; c’est lui, l’agneau égorgé ; c’est lui
qui est de Marie, la brebis sans tache ; c’est lui qui a été pris du
troupeau, traîné à la boucherie, immolé sur le soir, mis au tombeau
vers la nuit. Sur le bois, ses os n’ont pas été brisés ; dans la terre, il
n’a pas connu la corruption ; il est ressuscité d’entre les morts et il
a ressuscité l’humanité gisant au fond du tombeau.
Méliton de Sardes, au IIe siècle
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Contempler
L’image que nous contemplons aujourd’hui nous transporte au
chapitre 17 de l’Apocalypse, devant la scène extraordinaire du
combat de l’Agneau et des «lieutenants» de la Bête : les puis-
sances de ce monde qui lui ont juré obédience. De la Bête, ils ont
même l’apparence monstrueuse : deux sortes de loups dotés d’un
serpent au poison mortel en guise de queue, et un énorme serpent
qui remplit tout le bas de l’image en s’enroulant sur lui-même.
La scène est chaotique : tout est sens dessus dessous, à com-
mencer par les trois victimes dépouillées de leurs vêtements (et de
leur tête !) par l’attaque qu’elle viennent de subir de la part des trois
bêtes qui, bien que beaucoup plus grandes et fortes, ne semblent pas
en très bon état non plus... C’est qu’elles sont déjà vaincues !
Le combat est achevé ; dans la partie supérieure de l’image,
tout est calme et ordonné : l’agneau trône, tout droit, dans un ciel
rempli d’étoiles qui représentent les justes et les sauvés.
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