Conférence de presse IMWAC à Rome,la Process Théology,Une

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Conférence de presse IMWAC à
Rome
Conférence de presse d’IMWAC à Rome le 9 octobre 2012
En ce jour anniversaire, 50 ans après, de l’ouverture du
Concile Vatican II, trois représentants du Mouvement
international « Nous sommes Eglise » (IMWAC : International
Movement We Are Church), Chritian Weisner, Vittorio Bellavite
et Martha Heizer ont donné à Rome une conférence de presse, au
cours de laquelle ils ont fait la déclaration ci-après.
Déclaration d’IMWAC à la conférence de
presse de Rome du 9 octobre 2012
À l’occasion du cinquantième anniversaire de l’ouverture du
Concile Vatican II, le Mouvementinternational We Are
Church(IMWAC) et le Réseau Européen Eglises et
Libertés (EN/RE)témoignent et espèrent une Église toujours
plus libre et plus humaine, fondée sur des communautés de
Chrétiens baptisés profondément responsables du Ministère de
l’Église et de la Justice dans le monde.
1. Le Concile Vatican II a approuvé une profonde rénovation de
l’Église catholique, à la fois dans ses structures et dans sa
relation au monde. La transformation de la liturgie fut l’un
des fruits principaux et les plus visibles du Concile,
particulièrement grâce à l’usage des langues vernaculaires
dans des célébrations fondées sur la communauté locale. Les
constitutions Lumen Gentium et Gaudium et Spes définissent
l’Église comme le Peuple de Dieu et s’expriment sur la valeur
du monde sécularisé et sur la manière dont nous pourrions le
servir.
2. L’encyclique Pacem in Terris, écrite par Jean XXIII tandis
que le Concile était réuni et que lui-même était mourant, doit
être vue comme un élément de l’ensemble de l’expérience
conciliaire. D’autres questions très importants furent
abordées avec de nouvelles perspectives : l’œcuménisme, le
dialogue interreligieux, la liberté de foi et de conscience.
Ces documents ont précisément nourri le mouvement progressiste
qui existe dans l’Église aujourd’hui et ont proposé un
dialogue avec le Magistère sur toutes les questions qui
constituent la vie catholique.
3. Pendant les cinquante dernières années, une tension s’est
fait jour sur la juste interprétation du Concile et son
application aux problèmes du moment. Cette tension existait
déjà dans les documents conciliaires eux-mêmes. Pour certains,
le Concile appelait à un changement significatif ; pour
d’autres, la continuité était primordiale.
4. En réalité, changement et continuité ne s’excluent pas
réciproquement. Pendant le Concile, un Pacte des
Catacombes fut signé par quarante évêques sous la conduite de
Dom Helder Camara et du cardinal Lercaro dans la catacombe
Santa Domitilla à Rome appelant à une Église centrée sur le
service et les pauvres. Ces idées furent ultérieurement
développées, surtout en Amérique du Sud, en tant qu’option
pour les pauvres.
5. Alors que l’Église officielle se faisait plus rétive à
l’esprit de Vatican II, de nombreux catholiques réussirent à
travailler au sein de l’Église au changement qu’ils estimaient
voulu par Vatican II : Église collégiale et démocratique ;
pluralisme et dialogue au sein de l’Église ; égalité
hommes/femmes et accueil d’orientations sexuelles diverses ;
ordination de femmes et de personnes mariées pour le service
du Peuple de Dieu et non pas pour renforcer un nouveau
cléricalisme ; séparation entre l’État et la religion
permettant une juste autonomie réciproque, et, en même temps,
un engagement déterminé des croyants pour la justice et pour
la paix. Ce mouvement progressiste puisait ces changements
dans le Concile lui-même, en réalité dans l’Évangile et dans
le meilleur de la tradition ecclésiale, et dans ce dont le
Peuple de Dieu avait besoin pour la pastorale.
6. Plusieurs initiatives pastorales suivirent : communautés de
base ; célébration eucharistique en l’absence de prêtre ;
décision de conscience sur le contrôle des naissances et la
morale sexuelle ; soutien mais aussi critique du Vatican et de
l’épiscopat ; exigence de justice pour les victimes d’abus
sexuels, et de
protecteurs.
sanctions
pour
les
coupables
et
leurs
7. Dans le monde laïque au sens large, et dans l’Église de
Vatican II, nous avons la liberté de parole. Des groupes de
prêtres et de laïcs ont ainsi réussi à témoigner de ce que
veut dire être catholique dans le monde d’aujourd’hui. La
liberté de parole vient de la conviction que si tous sont
entendus, il y a plus de chance que l’on prête attention à la
voix de l’Esprit et que soit entendu l’écho de l’Évangile.
Faire taire de façon péremptoire et, semble-t-il, arbitraire
les théologiens, les religieuses, et les responsables au sens
large revient à étouffer le souffle de la vie dans l’Église
elle-même.
8. Ainsi, lorsque la Pfarrer Initiative est proclamée en
Autriche, ou que la Théologie de la Libération se répand en
Amérique du Sud, ou que les religieuses décident de ne pas
avoir une parole déduite de la doctrine, mais induite à partir
de leur expérience, ou qu’un Concile Catholique Américain met
au point un Code de Droits et de Responsabilités, ou que des
Asiatiques et des Africains expriment le besoin de définir
Dieu et le Christ autrement, la première réaction devrait être
d’écouter et la seconde de dialoguer. Seuls des catholiques
intéressés et engagés seront capables de telles initiatives.
La réponse obtenue devrait être la gratitude plutôt que le
rejet, l’éclaircissement plutôt que la censure, le
discernement dans tous les cas, et non la surdité.
9. Le Mouvement International Nous Sommes Église (IMWAC –
groupes nationaux progressistes à travers le monde), et
le Réseau Européen Églises et Libertés dénoncent la
persécution dont sont frappés nos amis quand ils posent avec
respect des questions que partagent des millions d’autres
catholiques. Nous sommes en revanche heureux de voir
s’éveiller un printemps, se lever une aube au sein de
l’Église, et nous sommes dans l’attente de la vie et de la
lumière qu’ils apportent avec eux. Lorsque nous osons le
dissentiment et la « désobéissance civile », ce n’est pas par
orgueil, mais parce que nous sommes profondément inquiets.
10. En 2012, clercs et laïcs sont toujours définis en termes
de préséance hiérarchique plutôt que comme partenaires,
membres et confrères et consœurs. Il n’y a nulle justification
de cela dans l’Évangile. En vérité,saint Paul nous rappelle
qu’il ne saurait y avoir de Corps du Christ s’il n’y a de
membres différents, tous nécessaires.
11. L’Église institutionnelle a mis en place une structure non
démocratique, reflet de l’Empire Romain plutôt que du Royaume
de Dieu. Il est triste de constater que le monde dans son
ensemble a vu plus clairement la nécessité de la démocratie et
de l’égalité que l’Église issue du message de Jésus. Dans le
monde laïque, les décisions non démocratiques n’ont pas de
crédibilité, et sont en réalité beaucoup plus instables. La
démocratie n’est pas contre la nature de l’Église, puisque
l’Esprit a été donné à chacun et que la démocratie signifie
moins la dictature d’une majorité que le dialogue respectueux.
12. Dans toutes les démocraties il y a divers niveaux de
responsabilité, et le respect des droits humains et de toutes
les minorités est l’ADN d’une vraie démocratie.
13. C’est très différent de l’absolutisme monarchique. Dans
une Église vraiment collégiale, la conscience n’est pas moins
sacrée que le Magistère. La monarchie est autant en
contradiction avec la tradition évangélique de l’Église
qu’avec les nécessités pastorales contemporaines. IL fut un
temps où Jean XXIII nous rappelait que nous n’avions rien à
craindre du monde sécularisé et que nous n’avions aucun droit
de devenir prophètes de malheur. La monarchie n’a aucun droit
intrinsèque de principe dans l’Église, alors que la
collégialité y a une autorité biblique, conciliaire et
pastorale. IMWAC et le Réseau Européen soutiennent qu’il faut
que l’Église soit pluraliste et inclusive, aussi bien dans ses
structures et ses politiques internes que dans sa relation au
monde.
14. Nous nous adressons à nos frères évêques présents au
Synode à Rome (7-28 octobre) pour qu’ils réfléchissent au
dialogue avec des catholiques qui aspirent à être partie
prenante de l’Église même lorsqu’il y a divergence sur
certaines questions. Cela est en accord non seulement avec
Vatican II et le Droit Canon, mais avec l’Esprit et
l’évangile. IMWAC et le Réseau Européen se retrouveront à Rome
en décembre 2015 pour célébrer le cinquantième anniversaire de
la clôture Vatican II et pour témoigner de la vie qu’il a
donnée à l’Église et de la lumière qu’il offre pour nous
guider dans l’avenir. Notre volonté n’est pas la division ou
la dissension, mais la paix pour l’Église dans son ensemble.
« Voyez comme ces Chrétiens s’aiment » était considéré à une
époque comme le meilleur signe que nous étions une communauté
du Christ. Si nous perdons cela, tous les autres signes que
nous donnons sont de fausses pistes. Sans amour nous
périssons, nous perdons Jésus et nous nous éloignons de Dieu.
Aucun d’entre nous dans l’Église ne veut que cela arrive.
Traduction : Didier Vanhoutte
Source : http://www.we-are-church.org/joomla/index.php?option=
com_content&view=article&id=54:witnesses-of-a-renewed-churchfor-the-times-to-come&catid=9:latest-news
la Process Théology
La Process Theology,
un essai pour dire Dieu aujourd’hui.
Les progrès scientifiques et les bouleversements de l’époque
moderne nous obligent à remettre en question notre parole sur
Dieu et ses rapports avec le monde et l’humanité. La quête du
sens de notre vie passe par les chemins nouveaux que science
et foi nous invitent à défricher au nom de la confiance que
nous accordons à Dieu et à l’humanité.
La théologie du « process » est une tentative pour comprendre
le rôle de Dieu dans une création que nous avons découverte en
constance évolution. Ce courant de pensée d’abord
philosophique est au début du XXième siècle aux Etats-Unis au
sein du protestantisme libéral à partir des travaux de
Withehead (1861-1945), mathématicien et philosophe, titulaire
de la chaire de philosophie à Harvard. Son contemporain et
élève, Harthone reprend les idées de Withehead sur un plan
théologique. Si la « process theology » a fait l’objet de
nombreuses publications outre-atlantique, en particulier avec
les travaux de Cobb et de Wieman, elle a eu assez peu de
prolongations dans la pensée théologique contemporaine en
Europe, bien qu’un des écrits de Withehead, Process and
reality, ait été traduit par Bergson. En France, elle reste
mal connue malgré les travaux d’A. Gounelle, A. Parmentier et
R. Picon. Cependant on peut relever bien des points de
convergence avec la réflexion théologique et spirituelle du
siècle écoulé, particulièrement sensible au devenir du monde
et à l’apparent silence d’un Dieu que la théologie classique,
héritée du thomisme, affirmait tout-puissant, autosuffisant,
omniscient, immuable et impassible. Je ne citerai que deux
théologiens contemporains – J. Moltmann, P. Tillich -, un
auteur de spiritualité, F. Varillon, et un philosophe, H.
Jonas.
Le mot « process » est difficile à traduire, englobant les
nuances d’évolution, de procession, d’avenir, dans une vision
dynamique et expansive de l’univers, telle que la découverte
de l’atome et de l’évolution des espèces nous l’ont révélée.
L’humain prend conscience de toutes les chaînes évolutives qui
l’ont précédé et dont il est redevable. Nous sommes immergés
dans un monde en constante transformation où tout se trouve en
relation, témoin ou acteur d’évènements où le passé est sans
cesse repris, d’où le présent émerge et s’oriente vers un
futur de commencements en commencements. Ces nouveaux acquis
scientifiques conduisent à reposer à frais nouveaux la
question de la création, du but de cette évolution, de ses
modalités de parcours comme de son principe. La pensée de
Teilhard de Chardin est proche de celle de Withehead, de 20
ans son aîné, notamment sur l’interdépendance et la continuité
des formes du vivant bien qu’il ne semble pas faire référence
à la process theology, dans aucun de ses écrits, peut être
même ne la connaissait-il pas. Il s’en différencie sur
l’espérance d’un terme de l’évolution et de l’histoire marquée
par une récapitulation de toutes choses en Christ selon les
paroles de l’apôtre Paul (Ep 1, 10). Les progrès que nous
faisons dans la connaissance des lois qui régissent le monde
nous obligent à repenser notre foi et la manière de
l’exprimer. Si Withehead et Harthorne, protestants, ont pu le
faire sans interdits, il n’en est pas de même pour Teilhard de
Chardin condamné par le magistère catholique.
Il est bien difficile de montrer en si peu de lignes toute la
richesse de l’apport de la théologie du process. Ce petit
article ne traite que de la question de Dieu et de son action
dans le monde. Il n’abordera pas la christologie, les
réflexions sur l’Eglise, l’humain et l’espérance chrétienne.
Au sein d’un monde où désormais toutes choses nous
apparaissent en cours de changement et en interaction, Dieu
participe lui-même à ce flux et de transformation et de
relation. Il en est à la fois à l’origine et l’accompagne dans
son évolution, auteur et acteur de ce processus, c’est ce que
la théologie du process appelle la « nature primordiale » de
Dieu et, ce qui est plus révolutionnaire, Il est objet luimême de ce processus, c’est « sa nature conséquente ».
Nature primordiale, Dieu est le dynamisme à l’origine de
toutes choses, puissance qui fait advenir, source de vie de ce
soit à l’origine, ou au cours de l’évolution, force initiale à
partir de laquelle advient le réel. Il est celui dont la
Parole organise le « chaos ». Potentialité du possible, Il est
la source de tous les possibles, non pas l’être le plus
puissant mais puissance qui fait être. Ce principe créateur
est aussi principe de limitation, restreignant le champ des
possibles, condition indispensable à une certaine harmonie.
Dieu offre une multiplicité de possibles ouvrant le futur.
L’univers et l’humanité par un choix plus ou moins conscient
permettent l’actualisation de ces possibles. Ainsi le présent
émerge d’un passé repris dans le dynamisme créateur de Dieu et
s’oriente vers un futur construit des avancées et des échecs.
L’évolution de l’univers n’est pas linéaire et uniquement
faite de progrès. L’évolution a conduit souvent à des erreurs
et des impasses. Mais à ces impasses et ces ratés dans
l’évolution, le dynamisme créateur de Dieu ouvre, comme à tout
ce qui se laisse habiter par sa force de vie, de nouveaux
possibles. Pour la théologie du process, seule l’existence de
Dieu explique la cohérence de l’évolution, l’activité
créatrice apportant à chaque instant du temps, comme à
l’origine, la nouveauté, la finalité, l’harmonie, la tension
vers le futur. On peut dire qu’ainsi Dieu est puissance
d’attraction vers le meilleur, vers une actualisation toujours
plus satisfaisante et heureuse de l’amour dans l’univers.
Ce qui est plus novateur dans la théologie du process est la
notion de « nature conséquente » de Dieu. Parce qu’il
s’implique en permanence dans le cours du monde sans y être
bien sûr dilué, car pour le « process » il n’est pas question
de panthéisme, Dieu est lui-même transformé par ce qui arrive
dans sa création. Dieu a besoin de nous pour, à chaque stade
de l’évolution, faire advenir la vie du chaos. Il est
tributaire de nos décisions. L’amour de Dieu est sans limite,
mais sa puissance est limitée par l’orientation prise chaque
constituant du monde. Dieu dépend de la réponse du réel, son
projet est en partie déterminé par nos choix. Dieu est obligé
de composer avec nos forces de résistances. Il souffre de nos
résistances. Ce Dieu qui entre en relation ne peut être que
transformé par cette relation. Il a souffert dans la passion
de Jésus-Christ, mais sa mort n’a pas été le dernier mot, car
Jésus-Christ a parfaitement laissé agir en lui le dynamisme
créateur de Dieu. Dieu a fait alliance avec le monde, il ne
peut rester figé dans son « éternité ». Tout en restant
identique à lui-même, en s’engageant dans le monde, y
manifestant sa tendresse, il en est affecté et est en devenir.
L’avenir reste à créer, l’avenir du monde comme en quelque
sorte l’avenir de Dieu !
Chaque époque a balbutié une parole sur Dieu, à hauteur de ses
connaissances humaines, essayant d’étayer son discours sur les
écrits bibliques, parfois avec une interprétation un peu
forcée. Nous ne pouvons plus croire à un Dieu situé dans un
au-delà énigmatique, dont la toute-puissance absolue devient
une monstrueuse indifférence et dont l’omniscience ne
tiendrait pas compte de la liberté et de la responsabilité du
monde. Son implication à chaque moment du temps n’est pas
panthéisme mais force créative. Sa dépendance aux décisions du
monde n’est pas limitation, mais respect de l’altérité voulue.
Sur bien des points la théologie du process est bien plus en
accord avec des données de l’Ecriture, quelques exemples :
c’est au chaos primitif que Dieu par Sa Parole a donné forme,
l’avenir dépend de nos choix : « choisis la vie ! » (Dt 10,
15), sans cesse Dieu « appelle à l’existence ce qui n’est
pas » (Rm 4, 17), et cette parole de Jésus : « Mon Père,
jusqu’à présent, est à l’oeuvre, et moi aussi je suis à
l’oeuvre » (Jn 5, 17).
La théologie du process est un essai pour comprendre et dire
Dieu dans un souci de dialogue avec la culture moderne. Elle a
le grand mérite d’être une théologie de la liberté au souffle
d’un Dieu « faisant chaque jour toutes choses nouvelles » (Ap
21, 5). Elle est Parole sur Dieu, un Dieu dont la toutepuissance réside dans le don de vie qui invite l’autre à se
dépasser soi-même et à s’aventurer toujours plus loin, à se
libérer de toute soumission, soumission que les théologies
classiques ont trop souvent cautionnée. Ainsi, la théologie du
process est aussi parole sur l’humain qu’elle appelle à être
libre, intelligent, créatif et responsable.
Claude Dubois.
Une histoire de libération
Comment faire Eglise dans le monde actuel ?
Une histoire de libération
Avec tous les amis et complices de Jésus, nous avons à
témoigner de son Evangile dans notre monde contemporain et
pour cela, il convient d’abord de réactualiser les deux
nouveautés spécifiques et contextuelles de son message de
libération :
– que cette libération n’est pas attribuée au mérite ni aux
plus vertueux, ni aux plus pieux ; elle est destinée à toute
l’humanité. Mais cette visée universelle suppose la levée
préalable et radicale de toute forme d’avertissement et de
captivité, de soumission et d’oppression, mais aussi
d’humiliation et de résignation, de honte et de peur. Cette
émancipation est incontournable pour la dignité de tous :
victimes et prédateurs ;
– que cette libération s’opère au coeur même de la vie, de ses
défis, de ses conflits, à distance des dispositifs
religieusement institués et parfois en contradiction avec eux.
Oui, cette libération évangélique est une libération laïque !
…
Notre Eglise devrait donc reconnaître comme une chance
d’authenticité de ne plus avoir à régner sur un monde de
chrétienté mais d’accompagner les croyants au coeur d’une
humanité sécularisée, respectueuse des diverses manières de
vivre, d’aimer, de s’aimer, de croire ou non, mais exigeante
quant à la justice, la solidarité, l’égale dignité de chacune
et chacun dans sa différence humaine, culturelle, spirituelle.
Cela appelle à certains renversements.
Il revient désormais :
– aux précaires et aux exclus d’évangéliser les trop bienpensants ;
– à ceux qui cherchent d’éclairer ceux qui croient savoir ;
– aux cités prolétaires, aux camps de réfugiés etc. de devenir
les premiers lieux de culte ;
– à la primauté de l’amour de traduire tout dogme et de
convertir toute doctrine ;
– à la recherche d’un sens renouvelé de la vie de transcender
l’exemplarité des
comportements et la codification des rites.
C’est ainsi que se traceront de nouveaux chemins de foi, une
foi partagée dans l’action, exposée aux débats, nourrie de
l’Evangile avec ses révoltes et ses utopies, célébrée à chaque
pas en avant, à chaque pauvreté vaincue.
C’est ainsi que nous ferons Eglise, une Eglise elle aussi
libérée de son arrogance et de prestige, de ses vérités
normatives et de son ordre établi, enfin libérée d’elle-même.
Libérée pour assumer le parti-pris positif de Dieu et dire à
tous les non-conformes » soyez fiers d’être vous-mêmes « , à
tous les rejetés » surtout, ne partez pas « , à tous les
marginaux » provoquez-nous « , et à tous ceux qui galèrent »
lève-toi et marche ! « .
Michel Deheunynck.
Congrès
de
Théologie
Brésil, octobre 2012
au
Un congrès de Théologie au Brésil en octobre 2012
Le Congrès Continental de Théologie se tient du 7 au 11
octobre 2012 près de Porto Alègre, au Brésil. 50 ans après
Vatican II, des théologiens de toute l’Amérique latine
évaluent ce que le concile a changé sur le continent et les
défis à venir. Gustavo Gutierrez, père de la théologie de la
libération, et dont le livre Théologie de la libération.
Perspectives, fête ses 40 ans, sera présent à ce congrès.
En cinquante ans, le continent a connu des régimes
dictatoriaux, un ultralibéralisme forcené, l’arrivée d’une
gauche plus ou moins radicale. Il est aujourd’hui confronté à
d’immenses défis, comme la protection de l’environnement ou,
pour l’Eglise catholique régionale, la croissance inquiétante
des Eglises évangéliques. Comment répondre à ces défis ?
L’objectif du congrès est bel et bien de regarder vers
l’avenir. « Nous devons nous interroger sur les défis et
missions futures de la théologie en Amérique latine, à partir
de notre nouveau contexte culturel, social, politique,
économique, écologique, religieux et ecclésial, assure Socorro
Martinez, l’un des organisateurs. Avec, en perspective, la
volonté d’alimenter, par cette réflexion, les communautés
confrontées aux nouveaux défis dans un monde pluraliste et
globalisé. »
A suivre jusqu’au 11 octobre sur le site d’Amérindia (en
espagnol), réseau d’évêques, de théologiens, de chercheurs en
sciences sociales, de religieux et de laïcs qui organise le
congrès et que soutient le
CCFD Terre solidaire (en
français).
Prière du 15 août 2012, des
réactions…
A propos de la prière du 15 août 2012, des réactions…
Texte de Jacques Fraissignes, prêtre ouvrier membre de « David
et Jonathan »
Le cardinal Vingtrois nous invite à la prière.
Je ne sais guère prier. Du moins, je ne sais pas demander à
Dieu de faire à ma place ce que me dicte ma conscience.
Prier, serait pour moi regarder la réalité qui m’entoure, le
faire avec le regard de Jésus, me demander si j’ai bien vu, si
l’apparence ne me cache pas la réalité profonde, si mon regard
étroit voit dans chaque homme ou chaque femme l’image de Dieu
qu’ils représentent.
La réalité est là, incontournable. Le couple homo existe, il
est bien visible.
Les partenaires n’ont pas fait un choix. Ils sont nés avec ce
désir particulier qui les pousse vers une personne de leur
sexe et l’impossibilité d’investir leur vie affective dans une
relation hétérosexuelle.
Ce couple homosexuel est riche d’amour et fécond, sinon
d’enfants, du moins d’engagements et de services généreux. Ce
couple a été reconnu par la loi et le Pacs lui a apporté un
surcroît de stabilité et de sereine visibilité. Gais et
lesbiennes demandent que leur soient reconnus les mêmes
droits que ceux qui sont donnés aux couples mariés. Parmi ces
couples, de nombreux se reconnaissent chrétiens et célèbrent
comme un don de Dieu l’amour qui les unit. Ils témoignent de
cette réalité dans leurs communautés religieuses comme ils le
font dans la vie quotidienne. Nombreux sont
les croyants et les pasteurs qui leur rendent témoignage et
partagent leur désir de reconnaissance.
Xavier Thévenot
évangélisé? »
écrivait:
»
Des
couples
gais
m’ont
De tout cela, je veux rendre grâces et je souhaiterais que les
communauté de croyants en fassent autant.
Dans ma prière, je vois que la famille homoparentale existe,
qu’il s’agisse de famille reconstituée ou d’enfants voulus ou
adoptés. Je vois le long le travail sur eux-mêmes que font ces
couples avant de pendre une telle décision. Combien de
familles font-elles un tel travail avant de concevoir
un enfant ? J’ai eu à préparer le baptême d’un de ces enfants.
A le voir vivre dix ans plus tard, je n ai pas constaté qu’il
ait eu a souffrir de deux parents masculins. De nombreuses
études confirment ce constat.
Mais ma prière devient colère quand je vois mes frères et
soeurs homosexuels subir la suspicion et le déni apporté par
un prélat qui prétend parler au nom de tous les chrétiens de
France et refuser toute réflexion sur le mariage homosexuel et
la possibilité de faire famille en accueillant des enfants. De
quel droit peut-il refuser la réalisation de ces légitimes
aspirations? L’a-t-on entendu tirer argument des paroles de
Jésus au nom de qui il prétend parler? Mis à part le rappel de
la fidélité entre époux, Jésus a-t-il jamais condamné ni
rejetée une personne qui vivait une sexualité différente ?
L’accueil qu’il fait à ces personnes paraît même laxiste à ses
ennemis.
Et même si ce prélat croit avoir autorité sur les croyants
catholiques, au nom de quoi prétend-il interdire le droit à de
légitimes revendications à ceux qui ne se recommandent pas de
cette foi ?
Ma prière devient solidarité. Le monde évolue et la façon de
vivre la sexualité et de faire famille évolue en même temps.
Loin de nous crisper sur des réponses d’un autre temps, ces
changements sont appel à notre conscience à discerner ce qui
fait grandir chaque personne, ce qui la rend plus humaine,
plus « image de Dieu ».
Mais que ceux qui parlent au nom de Jésus nous incitent à
grandir en humanité, loué soit Dieu! Loin de s’accrocher à une
Loi, Jésus a-t-il fait autre chose que d’appeler ceux qui
venaient à lui à vivre en plénitude ?
Jacques Fraissignes
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Les journaux de ce 14 aout 2012 se font l’écho de la
« proposition nationale pour une prière des fidèles » formulée
par l’épiscopat français pour la fête de l’Assomption, en la
présentant comme une prière « anti mariage homosexuel ». Ce
texte
est
accessible
sur
site http://www.eglise.catholique.fr/accueil.html.
le
En complément à la réaction de Jacques Fraissignes, voici
quelques remarques sur le texte lui-même et sur la démarche de
l’épiscopat :
– Comme trop souvent, le texte concerné est un magnifique
exemple de « langue de buis », ampoulé, allusif et plein de
beaux mots fourre-tout : générosité, solidarité, conscience,
fidélité, tendresse, engagement, bonheur, amour… que personne
ne peut récuser. On dit un peu sans dire vraiment, sans doute
dans la recherche illusoire d’une pseudo-unanimité, alimentée
par l’incapacité de l’institution ecclésiale à affronter et
gérer sainement les divergences et les conflits.
– Une fois de plus, Marie est instrumentalisée au service de
causes, l’avenir de la France et la défense d’un modèle
familial unique, bien éloignées du contexte dans lequel a vécu
la mère de Jésus de Nazareth. En rappelant en introduction à
cette prière que « la France a été placée sous le patronage de
la Vierge Marie », l’épiscopat se garde bien de rappeler les
conditions de ce « vœu de Louis XIII », destiné surtout à
assurer sa postérité et sa domination sur ses sujets.
– Sur le fond, Mgr Podvin, ce 14 aout sur France Inter, a dit
et redit que la demande de l’Eglise catholique est avant tout
la tenue d’un vrai débat de société autour des questions de la
famille et des limites de la vie. Cette demande est légitime,
mais le plus simple ne serait-il pas de donner l’exemple et de
commencer par ouvrir le débat parmi les chrétiens
catholiques ? Qui a été consulté pour la rédaction de cette
proposition de prière ? A quand de vraies assemblées d’Eglise,
avec de vrais débats contradictoires, une prise en compte de
la vraie vie des gens ? Quand fera-t-on confiance aux femmes
et aux hommes qui cherchent à vivre l’Evangile dans toutes les
situations contemporaines et tracent des chemins inédits ?
– Mgr Podvin a eu le mérite de la clarté au moins sur un
point : il a régulièrement évoqué la position « de l’Eglise »
et a fort peu fait référence à l’Evangile, et pour cause… Or
« l’Eglise » dont il parle est une société hiérarchique
presque exclusivement composée d’hommes célibataires, dont la
parole est en outre verrouillée au plus haut niveau. Comment
imaginer que ces hommes, aussi ouverts soient-ils, puissent
prendre en compte la complexité et la richesse des situations
réellement vécues au quotidien par les femmes et les hommes de
ce temps ? Cela dit, puisqu’il s’agit d’une « proposition »,
que chaque communauté s’en empare et prenne ses
responsabilités ! Les chrétien(ne)s sont adultes et il serait
intéressant de voir ce qui sera réellement prononcé demain
dans les églises de France.
– Enfin, la démarche de l’épiscopat français ne peut pas être
séparée de celle du Vatican envers les religieuses américaines
qui, fortes de leur expérience de terrain, proposent une
parole autre sur toutes ces questions de société… et sont
vertement rappelées à l’ordre! Heureusement, elles continuent
leur combat, et nous continuons le nôtre, car le message de
l’Evangile ne sera jamais la propriété de quelque personne ou
quelque institution que ce soit.
Marie-Anne Jehl
Jonas Alsace Réseaux des Parvis
_____________________________________________________________
«
N’ayez
pas
l’homosexualité »
peur
de
LE MONDE | 21.08.2012 à 14h47 • Mis à jour le 22.08.2012 à
10h25
Par Jean-Pierre Mignard, avocat à la cour
Défendre la famille et appeler à prier pour elle dans un pays
à bonne progression démographique sous-entend qu’elle est
menacée. Le mariage de couples gays serait-il de nature
à bouleverser la famille et le droit de l’enfant ?
L’Eglise a le droit de s’immiscer dans ce débat législatif. Il
s’agit d’une liberté d’expression indiscutable qui ne porte ni
de près ni de loin atteinte à la laïcité. Son opinion est
d’autant plus utile que le mariage figure dans la liste de ses
sacrements. Le cardinal-archevêque, en qualité de président de
la Conférence épiscopale, peutfaire lire une prière pour le
moins réservée sur le mariage gay, mais de quelle opinion estelle le reflet en dehors de celle de la hiérarchie ?
Selon un sondage IFOP, 65 % des
Français seraient favorables au
mariage homosexuel et 53 % à
l’homoparentalité.
L’indication
dans le même sondage que 45 % des
catholiques ne seraient pas opposés
au mariage homosexuel est plus
singulière.
On
doit
dès
lors regretter que n’ait pas été
organisée une discussion entre les
catholiques,
invités
à
prier
certes,
mais
pas
à « discerner » entre eux et à
haute voix. Il n’est pas trop tard.
Il convient en effet de vider une vieille querelle avant même
de s’engouffrer dans l’affaire du mariage. L’homosexualité
est-elle ou non une des déclinaisons naturelles de la
sexualité ? Le mariage gay, au sujet duquel les divergences
sont concevables, justifie qu’une ambiguïté soit levée. La
thèse officielle désigne cette sexualité sous le vocable
de « désordre ».
Ranger les homosexuels, avec d’autres, parmi les « accidentés
de la vie », exprime un sentiment compassionnel, mais ne les
considère pas comme des sujets de droit. Plus inquiétant, une
instruction de 2005 du Vatican exclut les homosexuels du
ministère
ordonné,
sauf
si
cette
sexualité
est « transitoire ». Le Saint-Siège maintient une position
hostile à la dépénalisation de l’homosexualité lors des débats
aux Nations unies. Cela le place en compagnie de régimes qui
continuent pour certains d’infliger la peine de mort aux
homosexuels. Il s’agit d’une « véritable tragédie pour les
personnes concernées et [d’une] atteinte à la conscience
collective », selon les mots du secrétaire général Ban Kimoon. Cette humiliation était-elle bien nécessaire ?
En tant que catholique et citoyen de la République, je
souhaite entendre l’Eglise de France sur ce point précis. Nous
sommes nombreux à le souhaiter, dans et hors l’Eglise. Si
celle-ci veut intervenir dans le débat public, et je me range
à son droit, elle doit accepter le verdict de l’opinion
publique. C’est d’ailleurs un hommage qui lui est rendu, car
on attend d’elle des messages en faveur de la dignité humaine.
Il y a peu, le cardinal-archevêque de Lyon, Mgr Philippe
Barbarin, évoquait, avec une hauteur chez lui familière, deux
grandes figures homosexuelles et chrétiennes, Michel-Ange
et Max Jacob. A ces artistes, il disait la gratitude de
l’Eglise mais surtout que leur homosexualité était un fait, la
situant ainsi hors de portée de tout jugement de valeurs. Cela
ne l’a pas amené à se déclarer favorable au mariage gay, mais
au moins le fondement d’une discussion purgée de ses peurs et
de ses fantasmes est-il rendu possible.
L’ancien cardinal-archevêque de Milan Carlo-Maria Martini
allait plus loin et enjoignait aux Etats d’aider les
homosexuels à stabiliser leurs unions civiles. Il y a sur le
sujet et de toute évidence plusieurs demeures dans la maison
du Père…
On conçoit très bien que l’Eglise catholique défende le
sacrement de mariage et sa destination première. La solution
théologique n’est en effet pas simple. Mais il
faut crever l’abcès. Toutes les réserves du monde catholique
sont admises à la table des discussions, mais elles ne seront
acceptées qu’à la condition, toutefois, de la reconnaissance
publique et sans fard de ce que l’homosexualité est une
sexualité comme une autre échappant à la sphère du jugement
moral et pénal ou du traitement psychiatrique, aussi légitime
et digne de reconnaissance que l’hétérosexualité.
Le temps n’est pas encore venu, et on peut le regretter, d’une
pastorale pour les homosexuels. Mais est venu celui d’évoquer
cette question au sein de l’Eglise et de se délivrer de ces
frayeurs, qui ont amené, par exemple, à séparer dans le petit
cimetière d’Ebnal (Angleterre) pour les besoins de sa
béatification, en 2010, mais contre sa volonté testamentaire,
le corps du cardinal britannique John Newman (1801-1890) de
celui de son ami le révérend Ambrose St. John, « qu’il aimait
d’un amour aussi fort que celui d’un homme pour une femme ».
Rien ne dit que ce grand prélat fut gay, rien, mais même cette
amitié inquiétait.
Les catholiques doivent pouvoir en débattre au sein de leur
communauté, dans des assemblées paroissiales, diocésaines dans
leurs associations, là où c’est possible, là où c’est
nécessaire, là où c’est désiré. Qu’avons-nous à craindre des
paroles puisque nous nous réclamons de la théologie de la
Parole ? Nous ne serions pas tous d’accord ? La belle affaire
!
C’est ainsi que l’ouverture au monde se fait, ce qui ne
signifie pas s’y soumettre. L’Eglise exemplaire dans le
dialogue interreligieux se montrerait inapte à tout dialogue
intrareligieux ? Les évêques, qui ne sont pas des despotes,
devraient oser ce débat. L’historien Michel de Certeau disait
dans un trait fulgurant que « c’était au fond du risque que se
trouvait le sens ». Et s’il y a bien une injonction biblique
et évangélique en forme de leitmotiv c’est : « N’ayez pas
peur. »
Jean-Pierre Mignard, avocat à la cour
Marcel Gauchet : Vatican III
Marcel Gauchet : « il faut un Vatican III »
propos recueillis par Marie-Lucile Kubacki – publié le
25/09/2012
Intellectuel français, auteur du Désenchantement du monde
(Gallimard, 1985), Marcel Gauchet dresse un bilan incisif de
la situation de l’Eglise catholique. Le philosophe, élevé dans
la religion catholique mais qui se dit aujourd’hui agnostique,
ouvre des pistes de réflexions pour l’avenir.
Cinquante ans après Vatican II, quel bilan faites-vous de
l’après-Concile, alors que le christianisme n’est plus
majoritaire en Europe. Le Concile est il encore pertinent dans
le monde actuel?
Il est dépassé ! Le Concile a été une entreprise de rattrapage
tardive par rapport à une énorme évolution qui s’était jouée
sur plus d’un siècle et au terme de laquelle l’Eglise se
retrouvait en position délicate par rapport au monde moderne,
soit après 1945 et la conversion globale des mentalités
croyantes, chrétiennes, à l’univers démocratique. L’épreuve
des totalitarismes était passée par là et ce n’était plus
tenable. Mais le monde a continué de bouger et tout ce qui
s’est passé depuis lors a mis le Concile en porte-à-faux. Je
pense que ce n’est plus du tout une référence. Vatican II
avait défait Vatican I. Il faut un Vatican III qui refasse un
aggiornamento de même ampleur….
En quoi Vatican II vous semble-t-il dépassé?
Sur tout ce qui touche aux statuts de la liberté des
personnes. A l’époque de Vatican II, il y avait deux problèmes
: la liberté religieuse, qui était le point clé, évidemment,
et d’autre part la liberté politique. Là c’est réglé et on
n’en parle plus. Il reste maintenant la question du statut de
la liberté des personnes qui est bien plus profonde car ce
sont les assises morales des individus qui sont en jeu !
Qu’est ce que la liberté personnelle? Quel est le sens de cet
énorme problème qui recouvre sexualité, reproduction, famille
et intimité fondamentale des personnes? Ce n’est pas
simplement un problème d’institution, c’est un problème
doctrinal qui nécessiterait une révision très profonde car le
décalage avec la société est complet.
Quelle peut donc être la place de l’Eglise catholique dans
cette société en pleine mutation?
C’est à elle de le dire ! Mais d’une certaine manière il y a
une légitimité de la religion qui n’est plus discutée par
personne. On n’est plus dans le combat classique « l’emprise
de la religion sur la société ou la destruction de la religion
» qui, par exemple, a tellement dramatisé la séparation des
Eglises et de l’Etat. En dehors des fanatiques qui existent
partout, et il existe des fondamentalistes de la laïcité tout
aussi aberrants que les fanatiques d’en face, personne ne
conteste plus la légitimité du fait religieux. C’est un
changement énorme dont je pense qu’il faut prendre la mesure.
Le discours religieux a une vocation éminente, dans un monde
où le message politique s’est complètement épuisé, à
constituer un élément de la conscience politique vivante.
C’est dans cette direction qu’il y a une place à prendre.
Une sorte de vigie spirituelle…
Oui. Il reste une demande très forte de nos sociétés avec des
rapports très complexes entre l’incroyant déclaré et le «
sympathisant » qui n’est pas l’adhérent ou le militant, pour
reprendre le langage politique, mais qui néanmoins compte dans
le paysage. On est dans un monde où l’Eglise catholique n’a
plus beaucoup de pratiquants mais peut avoir beaucoup de
sympathisants. Il devrait y avoir un réexamen radical de
toutes ces questions qui pour l’instant n’est pas fait. Ses
responsables n’ont pas la mesure de ce qui est en train de se
produire. Pour eux, il y a une frontière nette : on est
catholique ou on ne l’est pas. Mais ce n’est plus comme ça que
les choses se passent dans notre société. L’Eglise ne doit pas
négliger ses sympathisants.
Quel regard posez-vous sur l’Eglise catholique actuelle?
Le bilan est contrasté. Ce qui est nouveau c’est que l’on ne
peut plus parler de l’Eglise comme d’une institution homogène.
Elle est très diverse, travaillée par des directions
contradictoires, des attitudes divergentes et en particulier,
elle n’a pas complètement réglé son problème d’adaptation à la
société dans laquelle elle vit. Il y a une très forte
tentation traditionnelle : comme les effectifs de fidèles
diminuent, que l’emprise de la société sur la vie sociale
recule, beaucoup sont tentés de se replier sur la citadelle
pour reformer une église très soudée, minoritaire et
identitaire. D’un autre côté il y a une Eglise qui fait le
pari de l’ouverture sur la société : cette Eglise a conscience
que même si elle occupe une position minoritaire, la société
ne lui est pas fondamentalement hostile. Les deux tendances
coexistent sans que le problème soit tranché.
La hiérarchie catholique a beaucoup relâché sa volonté
d’autorité traditionnelle donc il règne un certain libéralisme
qui facilite l’éclatement de tendances divergentes, mais elle
refuse de trancher sur un certain nombre de points essentiels
et se trouve donc dans l’expectative. Tout reste possible.
Vous dites que la société n’est pas fondamentalement hostile à
l’Eglise mais on note quand même quelques crispations face au
religieux !
Oui, il y a des tendances hostiles
pour la parole évangélique. Cela,
D’ailleurs, cette parole peut
qu’auparavant, dans la mesure
mais aussi une vraie place
je le crois profondément.
être davantage entendue
où l’on est passé d’un
christianisme sociologique qui relevait du conformisme social
à un christianisme reposant sur la foi, davantage valorisable
d’un point de vue authentiquement chrétien.
Est-ce à dire que les catholiques ont gagné en légitimité, en
étant poussés à renoncer à l’ambition d’une forme d’hégémonie
religieuse ?
Précisément. Mais ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas une
minorité qui rêve encore. Elle peut être bruyante mais elle ne
me paraît pas refléter le monde catholique de manière très
significative. Fatalement on en retrouve toujours des traces
dans les postures des uns et des autres mais je pense qu’il y
a une rupture. Par contre, si ce tournant a été pris, il n’est
ni réfléchi ni explicité et c’est un des éléments qui
expliquent l’incertitude actuelle. Le problème est qu’il est
difficile, encore aujourd’hui, de dresser un bilan des
rapports entre l’Eglise catholique et le monde moderne. Cela
n’a jamais été fait et en ce sens ; le Concile, en affirmant
la vocation de l’Eglise au coeur du monde, a ouvert un
processus qui est loin d’être achevé.
Y a-t-il une réception du Concile spécifique à la France du
fait de mai 68?
Sans doute. Mai 68 a été une véritable déflagration dans les
rangs de l’Eglise. Dans certains ordres religieux, ça a été
très spectaculaire. Grâce à mai 68, je pense qu’il y a eu une
ouverture sur la société qui a rayonné hors de France dans la
mesure où l’Eglise de France a une certaine influence. Cela a
énormément contribué à faire de l’Eglise de France l’une des
plus ouvertes de la catholicité actuelle. Quand j’écoute les
évêques français, il y a une énorme différence avec ce que
l’on peut entendre ailleurs. Ils sont beaucoup plus libéraux
et beaucoup plus conscients du fait qu’au milieu du recul
objectif de l’emprise du christianisme sur la société, il y a
dans cette société une écoute du message évangélique plus
profonde qu’auparavant.
Quel est le plus grand problème de l’Eglise aujourd’hui : les
questions d’éthique et de morale ou les intégristes?
Les rapprochements avec les intégristes, pour moi,
n’intéressent vraiment que l’institution au sens le plus
étroit du terme. Que ça ait une importance dans la gestion
pastorale de la catholicité, je veux bien le penser ! Mais
globalement, c’est un problème très secondaire qui est un peu
réglé par le fait qu’il y ait une espèce de tolérance qui
s’est établie à l’égard de toutes les formes cultuelles ou
sacramentelles. On revient un peu à l’Eglise tridentine où
l’on laissait les communautés locales gérer leurs affaires sur
le plan liturgique.
La Lettre « La Vie » du 25/09/2012
Notre foi en actes
Notre foi en actes.
Il n’y a pas dans nos vies de croyants deux registres séparés
qui seraient celui du religieux et celui du monde. Nous nous
accordons sur une théologie qui met l’humain au centre : c’est
là que nous rencontrons Dieu, c’est ce que signifie
l’incarnation. L’évangile nous montre que toute démarche de
foi part du vécu. Elle ne se limite pas à de bonnes paroles ou
des rappels de listes de valeurs, elle implique des actes qui
engagent. Et c’est la démarche que nous voulons suivre ;
démarche qui n’est pas seulement individuelle mais celle de
notre communauté croyante, celle que nous formons ensemble.
Au sein de Parvis, nous nous étions engagés dans la campagne
sur l’accueil des migrants en France : « Ne laissons pas
fragiliser le droit de l’étranger » ; ses initiateurs viennent
de lancer avec d’autres l’appel : « A la rencontre du frère
venu d’ailleurs » auquel nous voulons également participer. Il
se trouve qu’il se situe dans le cadre de l’initiative
épiscopale Diaconia 2013, qui veut affirmer que selon
l’évangile le souci de l’autre, du plus petit, de l’exclu est
premier : si nous ne sommes pas tous appelés à des actions
concrètes, chacun agissant selon ses charismes propres, les
groupes de chrétiens qui s’engagent au nom de leur foi sont au
coeur de la communauté, et celle-ci doit les entendre et les
soutenir.
Les 18 associations qui portent l’appel estiment que le
comportement de l’électorat catholique pratiquant, et en
particulier celui des jeunes, qui adhèrent plus largement que
la moyenne des Français aux idées du Front National nécessite
que l’on rappelle avec force qu’elles sont incompatibles avec
l’Evangile. Elles veulent combattre les préjugés et les
amalgames en explicitant ce que sont les différentes
situations et en replaçant l’immigration dans son contexte
international. Les regards complémentaires de la Cimade et du
CCFD-Terre Solidaire montrent l’importance qu’il y a à élargir
le regard. Le migrant dépourvu de droits et rejeté sur notre
sol n’y est pas né spontanément : le parcours qui l’a conduit
chez nous dépend d’une situation internationale dans laquelle
nous sommes acteurs.
Dans la mouvance de Partenia, nous avons vocation à rejoindre
les plus fragilisés socialement. Qui sont-ils ? Comment les
rencontrons-nous ? Qu’apportent-ils à l’humanité qui est en
nous et à notre foi ? A notre manière de l’exprimer ? Notre
foi est d’abord relation.
C’est notre façon de répondre au titre du dossier « Croire
aujourd’hui ».
Les personnes fragilisées que nous côtoyons :
Roms. Sans Papiers.
Personnes
démunies
(financièrement,
socialement, pas ou mal logées,…).
culturellement,
Détenus en Maison d’Arrêt.
Malades en hôpital psychiatrique.
Personnes étrangères cherchant à apprendre le français et à
s’intégrer en France.
Paroissiens occasionnels et éloignés de l’Eglise.
Des constats induisant chez nous des comportements et des
actions.
Lesquels ?
Des difficultés de contact (cas des Roms, par exemple) nous
amènent à découvrir d’autres langues, cultures, modes de vie
et d’éducation etc…
Nous apprenons à nous laisser surprendre, à ne pas nous
comporter en dominants, et plutôt, les accompagner dans leurs
démarches (notamment administratives et scolaires), pour les
aider à être autonomes. Il n’y a pas celui qui sait et celui
qui « ne sait pas ».
20 enfants de familles étrangères « sans papiers », non
scolarisés à cause du refus obstiné du maire (soutenu par
certains parents français) et du manque de réactivité de la
Préfecture.
Un couple de Partenia 77 participe à un collectif qui se crée
sur place (parents, associations, partis) pour l’organisation
de manifs devant la mairie puis la Préfecture. Résultat :
accueil de ces enfants à l’école… en Mai ! A suivre lors de la
prochaine rentrée, avec vigilance et imagination (insertion de
ces enfants).
A partir d’un constat de problèmes de logements pour des
habitants de HLM, une participation active et suivie à des
actions et réunions de quartier et à des contacts avec le
maire et les familles concernées.
Partant de difficultés à trouver des modes d’expression
liturgiques adaptés à des publics éloignés de l’Eglise :
laisser s’exprimer à leur façon des personnes qui ne le font
pas habituellement.
Exemples : en paroisse (obsèques, mariages, baptêmes) ou en
prison (célébrations).
Constatation de l’existence de Sans papiers isolés et démunis
devant des procédures judiciaires plus ou moins inhumaines et
déshumanisantes.
Action : visite de Sans Papiers enfermés en Centre de
Rétention du Mesnil Amelot (Seine et Marne), ou rencontre, au
tribunal, de la personne jugée et, si possible, du ou de la
juge et de l’avocat(e).
Avec d’autre associations et réseaux, telles que RESF, la
Ligue des Droits de l’Homme, la CIMADE et les Cercles de
Silence, participation à une structure départementale
(Observatoire Citoyen 77) de l’Observatoire de l’Enfermement
des Etrangers.
Un groupe de musiciens engagés auprès des Sans Papiers crée un
spectacle sur les Roms (« Cabaravane »). Un couple de Partenia
77 les héberge.
Constat : les préjugés et l’exclusion ont souvent pour cause
principale l’ignorance.
Action : dans le cadre d’une association, on crée des
occasions de rencontres et d’échanges (fêtes de quartier,
activités partagées par tous, gym, randonnées, couture,
cuisine, sorties culturelles etc…).
Des bénéficiaires des Restos du Coeur ne sont pas toujours
accueillis comme des personnes autonomes et responsables,
ambiance d’automatismes routiniers.
Action : café-contact sur place, créant une ambiance amicale
et permettant des échanges entre bénéficiaires et bénévoles.
Constat : des exclus (que nous laissons exclure ?), une
opinion publique peu informée des situations concrètes et des
droits des étrangers, des citoyens et des politiques qui
manient des préjugés et des amalgames, des responsables
économiques et politiques considérant le migrant comme une
« variable d’ajustement économique ».
Actions : aide aux Sans Papiers en vue de leur régularisation,
réaction auprès des préfets, documentation et formation sur
les droits des étrangers, transmission d’informations à
l’attention
discussions
du public (mails, panneaux, pétitions),
ponctuelles (Cercle de Silence, famille,
rencontres,…).
A
travers
ces
faits
et
ces
actions,
il
nous
semble
repérer quelques finalités communes et quelques questions de
fond sous-jacentes. Les voici.
Pour créer et développer des solidarités, mettre dans notre
société plus d’amitié, de paix, de justice, de respect de
l’autre, de vérité entre les personnes et entre les groupes,
d’espoir,… et (pourquoi pas ?) d’humour, et faire du chemin
avec d’autres :
– lutter contre la routine et le fatalisme (bof ! « ça a
toujours existé ! ») ;
– débusquer et contrer de soi-disantes « évidences » et le
langage du prêt-à-penser » ;
– changer notre regard sur les évènements, sur les personnes,
et sur le message du Christ (riche en paroles et comportements
« subversifs »…)
– exprimer (en paroles et en actes) notre solidarité avec les
exclus ;
– ne pas hésiter à questionner (voire contester) les
responsables politiques (maires, députés, préfets, ministres,
président), mais aussi des responsables religieux (… le Christ
l’a fait en son temps et dans son pays !).
– une véritable institutionnalisation du droit au logement
s’impose. La loi DALO va dans ce sens, mais ne passe pas
encore beaucoup dans les faits, par insuffisance de
constructions de logements sociaux.
– chrétiens ou non, exerçons notre vigilance
– annoncer l’Evangile avec les exclus, c’est leur laisser la
parole et les écouter.
Faire participer ceux qui ne savent ni lire ni écrire.
– ne pas négliger le rôle positif que peuvent jouer révoltes
et utopies ;
– pour la petite histoire : l’une d’entre nous, arrivant
enfant en France avec sa famille, se faisait traiter de « sale
Belge » par ses camarades de l’école du village.
– on a quelquefois peur de ceux qui sont différents, quelle
que soit leur différence, par exemple :étrangers, handicapés,
malades mentaux. Et on a d’autant plus peur qu’on ne les
connait pas et qu’on ne vit pas avec eux. Cela explique peutêtre que le vote pour le Front National est fort (autour de 20
%) dans certaines campagnes, et relativement faible dans des
secteurs où vivent côte à côte une centaine de nationalités.
Exemple : Seine-Saint-Denis.
– ce n’est pas par pitié ni par compassion que nous agissons.
Nous essayons de faire passer dans notre vie le message de
libération et d’émancipation que le Christ nous a transmis.
– pouvons-nous encore « prier pour les pauvres »… et ne pas
lever le petit doigt quand la ville où nous habitons refuse de
construire des logements sociaux que la loi lui impose ?
N’ayons pas peur de provoquer des changements, y compris dans
notre Eglise, n’attendons pas des consignes ou des
autorisations pour faire. Cela a été une démarche du Christ.
« Le Saint Esprit souffle où il veut » !
Au total, quelques particularités importantes de nos moyens :
– démarche collective
– démarche libératrice
– démarche pédagogique : découverte et reconnaissance du
potentiel de l’autre, de son mode de fonctionnement, de sa
culture, et construction d’un véritable échange.
Bernard Jarry et le groupe Partenia 77.
Interview du Cardinal MARTINI
L’interview du Cardinal Martini : « L’Eglise est en retard de
200 ans !… »
Le père Georg Sporschill, le confrère jésuite qui l’avait
interwievé dans l’ouvrage « Conversations nocturnes à
Jérusalem – Sur le risque de la foi »* et Federica Radice ont
rencontré le cardinal Martini le 8 août dernier. Le texte de
leur entretien, est « une sorte de testament spirituel que le
cardinal a lu et approuvé ».
Comment voyez-vous la situation actuelle de l’Eglise ?
L’Eglise est fatiguée, dans l’Europe du bien-être et en
Amérique. Notre culture a vieilli, nos églises sont grandes,
nos maisons religieuses sont vides et l’appareil
bureaucratique de l’Eglise gonfle, nos rites et nos habits
sont pompeux. Ces choses, cependant expriment-elles ce que
nous sommes aujourd’hui ? […] Le bien-être pèse. Nous nous
trouvons là comme le jeune homme riche, qui s’en va triste,
lorsque Jésus l’appelle à devenir son disciple. Je sais que
nous ne pouvons pas facilement tout abandonner. Au moins,
cependant, pouvons-nous rechercher des hommes libres et plus
proches des autres. Comme l’ont été l’évêque Romero et les
martyrs jésuites du Salvador. Où sont chez nous les héros
desquels s’inspirer ? En aucune raison nous ne devons les
enfermer dans les contraintes de l’institution.
Qui peut aider l’Eglise aujourd’hui ?
Le père Karl Rahner utilisait volontiers l’image de la braise
qui se cache sous la cendre. Je vois dans l’Eglise
d’aujourd’hui tellement de cendre sur la braise que souvent un
sentiment d’impuissance m’assaille. Comment peut-on libérer la
braise de la cendre pour raviver la flamme de l’amour ? En
premier lieu, nous devons rechercher cette braise. Où sont les
simples personnes remplies de générosité comme le bon
samaritain ? Qui ont une foi comme celle du centurion
romain ? qui sont enthousiastes comme Jean Baptiste ? Qui
osent le neuf comme Paul ? Qui sont fidèles comme Marie
Madeleine ? Je suggère au pape et aux évêques de chercher
douze personnes atypiques pour les postes de direction. Des
hommes qui soient proches des plus pauvres et entourés de
jeunes ayant l’expérience des choses nouvelles. Nous avons
besoin de la rencontre avec des hommes qui brûlent pour que
l’esprit puisse se répandre partout.
Quels outils suggérez-vous contre la fatigue de l’Eglise ?
J’en suggère trois très puissants.
Le premier est la conversion : l’Eglise doit reconnaître ses
propres erreurs et prendre la voie radicale du changement, à
commencer par le pape et les évêques. Les scandales de
pédophilie nous poussent à entreprendre un chemin de
conversion. Les exigences sur la sexualité et sur tous les
thèmes qui impliquent le corps en sont un exemple. Celles-ci
sont importantes pour chacun et parfois peut-être, sont-elles
aussi trop importantes. Nous devons nous demander si les gens
écoutent encore les avis de l’Eglise en matière sexuelle. Dans
ce domaine, l’Eglise est-elle encore une autorité de référence
ou seulement une caricature dans les médias ?
Le second est la Parole de Dieu. Le concile Vatican II a
restitué la Bible aux catholiques. […] Seul celui qui perçoit
cette Parole dans son cœur peut faire partie de ceux qui
contribueront
au renouveau de l’Eglise et qui sauront
répondre aux demandes personnelles avec une démarche
pertinente. La Parole de Dieu est simple et cherche comme
compagnon un cœur à l’écoute […] Ni le clergé ni le Droit
ecclésial ne peuvent se substituer à l’intériorité de l’homme.
Toutes les règles externes, les lois, les dogmes nous sont
donnés pour éclairer la
discernement des esprits.
voie
intérieure
et
pour
le
Pour qui sont les sacrements ? Ceux-ci sont le troisième
instrument de guérison. Les sacrements ne sont pas un
instrument de discipline mais une aide pour les hommes tout au
long du chemin et dans les faiblesses de la vie. Portons-nous
les sacrements aux hommes qui ont besoin d’une force
nouvelle ?
Je pense à tous les divorcés et aux couples
remariés, aux familles recomposées. Ceux-ci ont besoin d’une
protection spéciale. L’Eglise soutient l’indissolubilité du
mariage. C’est une grâce quand un mariage et une famille
réussissent […]. L’attitude hostile que nous portons à l’égard
des familles recomposées déterminera les rapports de la
génération des fils avec l’Eglise. Une femme a été abandonnée
par son mari et trouve un nouveau compagnon qui s’occupe
d’elle et de ses trois fils. Le second amour réussit. Si cette
famille devient discriminée, non seulement la mère mais aussi
ses fils deviennent exclus. Si les parents se sentent en
dehors de l’Eglise et n’en sentent pas le soutien, l’Eglise
perdra la génération suivante. Avant la Communion, nous
prions : « Seigneur, je ne suis pas digne… » Nous savons que
nous ne sommes pas dignes […] L’amour est grâce. L’amour est
un don. La question de savoir si les divorcés peuvent
communier devrait être renversée. Comment l’Eglise peut-elle
venir en aide, avec la force des sacrements, à ceux dont la
situation familiale est complexe ?
Vous personnellement, que faites-vous ?
L’Eglise est en retard de 200 ans. Comment se fait-il qu’elle
ne se réveille pas ? Avons-nous peur ? Peur au lieu de
courage ? Pourtant la foi est le fondement de l’Eglise. La
foi, la confiance, le courage. Je suis vieux et malade et je
dépends de l’aide des autres. Les bonnes personnes qui
m’entourent me font sentir l’amour. Cet amour est plus fort
que le sentiment de défiance que je perçois parfois vis-à-vis
de l’Eglise en Europe. Seul l’amour est vainqueur de la
fatigue. Dieu est Amour.
J’ai encore une question pour toi : que peux-tu faire, toi,
pour l’Eglise ?
________________
* le livre d’entretien a été publié en allemand en 2008, puis
en italien ; il a été traduit en français (en 2009) sous le
titre « Le rêve de Jérusalem » C.M. Martini – Entretiens avec
Georg Sporschill
sur la foi, les jeunes et l’Eglise, DDB, 196
pages, 16 €.
Source : texte publié dans le « Corriere della Sera » et
transmis par Vittorio Bellavita (Noi Siamo Chiesa, Italie) via
le réseau IMWAC (International Movement We Are Church).
Traduction en français par Lucette Bottinelli – 3 septembre
2012
Les Religieuses aux EtatsUnis
Les Religieuses aux Etats-unis, un langage nouveau…
Vers l’avenir
Le périple des religieuses depuis Vatican II
Les évêques ont raison. Les religieuses ont changé, non
seulement aux Etats-Unis mais partout dans le monde. Nous
avons changé en suivant des chemins qui nous ont conduites à
sortir de ce que nous pensions être. En nous abandonnant à
l’Esprit, nous nous sommes éveillées à de nouvelles
connaissances qui nous concernent au plus profond. Ce niveau
de changement est une transformation. Il modifie de façon
radicale la façon dons nous nous voyons nous-mêmes, dont nous
voyons l’Evangile, notre église, notre monde et, le plus
important, comment nous comprenons notre Dieu. Ce changement
de conscience n’a pas été facile. Non, il a été douloureux,
mais comme la douleur de l’enfantement, celle-ci s’est
évanouie dans l’émerveillement indicible devant une vie qui
émerge.
Je ne veux pas prétendre que tout ce qui s’est passé au cours
de ces 50 ans a été parfait, exempt d’erreurs ou de mauvais
choix. Mais ce qui est clair pour moi, c’est que le renouveau
qui s’est opéré dans le sillage du Second Concile du Vatican
nous a tous invités, hommes et femmes, religieux ou laïcs, à
éprouver notre foi de telle sorte qu’elle soit à la fois
pénétrée et façonnée par la société moderne, pluraliste et
démocratique.
Le document conciliaire Gaudium et Spes invitait l’église à
embrasser les joies, les espoirs, la peine et la souffrance du
peuple de Dieu et d’être dans le monde et non de s’en tenir à
part. Il a « ouvert les fenêtres » d’une institution qui a
scié les barreaux et libéré l’Esprit. Cette invitation de
l’église officielle faisait écho à ce que fit Jésus dans sa
vie, quand il « ouvrait les fenêtres » du système de pureté
restrictif qui prévalait alors et proclamait en paroles et en
actes que chacun était invité à la table et aimé de Dieu.
Un acte d’obéissance
Les religieuses ont pris cette invitation au sérieux et,
poussées par l’église officielle, entrepris leur renouveau.
C’était là un acte de grande obéissance. Je le sais, car je
suis entrée dans la vie religieuse en 1966 après avoir grandi
à Chicago dans une enclave catholique. L’adjectif
« catholique » définissait tous les aspects de ma vie : écoles
catholiques, marches funèbres catholiques, équipes de sport
catholiques, spiritualité catholique, la liste est longue.
L’église officielle serait aujourd’hui très fière de ce que
j’étais alors. Je voulais que rien ne change. J’imaginais
porter l’habit toute ma vie, vivre dans un couvent avec une
routine quotidienne, enseigner à l’école. Alors, quand je suis
entrée et que les choses ont commencé à changer, le chemin n’a
pas été facile pour moi ; cependant, j’ai obéi et pris au
sérieux ce qu’on m’avait enseigné dans les classes de
théologie et de philosophie.
Intégrer les questions qui se posaient à propos de la foi, des
Ecritures ou de la théologie dans ma vie de prière fut la clé
de mon parcours, comme ce le fut pour beaucoup de religieuses.
Nous avons commencé à avoir un regard nouveau sur qui fut
Jésus et comment les Ecritures furent formulées dans le
contexte de leur époque. Nous avons étudié l’histoire de
l’église et sa tradition d’enseignement sur la justice
sociale. Nous avons étudié la théologie de la libération et
commencé à comprendre comment les structures des systèmes de
pouvoir, politique ou aussi ecclésial oppriment trop souvent
le peuple même qu’elles sont sensées servir. Comme les
diocèses des Etats-Unis étaient jumelés avec des villes
d’Amérique Centrale ou du Sud, beaucoup de sœurs ont servi
dans ces ministères nouvellement établis et expérimenté le
pouvoir de la théologie de la libération ; elles ont été
transformées par le peuple qu’elles servaient.
Guidées par les documents conciliaires, nous avons appris
d’autres traditions de foi et qu’elles aussi offraient une
exploration de Dieu. Le renouveau liturgique apporta ouverture
et innovation dans les célébrations liturgiques que l’église
romaine avait ossifiées.
Formées dans les années 1950 par le Mouvement de Formation des
Sœurs, les religieuses durent, selon le concile, suivre des
formations académiques. Et nous l’avons fait. Lettres et
sciences humaines, sciences sociales aussi bien que sciences
dures sont devenues notre compagnie. Les détails de la
physique quantique, de l’évolution ou des découvertes sur les
origines de l’univers ne nous étaient ni étrangers ni
suspects. Ils pointaient au contraire vers une meilleure
connaissance de Dieu et de ce que nous sommes dans ce monde
merveilleux.
Notre immersion dans le monde ouvrit de nouveaux ministères au
sein desquels les religieuses travaillaient directement avec
des femmes qui se battaient dans des situations d’abus sexuels
ou de décisions sur la conduite à terme de leur grossesse ;
avec des jeunes femmes qui avaient cru comprendre que selon
l’enseignement de l’église il valait mieux avorter et être
pardonnée d’un péché mortel plutôt que d’utiliser des moyens
contraceptifs et vivre en état de péché mortel. Nos ministères
nous mirent face aux sans castes de nos sociétés – les sans
toits, les prisonniers, les drogués, les laissés pour compte
économiques, les exclus à cause de leur orientation sexuelle.
Ces expériences s’infiltraient en nous et quand nous les avons
portées dans la prière, elles nous ont transformées. Nous
avons vu et compris que ces gens étaient le peuple que Jésus
aurait aujourd’hui appelé des amis et accueilli dans sa
compagnie.
Le réveil
Notre vie au sein des congrégations changeait aussi. En
échangeant les vêtements que portaient les femmes dans une
autre époque contre ceux de notre temps, en commençant à vivre
dans différents types de communautés, nous avons fait
l’expérience d’être nous-mêmes des individus, avec nos propres
droits. Comme les autres femmes le firent partout à cette
époque, nous nous sommes éveillées à notre identité de femmes
et réclamé les droits qui sont les nôtres, à égalité avec ceux
des hommes. Nos ministères parmi les femmes nous ont fait
ressentir d’une nouvelle façon les défis qui sont les nôtres à
cause de notre genre, le don de notre sexualité et celui de
porter une vie nouvelle. Nous avons compris que l’enseignement
de l’église officielle sur la sexualité n’était pas accepté
par la plupart des femmes catholiques parce qu’il n’atteint
pas le cœur des femmes, nos vies, ne s’adresse pas à nos
souffrances ni aux choix difficiles qui sont devant nous et ne
célèbrent pas la joie de notre sexualité.
Ayant grandi aux Etats-Unis, les religieuses commencèrent à
intégrer les principes démocratiques de nos structures de
gouvernement. Le concile nous avait demandé que les
responsables deviennent des serviteurs et nous voyions que les
structures patriarcales et hiérarchiques n’entraient pas dans
ce modèle. Nous avons choisi des modes de responsabilité plus
circulaires, en insistant sur la participation et le partage
tout en affirmant et acceptant que certains individus parmi
nous soient élus comme nos responsables.
Les mouvements sociaux de notre époque sont devenus partie de
nos vies – le mouvement des femmes, la lutte pour les droits
civils, le mouvement non-violent anti-guerre et plus récemment
le mouvement des gays et lesbiennes. Ce que nous avons appris,
c’est la connaissance viscérale que toute personne humaine est
dotée de droits inaliénables, quels que soient sa race, son
genre, sa classe ou son orientation sexuelle. Elles sont
toutes enfants de Dieu.
Plus récemment, les religieuses ont introduit dans la prière
les connaissances venues de la physique quantique et de la
cosmologie qui montrent les interconnections de toute la vie.
Nous avons choisi en conscience de considérer la situation
critique de notre Terre comme une question de justice et
formulé des positions en direction des congrégations et du
public concernant la soutenabilité, le changement climatique
et la préservation
naturelles.
de
la
Terre
et
de
ses
ressources
Parler franchement
Nous
nous
sommes
trouvées
immergées
dans
une
société
pluraliste, démocratique et sécularisée et nous savions que
notre foi avait quelque chose à offrir aussi bien qu’à
recevoir de la culture. Nous nous sommes exprimées sur les
abus de l’avidité, du consumérisme, de l’individualisme
égoïste et des politiques publiques qui sont déterminées sans
tenir compte du bien commun ou de ceux qui sont les plus
petits parmi nous. Nous avons fait du lobbying et nous avons
manifesté. Nous avons utilisé notre pouvoir économique dans
des résolutions d’actionnaires. Et nous avons offert à
d’autres la possibilité d’intégrer nos centres de retraite et
nos forums éducatifs, afin d’intégrer leur expérience
d’adultes dans cette culture, avec l’évolution de leur foi.
Les religieuses ont changé. Et ce changement ébranle les
fondations de ce qui continue d’être une église apparemment
enfermée dans un lieu et une époque d’autrefois. Ce n’est pas
ce dont nous avons besoin aujourd’hui. Les signes des temps
nous révèlent des personnes qui sont catholiques mais ne
veulent plus aller « à l’église » parce qu’elles se sentent
aliénées et en colère devant la corruption et le manque
d’intégrité de nombre des leaders cléricaux masculins. Ces
personnes veulent connaître Dieu en adultes. Elles désirent
une spiritualité enracinée dans leur foi et dans leur vie.
Je crois que l’Evangile et la richesse de notre tradition
catholique ont quelque chose à offrir à notre monde postmoderne. Je ne voudrais pas le voir s’effondrer sous le poids
de structures qui maintiennent des relations de pouvoir qui ne
servent plus à rien. Je pense que la foi qui attend d’être
proposée au 21ème siècle doit venir d’une position d’ouverture
et de compréhension des changements apportés par l’évolution
de notre développement. Ce ne peut être une foi provenant de
la position de condamnation de la modernité. Mais une foi qui
aura été confrontée à ce qui est croyable à notre époque et
aura émergé à partir de nouveaux éclairages et de nouvelles
interprétations sur la façon de nous aimer les uns les autres
à la manière de Jésus. Dans cette époque difficile et
chaotique, il nous est possible d’arriver à comprendre que
nous sommes plus semblables que différents, plus uns que
séparés.
Oui, les religieuses ont changé. Et je crois que notre périple
a beaucoup à offrir à ce moment de notre histoire. Ensemble
avec d’autres, qui ont cheminé sur des routes semblables,
l’avenir de notre foi nous a fait signe d’avancer depuis le
Second Concile du Vatican. En ce cinquantième anniversaire,
avançons courageusement vers l’avenir en affirmant une
nouvelle fois que nous sommes catholiques et que nous sommes
l’église.
Nancy Sylvester
fondatrice et présidente de l’Institute for Communal
Contemplation and Dialogue
Article publié par l’hebdomadaire jésuite des Etats-Unis,
America, le 16 juillet 2012
Traduction Lucienne Gouguenheim
Vivre l’Evangile aujourd’hui
Vivre, aujourd’hui, dans l’Esprit de l’Evangile.
Au cours de l’histoire des peuples, l’expression des croyances
et des convictions a toujours été exprimée par les femmes et
par les hommes dans un contexte culturel, social, économique,
politique.
Dieu n’a jamais parlé, il n’y a que les femmes et les hommes
qui parlent, écrivent, disent leurs réflexions, leurs
analyses, leur lecture des évènements.
L’importance de la Parole :
Les grands récits de l’humanité nous montrent que la parole
participe à la création de l’humanité : « au début il y a la
Parole et la Parole a pris corps » nous dit l’Evangile de
Jean.
Le mot « parole » vient de « parabole ». La parabole dans les
mathématiques désigne un trajet qui contourne un objet pour le
saisir et qui le rate. Parler n’enferme pas le vécu. C’est une
représentation, une approche, tout reste à faire. C’est le
manque qui est la source du désir, de la créativité, de la
vie.
La Parole permet de créer, de nommer les êtres et les choses,
les évènements, donner de la signification à partir de son
histoire, de ce que nous vivons en relation avec les autres.
C’est une recherche de sens. « Il n’y a pas de réalité en
dehors d’une théorie qui la nomme » nous dit Einstein.
« A travers chaque parole passe un peu du premier jour qui
crée le monde » Jean Debruynne.
L’écriture des grands récits :
Les grands récits que nous retrouvons dans la Bible, sur des
stèles, dans des manuscrits nous montrent qu’ils sont écrits à
partir de textes antérieurs et à partir d’une tradition orale.
Ce sont des textes vivants qui sont écrits, réécrits, modifiés
selon les contextes. Les Tables de la Loi s’inspirent des
codes antérieurs retrouvés dans les recherches archéologiques.
Les textes des Evangiles ont été écrits de nombreuses années
après la mort de Jésus de Nazareth. Ils ont pour contenu la
tradition orale, les références à la Bible, la relecture à
partir de l’affirmation de la résurrection et le vécu des
premières communautés.
Nous ne sommes pas dans la répétition des textes mais dans la
création de nouveaux récits de vie qui naissent et se
développent dans un contexte social, économique et politique.
Ces différentes réécritures des textes Bibliques se sont
arrêtées à partir du 4ième siècle de notre ère.
Heureusement, de nombreux autres textes et livres sont
apparus. Il est nécessaire de réécrire de nouveaux textes
aujourd’hui dans la continuité et l’actualisation de l’Esprit
des Evangiles.
Nous sommes paroles et actions :
Les valeurs judéo-chrétiennes transmises par les textes, au
cours des siècles s’incarnent dans des actions.
Les religions ont permis la diffusion des valeurs de justice,
de solidarité, de pardon… L’aide aux pauvres…
Dans notre époque de sortie de religion nous constatons que
les valeurs évangéliques qui imprègnent notre société sont
souvent vécues par des personnes engagées dans des groupes,
mouvements, associations qui militent pour plus d’humanité.
De ce fait, vivre nos croyances et nos convictions, c’est
aujourd’hui rejoindre ou être à l’initiative d’actions qui
mobilisent comme l’aide aux exclus, le refus du pouvoir de la
finance, la dénonciation des inégalités, le refus du
traitement inhumain des étrangers…
C’est pourquoi, il me semble qu’aujourd’hui, c’est en
rejoignant les groupes qui militent pour plus d’humanité que
nous pouvons vivre nos croyances et nos convictions.
Nous pouvons rejoindre différents groupes qui ont fait la
preuve de réflexions et d’actions au service de l’humanité :
Amnesty International, l’ACAT, RESF, ATTAC, les Cercles de
silence, la Vie Nouvelle, la pastorale des migrants, la
Cimade, les groupes qui militent pour la protection de la
planète etc…
Signons des appels contre le désarment, pour la recherche de
plus de démocratie dans nos institutions.
Soyons à l’initiative de réflexions et d’actions pour une
recherche de plus d’humanité dans le sens des Evangiles.
C’est rejoindre la vie de Jésus de Nazareth : l’Esprit des
Béatitudes, la rencontre avec la Samaritaine, les foules en
recherche de nourriture, une faim de la Parole et du pain, la
dénonciation des richesses amassées que pour soi-même…
Cette soif du divin s’exprime dans ce désir, cette recherche
de libération intérieure, cette libération en lien avec les
autres.
C’est affirmer Sa Présence vivifiante qui nous anime lorsque
nous sommes réunis en son nom. A travers notre vécu, nos
pratiques. A travers l’humain il y a du divin, de l’infini.
C’est le passage de l’humain au divin, la Pâque. Recherchons
ce qui est ressuscitant et vivifiant dans notre humanité tout
en vivant l’incertitude et le doute qui sont toujours présents
sources du désir et de créativité.
Nous sommes donc renvoyés à nous-mêmes, dans l’absence d’une
parole sûre, finie, dogmatique, à répéter,
mais dans une
parole, des gestes, des vécus des actions toujours à créer, à
renouveler. C’est l’expérience de l’absence, du tombeau vide
qui crée du désir comme un appel à vivre. Le manque-à-être
crée du vivant, des êtres qui disent, vivent et croient.
« Nous cherchons Dieu dans la prière et nous y découvrons
l’absence qui creuse au cœur le goût de l’Autre. L’homme de
désir, dévissé de son prie-Dieu, est libre de travailler à
transformer le monde, non plus pour le réduire à soi-même et
tenter d’en occuper toutes les places, mais pour le rendre à
lui-même en assurant sa place d’homme unique entre les
autres » (Denis Vasse –le temps du désir-).
Nous sommes appelés à vivre des transformations.
Pour créer et inventer le style de vie de Jésus de Nazareth
aujourd’hui, nous avons besoin d’être à l’écoute de l’Esprit
des Evangiles et d’étudier notre contexte social, culturel,
économique… pour inventer un style de vie qui corresponde au
message et au sens donné par les récits fondateurs de nos
croyances.
Jésus de Nazareth a vécu, rencontré des personnes. Il a pris
position par rapport aux différents groupes de son époque. Il
a pris du temps pour la méditation, la prière. Son
enseignement a souvent remis en cause les évidences de
l’époque.
Alors, regardons vers l’avenir, le futur reste à construire.
Espérer dans l’avenir, c’est redonner de l’attente, du désir
pour « réenchanter le présent en y introduisant de l’avenir »
comme nous le dit Jean-Claude Guillebaud (le Goût de
l’avenir).
Chrétiens Aujourd’hui Orléans
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