Simone Davis
(pour utiliser la phrase de Zelda Fitzgerald) est une médiation énergique car nous ne véhiculons
évidemment jamais uniquement les projections des autres (Fitzgerald, 1991, p. 7-196). Nous
pouvons nous engager dans des mimesis, et essayer d'approcher de plus près le travail de
représentation que nous sentons être le nôtre, même inconsciemment, mais nous le faisons en
apportant des complications et des particularités sociales, nos tics personnels, nos ambivalences
et nos désirs. Dans cet article, je me propose d'utiliser cette figure de la femme « véhicule », pour
analyser l'héroïne d'une nouvelle de F Scott et Zelda Fitzgerald. Our Own Movie Queen, sorte
de collaboration entre les époux Fitzgerald, utilise un humour grossier pour mettre une certaine
distance entre l'héroïne et le lecteur, mais ce type de burlesque est aussi limité car il décrit ce qui
peut se passer quand un « véhicule » véritablement insoumis refuse de freiner l'exubérance de
son travail de représentation.
Dans la publicité, le renforcement de l'attrait est réciproque : le produit et le mannequin
s'attirent mutuellement. Il en résulte un monde d'objets érotisés et de femmes « produits ». Pour
parler de ces processus, attachons-nous d'abord à étudier ce passage tiré de Zelda Fitzgerald
dans lequel le personnage de Gay est, tout comme ses vêtements et ses bijoux, « de première
qualité ». « La première chose qui faisait que tu remarquais Gay était cette manière qu'elle avait,
comme si elle se déguisait en elle-même. Tous ses vêtements et ses bijoux étaient tellement beaux
qu'elle les portait "à la surface". Elle pouvait le faire parce qu'elle aussi était d'une qualité
exceptionnelle. Elle avait sans aucun doute la meilleure silhouette de tout New York, sans
laquelle elle n'aurait pu gagner tout cet argent tout simplement en posant sur scène pour donner
de l'importance à deux longueurs de tulle vert. Et ses cheveux avait cette couleur blonde qui
n'est plus une couleur du tout mais une substance faite pour
refléter
la lumière. » (The Original
Follies Girl, p. 293). Elle n'est pourtant pas tout à fait synonyme de ces objets décoratifs. Il faut
se rappeler que « les deux mètres de tulle vert ont besoin du corps de Gay pour leur donner de
l'importance » (Fitzgerald,
1991,
p.
293-297).
Je vais détailler
les
effets de cette réciprocité, mais
attardons-nous pour l'instant sur la fonction vitale exercée par le «véhicule» et voyons
comment sa présence anime les produits qui l'entourent.
La plupart des consommatrices savent qu'une certaine partie de ce pouvoir « véhiculaire »
leur appartient. Elles croient à leur propre insuffisance, une insuffisance (supposée) qui les
pousse à consommer, mais elles savent qu'elles n'ont pas besoin d'être mannequins pour que leur
travail en tant que femmes dans notre culture de consommation ne soit en partie véhiculaire.
Rachel Bowlby a décrit l'expérience d'une femme qui fait du lèche-vitrines et ressent cette
insuffisance quand elle se projette et se voit enrichie par le produit qui se trouve de l'autre côté
de la
vitrine.
La réinterprétation du stade du miroir lacanien dans cette culture de consommation
serait, selon ce modèle, le stade du lèche-vitrines. Cette analogie, parallèle dans un sens à
l'approche de Laura Mulvey qui associe le miroir lacanien et l'écran de cinéma, aurait cependant
besoin d'être approfondie (Bowlby, 1985 ; Mulvey, 1992 ; Culver, 1988). «Je ne suis pas
convaincue, en effet, que seule une sensation de manque remplisse l'espace entre, d'une part,
l'identification qui est projetée sur l'objet et, d'autre part, l'image du corps de la femme qui fait
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